Quels enseignements ?

espositoDés les premières estimations des résultats du scrutin européen en France, donnant un net avantage au Front National divers leaders politiques y sont allés de leur appréciation…

Pour M. FILLON, l’UMP est atteinte dans sa crédibilité.
M. MORIN demande la démission du Président de la République.
M. JUPPE considère que l’UMP doit changer en recréant les bases d’un accord entre droite et centre.
Madame ROYAL analyse le résultat comme un choc à l’échelle du monde ( rien moins !).
Pour le Premier Ministre, « ce scrutin est un choc, un séisme ». Pour lui, « la France doit se réformer. Cela fait trop longtemps, gauche et droite confondues , que l’on évite de traiter les choses en profondeur ».
M. BAYROU, de façon plus simple, déclare que  » les résultats sont la preuve d’une décomposition de la vie politique française ».
Ces diverses approches sont surprenantes dans la mesure où, après nous avoir seriné pendant des semaines que le scrutin concernerait seulement l’Europe, ces braves gens en tirent des conclusions nationales. Fallait-il être naïf pour penser qu’il pouvait en être autrement.
Cela est si vrai d’ailleurs que le Président de la République a décidé de réunir d’urgence une cellule de crise.
Ce n’est donc pas seulement sur l’Europe que les français se sont exprimés ou abstenus. Il faut ouvrir les yeux, c’est bel et bien sur l’état de la France, avec ses problèmes récurrents qui obligent à  » traiter les choses en profondeur », à commencer par la restauration d’une morale politique, car la démocratie est confisquée au profit d’une oligarchie quand près de 20 pour cent des électeurs n’ont que deux représentants à l’Assemblée Nationale, quand les perdants d’une élection ou des traîtres sont recasés au conseil économique social et environnemental ( institution qui ne sert qu’à cela ) ou dans une niche politique peut-être plus juteuse qu’une niche fiscale.
Non, ce n’est pas le Front National qui met le pays en danger, c’est l’autisme et l’aveuglement de ceux qui se partagent le pouvoir depuis des décennies. On les voit, on les revoit, on entend leur promesses, la courbe du chômage va s’infléchir, les impôts ne vont pas augmenter, tout va aller mieux, en 2015, non en 2016 ou plus probablement en 2017. Comment tous ces permanents de la politique ne voient-ils pas que le séisme ce n’est pas tant le score du Front National, c’est le coup de pied que le peuple leur a envoyé au derrière et ce n’est pas le rassemblement d’une certaine droite et du centre qui changera les choses. Nous n’avancerons pas tant que notre représentation nationale sera construite sur une base bipartite, car aucune ne représentera la moitié du pays. Seules des concessions tenant cas des diverses opinions politiques peuvent ramener un peu de sérénité dans le débat public d’où l’agression devrait être bannie.

– par Pierre ESPOSITO
le 25 mai 2014

Pour un Parlement européen plus proche de nous

parlementsDans une période aussi risquée pour l’avenir d’une Europe attaquée à la fois par les populistes et les eurosceptiques, on peut s’interroger sur la faible représentativité de la démocratie européenne et de son Parlement. Elle trouve sa source pour l’essentiel dans un mode de scrutin à la complexité impénétrable qui fait la part belle à la proportionnalité et éloigne les élus dont la base électorale ne connait même plus le nom . Constat déjà fait.

Les conséquences de cette situation  sont nombreuses et vont être aggravées par le rôle accru donné au Parlement dans la nomination de l’exécutif européen. Mais elles se trouvent aussi dans la relation quotidienne du Parlement avec le peuple. Un Parlement dont les délibérations n’intéressent personne et qui n’a que très peu de liens avec les représentations nationales de chacun des pays membres. Les Députés élus sur des listes qui assurent pour les plus grands partis aux premiers d’entre eux, une sinécure confortable et bien rémunérée, vivent paisiblement leur mandature sans avoir de comptes à rendre à personne. Ils peuvent pratiquer un absentéisme qu’ils justifient, pour certains d’entre eux, par leur opposition au système dont cependant ils sollicitent les électeurs pour y contribuer. Aucune sanction, aucun contrôle ou si peu et la certitude de repasser la fois suivante. On s’étonne ensuite du peu d’intérêt que suscitent à la fois les élections européennes, le Parlement européen et plus généralement l’Europe, ce repoussoir pratique et la cible idéale de toutes les démagogies.

Il y aurait pourtant une solution fort simple pour mettre un terme à ce défaut majeur de représentation qui entraîne l’ Europe à sa perte. Elle consisterait à constituer le Parlement européen à partir des représentations nationales en définissant un statut unique de Député qu’il soit national ou européen. Notre Assemblée Nationale compte 577 députés. Un nombre considérable pour ne pas dire ridiculement élevé. Notre représentation au Parlement européen est forte de 74 parlementaires pour un total de 751. Il ne parait donc pas particulièrement inconcevable ni dangereusement aventureux de prélever ces 74 sièges sur nos 577 représentants élus au suffrage universel direct. Le mécanisme de désignation des députés européens procéderait ainsi d’une élection ou d’une nomination par les groupes politiques selon une règle cette fois proportionnelle aux nombre d’élus de chaque groupe, afin de garantir la parfaite représentativité du Parlement national auprès du Parlement européen. On pourrait y associer également des règles de représentation régionales, pourquoi pas. Bien entendu, une fois devenu député européen, le député perdrait son droit de vote dans le parlement national pour la durée de son mandat qui serait soumis à nouveau au suffrage universel lors de la législature suivante

Le Parlement européen se trouverait ainsi régulièrement renouvelé au fil des élections nationales ce qui garantirait sa transparence et sa fluidité démocratique. Le filtrage des élections nationales permettrait d’ éviter le syndrome du bouc émissaire dont se voit le plus souvent affubler la démocratie européenne et ramènerait à de plus justes proportions la représentation des partis populistes et autres démagogues opportunistes, supprimant par la même occasion les effets d’un vote sanction. En conséquence, certaines circonscriptions seraient représentées non plus par un député national mais par un député européen , proche de ses électeurs et qui saurait leur expliquer à la fois son rôle et le détail de son activité de « super-député ».

Cerise sur le gâteau, cette construction aurait le mérite d’être économique et de supprimer le coût de 74 députés européens et par la même occasion les revenus d’un certain nombre de « has been » recasés par le système dans un confortable anonymat dès la campagne terminée. On s’étonne que ce ne soit pas déjà fait.

Elections européennes, connaissons les élus.

 

imagesNous sommes en effet dans la dernière ligne droite avant le 25 mai 2014, date des élections européennes. Peu d’entre nous peuvent se vanter de connaître les dix eurodéputés sortants élus dans la circonscription interrégionale du Sud Ouest. Ce n’est pas pour autant que depuis 2009, ils sont restés inactifs.

 L’hebdomadaire « Challenge » dans son numéro 389 du 15 au 21 mai 2014 a eu l’excellente idée non seulement de dresser la liste des 74 eurodéputés représentant la France mais encore de les classer selon leur travail. C’est l’occasion, au moins pour  ce qui concerne notre Sud-Ouest, d’en connaître la liste et la coloration politique de ses dix représentants au parlement européen.

 –        José BOVE – 60 ans – Verts/ALE – classé 5/74

–        François CASTEX – 58 ans – S&D – classée 12/74

–        Catherine GRÈZE – 54 ans – Verts/ALE – classée 13/74

–        Robert ROCHEFORT – 58 ans – ALDE – classé 15/74

–        Alain LAMASSOURE – 70 ans – PPE – classé 24/74

–        Marie-Thérèse SANCHEZ-SCHMID – 56 ans – PPE – classée 38/74

–        Christine de VEYRAC – 54 ans – PPE – classée 47/74

–        Franck PROUST – 51 ans – PPE – classé 49/74

–        Jean-Luc MELENCHON – 62 ans – GUE/NGL – classé 60/74

–        Eric ANDRIEU – 54 ans – S&D – classé 67/74

Pour comprendre l’appartenance aux partis politiques, il faut savoir que  le PPE (parti populaire européen) représente l’UMP – S&D représente le parti socialiste – l’UDI-MoDem est représenté par l’ALDE (Alliance des libéraux et des démocrates).

 Ce classement comme l’explique la publication tient compte d’un certain nombre de données telles que assiduité, déclarations, résolutions, rapports, amendements, avis, questions et influence.

 Rappelons que certains partis que les sondages actuels donnent gagnants, ont des représentants qui se classent en fin de tableau. La France enverra-t-elle au parlement européen des élus qui se sont prononcés sans ambiguïté contre l’Europe ?

 L’enjeu est important et ne doit pas être ignoré des électeurs français. L’existence d’une Europe qui est encore en devenir en dépend.

 

                                                                                               Pau, le 19 mai 2014

                                                                                               Par Joël BRAUD

Elections européennes : Enfin, votre voix va compter !

elections-europeennes-2014Le traité de Lisbonne, entré en vigueur en 2009, va enfin rendre le fonctionnement de l’Europe plus conforme aux « canons démocratiques » auxquels les citoyens européens sont habitués. Si le successeur du Président de la Commission Européenne, José Manuel Barroso, va, dans un premier temps et comme auparavant, être sélectionné par les chefs d’Etats et de Gouvernement de l’UE, ces derniers devront le proposer ensuite au Parlement Européen qui votera pour entériner ce choix.

Il faudra alors au candidat obtenir la majorité des voix du Parlement pour être définitivement élu à la tête de la Commission. Si le candidat est rejeté par le Parlement, les chefs d’Etats et de Gouvernement de l’UE devront lui en proposer un autre.

Le prochain Président de la Commission devra donc représenter la majorité parlementaire qui siègera à Strasbourg. Entériné, il deviendra redevable face aux députés européens que nous allons élire le 25 mai. Voilà une avancée importante dans la démocratisation de l’institution européenne.

Si auparavant, les Français allaient voter aux élections européennes pour les listes PS, UMP, MoDem, FN etc. sans que cela n’ait de conséquence sur le choix du Président, cette année l’électeur, doit savoir que sa voix permettra d’élire le prochain patron de la commission. Au-delà des listes présentées par les partis, les candidats à la présidence, correspondant à celles-ci, sont déjà connus et ont commencé à débattre dans les medias européens.

L’électeur européen va donc pouvoir dépasser les notions d’étiquettes nationales, et faire un choix concret pour un candidat et son programme. Son vote devient utile.

La construction européenne avance à une lenteur « dramatique » mais elle avance. Souhaitons que cette élection n’arrive pas trop tard et permette à l’institution européenne le rebond que de nombreux européens attendent avec impatience.

Un regret toutefois, nous sommes à un mois de l’élection et le débat ne fait que commencer. A quoi joue-t-on ?

– par Bernard Boutin

PS : Plus sur les candidats Jean-Claude Juncker, Martin Schulz, Guy Verhofstadt, Ska Keller et Alexis Tsipras sur le Point.

Les rentiers de Bruxelles

 europe drapeauxLes premiers députés européens viennent d’être élus, les médias en parlent peu, les citoyens ne le savent même pas. Et ainsi on voudrait que l’esprit d’Europe pénètre dans nos campagnes ?

Le grand cirque politicien fonctionne à plein depuis plusieurs mois et la démocratie y est bafouée.

Des politiciens professionnels se sont distribué les meilleures rentes qui vaillent : les postes de députés européens, et ceci sans que le moindre citoyen ait voté.

Les gros partis auront deux ou trois élus par région, et la lutte est dure, très dure pour obtenir ces deux premières places qui vous envoient directement à Bruxelles synonyme de rente superbe.

Ainsi va la vie de notre démocratie.

Les réflexions d’une député PS qui ne sera pas reconduite: « Je ne peux pas passer mon temps dans les couloirs de Solférino à plaider ma cause, mais je le paie au final et pourtant à aucun moment je pense que ma place, mon travail était ailleurs qu’au Parlement européen. C’est ce qu’il faut dénoncer. Quand je vois qu’à l’UMP, on hésite entre Alain Lamassoure et Michèle Alliot-Marie, je ne comprends pas. Je ne comprends même pas qu’on puisse se poser la question d’hésiter sur la tête de liste entre Michel Barnier et Rachida Dati. On est la risée de nos collègues européens. »

Ou celle de notre incontestable représentant local : «On recase les battus, on récompense les fidélités, on met à l’abri certains», résume l’eurodéputé UMP Alain Lamassoure.

Et oui, ce sera Michèle Alliot Marie (résidant à Paris) qui sera tête de liste dans notre Grand Sud-Ouest, pour une retraite dorée à Strasbourg, alors qu’avec ses 68 printemps, ses 6 mandats de député et ses 4 postes de ministre elle n’a plus rien à faire dans la vie politique. Place aux jeunes !

Et Alain Lamassoure (résidant sur la Côte Basque) qui ira mener une liste en région parisienne ! Ben voyons !

Le PS bat aussi des records de ridicule.

L’inénarrable Harlem Désir, jamais élu nulle part, surtout pas à la tête du PS, continuera à toucher sa rente de pote à Bruxelles comme tête de liste en région parisienne ! SOS démocratie !

De même pour Vincent Peillon dans le Sud-Est, qui démissionnera sitôt élu pour rester ministre…

Catherine Trautman, incontestable en Europe et plébiscitée par 90% des militants cédera la tête de liste à Edouard Martin ce syndicaliste CFDT de Florange pour service rendu …

Et dans notre Sud-Ouest, réservé par un accord inter-parti à un PRG, ce sera Virginie Rozière, Directrice adjointe au cabinet de Sylvia Pinel au Ministère de l’artisanat du Commerce et du Tourisme.

Vous ne connaissez pas ?

C’est pas grave, et de toute façon vous ne saurez jamais qu’elle est au parlement européen.

D’ailleurs connaissez-vous vos « représentants » à Bruxelles aujourd’hui ?

Et vous voudriez que l’Europe motive les électeurs français ?

Finalement, et bien que ce soit dramatique pour l’Europe, c’est peut être le vote blanc qu’il faut soutenir pour bien montrer à nos professionnels de la politique que les citoyens ne sont pas dupes.

Les élections de listes sont une injure à la démocratie, elles jouent un rôle majeur dans le désintérêt des électeurs pour l’Europe (« Les fantômes de Bruxelles » AP  18/10/2013), mais ne comptez pas sur les partis, tous les partis,  pour s’en offusquer, c’est du pain bénit.

Quand les citoyens s’éveilleront…

– par Daniel Sango

Alain Lamassoure : Prenons le pouvoir en Europe !

hemicycle-parlement-europeenLe rejet de l’Europe constaté, sur AltPy, par Jean Lassalle et Axel Kahn; les sondages qui placent en tête des prochaines élections européennes le Front National, un parti ouvertement contre l’Europe bruxelloise actuelle; autant d’éléments qui mettent de plus en plus la « problématique Europe » au cœur du débat national.

Pau a vu naître Alain Lamassoure, un « pro-européen notoire » depuis bien longtemps. En 1993, il était déjà nommé Ministre des Affaires européennes du gouvernement Édouard Balladur. Depuis, l’Europe a toujours été au cœur de son action politique. Aujourd’hui, le député européen a une fonction clef délicate : la Présidence de la commission des Budgets au Parlement Européen de Strasbourg.

Très accessible, et AltPy l’en remercie, Alain Lamassoure, s’est prêté, à nouveau, au jeu de nos questions. Une occasion salutaire pour prendre un peu de recul et découvrir, entre autres, que dès 2014, l’Europe se dotera enfin du premier « Président de la Commission européenne » démocratiquement élu. Sera-ce suffisant pour faire reculer les eurosceptiques?

AltPy – Une enquête d’opinion donne le Front National en tête des intentions de vote pour les prochaines élections européennes. Comment en est-on arrivé à ce niveau de rejet de l’Europe par les Français ?
Alain Lamassoure – Ne mélangeons pas tout ! L’Europe a-t-elle quelque chose à voir avec la législative du Lot-et-Garonne pour la succession de Cahuzac, ou avec la cantonale de Brignoles ? J’observe que la montée de l’extrême droite dans les sondages s’accompagne d’une baisse de l’extrême-gauche, tout aussi anti-européenne. On l’oublie, mais il y a toujours eu en France un gros tiers de citoyens hostiles ou réticents au progrès de la construction européenne.
Cela dit, le sentiment à l’égard de l’Europe souffre de deux phénomènes. L’un est conjoncturel : c’est la crise, et la récession. Selon les mêmes sondages, le Président de la République que les Français ont plébiscité il y a dix-huit mois est aujourd’hui encore plus impopulaire que l’Europe. L’autre est plus profond : tant que l’Europe ne s’incarne pas dans une personnalité élue, tant qu’elle reste sans visage, elle est le bouc émissaire naturel de tout ce qui va mal. Tous les dirigeants nationaux usent et abusent du procédé. Hélas, ça marche.

N’est-ce pas tout simplement une Europe plus protectrice, plus maternelle, moins libérale que demandent les Français ?
C’est ce que beaucoup, dans tous les camps, voudraient leur faire croire. Eh bien oui, les Français ont besoin de protection : nous avons besoin de nous protéger contre nous-mêmes, et contre nos lois archaïques sur les 35 heures, la retraite à 60 ans, l’émiettement en 36 000 communes, là où tous nos 27 partenaires additionnés n’en ont que 59 000, les trente ans de trou de la Sécu, là où les Allemands dégagent des milliards d’excédents. Rien de tout cela ne dépend de l’Europe ! Des Français insuffisamment maternés ? Les dépenses publiques représentent 57% de la richesse produite, 10 points de plus que chez tous nos partenaires : est-ce vraiment d’une nounou de plus que nous manquons ? Quel programme ambitieux pour des partis qui se réclament de la grandeur passée de la France ! Trop libérale, l’Europe ? Ceux qui l’en accusent sont les mêmes qui tempêtent contre les excès de réglementation de « Bruxelles ».
Ce que je constate en rencontrant chaque semaine des dizaines de nos compatriotes, notamment dans le sud-ouest, est très différent. Les nombreuses crises des dernières années inquiètent les Français, mais elles leur ont aussi beaucoup appris : quand toute l’activité financière mondiale est paralysée, quand la faillite de nos partenaires du sud de l’Europe nous fait basculer dans la récession, quand la guerre civile syrienne menace de faire flamber tout le Moyen-Orient, quand des milliers de désespérés partent en radeau vers nos côtes, aucun de ces problèmes n’a plus de solution seulement nationale. Il faut y trouver ensemble une solution européenne. Globalement, nos compatriotes ne sont pas plus eurosceptiques : ils sont plus exigeants à l’égard de l’Europe, ils en attendent beaucoup plus et beaucoup mieux. Et ils ont raison !

Les Européens trouvent l’organisation politique de l’Union Européenne bien éloignée d’eux. Les prochaines élections européennes vont-elles permettre de changer suffisamment la donne ?
Ils ont raison. On a institué un vrai pouvoir politique européen. Ses compétences sont considérables, mais les citoyens ne voient pas comment ils peuvent influencer les décisions, et ils ne comprennent même pas comment elles sont prises. La très bonne nouvelle, c’est que les nouvelles règles, celles du traité de Lisbonne, vont s’appliquer pour la première fois au Parlement qui sera élu le 25 mai prochain. Jusqu’à ce traité, le Parlement avait un pouvoir d’avis plus que de décision. Non seulement le Parlement prochain aura le plein pouvoir législatif, comme l’Assemblée Nationale en France, mais c’est lui qui élira le Président de la Commission européenne. Jusqu’à présent, ce chef de l’exécutif européen était nommé comme un haut fonctionnaire international. Il sera désormais élu par le Parlement, et comme les partis politiques européens s’organisent pour annoncer leur candidat respectif à l’avance, le chef de l’exécutif européen sera élu en fait par les citoyens à travers le Parlement – exactement comme nous élisons les maires, ou comme nos voisins élisent leur Premier Ministre. Cela change tout : les télévisions organiseront des débats entre les grands candidats, et les électeurs choisiront « Monsieur » ou « Madame » Europe au vu de la personnalité et du programme. Les citoyens prendront le pouvoir en Europe, comme ils l’ont dans leur ville et dans leur pays.

Après tant et tant d’années au service de l’Europe, n’éprouvez-vous pas un sentiment d’échec ou d’amertume ?
Échec, sûrement pas ! Les immenses difficultés actuelles ne doivent pas faire oublier le chemin parcouru. Le miracle de la réconciliation entre les ennemis héréditaires est acquis et irréversible. D’illustres prix Nobel avaient démontré que des pays différents ne pouvaient pas avoir la même monnaie : l’euro a résisté aux pires spéculations financières et monétaires de l’histoire, nous sauvant ainsi d’une guerre monétaire fratricide, dont les conséquences auraient été apocalyptiques. Ce sont les Européens qui ont arraché aux Américains la création de l’Organisation mondiale du Commerce, du Tribunal pénal international, du G20, et qui sont à la pointe de la lutte contre le changement climatique. Le budget européen de la recherche a permis à notre industrie aérospatiale de devenir la plus compétitive du monde et le Feder finance, chaque année, plus de mille projets en Aquitaine ! Ce qui reste à faire est énorme, mais les réussites passées sont le meilleur encouragement.
Amertume, oui. Faire le choix du chantier européen, c’est se condamner à l’exil vis-à-vis de toute la classe politique et des médias nationaux. Un grand nombre des décisions majeures pour notre avenir national se prennent désormais à Bruxelles, mais l’Europe est absente des grands débats électoraux, toute notre vie politique est orientée vers le seul débat franco-français, et ceux qui sont au cœur du dispositif communautaire, sont marginalisés dans leur propre pays. Nos grands partis n’ont pas mis à jour leur logiciel européen. Leurs dirigeants continuent de poser les problèmes européens comme il y a dix ans. En dix ans, l’Europe a changé de siècle. Les Français le sentent, mais ceux qui pourraient l’expliquer et en débattre sont hors du champ des caméras.

Avez-vous un sujet supplémentaire que vous aimeriez aborder ?
A ceux qui disent «Il faut changer d’Europe ! », j’ai envie de dire « il faut changer notre regard sur l’Europe ! » J’ajoute : et s’en servir autrement !
Ne perdons pas notre temps à changer à nouveau les traités : à 28 pays, il faudra dix ans pour aboutir, alors que le traité de Lisbonne nous permet désormais de faire tout ce que nous voulons ensemble, y compris à quelques-uns si les autres ne veulent pas suivre tout de suite. C’est pourquoi, la vraie question n’est plus de savoir s’il faut plus ou moins d’Europe, mais : que voulons-nous faire ensemble, quels sujets traitons-nous ensemble pour être plus efficaces ? L’union politique de l’Europe en paix est aussi incontournable et évidente que le sont les communautés de communes ou d’agglomération au niveau local, et pour la même raison : l’espace pertinent pour traiter certains problèmes majeurs ne correspond plus aux structures anciennes. Les transports publics, le traitement des déchets et des eaux usées, l’aménagement des zones d’activité, désormais, c’est au niveau de l’agglomération que les décisions se prennent, et non plus à celui de la commune. De même, sur des sujets aussi différents que les normes sanitaires, techniques, et environnementales, sur les règles de la concurrence, sur la politique de l’énergie, l’immigration, la défense, les orientations premières doivent être arrêtées ensemble, au niveau européen. Sur les sciences et les technologies du futur, dont dépend toute notre compétitivité, diviser par 28 nos budgets de la recherche est une aberration absolue. L’Europe ne s’use que tant qu’on ne s’en sert pas ! Prenons le pouvoir en Europe !

– propos recueillis par Bernard Boutin