Soutien total

Cette période estivale est favorable à une prise de distance pour considérer le long terme. L’échéance des élections européennes se profile. Mais on peut encore la voir de manière pas trop partisane, et apercevoir ses implications pour la région.

Que l’Europe offre des déceptions, voire des désillusions, n’est pas surprenant. Mais elle apparaît tout de même comme un pôle de sécurité et de paix dans un monde menaçant. Notre voisin russe a montré à plusieurs reprises (Crimée, Ukraine, Syrie) qu’il n’hésite pas à recourir à la force et que ses engagements internationaux ne le retiennent guère. De son côté, la montée en puissance du modèle chinois n’a rien d’attirant avec sa course à l’hégémonie économique et à la surveillance généralisée. La direction impulsée par M. Trump n’est pas plus séduisante. Il est clair qu’il ne s’intéresse pas à l’avenir de la planète ni aux façons de voir des autres nations. Si ses positions ne sont pas insanes (elles sont même dans la ligne de la doctrine de Monroe : ce qui est bon pour les Etats-Unis est bon pour le monde), mais il distille suffisamment d’insanités pour être un repoussoir. La dernière en date est son jugement sur les causes des gigantesques incendies en Californie : la cause en serait les défenseurs de la nature car ils veulent protéger les forêts !

Aussi, il importe que l’Europe soit la plus forte possible et qu’elle pense en termes globaux et avec la sagesse d’une vieille personne, ou plutôt d’une vieille contrée. Elle a créé ou soutenu plusieurs institutions comme l’ONU (et avant elle la Société des Nations), l’Unesco, l’organisation mondiale de la santé … Elle peut faire émerger des règles financières et une monnaie de référence modiale qui pourraient contribuer à l’équilibre mondial. Il n’est pas normal que les contrats internationaux soient libellés en dollars. On a vu d’ailleurs en 1929 et en 2009 qu’un déséquilibre de l’économie américaine pouvait se propager à travers le monde et avoir des conséquences désastreuses (chômage, faillites, guerres…) pour des nations qui n’ont aucune responsabilité dans les causes.

Laissons aux spécialistes le soin de déterminer si cette monnaie devrait être assise sur un panier de monnaies ou sur un panier de biens (or, acier, uranium, céréales…). L’important serait qu’il ne serait plus possible de condamner des pays à ne plus faire des affaires avec les Etats-Unis s’ils ont des relations commerciales avec un pays dans le collimateur des Etats-Unis comme l’Iran aujourd’hui, un autre pays demain. L’Iran a de bons cinéastes et commence à avoir de bons scientifiques. Ses ressources pétrolières sont importantes pour une société comme Total. Cette dernière a fidèlement aidé la région en matière de développement économique ; ses habitants se doivent de l’aider dans une passe difficile imposée par M. Trump.

Au-delà du soutien que les électeurs peuvent apporter à l’idée de l’instauration d’une monnaie internationale, il convient de renforcer l’indépendance de l’Europe et de préserver le futur de la planète et de la paix. Relisons « Comment je vois le monde » d’un certain Albert Einstein qui préconisait une police internationale chargée de maintenir la paix à travers le monde. Les casques bleus ont pu jouer un rôle non négligeable dans les conflits récents, mais on est loin du compte. Dans le domaine économique et financier, on ne peut pas non plus en rester aux dispositifs du genre G7 et G20. L’Europe doit montrer le chemin.

Paul Itaulog

Les primaires

imagesPar on ne sait quel mystère, nous avons souvent tendance à lorgner sur ce qui se pratique aux Etats-Unis. Ainsi en va-t-il des primaires. Nous copions un système conçu pour un état fédéral ( dont beaucoup doivent ignorer le fonctionnement ) et fondé de fait sur un bipartisme. Le président des Etats-Unis est ainsi élu dans un scrutin à un tour au suffrage indirect, tout au contraire du président français élu au suffrage universel direct à la majorité absolue des suffrages exprimés conduisant  en principe à deux tours de scrutin.

Le président  est le choix des électeurs. Si de par leur reconnaissance constitutionnelle les partis politiques concourent à l’expression du suffrage , il leur appartient certes de présenter les candidats, les primaires conduisent à imposer aux électeurs un candidat désigné non par les partis mais par d’autres citoyens dont certains n’iront peut-être même pas voter lors de l’élection présidentielle.

C’est en réalité pour résoudre un problème interne aux partis qu’on limite le choix des électeurs.

Au nom de quoi ceux qui votent lors des primaires peuvent-ils éliminer certains postulants et imposer leur choix au reste du collège électoral ?

Avec un minimum de bon sens on ne peut pas ignorer qu’en réalité les primaires ont pour but de faire barrage à des candidats potentiels gênants.

Mais en attendant on limite notre choix !

Et ce n’est pas tout. Quand on voit à quelles stratégies, pour ne pas dire combines, recourent certains candidats pour éliminer des concurrents dangereux, on est en droit de se demander comment ils feront ensuite pour gouverner ensemble.

Pour beaucoup une question se pose pourtant au regard de l’ardeur qu’il met pour triompher  : que fera Nicolas SARKOZY s’il ne remporte pas la primaire qu’il a de fait organisée ? Difficile d’ imaginer qu’il n’ait pas envisagé l’hypothèse et ses suites !

Pierre ESPOSITO

Ancien bâtonnier du barreau de PAU.

Pierre Esposito

TAFTA – TTIP

imagesEssayez-donc de poser la question à votre entourage : « Que signifient cet acronyme et ce sigle ?». Peu parmi eux pourront répondre tant les négociations de ce traité se font dans l’opacité et le secret. De quoi s’agit-il ? Qui négocie ? Quelles pourront être les conséquences d’un accord qui n’est pas que commercial ?

Il sera difficile voire impossible d’analyser ici dans le détail le contenu et les conséquences du projet de traité qui est actuellement négocié. Jusqu’alors, c’était le silence, mais le président des États-Unis d’Amérique s’est rendu en Allemagne et il a largement évoqué cette négociation en espérant qu’elle aboutira à un accord le plus rapidement possible. Le sujet est devenu d’une brûlante actualité.

Que signifie l’acronyme TAFTA ? Transatlantic Free Trade Agreement – traité de libre-échange transatlantique.

Que signifie le sigle TTIP ? Transatlantic Trade And investissement Partnership – partenariat transatlantique de commerce et d’investissement.

La négociation qui en réalité a pris naissance le 22 novembre 1990 entre la Communauté européenne et ses 12 États membres et les États-Unis, a donné lieu à une «Déclaration transatlantique». Ce texte a pour objectif de promouvoir les principes de l’économie de marché, de rejeter le protectionnisme et d’étendre, de renforcer et d’ouvrir davantage le système commercial multilatéral.

Actuellement la négociation se fait dans le plus grand secret entre l’union européenne et les Etats-Unis. Le haut fonctionnaire européen chargé de celle-ci se nomme Ignacio Garcia Bercero. Les peuples des 28 Etats membres de l’union européenne (505 millions d’habitants) de même que leurs parlementaires nationaux ont été tenus à l’écart. Il n’y a pas eu jusqu’à maintenant de débat public sur ce sujet.

Le partenariat économique transatlantique vise à intensifier la coopération bilatérale en faveur de l’ouverture des marchés et s’engage à la suppression des entraves dans le commerce et les investissements. Tout est fait pour parvenir à une harmonisation des réglementations et des normes qu’elles soient salariales, sociales, sanitaires, phytosanitaires alimentaires, environnementales, mais aussi l’organisation des marchés publics et la protection des investisseurs à tous les niveaux : national, régional, départemental et local. Contrairement à l’affichage, ce ne sera pas un simple accord de libre-échange.

On peut donc s’interroger. Que vont devenir nos normes comme l’I.G.P. (Indication géographique protégée) A.O.C. et A.O.P. ? Pourra-t-on encore fabriquer des fromages avec du lait cru ? Sera-ton obligé de manger du poulet aux hormones après les avoir arrosés d’eau de javel ? Les O.G.M. seront-ils autorisés sans restriction ? L’exploitation du gaz de schiste sera-t-elle autorisée comme aux U.S.A. ? Le règlement des différends entre les firmes privées et les pouvoirs publics nationaux seront-ils de la seule compétence des tribunaux arbitraux indépendamment des juridictions nationales ?

Beaucoup d’inconnues qui ne peuvent que nous rendre méfiants d’autant que si l’accord est signé, il bénéficiera du principe de « living agreement ». Autrement dit demeurer vivant et être susceptible de modifications ; il comporte actuellement 46 articles.

« Quelque chose doit remplacer les gouvernements, et le pouvoir privé me semble l’entité adéquate pour le faire » (David Rockefeller). C’est ce qu’on appelle la mondialisation néolibérale, elle consiste à déléguer au secteur privé la maîtrise des choix, c’est à dire redéfinir le périmètre de compétence de l’État. Et nous Français, sommes-nous prêts à une révolution de nos usages et traditions ?

Pau, le 27 avril 2016
par Joël Braud

Crédit photo : Jour de colère

Bibliographie : Le grand marché transatlantique – La menace sur les peuples d’Europe de Raoul Marc Jennar – Editions Cap Bear (mars 2014). Raoul Marc Jennar est docteur en science politique, spécialiste des relation internationales, des questions européennes et du droit de l’Organisation Mondiale du Commerce.

Pétition : https://secure.avaaz.org/fr/stop_ttip_fr_loc/?akXjEkb

Elections européennes, TAFTA s’invite !

Tafta 3A peine sortie des municipales et de 2 mois de campagne, les Français, dans un mois, voteront aux européennes. La forte abstention lors des municipales et la participation habituellement faible au scrutin européen, font craindre une abstention record le 25 mai. Et pourtant…

Plus que jamais, le destin des nations qui la composent est entre les mains de l’Union Européenne (UE) ou plutôt de son exécutif, la Commission Européenne qui, rappelons-le, représente les intérêts de l’Union dans son ensemble et non les intérêts particuliers des pays de l’UE. La commission représente l’UE sur la scène internationale. Elle y négocie, entre autres, les accords commerciaux entre l’UE et d’autres pays.

Le 14 juin 2013, les Etats membres de l’UE ont donné mandat à la Commission Européenne pour négocier avec les Etats Unis (EU) un accord de libre-échange, le Transatlantic free trade area (TAFTA), dénommé aussi Transatlantic Trade and Investment Partnership (TTIP) ou encore, Partenariat Transatlantique de Commerce et d’Investissement (PTCI).

L’objectif du traité serait de créer un marché commun transatlantique de 820 millions de foyers. A terme, on en attendrait la création de 2 millions d’emplois, et selon le Centre for Economic Policy Research (CEPR), centre d’études sur la politique économique basé à Londres, un bonus annuel de 545 euros en moyenne par ménage de l’UE et de 655 euros par famille américaine.

Comment ? En facilitant les échanges transatlantiques : suppression des taxes aux frontières et des barrières non tarifaires (les normes, la règlementation, les quotas). Reconnaissons-le, des mesures positives pour le foie gras du Sud-Ouest !

En France, la presse grand public a très peu parlé du TAFTA jusqu’à présent. Et pourtant, c’est un enjeu de la prochaine élection européenne. Car c’est un accord sur lequel le parlement européen aura à se prononcer.
Le Président Hollande semble être pour, mais n’a que peu ou pas abordé le sujet lors d’une déclaration ou conférence de presse. Certains politiques sont contre et en soulignent les dangers : les représentants du front de Gauche, les représentants d’EELV, Marine Le Pen pour le Front National. Mais aussi Jean Arthuis, député UDI, qui se dit personnellement opposé à ce traité et ce pour 7 raisons majeures*. Enfin, les plus virulents des opposants dont ATTAC, se sont regroupés dans le Collectif #StopTafta

Dans ce projet très confidentiel à ce jour, n’y aurait-il pas, en effet, un risque quant aux positions et décisions de la France sur le gaz de schiste, sur les cultures OGM, sur l’alimentation animale et la viande aux hormones ? Quid de la politique de protection sociale de la France ? Quid du SMIC ? Quid de l’exception culturelle française ? Quid de la politique agricole commune de l’Europe ?….

Mais n’y a-t-il pas plus inquiétant encore ?
Ainsi, le Collectif #StopTafta n’hésite pas à avancer que cet accord réduirait au niveau américain qu’il qualifie proche de zéro, les droits en matière de protection des données et les droits de propriété intellectuelle.

Enfin n‘y a-t-il pas un risque majeur pour les nations composant l’UE de voir leur justice et donc leur identité et indépendance nationale remise en cause ? Les signataires du traité reconnaitraient le Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements (Cirdi) dont le siège est à Washington, comme tribunal d’arbitrage dans les litiges entre entreprises privées, mais également entre ces entreprises et les Etats. Les investissements des Etats-Unis en Europe n’échapperaient-ils pas ainsi au contrôle et à la justice des Etats de l’UE ?

Pour ses détracteurs ce traité relève de l’ultralibéralisme. Pour ses défenseurs, il doit permettre d’avancer là où l’OMC piétine : les négociations du Cycle de Doha lancées il y a plus de 10 ans, n’ont toujours pas permis de trouver un accord commercial multilatéral.

Et l’électeur européen ?
Qu’il se réjouisse des effets positifs annoncés ou qu’il craigne ses effets pervers, il doit être conscient de l’extrême importance du vote du 25 mai. Donc, il ne s’abstiendra pas, il ira voter !

– par Hélène lafon
25 avril 2014

* Jean Arthuis : 7 bonnes raisons de s’opposer au traité de libre-échange transatlantique / Le Figaro – 11/04/2014