La Nature: une source inépuisable d’informations et d’actions.

Le très intéressant compte rendu de Larouture sur «Impressions sur les rendez-vous de l’urbanisme» m’incite à déborder, en complément intellectuel, le cadre prévu, en situant ces » impressions sur les rendez-vous de l’urbanisme « au cours de l’évolution de  la vie biologique et culturelle.

«La nature a près de 4 milliards d’années d’expérience. Autant regarder comment elle fait pour résoudre des problèmes auxquels nous sommes confrontés» Jacques Livage, laboratoire de chimie condensée de Paris.

Tous les domaines sont concernés : énergie, santé, matériaux, agriculture, pollution…La photosynthèse est un exemple incomparable d’utilisation non polluante d’énergie renouvelable «dont nous avons intérêt à comprendre le mécanisme pour tenter de le copier ou de s’en inspirer dans le cadre de la transition énergétique»Kalina Raskin directrice du centre européen d’excellence en biomimétisme(Ceebios).

L’idée de s’inspirer de la nature n’est pas nouvelle. Déjà, Léonard de Vinci copiait les oiseaux pour sa machine volante….

Le biomimétisme apporte des solutions dans bien des domaines de la recherche comme la construction, les technologies non polluantes, les matériaux entièrement recyclables, les énergies renouvelables performantes..

Le FBEI Fermanian Business and Economic Institute en Californie estime que cette science représente un potentiel de 300 milliards de dollars de PIB et de 1,6 millions d’emplois pour les Etats-Unis en 2025.

Pour plus d’info on peut lire :«Quand la nature inspire la science» Mat Fournier. Plume de carotte 2016.

«Saviez-vous que le Velcro est le résultat de l’observation d’une plante «accrocheuse», la bardane ? Que la première montre-réveil est due au grillon ? Que la coquille Saint-Jacques est à l’origine de l’invention de la tôle ondulée ? Que les yeux antireflets des mouches ont permis la création de panneaux photovoltaïques ? Que le toit de Waterloo Station, à Londres, a été bâti sur le modèle des écailles du pangolin ? Que la cigogne, la chauve-souris, le canard et même le thon ont inspiré autant de modèles d’avions ? Depuis des centaines d’années, les animaux et les plantes ont soufflé leurs idées simples et naturelles aux ingénieurs, aux architectes et aux scientifiques qui ont su les observer.»

Je me propose de développer, dans deux textes, deux domaines où le biomimétisme, consciemment ou inconsciemment, a ou devrait accompagner l’homme dans son évolution culturelle.

Pour ce premier exemple faisons une comparaison entre l’évolution de l’architecture au niveau biologique, depuis l’apparition de la vie, et celle développée par l’homme au cours de son histoire, ancienne et moderne.

La sélection naturelle a progressivement privilégié, du fait des contraintes agressives de l’environnement, la membrane cellulaire, puis des formes présentant des systèmes de résistance plus efficaces :

  •  Aux chocs, sous forme de squelette externe comme les tests des unicellulaires constituant le plancton marin ou d’eau douce, à l’origine des roches calcaires ou siliceuses.
  • A la pesanteur, pour les animaux ayant peuplé le milieu terrestre. C’est le cas des squelettes des vertébrés.
  • Les premiers pluricellulaires apparus ont développé des squelettes externes massifs formés, comme des parpaings ou des briques juxtaposés, de prismes de calcite ou d’aragonite lamellaire dans la nacre. Épais, lourds, ils devaient vivre sur le fond de l’eau. Ce n’était pas un gros inconvénient car la poussée d’Archimède (qu’ils ignoraient !), compensait et permettait les déplacements, souvent limités d’ailleurs. On peut citer les coquilles des mollusques, des ammonites, des oursins…
  • Les seconds, apparus par la suite, conquérants de la terre ferme, ont pu éviter l’écrasement et se maintenir, d’abord couchés (reptiles), puis, sur 4 pattes courbés (batraciens) puis sur deux pattes, semi-vertical puis vertical (oiseaux, mammifères et l’homme), grâce à l’allègement d’un squelette interne sinueux, armé, souple, léger (creux par endroit), adapté par sa structure évolutive, aux forces qu’il a à subir. Ce n’est plus du calcaire mais un mélange de différents sels minéraux et de matière organique, le tout parcouru par des fibres s’entrecoupant dans de nombreuses directions (un peu comme dans le béton armé). L’exemple le plus spectaculaire est fourni par l’observation d’une coupe longitudinale de fémur humain (1).

Le tube creux est privilégié ; plus léger, il est protecteur de formations fragiles comme le cerveau ou des centres de formation des globules du sang; il est empli d’air chez les oiseaux.

La sélection culturelle a maintenu d’abord, elle aussi, des architectures réalisant des bâtiments massifs, lourds, peu élevés du fait de leur poids, formés par des blocs énormes (pyramides), des pierres taillées (forteresses..), des blocs de synthèse (briques, parpaings…). Les œuvres d’art, comme les églises, ont représenté l’apothéose de : l’art roman.

Puis avec les progrès de la technologie et du savoir faire, telle l’évolution biologique, le bâtiment s’est élevé, allégé, aéré,.., un nouvel art est apparu:

L’art gothique.

La technologie a transformé par la suite, elle aussi, les tubes pleins en tubes creux en changeant, elle aussi la composition de la matière; le béton armé, l’acier, le plastique…

Le corps humain est une merveilleuse cathédrale gothique qui peut se déplacer !

Dans les deux souffle l’esprit.

Un certain nombre de caractères permettent de faire la démonstration(1) et (2) :

  • La forme élancée, verticale, comparable à une nef très élevée avec arcs-boutant. Les deux jambes forment une ogive répartissant le poids du corps sur chaque jambe, le bassin servant de clé de voûte. Les deux membres supérieurs sont autant d’arcs-boutants chez les quadrupèdes assurant l’équilibre, le vol ou la préhension chez les bipèdes.
  •  On retrouve cette même structure en croisée d’ogives dans la structure des os longs intervenant dans la stature (3).                                                                                                                                                                                                  Le fémur est constitué de plusieurs milliers de travées reliées entre elles. C’est dans l’orientation de ces mêmes travées que réside la force de résistance du fémur. En effet, l’orientation des travées dépend des lignes de forces mécaniques auxquelles est soumis l’os car les cellules qui les fabriquent ont la capacité de percevoir ces forces mécaniques et de produire de l’os là où les forces exercées sont les plus intenses. Le fémur présente une série de prolongements agencés le long des lignes de force générées en position debout, le tout lui permettant d’optimiser sa résistance mécanique et d’évoluer suivant l’évolution des contraintes.

Et pour Spinoza et d’autres, Dieu est dans tout cela !

Au XIXe siècle, un mathématicien et ingénieur: Karl Cullman, traduisit ces informations en théorie appliquée au concept de la Tour Eiffel(4).

«L’architecture du futur construira en imitant la nature parce que c’est la plus rationnelle, durable et économique des méthodes» Antoni Gaudi.

Il ne pouvait pas mieux dire.

Un article paru dans la Revue d’histoire naturelle «Espèces», développe une étude sur notre façon de plus en plus recherchée «d’habiter des Architectures animales»

>La structure des animaux, dès la fin du siècle dernier, inspire ingénieurs et architectes pour créer des formes alliant esthétique, fonctionnalité, capture de d’énergie.

Esthétique comme le National Stadium de Pékin (5) édifié pour les jeux olympiques de 2008 sur le modèle du nid d’oiseau.

Fonctionnalité comme la Tour Eiffel(4) inspiré par le fémur(3) du fait des qualités exceptionnelles de cet os le plus résistant et l’un des plus légers du corps humain.

Capture d’énergie dans le bâtiment H.Poincaré à Aix en Provence qui utilise des feuilles artificielles orientables pour capter l’énergie solaire.

>Les radiolaires(6), organismes marins unicellulaires à squelette siliceux ont inspiré, dans les années 30, Robert Le Ricolais; il créa des dômes géodésiques comme le pavillon des USA (7) à l’exposition universelle de 1967 et celui de la Biosphère sur l’île sainte-Hélène à Montréal.

>L’éponge marine Euplectelle(8) a un squelette siliceux composé de spicules formant un réseau rigide, solide, aux propriétés exceptionnelles de transmission de la lumière. Elles ont été la source d’inspiration des fibres optiques à haut rendement; le squelette de cette éponge a servi à Norman Foster pour édifier «Le Cornichon»dans la City de Londres(9) et récemment la structure de la passerelle de la gare de la Roche-sur-Yon.

>La tôle ondulée a été conçue sur le modèle de la coquille Saint-Jacques qui associe rigidité et légèreté, et, d’un point de vue symbolique le pouvoir protecteur, emblème des pèlerins du chemin de St Jacques de Compostelle.

La ville de Royan, après sa destruction lors de la guerre, a vu son marché reconstruit avec un toit en béton armé (11) copié sur une valve de la coquille de bénitier (10).

>On pourrait citer bien d’autres exemples comme l’East-gate Building de Harare au Zimbabwe copiée sur l’architecture et la fonctionnalité de la termitière africaine du genre Macrotermes(12).

Les inventeurs dialoguent, comme dans le passé, sans cesse avec la nature, pour créer des formes et des structures originales plus adaptées aux besoins de la société.

Evolution biologique et évolution culturelle: encore un point commun !

Georges Vallet

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Quand un cannibale mange avec une fourchette et un couteau, est-ce un progrès ? (1)

imageLa 3ème édition des « Idées mènent le Monde » a eu lieu à Pau du 18 au 20 Novembre sur le thème du progrès.                                                                   Sans aucun doute, cette notion, comme image illustrant l’évolution du Monde, est pertinente ; le mot est dans le feu de l’actualité ; utilisé à toutes les sauces, il s’y dilue, si bien qu’on ne sait plus bien, à la fin, ce qu’il représente.                                                                                                               Le sujet a été abordé, ces jours derniers, par une très grande diversité culturelle.

>progrès : «Fait d’avancer, mouvement en avant, progression» Dictionnaire Larousse.
Exemple : Le progrès d’une épidémie.

C’est un constat objectif qui rend compte de l’histoire de l’Univers, de notre planète, de la vie : transformation par des lois naturelles, sans but (sens) avéré.
L’Univers est parcouru par trois catégories de flux stellaires : l’Energie, la Matière, l’Information ; ces trois flux, en interrelation, mènent le Monde : ils créent, transforment, détruisent. Ce sont eux qui imprègnent et animent les comportements biologiques et culturels, de tous les êtres vivants: vous et moi, de l’homme politique au poète, à l’écrivain, à l’artiste, au chef d’entreprise….

La Vie est un transformateur d’Energie et un créateur de biodiversité.

Des quarks aux nucléons, des atomes aux molécules, aux cellules, organes, organismes, sociétés…, il s’est produit une structuration et un fonctionnement par le jeu des créations-sélections, adaptant la «progression» à celle de l’univers.
Considéré a posteriori, cela donne l’impression d’une continuité organisée, en ligne droite, vers un objectif. Les connaissances scientifiques prouvent le contraire ; d’abord il n’y a pas continuité mais des sauts dans le temps et dans l’espace, des avancées, des culs de sac, il n’y a pas ligne droite mais bifurcations opportunistes incessantes ; quant à l’objectif, la définition même du mot est purement humaine et l’homme n’existe que depuis peu de temps ; il en est de même de la notion d’objectif.
«Rembobinez le film de la vie depuis l’explosion du Cambrien et repasser le film, l’évolution repeuplera la terre de créatures totalement différentes; la probabilité pour que ce scénario fasse apparaître une créature ressemblant, même de loin, à un être humain est nulle» Eventail du vivant. Stephen Jay Gould : le mythe du progrès.
L’évolution naturelle produit des adaptations locales et non une amélioration d’ensemble.

Si le progrès n’est qu’une une dynamique continue aveugle, il mène bien le Monde.

Sur ce fond commun à toute chose vivante, est venu se greffer un bourgeonnement culturel amenant un élargissement de la définition du contenu du mot progrès ; il a été opéré, au cours de l’histoire, par l’homme qui a défini le Bien et le Mal, le supérieur et l’inférieur, autant de valeurs inexistantes dans la nature ; il a organisé un changement culturel et bientôt biologique, en lui définissant un but.

>«Pour une société ou pour l’humanité, le progrès est l’évolution dans le sens d’une amélioration, sa transformation progressive vers plus de connaissance et de bonheur.» La Toupie.
Ce changement culturel n’est plus darwinien mais lamarckien ; tout savoir acquis est transmissible verticalement et horizontalement par l’éducation ; il est cumulatif et directif, complexifiant et fulgurant dans son accélération.
A partir de là, les choses se compliquent car dès que la subjectivité intervient, les versions se multiplient, le concept de «mieux» est évolutif dans le temps et l’espace. Quelques phrases montrent l’étendue de la réflexion :

«Le progrès, ce n’est pas l’acquisition de biens. C’est l’élévation de l’individu, son émancipation, sa compréhension du monde. Et pour ça il faut du temps pour lire, s’instruire, se consacrer aux autres» Christiane Taubira.

«Plus le niveau de la technique est élevé, plus les avantages que peuvent apporter des progrès nouveaux diminuent par rapport aux inconvénients» Simone Weil.

«Mille choses avancent ; neuf cent quatre-vingt-dix-neuf reculent : c’est là le progrès» Henri Frédéric Amiel.

Si le progrès est une avancée vers le mieux, qu’est-ce qui est mieux ? Pour qui ? Pour quoi ?

Du fait des avancées de la connaissance, de la technologie et de nombreux combats sociaux, l’amélioration, c’est-à-dire les avantages pour l’humanité, ont été «globalement» évidents dans tous les domaines de la vie de tous les jours : gestion des rapports humains, conditions de vie, culture,…; des civilisations se sont sucédées apportant chacune leur lot de plus et de moins.

« Le progrès ne vaut que s’il est partagé par tous »

Malheureusement, le «cannibale culturel» qui couve en l’homme a consommé une partie importante des espoirs humanistes ; il les a transformés en un système de valeurs où l’éthique est laissée de côté au profit d’un mode de vie fondé sur le cercle infernal production-consommation-pollution. Le «progrès» technique s’est fait, de plus en plus, au détriment du «Progrès» : moral, des grandes valeurs humaines telles que l’altruisme, l’humilité, le partage, l’égalité homme-femme, etc.
Un monde «meilleur» est devenu celui où l’on gagne toujours plus vite, plus d’argent, où l’on consomme toujours plus. L’idée est séduisante, mais toute modification dans un domaine entraîne des perturbations dans d’autres domaines.

On ne peut donc parler de mieux que si le positif est supérieur au négatif.

Actuellement, le bilan global est vraiment «incertain!» car la «valeur» résultante n’est pas chiffrable . Si on comptabilise, dans le monde, la dégradation de l’environnement, du climat, des valeurs humaines : inégalités, destructions massives des ressources, la faim, pollutions, guerres, violences physiques et sociales, dangers sanitaires, spéculations, etc, d’un côté, et toutes les avancées positives moyennes : hygiène, longévité, niveau de vie, connaissances, liberté de pensée et de parole,…, au moins dans notre pays, d’autre part, il est impossible de faire un bilan.

Il y a celui qui profite du «mieux» et celui qui subit le pire. Le «pire» de l’un permettant souvent «le mieux» de l’autre !

Par exemple :
>La dégradation et la destruction permettent de créer de la valeur, au sens économique du terme. Les accidents, voitures ou autres, les séismes, les tempêtes, les inondations… sont bons pour le PIB, cela fait travailler le garagiste, le dépanneur, le carrossier, les reconstructeurs, ceux qui prêtent de l’argent, les bureaux d’étude… Il en est de même avec les blessés et les coûts de l’hôpital, les trusts pharmaceutiques en profitent ! Les conséquences du réchauffement climatique sont une aubaine car elles vont gonfler le PIB ; ne nous étonnons pas que les accords internationaux pour limiter le réchauffement climatique et la pollution soient inaccessibles !
Par ailleurs, c’est l’angoisse de l’impatience, nous ne savons plus attendre. Or le désir se nourrit de l’attente. Nous vivons donc une dépression dont la frénésie de consommation est à la fois cause et symptôme.

 La croissance (progrès) illimitée, impossible d’ailleurs, ne mène pas au bonheur. Ce n’est donc pas «un Progrès»

Page 8 de Sud Ouest de vendredi 18 novembre :
– ¾ de la page titre : «Une grande pauvreté qui s’installe». Mères isolées, retraités, étrangers, autoentrepreneurs…, 9 millions de personnes sont recensées en France par l’Insee en dessous du seuil de pauvreté.
     – Le ¼ restant titre 560 dossiers de fraude épluchés par Bercy.
Cette mise en page est révélatrice que le progrès n’est pas un «Progrès»

Il est difficile de ne pas aussi se projeter dans le futur, d’ignorer l’importance des Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication; si d’un côté on peut y trouver l’espace d’un «Progrès» extraordinaire possible, l’absence de régulation, de limites, dans le temps et l’espace, l’impossibilité du contrôle des informations véhiculées, la liberté totale de l’accès.., représentent des risques énormes de discernement entre l’essentiel et le futile, l’urgent et l’anecdotique, le public et le privé, mais aussi le vrai et le faux, voire le bien et l’inacceptable. Quel sera le bilan entre le mieux et le pire? On peut y voir là, même, une possibilité de libération des passions irrationnelles et des fantasmes.
Beaucoup commencent à comprendre que plus n’est pas synonyme de mieux.

On distingue, de plus en plus, l’avoir de l’être.
Le véritable «Progrès» ne serait-t-il pas celui qui est créateur de sens ?

Ce serait un monde que l’on comprend davantage, donc plus facilement maîtrisable, où l’on peut trouver un équilibre dynamique dans tous les domaines ; c’est l’homéostasie du biologiste ou le «bien être»du neuro-biologiste (Damasio).
Dans cette vision du sens, il est bien évident que notre monde actuel n’en a plus, il devient inintelligible ; ce n’est pas un monde qui s’améliore (Progrès) mais un monde qui ne fait que passer, qui va (progrès), comme dans la chanson d’automne «Au vent mauvais, Qui l’emporte».
Pour Alex Kahn,
«le progrès est la mobilisation de l’intelligence et de la créativité pour produire des connaissances et des techniques, et générer des richesses dans un but humaniste. Il faut sans cesse accompagner les sciences et les techniques d’un travail d’analyse des retombées sociales et l’inclure dans une vision globale.»

Thomas Pikétty évoquait la nécessité de fusionner l’Economie et le Social dans un même ministère des Sciences sociales.

Les trans-humanistes rêvent de pouvoir un jour transférer le cerveau à un ordinateur.
L’activité cérébrale s’appuie sur l’incarnation d’un passé relationnel construit de génération en génération, depuis l’origine de la vie ; c’est un leurre que de vouloir, un jour, le remplacer par une machine qui, elle, n’a pas de passé !

«progrès» sans doute, «Progrès», j’en doute ! 

L’idée de Progrès, pour mener le monde, en améliorant la vie de tous était une idée généreuse, humaniste et la seule possible pour une vie durable sur cette terre ; elle est toujours dans le cœur de beaucoup.
L’appât du gain et du pouvoir, utilisant les technologies les plus puissantes du XXIè siècle : le génie génétique, la robotique, et les nanotechnologies, menacent d’extinction l’espèce humaine, en tout cas celle que nous avons connue jusqu’ici. 

La technologie n’est pas en cause mais la façon de l’utiliser.  

 Le progrès technique multiplie la puissance de l’Homme sans le rendre plus sage.

                Même s’il mange avec une fourchette et un couteau, le cannibale est resté un cannibale !

Remarques :
(1)Nouvelles pensées échevelées(1993) Stanislaw Jerzy Lec

Pascal Picq évoque les combats entre mâles:«Ces combats sont codifiés, et la soumission du perdant y met fin: ce ne sont pas des combats à mort mais pour le privilège de donner la vie.»
Chez l’homme, il n’y a pas de codes appliqués, ce sont des combats ayant «le privilège» de donner la mort !

                                         L’homme est-il vraiment un «Progrès» par rapport à l’animal ?

signé Georges Vallet
crédit photos:garandel.e-monsite.com

A l’approche des fêtes, peut-on croire encore au «Père Noël»?

images«Notre avenir est doué d’imprévisibilité essentielle.

C’est la seule prévision que nous puissions faire.» Paul Valery : Vues. 1948.

« En estant au 21 juin 1660 il arriba à Doazit et généralement par toute la Chalosse et embirons, un peu abant le soleil lebé un grand tremblement de terre tellement que tout le monde qui estaient dans les maisons avaient une grande peur car toutes les maisons temblaient ; Hélas, je me crois que noustre bon Dieu soit irrité contre nous à cause de nos péchés….»

«Hélas, hélas, faisons tous pénitence car Dieu est courroucé contre nous…».

Non seulement la terre se manifeste de façon inquiétante mais aussi le ciel.

«Ors, bous faut savoir qu’au mois de juillet 1654, il arriva une nouvelle fort affligeante, disant que le 12 août 1654 il adviendrait une grande obscurité et que le soleil serait éclipsé l’espace de trois heures. L’armanach en parle et nous menace de grands dangers».

«Ces noubelles sont dans tout le pays et je vous assure que tout le monde a gran peur et appréhension».

Suivent des invocations à Dieu, à la Vierge Marie et à divers Saints afin qu’ils protègent cette pauvre population des plus grands malheurs. Autre phénomène alarmant :

«Je vous dirai au plus que durant le mois de décembre 1664, il y a une estelle au ciel du cousté de midi, laquelle monstre grands signes, car elle a devant elle une longue lance qui est fort luisante, tellement que l’on se craint de quelques grands désordres; cette estelle se lève environ la minuit et ne va fort haut. Et advenant et estant au commencement de l’année 1665, la dite estoile n’ a plus paru mais il a paru une autre estoile qui se lève le soir ; elle ba beaucoup plus haut que l’autre et quelques uns l’appellent la comète. Cette estoile a aussi une longue lance qu’elle mène au derrière d’elle. Je me crains de quelques grands désordres.»

Extraits de «L’Armorial du baron de Cauna». Il reprend un manuscrit écrit par Henry de Laborde Péboué provenant des archives de cette famille qui vivait à Doazit.

Si j’ai souhaité publier un assez long extrait c’est pour permettre au lecteur d’en savourer la forme.

Depuis 1664, le niveau moyen des connaissances s’est élevé très sensiblement si bien que les éclipses et les comètes, prévues et suivies par la science ne sont plus que des sujets de curiosité ne provoquant pas «de grands désordres» et ne nécessitant plus les invocations à tous les Saints. Par contre, les tremblements de terre restent toujours une grande source d’inquiétude du fait de l’incertitude sur leur lieu, date et intensité. Malgré les progrès, l’incertitude et l’ignorance sont toujours bien présentes ;

L’accélération croissante de la connaissance a permis un recul significatif de l’ignorance ; la recherche a pu ainsi mordre de plus en plus sur les croyances qui géraient les vies de jadis. On est passé, entre autres, de «ignorer qu’on ignore» au «savoir qu’on ignore», ce qui est une avancée remarquable.

Le recul progressif de l’ignorance peut-il être, dans l’avenir, un motif d’élimination progressive de l’incertitude ?

Absolument pas, bien au contraire, car on s’aperçoit que plus la connaissance augmente plus l’étendue de notre ignorance donc de l’incertitude, devient grande.

Le savoir crée de l’ignorance.

Michel de Montaigne l’affirmait: «Le beaucoup savoir apporte l’occasion de plus douter.» Essais Livre II. 1580.

On a cru pendant un temps, que la science apportait la certitude ; si c’est le cas localement et sur le moment, ce n’est pas le cas globalement et dans le temps ; des théories scientifiques, réfutables donc, sont périssables.

La complexité du monde nous empêche, par exemple, de connaître à l’avance toutes les conséquences de nos actes : «L’homme sait assez souvent ce qu’il fait», avertissait Paul Valéry, «mais il ne sait jamais ce que fait ce qu’il fait».

L’ignorance participe à la peur de ce qui n’est pas conforme à la routine habituelle ; un des aspects, comme le disait «dupont», sur le forum, le 18 novembre 2014, est «le rejet et la peur de l’autre : du voisin, du concurrent, de celui qui est différent par sa taille , sa provenance (village, département, région, pays ) sa religion, sa langue, que sais je encore ?»

La réduction de l’ignorance n’est pas insurmontable, c’est une question de volonté individuelle, collective et politique ; cela passe par la recherche, l’instruction, la transmission du savoir à tous, la transparence et l ‘objectivité des supports de cette transmission du savoir.

Si les réformes sont toujours source de débats, c’est qu’elles ne peuvent jamais tenir compte, par ignorance, de toutes les interactions entre les facteurs de la complexité qui évoluent sans cesse ; il en résulte donc, obligatoirement, des répercussions dans d’autres domaines souvent insoupçonnés, rendant la situation plus dommageable qu’elle ne l’était avant ! D’où l’incertitude permanente et la nécessité de l’application du principe de précaution ! Hélas !

«Il faut apprendre à naviguer dans un océan d’incertitudes à travers des archipels de certitude.» Edgar Morin.

L’incertitude est beaucoup plus difficile à combattre car elle est constamment amplifiée par la dynamique d’une société axée sur l’accélération continue de l’utilisation des flux que sont l’Energie, la Matière et l’Information. L’accélération raccourcit le temps donc les processus assurant la maîtrise, par l’esprit humain et ses machines.

Au cours de l’histoire, et avec une accélération croissante, l’homme a augmenté les trois flux à la fois ! Le seuil d’incertitude est largement franchi, d’où le désordre social, économique, climatique, le manque de projets d’avenir possible donc le manque de confiance, l’inefficacité politique, le repli sur soi et sur des corporatismes, la peur de ce qui change….
Devant des Informations, de plus en plus nombreuses, issues du monde entier, souvent contradictoires, incomplètes, non contrôlées , la désinformation est totale, l’incertitude fait qu’aucune décision réfléchie, positive, ne peut être prise.

Devant le flux de Matière qui envahit le monde, extraite du sol ou synthétisée, transformée, consommée, gaspillée, non recyclée, la pollution létale nous envahit. L’incertitude porte sur l’avenir sanitaire de l’humanité.

Devant le flux de plus en plus important des besoins en Energie, l’incertitude porte sur les retombées dramatiques au niveau environnemental, climatique, sanitaire, financier.

D’un côté, le raisonnement linéaire, le tiers exclu, la certitude habite notre système économique, financier, politique en grande partie, d’où les promesses de nos politiques ; il est basé sur un système hiérarchique centré sur la marchandise reine : production et consommation. Il châtre toute créativité n’aboutissant pas à sa fabrication. On demande à l’individu d’augmenter la quantité et non pas de créer des structures nouvelles. On lui demande d’apprendre et de réciter et non pas d’inventer, à moins, bien sûr, que son invention se vende et à condition qu’elle ne mette pas en cause le système socioculturel du moment. C’est le conservatisme sclérosant, la crise économique, financière, sociale et sociétale.

D’un autre côté, l’incertitude de plus en plus grande ne permet plus de tenir des promesses ; toutefois, en étant source de désarroi et d’angoisse, elle est aussi source de dynamisme, recherche, créativité, donc de progrès…

Un politique sérieux ne devrait donc pas faire de promesses, non tenables, j’allais dire par définition ! Il ne peut que proposer des orientations et gérer l’imprévisible, si la meute des oppositions lui en laisse la possibilité !

Un citoyen sérieux ne doit pas croire au père Noël !(1)

(1)Un électeur non plus !

                                                                      Georges Vallet

crédit photos: uoh.fr

«Anne, ma sœur Anne, ne vois-tu rien venir ?» (C.Perrault)

Gvallet«Anne, ma sœur Anne, ne vois-tu rien venir ?» (C.Perrault)
«Je me crains de quelques grands désordres !» (Henry de Laborde Péboué)
Un questionnement pas inutile à l’aube des élections européennes.
En effet, comme Dieu, pour Pierre-Simon Laplace, la Nature devient de plus en plus une hypothèse dont on peut se passer !

Comme jadis le citoyen Laplace, des chercheurs présentent, depuis pas mal d’années, une réactualisation de l’«Exposition du système du monde» à nos dirigeants, aux médias, au citoyen de base.

Parmi nos responsables, pour des raisons électoralistes, certains évoquent, avec une vraie fausse conviction, l’intérêt qu’ils y portent. Il a même été constitué, jadis, une publicité hypocrite pour valoriser la notoriété de l’auteur ; c’était le «Grenelle de l’Environnement». Ces rencontres, réparties en trois périodes, devaient déboucher sur des accords permettant la réalisation d’un soi-disant développement durable en restaurant la biodiversité, en diminuant le rejet des gaz à effet de serre et en améliorant l’efficience énergétique.

Bon nombre de participants, sincères, ont cru à la volonté de changer quelque chose et ont donné beaucoup de leur temps, de leur compétence, de leur argent, pour apporter le maximum de participation positive. Les résultats débouchèrent sur une grande désillusion, les engagements pris n’ayant de valeur, la suite le confirmera, que pour ceux qui voulaient bien y croire.

  • La biodiversité n’a cessé de diminuer sous la pression conjuguée de l’urbanisation, de la pollution, de l’agriculture industrielle….
  • L’émission des gaz à effet de serre n’a jamais été aussi abondante.
  • Les dépenses énergétiques sont en plein essor.

Assez rapidement, «l’environnement commença à bien faire» et les objectifs étaient repoussés à chaque fois «à plus tard» ! En effet, la priorité, toujours prioritaire !, est d’inverser la courbe du chômage (en supprimant des postes nous affirme-t-on !!! Curieux !!!) ; il faut donc permettre, par tous les moyens, le redémarrage de la croissance quantitative. Tous les obstacles à l’amélioration de la compétitivité économique, aussi bien au plan social qu’ environnemental doivent être ignorés.

Tout le monde l’affirme, sauf des irréductibles, pas tous Gaulois d’ailleurs, qui voient plus loin que leur compte en banque (pas toujours localisé en France!) ou que la fin de leur mandat.

C’est le déni officiel du lien réciproque, on ne peut plus étroit, qui existe entre crise économique, crise écologique et crise sociologique.

Depuis quarante ans il a été souligné, en vain, par les scientifiques et les philosophes.

«La croissance pour la croissance, c’est l’idéologie de la cellule cancéreuse. Elle se suicide, elle et sa descendance, en faisant disparaître l’être dont elle est issue et qui la nourrit.» (Edward Abbey. Une analogie redoutable).

Continuer dans cette voie, c’est promouvoir une aggravation de plus en plus grande des conditions de vie dans tous les domaines : politique nationale et internationale, social, professionnel, familial, climatique, alimentaire, santé…

Quelques exemples dus au mépris environnemental, parmi une infinité d’autres !

Les seuils de dangerosité, dans tous les domaines, ne sont pas évalués ou sous-évalués, ne tiennent pas compte des effets d’accumulation, des effets de groupe…On les adapte même aux nécessités de la croissance en les augmentant pour qu’ils ne soient plus dangereux ! L’évaluation est faite par le producteur car il est bien connu que son «honnêteté» n’hésiterait pas à arrêter la production si les tests à long terme s’avéraient mauvais ! Servier et autres confirment cette morale !!!

Dernière nouvelle du 29 avril dans la presse :

Des mèches de cheveux de 30 enfants de 3 à 10 ans, vivant dans des zones agricoles , ont été prélevés afin de mesurer le niveau d’imprégnation aux pesticides : «On a cherché une cinquantaine de molécules différentes et on en a trouvé plus de la moitié par enfant, un véritable cocktail de pesticides» (F. Veillerette, porte-parole de Générations Futures, l’association qui a commandé l’étude). « Un effet cocktail qui n’est pas pris en compte dans les évaluations ». Des pesticides interdits d’usage en France depuis des années ont même été retrouvés (rémanence) dans les échantillons.

Or, on contourne l’interdiction d’épandage de pesticides en décidant des dérogations !

Les zones Natura 2000 peuvent être affectées par des autorisations de destruction d’espaces protégés en les accompagnant de mesures dites de «compensation pour la réalisation d’aménagements dits économiquement indispensables ! Compensation !!, le grand mot, «réconfortant» pour le petit peuple, qui laisse supposer qu’en remplaçant, par exemple, une zone marécageuse par une zone aride de même superficie, cela revient au même ! J’ai vécu une telle opération, il y a fort longtemps, lors de la construction du barrage sur le Verdon dans les Alpes de Haute-Provence. Pour la mise en eau, on avait déplacé les agriculteurs des terres riches de la vallée qui allait être inondée, en amont du barrage, en leur attribuant, «en compensation», des terres de la garrigue ultra sèche du plateau dominant la vallée !!

On prend soin de ne pas supprimer les niches fiscales en faveur des pollueurs :

  • exonération de la taxe intérieure sur l’énergie pour l’aviation.
  • taux réduit pour le fioul utilisé comme carburant.
  • remboursement partiel de la taxe intérieure sur l’énergie pour les routiers «sympas».
  • défiscalisation partielle des agrocarburants.
  • TVA à taux réduit sur les engrais…….

Au total, ces avantages concédés à la pollution représenteraient chaque année plusieurs milliards d’euros en moins pour l’Etat.

Pourquoi les mesures indispensables ne sont-elles pas prises?

D’une part ces mesures seraient un obstacle au développement économique souhaité.

D’autre part, toutes ces activités économiques favorisent la pollution et le réchauffement climatique, or, le PIB comptabilise toutes les activités économiques en particulier celles qui découlent :

  • Des calamités climatiques : constructions ou reconstructions après les tempêtes, les ouragans, les inondations, les incendies de forêts…
  • De la pollution de l’eau de l’air, du sol : traitements des déchets, de l’eau, dépistage et traitements des allergies, cancers, troubles de la reproduction, des épidémies…

«Croître et multiplier» la production et la consommation, sans se soucier des retombées sociales dramatiques, est dû à une volonté délibérée. Les grands supporters de la croissance durable sont des êtres intelligents et calculateurs ; ils savent très bien que ces calamités et dommages, en pleine croissance !, sont une des pistes, inavouée car diplomatiquement inavouable bien sûr, pour que le PIB et les profits redémarrent ; c’est d’ailleurs en bonne voie en y ajoutant :

  • Les activités spéculatives dues à la raréfaction des ressources.
  • Les tensions mondiales (armement) et les guerres locales qui se multiplient souvent pour la maîtrise des ressources énergétiques et de l’eau.

Voilà pourquoi il n’est pas question, bien au contraire, d’envisager les mesures évidentes qui assureraient non pas le développement durable mais l’équilibre durable.

Le programme d’action communautaire pour l’environnement est une source considérable d’emplois, il couvre aussi bien l’air, le milieu marin, la prévention et le recyclage des déchets, l’utilisation durable des ressources naturelles, le milieu urbain, les sols….

Un état seul ne peut que montrer le chemin, l’Europe est le passage obligé pour corriger ces comportements suicidaires. Ses pouvoirs sont immenses mais ses dirigeants sont majoritairement les grands prêtres du libéralisme, les sacerdotes du culte de la croissance. S’abstenir de voter ou choisir ceux qui veulent détruire l’Europe est une très lourde faute ; il est indispensable de profiter de cet avantage pour désigner massivement ceux (sur les 24 listes promises j’en ai finalement trouvé une !) qui s’engagent à peser pour promouvoir une autre Europe, celle du citoyen européen soucieux de la vie saine de ses descendants et non des intérêts des paradis financiers.

– par Georges Vallet

crédit photos: lamauvaiseherbe.net

Géothermie à Lons: Un projet de recherche de fonds (2)

 Lons installJ’ai essayé dans l’article précédent de faire le point sur le projet de puits géothermique à Lons (Un projet de recherche de fonds (1)) . On a vu que ce projet pose un grand nombre de problèmes techniques. Pour obtenir un avis technico-économique sur ce projet, il m’a semblé pertinent d’interroger « l’Amicale des foreurs et des Métiers du Pétrole », très active sur notre site, pour la défense des activités de forage, et en particulier depuis quelques mois sur le débat concernant les gaz de schiste.

C’est Jean Tag qui a été désigné par le Président de l’Amicale et qui répond à mes questions. Sa compétence en matière de forage et d’exploitation des puits, en particulier ceux de la région (Lacq et Meillon) est incontestable. Jean Tag, expert forage de SNPA et Elf Aquitaine, a foré nombre de puits de la région et a été , entre autres, responsable de l’Exploitation des gisements de Lacq et Meillon/Saint Faust.

DS – Le projet géothermique de Lons est basé sur la réalisation d’un puits que l’on peut qualifier d’exceptionnel par sa profondeur, sa taille, et la complexité de sa réalisation au niveau du réservoir avec un drain horizontal et un deuxième drain qui intercepte le premier. Avez vous avec Elf Aquitaine réalisé des puits de ce type ou approchant ? En connaissez vous dans le monde ?

Jean TAG – Non, je ne connais pas de puits de ce type.

Néanmoins, depuis les premiers forages horizontaux à Lacq il y a plus de 30 ans, les drains horizontaux ont connu un développement exponentiel de par le monde. Les ingénieurs ont également pris conscience de l’importance des vibrations et oscillations du train de sonde et des outils de forage. Le traitement progressif de ces perturbations, très consommatrices en temps et en énergie, permet aujourd’hui des réalisations spectaculaires. Le record mondial actuel a été réalisé en 2011 par Exxon sur l’île de Sakhaline en Russie. Longueur forée : 12 345 mètres, profondeur verticale : 1 784 m, déport horizontal : 11 479 m. Le tubage 13 3/8 a été descendu à 5 104 m et le 9 5/8 à 10 756 m.

DS- Vous connaissez particulièrement bien le forage en tant qu’ancien expert d’Elf Aquitaine, et particulièrement la zone et les puits qui y ont été réalisés. Quelles sont les difficultés que va rencontrer ce puits et quelles sont celles qui peuvent conduire à un échec ?

Jean TAG – a) La principale difficulté que ce puits va rencontrer c’est qu’il va forer dans un gisement décomprimé par l’exploitation du gaz de la concession Meillon. Ce gisement, qui va en gros de Meillon à Monein, est délimité au sud par une importante faille qui longe le piémont pyrénéen. Adossé à cette faille, le gisement plonge vers le Nord, le gaz se trouvant dans la partie sud la moins profonde et de l’eau  qui à l’origine était en dessous de 4 960 mètres. C’est cette eau qui a été rencontrée au puits de Lons 1 entre 5 500 et 6 160 mètres et qui est l’objet du projet de géothermie. Le gisement est également divisé en différents panneaux délimités par des failles Nord-sud. Le puits de Lons fait partie du panneau de Saint Faust où le gaz a été soutiré.

Le fait de produire le gaz pendant des décennies a fait baisser la pression de l’ensemble du gisement de façon considérable et on peut dire aujourd’hui  qu’un nouveau puits à Lons trouvera un niveau d’eau entre 1 000 et 2 000 mètres, voire au-delà.

Forer dans ces conditions avec une boue de densité l conduira rapidement à des problèmes de collage du train de sonde par pression différentielle, la seule solution pour décoller étant d’équilibrer les pressions. Une autre solution consiste à forer avec un fluide allégé tel que la mousse ou la boue aérée. Dans ce cas, les problèmes de surface risqueront d’être insurmontables : présence d’H2S ou de Co2, traitement et recyclage des effluents.

b) le projet prévoit le forage en grand diamètre ainsi que la réalisation d’une boucle de circulation de l’eau chaude de Mano-Meillon. Une étude approfondie de mécanique des roches me paraît indispensable pour définir les contraintes naturelles qui s’exerceront sur la structure de l’ouvrage. Nous sommes dans le piémont pyrénéen et les tremblements de terre périodiques de la région sont le reflet de l’importance de ces contraintes. Je sais par expérience que plus le diamètre d’un tubage est important, plus il est exposé à l’ovalisation induite par la nature. Une ovalisation diminue de façon importante la résistance des tubes, avec pour conséquence un grand risque d’écrasement complet et parfois la perte du puits. D’autre part, le forage de la partie supérieure de la boucle, avec une inclinaison entre 45 et 60° est très délicate à réaliser du fait de grosses difficultés de nettoyage à ces inclinaisons, ce qui a déjà été expérimenté par ailleurs.

c) le projet prévoit la production de l’eau chaude par l’intérieur d’un tubing et la réinjection de l’eau refroidie par l’espace annulaire entre le tube de production et la structure de l’ouvrage. Outre la déperdition de chaleur que cela provoque, les différents tubages composant l’ouvrage, ne pourront pas être contrôlés et ne seront pas à l’abri de corrosions et d’entartrage. Ceci n’est pas conforme aux règles de l’art, surtout à grande profondeur.

Afin de pouvoir maintenir en bon état et surveiller l’intégrité de l’ouvrage, il est nécessaire de réaliser deux puits : l’un pour la production, l’autre pour l’injection. Dans ce cas la structure du puits  reste à l’abri des effluents et la pression de l’espace annulaire peut être contrôlée à tout moment. Le tubing (producteur ou injecteur) devient alors ce qu’il doit être : un produit consommable qui peut être facilement remplacé en cas de problème (corrosion, dépôts de tartre, etc …).

DS – La société qui mène ce projet, Fonroche Géothermie ne dispose pas d’expérience ni en termes de réalisation de forage ni en termes d’exploitation de ce type. Est ce bien raisonnable ? D’autant que les subventions qui seront utilisées sont très élevées.

Jean TAG – Suite à mon intervention écrite lors de l’enquête publique, j’ai rencontré le Directeur du projet FONGEOSEC. Je ne mets pas en doute ses compétences techniques mais un approfondissement des connaissances du gisement dans lequel le projet doit s’inscrire est indispensable.

DS – Imaginons que le puits est réalisé, son exploitation va aussi poser de nombreux problèmes critiques. Quels sont selon vous les principaux ?

Jean TAG – Les problèmes de surface, tels que traitement de l’eau ou des gaz résiduels peuvent être surmontés. Par contre, aller chercher de l’eau chaude par pompage au-delà de 1 000 mètres de profondeur ne peut pas être rentable.

DS – Les exploitations géothermiques ne sont pas nouvelles en France, elles ont souvent buté sur un problème de rentabilité économique. Quels atouts présente ce projet  pour atteindre un développement industriel ?

Jean TAG – Dans l’état actuel du dossier et compte tenu de ce qui précède,  ce projet ne pourra pas être rentable. A part des études complémentaires, aucun financement ne devrait être engagé.

On voit ici que la position est assez tranchée, et on ne peut taxer nos amis foreurs d’être des opposants de principe à ce type de travaux.

 – par Daniel Sango

Pour lire l’article précédent: Géothermie à Lons: Un projet de recherche de fonds (1)

Le mariage pour tous est contesté, pas l’énergie pour tous.

CaptureCroyants et non croyants, chacun à sa manière, se retrouvent dans la même prière :

«Energie qui es aux cieux,
Que ton nom soit sanctifié
que ton règne vienne.
Donne nous «notre plein» de ce jour.»

Certains, plus écologistes, ajoutent :

«mais délivre nous de la tentation de ce mal pour des siècles et des siècles.»

C’est une profonde recomposition du religieux qui se joue aujourd’hui, entraînée par la connexion de l’individu à un monde globalisé. Chacun croise désormais une    multitude de cultures et de religions qui peuvent être, entre autres, en contradiction les unes avec les autres ; ce qui pose problème quant à la plausibilité de leur vérité.

En réaction à ce croisement culturel généralisé on assiste à l’émergence d’un mythe, celui d’une tradition primordiale disparue, dont toutes les religiosités contemporaines porteraient trace : le point de rencontre en quelque sorte.

Les grands monothéismes n’apportent plus de bonnes réponses car ils ont émergé à une époque ou la terre était plate, au centre du monde, le ciel immobile… La notion
d’infini était négative, associée au hasard, aux épidémies, à l’horreur… à une nature effrayante. Construire une cité, tracer ses murs, c’était créer un environnement régulé,
fini et rassurant.

Nous expérimentons aujourd’hui l’inverse ; nous savons que nous vivons sur un globe fini, et qui peut mal finir ! La rationalité fait peur, la ville devient menaçante, le diable est en costume-cravate…  Et la nature fait l’objet d’un culte. L’infini devient une valeur positive, dont la complexité et la diversité sont l’expression ; diversité qu’il faut
absolument maintenir.

Globalement les religions classiques s’affaiblissent car elles perdent leur unité : de nombreuses fractures les pulvérisent en schismes, elles se transforment en groupes modérés prêts à évoluer alors que d’autres, purs et durs, refusent tout compromis. On continue bien à s’intéresser à la Bible mais d’un point de vue culturel; hélas, les résultats des découvertes contredisent souvent les écrits !

Serait-ce la fin du religieux ?

Absolument pas, la structure religieuse n’a jamais cessé d’exister ; elle est particulièrement enracinée chez l’être humain. L’homme est un mythomane. Depuis quelques décennies on assiste à une forme de recomposition religieuse, pas à une disparition. Cette nouvelle religion établit un lien entre l’individu et l’Univers.

«Le culte de l’énergie a remplacé celui de Dieu.» – Raphaël Liogier, sociologue des religions.

Pour les croyants, Dieu est le grand souffle primordial, l’énergie cosmique; il éclairele monde, il est la Lumière, il est l’astre. Il a donné l’impulsion de départ à la vie terrestre. L’énergie est partout, en tout, et englobe tout dans l’Univers. Cette énergie créatrice a un but. Elle fait croître les plantes, vivre les animaux et agir les êtres humains. Elle est présente en nous, en toutes choses, en nos actes, en nos pensées. La peur de la mort, de la disparition définitive, est «insupportable» donc «impossible»!

Les non-croyants reprennent volontiers cette approche de l’énergie, mais sans y mettre un autre nom ni une finalité. Pour eux, l’énergie est l’essence même de l’univers, comme le montre la célèbre équation d’Einstein E=mc² décrivant l’équivalence masse-énergie. Dans la nature, la lutte pour la survie est une
compétition entre des systèmes vivants cherchant à s’assurer un apport continud’énergie utile. Rien n’est prévu d’avance. L’exubérance créatrice n’est pas
seulement en amont mais permanente, de l’amont vers l’aval ; l’homme culturel définit lui-même son objectif, c’est-à-dire l’humanisme.

La mort n’est pas une disparition, c’est une recréation en puissance!

Ce «culte» de l’énergie serait-il la résurgence actualisée du culte du soleil? Serions-nous les descendants spirituels des Egyptiens ou des Aztèques?
Un fait est certain, ce nouveau culte est, de loin, celui qui est le plus suivi dans le monde ; on trouve des adeptes dans tous les pays, dans toutes les religions, dans toutesles politiques…
Comme dans tout hommage à une divinité, il y a des dogmes, au premier rang desquels on trouve le mouvement, la fluidité, la connectivité, la production, la
consommation. Ce qui est négatif c’est le blocage, l’immobilité. Positif en revanche : le brut, l’authentique, ce qui est potentiellement transformable! La manière de vivre
intègre ce mouvement, c’est l’expérience. Il faut multiplier, accumuler les expériences.

Ce n’est plus la transcendance qui donne un sens à la vie, c’est la mobilité.

« La fascination immobilise, l’immobilité fascine; mon corps exige marche, action, agitation parfois. Libre, ma chair ne cesse de danser selon le pouls, le coeur, lesouffle, l’amour, l’inspiration. La vie bouge; même quand je dors, je frémis. L’aise frissonne. La cruauté sociale ne connaît que deux supplices: la mort et l’enchaînement, double mode d’immobilité » M.Serres

La vérité énergétique est en nous. La terre vue d’en haut est une fourmilière où tout s’agite, dans tous les sens, de plus en plus vite, laissant échapper des nuages de polluants. La grosse différence est que le résultat global de cette apparente agitation est positive pour la fourmilière, pas pour l’homme. A la radio, dans les films, à la télé, on parle de plus en plus vite, on passe, sans aucun rapport de continuité, d’un sujet à un autre ; les invités ne sont là que pour répondre en quelques secondes à un sujet majeur ! Le temps presse !! Ne vous énervez surtout pas car c’est très mal vu: « on fait notre métier !!» Dans les entreprises, on s’agite; il faut faire croire, souvent, qu’on est actif donc efficace ! Les nouveaux rites impliquent de communiquer à tout prix, tout le temps, avec le maximum d’autres fidèles. Tout ralentissement risque de fairesurgir le mal: la censure, les frontières, la clôture, la loi, l’intériorité, la matérialité, la centralité, l’individualité, le corps…»
Comme dans toutes les religions, les tendances intégristes et radicales s’efforcentd’imposer aux autres, par la force parfois, leur vision anachronique, extrémiste et destructrice : on évoque par exemple, la croissance infinie !

« Par la dispersion des ordures matérielles et sensorielles nous effaçons la beauté  du monde » Michel Serres

Les ritualisations modernes ne passent plus nécessairement par les anciennes églises. Elles sont dans les meetings, les entreprises, les places boursières, les réseaux sociaux, etc. On les retrouve aussi dans la symbolique du feu, les expositions du corps dans la nature, le sport, la volonté d’exploitation pour la production de chaleur ou d’électricité.

On veut être heureux ici et maintenant, pas dans un au-delà ni dans une vie future.

Les obstacles entre croyants entre eux, entre croyants et athés, sont encore importants ; la reconnaissance de l’omniprésence de l’énergie, son côté positif,
bénéfique, surtout utilisée avec modération, est unanimement accepté. Souhaitons que cette convergence devienne la possibilité d’un «vivre ensemble» apaisé, au moins dans notre vie sur terre.

– par Georges Vallet

Crédit photosc: novitche.blogspot.com