Impôt inique

Au gré de mes lectures dominicales, je suis tombé sur un texte intitulé « Taxe d’habitation »* dans le journal Sud Ouest Dimanche du 6 août 2017. Il figure à la page 4 dans la rubrique : « Courrier des lecteurs ». Parce que son contenu présente comme principale caractéristique d’avoir été écrit par un ancien directeur des services fiscaux (Daniel Louis, Bordeaux) d’une part et d’autre part de correspondre à ce que l’on pourrait appeler mon principal cheval** de bataille, je ne résiste pas au plaisir d’y ajouter quelques réflexions personnelles.

Cet auteur, qu’on ne pourra pas suspecter de s’exprimer dans un domaine qu’il ne connaît pas, n’hésite pas à qualifier cet impôt de plus injuste et de plus inique qu’il soit. Et pour appuyer son affirmation, il compare Lille à La Madeleine, à Paris et à Bordeaux. Selon ses lieux d’habitation, cette taxe pouvait aller du simple au double.

Ensuite, il la qualifie d’archaïque puisque ses bases datent de 1970. Une réforme ou révision, selon ce que l’on veut, avait bien été envisagée dès cette année là, mais les élus locaux s’y sont fermement opposés. Maintenant, et c’est tant pis pour eux, il leur faudra bien accepter sa suppression.

Alors il est permis de s’interroger. La décentralisation n’a-t-elle pas donné trop de pouvoir aux élus locaux en leur permettant de fixer le taux des taxes locales? Le moment ne serait-il pas venu d’obliger à une harmonisation de ces impôts ? En même temps qu’il supprime la taxe d’habitation, le pouvoir central n’aurait-il pas toute latitude pour mettre en place une réforme visant à une totale égalité entre les villes ? Il faudra que les élus locaux prennent au sérieux cette perspective et s’attachent à envisager de maîtriser les dépenses.

Sur quels chapitres les collectivités territoriales devraient-elles faire porter ces économies ? Les frais de fonctionnement, difficile car ce serait réduire des emplois, inutiles certes, de plus la démarche serait loin d’être électoraliste. La sécurité par la suppression des polices municipales dont l’indispensable existence n’est pas prouvée. On rétorquera que sans elles ce serait bien pire. Formule facile car impossible à démontrer. Et puis auprès d’une certaine catégorie d’électeurs, cela reste porteur. Alors diminuer les investissements. Il ne reste guère que cette solution même si certains affirment que 73% de ceux-ci sont payés par les collectivités territoriales. Là encore il faudrait démontrer que les sommes prélevées sur les particuliers ne seraient pas mieux dépensées par eux. Donnez-moi votre pognon, je le dépenserai mieux que vous.

Les élus locaux ont cette facilité de considérer que lorsqu’ils ne disposent pas d’un budget suffisant pour financer leurs projets, il leur suffit d’augmenter les prélèvements obligatoires. Les particuliers sont bien contraints, eux, de s’organisent autrement ; ils ne dépensent qu’en fonction de leurs ressources. Il faudra bien sortir de cette logique surtout maintenant que l’État vient de décider d’une nouvelle diminution des dotations de 300 millions d’euros.

On verra bien ce qui va se passer. Il reste que ce courrier d’un lecteur avisé me conforte dans mes convictions.

 

Pau, le 9 août 2017
Joël Braud

 

Crédit image : blogs.lexpress.fr

* « Ancien directeur des services fiscaux à Digne, Lille puis Bordeaux (trente ans d’expérience), je pense en toute objectivité, que la taxe d’habitation est l’impôt le plus injuste et le plus inique. A Lille, où j’habitais, la taxe d’habitation était quasiment le double de celle de La Madeleine, 500 mètres plus loin. En comparaison avec Paris où j’ai également habité, de 1987 à 1992, c’était la moitié de La Madeleine ! Bordeaux est la ville où la taxe d’habitation est une des plus lourdes, sinon la plus lourde, des grandes villes du pays. A titre indicatif, je paie plus de 4 000 euros pour le même logement à Bordeaux, alors que je paierais 2 000 euros pour le même logement à Paris. Je ne me plains pas, car je ne suis pas à plaindre. Toutefois, dans un souci d’équité, je peux déplorer l’injustice des bases fiscale locales. Archaïques, telles sont les bases de cette taxe, car elles datent de 1970. Leur révision préparée en 1970 a échoué à cause des élus qui n’ont pas eu le courage de coller au réel des valeurs locatives. Celle-ci qui relevait du bon sens est devenue « une patate chaude » pour tous les gouvernements successifs, de droite comme de gauche. Le cri de vieux élus locaux est pitoyable : ils n’ont pas voulu la réforme de la taxe d’habitation et maintenant, ils doivent en accepter la suppression. »

Daniel Louis, Bordeaux (33)

** Au risque de vous saturer voici les autres articles que j’ai écrits sur le même sujet :

– Ras-le-bol fiscal – 22 mars 2014
– Impau de pôt : 27 novembre 2014
– Taxe d’habitation : 5 novembre 2015

-Réforme de la taxe d’habitation 19 juillet 2017

Réforme de la taxe d’habitation

Nous, Palois, sommes particulièrement attentifs à une réforme qui se profile, celle de la taxe d’habitation. Nous appartenons à ces villes les plus lourdement ponctionnées au titre de ce prélèvement. Alors pouvons-nous raisonnablement espérer un soulagement ?

Le Président de la République s’est engagé et donne l’image d’une détermination sans faille à ce propos. Mais lorsqu’il dit que 80% seront prochainement exonérés de la totalité de cette taxe, nous vient immédiatement une question : Est-ce que j’appartiens à ces 80% ? Il y aura, c’est certain, beaucoup de déceptions. En réalité cette exonération sera fonction du revenu de chacun. Il faudra que celui-ci soit à peu près du niveau du SMIC pour appartenir à ces fameux 80%. Une réforme en trompe-l’œil en quelque sorte.

L’actualité – la conférence des territoires sur la refonte de la fiscalité locale qui a eu lieu le 17 juillet 2017 – nous apprend que les élus locaux sont vent debout face à ce projet. On leur demande de réaliser non plus 10 milliards, mais 13 milliards d’euros d’économies. Ils se disent étranglés. Rappelons simplement que la France est le seul pays européen où l’on paie à la fois une taxe foncière et une taxe d’habitation. Rappelons également que cette réforme privera les élus locaux de ce pouvoir de décider, à leur niveau, du montant de ces prélèvements. Une perte d’autonomie certes (article 72-2 de la Constitution*) mais qui ira dans le sens d’une égalité de tous devant ces prélèvements obligatoires. Lorsque l’on compare les taux pratiqués, il est bien difficile de trouver une justification à ces différences. Ils varient en effet du simple au triple.

Sont-ils aussi étranglés qu’ils le prétendent ? Il faudrait leur mettre sous le nez ces rapports des cours régionales des comptes qui listent, de manière non exhaustive d’ailleurs, toutes ces dépenses inutiles qu’entreprennent certaines collectivités locales dans le seul but de satisfaire à la gloire des élus. Tous les investissements effectués à Pau correspondent-ils à un besoin en considération de l’intérêt général ? La démonstration d’un clientélisme dans certains cas. Rappelons aussi que des économies de personnel auraient dû être réalisées par le regroupement des communes. Cela s’appelle la mutualisation des moyens. Il n’en a rien été, au contraire ces emplois ont progressé dans des conditions bien supérieures à ce que nécessitaient les transferts de charges de l’État central vers ces collectivités locales.

Alors il faut entreprendre une réforme de cette fiscalité locale. Tout le monde est d’accord pour considérer que la taxe d’habitation est obsolète et calculée sur des bases qui doivent être modifiées. Pourquoi ne revient-il pas à l’État central de fixer de manière autoritaire le taux de la taxe d’habitation ? Ce serait une harmonisation et ce ne serait que justice. Ce n’est pas la première fois qu’une telle réforme est envisagée et s’inscrit dans le programme des candidats à la présidentielle, mais personne ne la réalise face au tollé des élus locaux. Ils sont puissants surtout en cette période où s’ouvre la campagne pour les sénatoriales. Ce sont eux les grands électeurs.

Il faut craindre que les élus locaux aient, à terme, raison de la détermination affichée du Président de la République. Ces projets de réformes seront reportés à plus tard, cela s’appelle la procrastination.

Pau, le 19 juillet 2017
Joël Braud

Crédit photo : 20minutes.fr

*Article 72-2

Créé par Loi constitutionnelle n°2003-276 du 28 mars 2003 – art. 7

Les collectivités territoriales bénéficient de ressources dont elles peuvent disposer librement dans les conditions fixées par la loi.

Elles peuvent recevoir tout ou partie du produit des impositions de toutes natures. La loi peut les autoriser à en fixer l’assiette et le taux dans les limites qu’elle détermine.

Les recettes fiscales et les autres ressources propres des collectivités territoriales représentent, pour chaque catégorie de collectivités, une part déterminante de l’ensemble de leurs ressources. La loi organique fixe les conditions dans lesquelles cette règle est mise en oeuvre.

Tout transfert de compétences entre l’Etat et les collectivités territoriales s’accompagne de l’attribution de ressources équivalentes à celles qui étaient consacrées à leur exercice. Toute création ou extension de compétences ayant pour conséquence d’augmenter les dépenses des collectivités territoriales est accompagnée de ressources déterminées par la loi.

La loi prévoit des dispositifs de péréquation destinés à favoriser l’égalité entre les collectivités territoriales.

Les quarts de solde

Comme au plan national, notre département des Pyrénées Atlantiques a connu une forte abstention pour ce second tour des élections législatives. Plus de la moitié des électeurs ne s’est pas déplacée. Cela a eu pour conséquences de donner une image inhabituelle à ces élus. Quelques réflexions.

Tout d’abord il faut observer que les élus n’ont récolté qu’une faible partie des voix des électeurs, inscrits ainsi :

Dans la première circonscription, Josy Poueyto a recueilli 22,44% des voix ;

Dans la deuxième, Jean-Paul Mattei a recueilli  25,63 % des voix ;

Dans la troisième, David Habib : 25,72 % ;

Dans la quatrième:Jean Lassalle : 24,68 ;

Dans la cinquième : Florence Lasserre-David : 22,67 % ;

Dans la sixième : Vincent Bru : 23,12%.

Autrement dit à part deux candidats qui ont obtenu plus du quart des voix des inscrits, les autres n’atteignent même pas les 25 %. Pas de quoi pavoiser. Il devront désormais nous la jouer modeste et surtout éviter tout triomphalisme. Ces résultats ne sont en effet pas glorieux.

Reste que le taux d’abstention, jusqu’alors inégalé, trouve difficilement une explication. A Alternatives Pyrénées, nous avons proposé un sondage lors de la dernière newsletter. La question était : Avez-vous l’intention d’aller voter (au second tour des législatives) ? 76,50% ont répondu par l’affirmative, ce qui permet de constater que les lecteurs de notre site sont des citoyens responsables. Ceux qui ont répondu non, se classent de la manière suivante :

7,35% « parce que cela ne changera rien ».

7,35% « parce qu’aucun candidat ne me convient ».

5,88% « je ne sais pas ».

Très peu, 1,46% ont répondu que c’était soit parce qu’ils en avaient « ras-le-bol » soit parce que « le mode de scrutin était injuste ».

Ce sondage, établi à une petite échelle, n’apporte qu’un éclairage limité.

S’abstenir de voter correspond à un désintérêt pour l’administration de la vie de notre pays. Ceux qui font ce choix devraient perdre le droit de râler, de se plaindre ou de critiquer les responsables politiques. Ainsi il ne serait pas illogique que ces citoyens lorsqu’ils se rassemblent sur la voie publique afin de revendiquer, de manifester ne puissent le faire qu’à cette condition de s’intéresser à la chose publique. Montrez votre carte d’électeur. Celui qui n’a pas voté lors des dernières échéances électorales quitte les rangs de la manifestation. Bien évidemment on n’en n’est pas là, mais la logique voudrait…

Tous les beaux esprits qui considèrent que la 6 ème République ou la proportionnelle sont des remèdes à ces abstentions devraient s’interroger pour savoir si l’on ne devrait pas d’abord rendre le vote obligatoire.

Pau, le 21 juin 2017
Joël Braud

Crédit image : ouest-france.fr

Faut pas rêver !

imagesLa suppression des départements, et, corollairement, le renforcement des intercommunalités découlaient, semble t-il, du bon sens le plus élémentaire. Du reste toute l’Europe l’a fait depuis des décennies.

Le couple HOLLANDE-VALLS, auquel les temps actuels ne prêtent pourtant pas toutes les vertus du monde, avait cependant, courageusement, mais apparemment naïvement, projeté de le faire. C’était sans compter avec le lobbying des « élus locaux » (et des autres qui ont généralement été d’abord des élus locaux ou continuent de l’être  sans trop d’état d’âme à propos du cumul des mandats !). Comment pour eux, en effet,  la France continuerait-elle d’être la France sans plus d’un demi-million d’élus. C’est à dire autant que tous ceux du reste de l’Europe ?

Alors on a voté !  Et une vague bleue a submergé une précédente vague rose. Et des milliers d’emplois de complaisance bleue vont s’ajouter à ceux de la précédente complaisance rose. Dans la situation financière actuelle de la France, c’est une très bonne idée !

Et, à propos « des intercommunalités », récemment, à Bidache, le Préfet, quant à lui,  a suggéré que, revenant aux principes qu’ils ont  invoqués à l’époque pour justifier leur création, les « élus locaux »  reviennent à la notion aussi fondamentale qu’économique de cohérence territoriale. Et ainsi, pour ce qui le concerne, il verrait bien une huitaine de « territoires béarnais ».  C’est à dire, exclue l’agglo de Pau, en gros le module européen.

En réponse ? Pitoyable réquisitoire d’élus locaux plus notables par leur capacité à flatter leur « clientèle » qu’ à affronter des réalités incontournables.

A ces jeux irresponsables, décréter le Front National d’indignité républicaine ou faire l’Europe un bouc émissaire, n’empêcheront pas beaucoup, et de plus en plus, de juger lucidement ceux qui depuis un demi siècle ont parasité la démocratie et ainsi contribué, alternativement et successivement, à cette faillite morale et économique qui nous accable tous aujourd’hui !

Juger puis, démocratiquement espérons-le, les rejeter ! Et alors ? Alors il ne faut pas rêver ! Quoiqu’il arrive. Ce ne sera pas facile de « réenchanter la France » !

 

                                                        Maurice Meireles – Pontacq