Que ce soient les Derviches, la tête, la terre, le lait ou la mayonnaise, nous vivons dans un monde en activité cyclique permanente.
Le contact avec l’actualité nationale ou internationale, dans tous les domaines, peut laisser penser que certaines réflexions ou idées sont hors d’intérêt dans la hiérarchie des urgences. C’est sans doute le cas, pour beaucoup de citoyens, quand on aborde la comparaison entre l’économie linéaire et l’économie circulaire. Pourtant, en voyant plus loin que le bas de sa porte, la cause de tous les problèmes que le monde rencontre y a ses racines principales, y compris nos impôts, les effectifs des collectivités territoriales, la dépense publique, la montée du F.N….. Il est intéressant de revenir sur le sujet pour forger les bonnes « armes des citoyens » !
Du fait de la perception de notre propre vie, il y a un début et une fin; il nous est donc difficile de concevoir autre chose qu’un raisonnement linéaire.
Le contact avec les autres et avec les machines objectives, que ce soit dans le domaine biologique, scientifique, culturel, spirituel (hindouisme), nous amène à revoir notre copie et à prendre au sérieux, par intérêt pressant, l’existence d’un monde qui tourne.
Dernièrement donc , Hélène Lafon nous a fait part du colloque de la CCI de Tarbes et des Hautes-Pyrénées.
Il est particulièrement réjouissant que le milieu du commerce et de l’industrie, au moins celui de Tarbes, réfléchisse sur l’opportunité de faire sa « révolution » culturelle et technologique.
Le colloque a porté sur un modèle formalisé en 2002 par l’Allemand Michael Braungart et l’Américain William McDonough dans : «Du berceau au berceau».
Il a fallu attendre 2009 pour que la théorie soit médiatisée en langue française dans : «Economie circulaire : «L’urgence écologique» par Jean-Claude Lévy.
En 2007, la navigatrice Ellen MacArthur créait une fondation ayant pour objectif d’inciter le public et les entreprises à repenser, concevoir et construire un avenir durable en s’appuyant sur le concept d’économie circulaire.
La percée, dans le milieu économique et médiatique, de l’idée du recyclage, connue et constatée dans le milieu naturel, depuis des décennies, par les écologues, puis repris par les écologistes, est donc toute récente.
Tout vient à point qui sait attendre ;
hélas, il a fallu attendre longtemps et le temps presse !
Comme nous le rappelle H.Lafon :
«L’économie circulaire est un modèle fondé sur l’observation du fonctionnement des écosystèmes naturels dans lesquels tout est nutriment. La nature recycle tout ! L’économie circulaire tend vers ce même but. Les déchets ne sont plus déchets mais ressources pour produire à nouveau.»
L’idée est donc de considérer qu’il existe des «nutriments» techniques qui doivent suivre la même évolution que les nutriments biologiques.
Contrairement au système linéaire qui externalise les déchets par incinération ou enfouissement, le système circulaire est inclusif : la production s’inscrit dans un cycle où le produit en fin de vie devient matière première pour la production d’un autre produit. Les déchets ultimes sont recyclés et le système est totalement pérenne.
Pour y parvenir il faudrait réaliser le schéma suivant:
Actuellement :
> Si, dans certains cas, la ressource obtenue peut être la même que celle extraite, qualitativement et quantitativement, dans la réalité elle est bien différente et très inférieure, même en triant et en valorisant. Le schéma n’est donc pas circulaire mais une spirale rentrante, il faut compenser par de nouvelles extractions, en moins grande quantité sans doute, mais non conformes au projet.
Quand on prend conscience, par exemple, de la quantité vertigineuse de combustible fossile : lignite, charbon, pétrole, bitume, gaz conventionnel et de schiste,..brûlés et utilisés dans l’industrie, les transports, les différentes activités de recyclage et de valorisation, que reste-t-il comme déchets valorisables ? De l’eau, du CO2, des oxydes d’azote…? Ils sont dispersés dans l’atmosphère : non récupérés ni récupérables, non valorisés ni valorisables ! On n’est pas revenu au point de départ !
> Cette économie circulaire a une dynamique, comme celle des écosystèmes biologiques, elle a donc besoin d’énergie pour tourner. Il convient donc de concevoir aussi une énergie recyclable !
>> Les écosystèmes biologiques captent, à l’origine, de l’énergie solaire par l’intermédiaire de capteurs chlorophylliens contenus dans les feuilles vertes des plantes.
Cette extraction s’accompagne de prélèvement de CO2, de rejet d’oxygène et d’eau, de synthèse organique ; l’oxygène assure la vie animale.
C’est cette énergie potentielle séquestrée au départ qui sera progressivement distillée et utilisée tout au long du fonctionnement des écosystèmes ; il ne restera que la matière initiale : eau, CO2, sels minéraux, du départ; elle servira à reconstituer les «centrales» chlorophylliennes de production. L’économie est circulaire.
Pour être exhaustif, une autre vie, dans les grands fonds marins, utilisent la géothermie des émanations des sources hydrothermales sous-marines, d’origine volcanique mais le résultat est le même.
>> Notre économie ne prélève pas à l’origine l’énergie solaire.
Elle ne prélève pas du CO2, elle en rejette au contraire, elle ne rejette pas d’oxygène, elle en consomme. Elle ne permet pas la vie animale, elle la détruit.
Elle utilise en grande quantité une réserve fossile, qu’elle épuise donc. La quantité est telle que le CO2 rejeté, pendant les différentes activités, dans l’atmosphère, sature les puits de carbone naturels (végétation d’ailleurs en diminution et océans qui s’acidifient), le reste augmentant l’effet de serre. Le bilan est une baisse de l’oxygénation, une hausse moyenne de la température, un déséquilibre permanent de cette économie et finalement une impossibilité de «refermer» le cercle !
>> Une autre différence importante réside dans le comportement des acteurs aux différents niveaux.
- Dans l’économie humaine la gestion est compétitive.
- Dans l’économie naturelle elle est de type associatif à bénéfice réciproque (symbiose) ; non pas voulue ou choisie, mais imposée par la sélection naturelle, par nécessité de survie. En économie humaine, on pourrait appeler cela : »économie globalement solidaire ».
C’est une différence capitale pour obtenir une efficacité maximale et des pertes minimales.
En conclusion, l’économie vraiment circulaire ne sera possible que le jour où :
- On laissera le lieu aussi propre en sortant qu’on l’a trouvé en entrant, c’est-à-dire avec les mêmes ressources, en quantité et qualité, après le recyclage, qu’avant, au moment de l’extraction.
- On recyclera l’énergie en utilisant uniquement des énergies renouvelables.
- Pour stimuler la «vertu», on favorisera, comme dans beaucoup de pays, européens entre autres, le développement des écotaxes et l’augmentation des coûts de l’énergie et des matières premières.
En bref, le passage de l’économie linéaire à circulaire n’est pas limitée, loin de là, à un changement de conception économique mais à un changement de conception de notre vie en général !
Pour finir sur une note humoristique, je citerai les propos de notre ministre de l’agriculture Stéphane Le Foll, certains ne les connaissent peut-être pas :
«Avec Michel Sapin, on a vérifié : les vers de terre ont fait une conférence sociale il y a plusieurs millions d’années ; ils sont d’accord pour travailler gratuitement. Le Medef, on a vérifié aussi, n’était pas là, donc pas de durée légale, pas de cotisation sociale, pas d’heures supplémentaires : çà travaille tout le temps ! Moi, tous les jours, quand j’en vois un, je lui dis «salut et merci, camarade !».
Un bel exemple d’économie solidaire.
Il a tout compris mais, prisonnier du système, il ne peut malheureusement rien faire !
– par Georges Vallet
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