La plupart de nos élus s’honore de faire du « développement économique ». Cette expression a un caractère solennel voire pompeux. Elle a un côté pléonasme comme si s’occuper d’économie ne consistait pas d’abord à se soucier de son développement.
Le « développement économique » se traduit surtout par la multiplication des zones d’activité. Cette multiplication conforte essentiellement les activités de la distribution ainsi que la filière immobilière d’entreprise dont le BTP. Une adaptation locale des ateliers nationaux de la IIe République ?
Des projets de zones d’activité, initiés dans les années 2000-2010 dans la plupart des Communautés de Communes, sont arrivés ou arrivent sur le marché. Parmi les plus importants, citons Aéropolis à Bordes (~50 ha), Eurolacq II à Artix (~26 ha), le Barreau centre à Orthez (~10 ha), le Bruscos à Sauvagnon (~20 ha), les zones de Thèze (~10 ha) et de Garlin (~25 ha) avec la construction de l’A65. Sur l’agglomération, à Pau-Est, Lons ou Lescar les projets commerciaux sont également nombreux.
Certes le développement de l’activité aéronautique à Bordes a nécessité l’ouverture de surfaces. Mais des friches qui attendent une reconversion existent un peu partout. En plus, la plupart des zones existantes affichent des places disponibles, comme si elles étaient surdimensionnées.
Seul un Président d’une Communauté de Communes qui joue le passager clandestin d’une agglo, peut affirmer qu’il n’a pas de friches sur son territoire…
Sur la zone Aéropolis, une quinzaine d’ha sont toujours disponibles et la collectivité travaille à la reconversion d’une zone pour l’accueil d’artisans et de services. Des surfaces sont également reversées à la SAFER (La Rep du 06/10).
Le Conseil Départemental semble être à la recherche de liquidités.
Sur la zone Eurolacq II, bien que l’heure soit à la compacité et à la frugalité, la CCLO a opté pour le projet de centre commercial Super U qui s’étend sur deux lots (~6 ha) alors que les projets concurrents (Leclerc et Intermarché ) proposaient d’aménager un seul lot.
La CCLO semble pressée d’écouler des terrains certainement pour mieux équilibrer ses budgets.
D’ailleurs toutes les activités semblent bienvenues pour meubler les espaces disponibles, y compris des activités que l’on associe davantage à l’urbain. Ainsi des notaires aménagent des locaux d’archives (Artix) ou déménagent carrément (Arthez de Béarn) dans une zone d’activité. Mais, comme Super U sur Eurolacq II, la Grande Distribution s’installe le plus souvent en premier. Sur d’autres zones de la CCLO, Super U s’est installé à Sault de Navailles, Carrefour Market est annoncé à Arthez de Béarn sur une zone qui sort de terre et bien sûr Intermarché trône sur la zone des Soarns à Orthez.
Ainsi les petits bourgs encouragent l’installation de moyennes surfaces ce qui est aussi une aubaine pour les grands groupes de la distribution dont la stratégie est d’accroître leurs parts de marché. L’INSEE relève d’ailleurs que, depuis une quinzaine d’années, le parc des surfaces de vente du commerce de détail a progressé de 60% alors que dans le même temps, la consommation a augmenté de moins de 20%.
A noter qu’à Orthez, le projet de barreau routier dit centre (qui relie les routes de Mont de Marsan et de Pau, ce qui n’a rien de central) est essentiellement justifié pour créer un flux de circulation (cf. propos de M. Molères, ancien maire, rapportés par La République du 05/11). Ce flux bénéficiera à la zone commerciale des Soarns, présentée comme un « Retail park » et qui n’a rien d’un « Retail park ». Accessoirement le barreau centre servira de déviation, ce qui était présenté comme la motivation principale voire unique du projet. Plus généralement, aménager des rocades sans se préoccuper de l’effet sur l’urbain équivaut à installer une centrifugeuse de centres villes ; c’est-à-dire une machine à faire tourner le chaland motorisé et à étaler l’urbain, toujours plus vite, toujours plus loin.
La création de zones d’activité apparait aussi comme une activité économique en soi.
D’abord il faut créer et aménager ces zones.
En fait, la création de ces zones se cantonne à l’aménagement de périmètres fermés dont l’articulation avec l’environnement existant serait secondaire. Des sortes d’îles où toutes les exigences du développement durable seraient respectées mais qui s’apparenteraient toujours à l’île « Utopia » de Thomas More.
De plus, le fonctionnement de cette économie de l’immobilier d’entreprise, notamment entre les collectivités locales et les promoteurs privés, parait obscur. Les travaux d’aménagement comme les achats de surfaces par les entreprises ainsi que leur installation bénéficient de subventions octroyées par la collectivité. A ce jeu, les sociétés gestionnaires de cette activité sont toujours à l’équilibre.
Enfin, selon les Echos cette activité économique conduit à la création de bulles spéculatives (surtout pour les bureaux et les Centre commerciaux) qui sont essentiellement contenues par des dispositions comptables.
L’ouverture de toutes ces zones d’activité est l’aboutissement d’une démarche volontariste qui rappelle les ateliers nationaux de la IIe République mais qui, même si elle paraît utopique, a des bénéficiaires: Outre le secteur du BTP, la consommation avec le secteur de la distribution sans oublier la filière immobilière d’entreprise.
Ce type de « développement économique » doit maintenant s’envisager sous d’autres angles :
Par exemple se pencher sur la réhabilitation des friches ainsi que sur la qualité des paysages et la morphologie des territoires, de plus en plus considérés comme facteurs essentiels de développement.
Larouture
PS : Les infrastructures du type zones d’activité constituent-elles des dépenses ou des investissements ?
Récemment je me suis promené en voiture sur le site Eurolacq II. Je suis entré sans encombre mais ai eu du mal à trouver une sortie. J’ai donc demandé mon chemin à des ouvriers qui entretenaient les bords des voies. Au cours d’échanges préliminaires de courtoisie, j’ai fait remarquer que c’était très grand (pour ne pas dire que c’était démesuré). Ils m’ont répliqué que ce serait petit lorsque tout sera rempli. Je n’ai pu qu’acquiescer car ils étaient enthousiastes. J’ai ainsi mesuré tout l’impact que pouvait avoir sur la population une telle réalisation, même à l’état embryonnaire. Des infrastructures de transports bénéficieraient certainement d’un enthousiasme équivalent. Le plus souvent ces réalisations sont perçues comme des investissements.
Ainsi, je pense que des projets de Recherche et Développement, d’éducation ou de formation, d’une ampleur budgétaire équivalente à la création de cette zone d’activité, ne créeraient pas le même enthousiasme. Le plus souvent, de tels projets sont considérés comme des dépenses.
Cette anecdote m’a remis en mémoire une visite de la cité du Luth à Gennevilliers conduite par des urbanistes. La cité du Luth a été réhabilitée dans le cadre de la Politique de la Ville avec une segmentation et une rénovation des barres ainsi que bien d’autres actions à caractère culturel, social et économique. Sur le site, un habitant d’origine maghrébine est venu nous saluer. Il était honoré que son quartier soit reconnu. Pourtant il ne sera pas envahi par les bobos parisiens avant de longues années.
J’ai retrouvé la fierté qui émanait de cet homme dans l’enthousiasme des jardiniers d’Eurolacq II…