Provoquer la pluie, est-ce toujours vouloir faire apparaître le beau temps?

GVIl y a quelque temps, sur le forum, Mehdi Jabrane questionnait « la stratégie du choc » médiatisée par Naomi Klein sous forme d’un essai intitulé « La stratégie du choc, la montée d’un capitalisme du désastre ».
Un choc est une perturbation ébranlant un état d’équilibre; il peut être physique (pierre percutant une vitre), physiologique (état de choc), psychique (stress), culturel (choc des civilisations)….

Hubert Reeves écrit dans « Patience dans l’azur, l’évolution cosmique»:
«  On peut établir une analogie intéressante entre la vie des étoiles en relation avec la matière interstellaire et la vie des plantes ou des animaux en relation avec le terreau des champs. Deux cycles de naissance, vie, mort et renaissance se poursuivent simultanément sur la terre et dans le ciel »

L’évolution du cosmos, dans sa phase stellaire et planétaire, et l’évolution de la vie venue s’intercaler, sont marquées par des :

• Périodes de calme relatif au cours desquelles la créativité est constante et la diversité en pleine croissance.
• Périodes de chocs, de catastrophes, de chaos déstabilisants et déstructurants.
• Période de redistribution des cartes et nouveau départ.

Ainsi l’évolution cosmique, par une série ininterrompue de ces périodes a subi :

> Une évolution nucléaire (des particules aux atomes) au coeur des étoiles.

> Une évolution chimique (des atomes aux molécules) dans l’espace interstellaire.

> Une évolution biologique (des molécules aux cellules, aux plantes et aux animaux) dans l’océan et sur les continents.

• La fécondation, la diversité des développements: physiques, physiologiques, nerveux, écologiques, et la reproduction, correspondent à la première période.
• La mort correspond au choc.
• Les constituants chimiques qui en résultent retournent au «terreau des champs»
pour de nouvelles constructions biologiques(redistribution des cartes).

Si pour nous, la mort est une fin, c’est aussi un maillon fort de l’économie circulaire de la vie, une étape assurant sa continuité. La vie n’est pas un mécanisme individuel mais collectif, dans le temps et l’espace.
Cette succession est liée à un environnement en constante transformation auquel la vie doit s’adapter. Les conditions, après le choc, étant différentes, seules persistent les structures préformées grâce à la biodiversité, pré-adaptées par hasard, et jadis minoritaires. Le choc de la comète au secondaire qui décima beaucoup de dinosaures a facilité l’épanouissement des mammifères et de l’homme!

> Une évolution anthropologique.
Il en est de même au niveau de l’évolution culturelle mais les «chocs»portent d’autres noms: les guerres, les épidémies, les révolutions, les migrations, les catastrophes naturelles, les crises financières…; les événements récents en sont un exemple: une attaque terroriste plonge les individus et les sociétés dans un état de choc. Après, la vie continue, mais autrement, pour perdurer.>>Théoriquement, ces évolutions sont le fait de milliards d’éléments en interactions fonctionnant en réseau. L’incertitude du devenir est totale car on ne peut pas connaître tous les facteurs, toutes les conditions initiales ni toutes les sélections adaptatives.
Ces systèmes, dont les comportements sont imprévisibles, sont appelés systèmes chaotiques: C’est le cas dans tous les domaines: scientifiques, économiques, sciences sociales: croissance ou décroissance de populations animales, répartition de capitaux et flux financiers, systèmes stellaires et planétaires, systèmes climatiques, économiques (liberté des marchés)……>>Pratiquement, sommes-nous alors désarmés pour influencer cette trajectoire imprévisible? Sommes-nous obligés d’en subir la contrainte comme une fatalité? Non, car, à la différence des systèmes naturels, l’homme, par son intelligence, a développé des connaissances et une technologie lui permettant d’acquérir des données et de planifier de nombreux comportements pour prévoir, contrôler, orienter, par petites touches, l’évolution culturelle.
L’homme sait comment enrayer le réchauffement climatique, la pollution, les inégalités, la finance…, par des mesures progressives permettant de développer
la créativité, la diversité, le développement, tout en maintenant la stabilité.
Par contre, comme c’est le cas depuis des années, il sait aussi réaliser des comportements qui accélèrent de plus en plus les cycles évoqués au début car c’est bon pour le PIB, la croissance de l’économie, le profit de certains; il favorise donc le choc: les accidents de voitures, les incendies, les tempêtes, la montée des eaux, les désordres sanitaires, les guerres, les épidémies; la «destruction» stimulée favorise l’arrivée d’une situation nouvelle permettant la croissance des gains.

Après la pluie provoquée, a-t-on toujours le beau temps?
Pas pour tout le monde (sens propre et figuré!) !

Ce comportement est-il inconscient, une pathologie addictive ou conscient ?

> Inconscient c’est certainement le cas de beaucoup, pour deux raisons :

• Ils sont sincères et pensent que plus on consomme d’Energie, de Matière et d’Information, donc plus il y a de croissance, plus les gens sont heureux.
• Ils sont ignorants, et veulent le rester, des conséquences redoutables que font
courir la destruction des ressources naturelles halieutiques et autres, la pollution, par la chimie des macro, micro et nanoparticules, de l’eau, de l’air, de la terre, de l’alimentation, sur la santé, la reproduction, l’équilibre mental…..

Il y a un autre double combat prioritaire à mener, plus important peut-être, pour la transparence: convaincre les citoyens et les autorités de la nécessité de publier les modes opératoires utilisés, les constituants employés, les résultats de la recherche scientifique sur les dangers encourus, dans cette face cachée de la croissance.

Transparence de l’utilisation de mon argent,
transparence de l’utilisation de ma santé et de ma vie :
même combat !

Bernard Boutin, dernièrement, écrivait : « obliger à la transparence est une nécessité : Dans une démocratie digne de ce nom, la Transparence, tout le temps et à tous les niveaux, devrait être inscrite dans la Constitution, dans les textes de lois, les décrets d’application, les modes opératoires etc. » Je suis entièrement d’accord.

> Addiction : Au vu de la passion développée, j’en suis persuadé. C’est une addiction au toujours plus: de «choses matérielles», de reconnaissance, de pouvoir, d’argent.

> Conscient : Naomi Klein le soutient; pour elle, la politique libérale, et surtout ultralibérale, est capable de générer ou d’exploiter des situations de choc afin de profiter de la désorganisation et de l’état de faiblesse, pour contrôler et orienter des réformes économiques conformes aux objectifs. Elle cite de nombreux exemples: coup d’Etat de Pinochet au Chili en 1973, exploitation du tsunami du Sri Lanka en 2004, du cyclone Katrina…..

Cette stratégie a été théorisée par les économistes de l’école de Chicago; il faut profiter de l’absence de réactions d’une société en état de choc pour mettre en œuvre un plan de réformes drastiques: privatisation totale, réduction, disparition même de l’Etat, dans l’économie au sens large: éducation, santé, sécurité sociale et même ce que l’on considère comme les fonctions régaliennes: sécurité intérieure (police) et extérieure (militaire). La politique appliquée à la Grèce, à l’Espagne…. en est un très récent et pédagogique exemple.
Cette pensée unique, diffusée à longueur de journée, est en bonne voie en France; elle s’emploie à nous conditionner au bien-fondé de cette démarche. Pour combien de temps encore restera-t-elle majoritairement convaincante ?

– par Georges Vallet

crédits photos: heraldie.blogspot.com

Haro sur le baudet !

tgv

Un mal qui répand la terreur, mal que le ciel en sa fureur inventa pour punir les crimes de la terre, les cheminots (puisqu’il faut les appeler par leur nom) capables d’enrichir en un jour nos régions, faisaient aux libéraux la guerre.

Les derniers mouvements sociaux sont l’occasion de stigmatiser le comportement jugé irresponsable de certains salariés : les cheminots. Dans « la fin de la machine à vapeur », des mots importants ont été utilisés : évolution, concurrence, logique, libre, privilégiés, changements, pour le plus grand bien du consommateur.
Il ne me semble pas inutile d’y revenir et d’insister sur le fait que l’on voit là l’exemple type du comportement linéaire et analytique que je dénonçais récemment. Les problèmes actuels sont le résultat d’un mécanisme complexe résultant d’un nombre infini de paramètres interactifs dont, sans doute, comme tous, « du plus petit jusqu’au plus grand, du moussaillon au commandant », les cheminots ont leur part.

Isoler l’un de ces paramètres, le médiatiser, c’est en faire un bouc émissaire, un exclu qui comme un chien qui a peur pour son existence, va aboyer et mordre encore plus fort pour se défendre! En morcelant, on efface tous les liens qui existent sur lesquels il conviendrait d’agir aussi.

Les mots, comme les choses, doivent être «consommés avec la plus grande modération et précaution» !

Revenons à une analyse non exhaustive de ces mots.

Dans tous les domaines, l’évolution est constante et de plus en plus rapide, les cheminots le savent très bien ; ils savent aussi que si l’évolution de l’univers, de la planète et de la vie biologique (durée de vie) est subie ; celle de notre espace culturel, par contre, est choisie «démocratiquement», donc modifiable. Donc, à la différence de l’évolution incontournable, l’évolution sociale n’est pas prédéterminée, elle est acquise et défendue par la lutte.

Au niveau de l’entreprise, du transport, de l’instruction, la santé, la sécurité, l’armée, l’énergie… l’évolution est imposée, non pas par quelque force supra naturelle mais par la volonté politique actuelle dirigée par les instances européennes, tremplin du néolibéralisme mondial, dont l’objectif est d’affaiblir au maximum l’Etat. Beaucoup d’électeurs ont marqué dernièrement leur désaccord.

Est-ce une « bonne chose » ? Pas pour tous certainement, d’où les oppositions ! Beaucoup évoquent la nécessité de tels contre-pouvoirs pour assurer l’équilibre dans une vraie démocratie. J’écrivais dernièrement:  » D’où vient ce raisonnement binaire qui considère que si l’un a raison, l’autre a forcément tort ? « 

La concurrence est-elle logique et souhaitable ?

Ce qui est conforme au bon sens, qui est rationnel et cohérent, donc logique, dépend des objectifs fixés ; celui qui «gagne» apporte-t-il le meilleur profit pour les autres ou pour lui-même ?

Le gestionnaire du ferroviaire qui fera les prix les plus bas sera-t-il obligatoirement celui qui fournira la meilleure qualité de service au public, c’est-à-dire qui entretiendra le mieux le matériel en état de sécurité maximale pour l’usager et le personnel, en développant des lignes transversales pour permettre le plus d’accès possible au rail des marchandises et de tous les voyageurs se rendant à leur travail, pour faire leurs courses ou du tourisme, conditions indispensables et «logiques» pour lutter contre la pollution du transport routier ? L’exemple anglais, et français actuel, montre que non. Les capacités en personnels qualifiés, à la SNCF et souvent ailleurs (centrales nucléaires), sont très amoindries par la sous-traitance, le manque d’agents sur le terrain, contribuent aux nombreux inconvénients constatés par les usagers.

La pression de la concurrence est la source de nombreux «dérapages» : diminution des salaires, délocalisation des emplois, augmentation de l’intensité du travail, donc les risques d’accidents de travail, utilisation de produits dangereux, etc. On peut par exemple penser à Monsanto qui inonde le monde de pesticides dangereux pour l’être humain en prétendant qu’ils ne présentent aucun danger pour la santé. Ne parlons pas des affaires encore récentes des farines animales contaminées, du  » lasagne-gate « , de la tromperie de la société Spanghero…..

Oublions la publicité et le suremballage qui font monter les prix et l’obsolescence planifiée, source de gaspillage et de pollution.

Privilèges :

Considérer les cheminots et naturellement les fonctionnaires comme des privilégiés compte tenu de leur statut qui protège l’emploi est vraiment une vision très restrictive et partisane du problème des privilèges.

D’abord, le droit au travail est l’un des droits de l’homme proclamé à l’article 23 de la déclaration des Nations Unies de 1948 :
« Toute personne a droit au travail, au libre choix de son travail, à des conditions équitables et satisfaisantes de travail et à la protection contre le chômage »

Cette déclaration est restée purement théorique, c’est vrai, mais elle existe ; or, c’est la suppression de ce droit qui devient la normalité ! Celui qui a un emploi durable est perçu comme privilégié, le comble ! D’ailleurs le referendum sur le traité établissant une constitution pour l’Europe, en 2005, avait pris le devant en précisant qu’on ne reconnaissait que le droit « de chercher du travail » !

D’ailleurs, les privilèges ne se limitent pas à l’emploi. Nous sommes tous privilégiés par rapport à quelqu’un d’autre : les hommes par rapport aux femmes, celui qui a un toit, celui qui paye des impôts, la France du haut par rapport à celle du bas : «malgré le matraquage fiscal, entre 2008 et 2011, le revenu annuel moyen des cadres supérieurs a augmenté de 1 000 euros, alors que celui des employés a baissé de 500 euros et celui des ouvriers de 230 euros.» Observatoire des inégalités, 25/03/14…….

Libre !!! La panacée universelle ! N’oublions pas que la liberté des uns s’arrête où commence celle des autres ! La liberté non régulée d’entreprendre, de produire, de consommer a conduit à la pollution, à l’allergie, aux cancers, à l’obésité, aux cardiopathies, aux changements climatiques,.. et finalement à la « non liberté de pouvoir vivre » normalement. Il convient donc d’être très prudent quand on revendique la liberté !

Changement ?

Tout le monde souhaite le changement, mais pas forcément le même ! Le terme à la mode est, d’ailleurs, plutôt « réforme ». Il faut réformer, non pas pour améliorer le sort des gens mais pour, dans un premier temps, diminuer les dépenses publiques, et dans un second temps, les supprimer en livrant au privé la gestion de notre vie.

Rechercher les économies ? Une très bonne décision à condition qu’elle s’applique à tous les niveaux. Les P.P.P font-ils faire des économies à l’État ? On a fait éclater la SNCF, les PTT… en plusieurs structures concurrentielles alors qu’elles se complétaient ; maintenant on veut faire des regroupements dont l’objectif n’échappe absolument pas aux cheminots. Est-ce  » logique  » de leur demander un suicide collectif ?

Pour le plus grand bien du consommateur !

Il y a des termes qui disparaissent progressivement de notre vocabulaire, ils sont remplacés par d’autres ; ainsi les usagers ou les utilisateurs sont devenus « les consommateurs ».

On a remplacé l’intérêt du public donc du collectif par l’intérêt privé donc de l’individu. Un bon français est celui qui consomme de l’énergie, de la matière et de l’information, il en devient obèse, hypertendu et dépressif ; il faut qu’il dépense beaucoup et vite, même s’il n’a pas d’argent ; de bons samaritains qui s’enrichissent de ce commerce lui en prêteront à des taux d’intérêts souvent spéculatifs.

On consomme donc du transport, de l’énergie, de la santé, de l’instruction, de la défense, de la sécurité…; comme on n’a jamais assez d’argent et que l’offre est toujours de plus en plus tentante, on place constamment l’individu en situation de manque permanent, d’où la dépression ambiante, les vols, les agressions….

Je suis plein d’admiration pour ceux, et il n’en  manque pas, qui inondent leurs prestations de chiffres démontrant ce qu’ils ont envie de démontrer. La plupart du lectorat est incapable de les vérifier d’une part et d’autre part, pris séparément, ces chiffres n’ont aucune valeur car ils ne tiennent pas compte de leur intégration dans la globalité du fonctionnement de l’Etat ou des Etats. Ainsi soutenir qu’« en France, le coût de revient du TER est plus cher de 66% que celui de l’Allemagne» n’aurait d’intérêt que si l’Allemagne était une France dupliquée ce qui, bien évidemment n’a rien à voir. Chaque entreprise, chaque pays, chaque communauté, chaque famille gère son mode de vie et son économie citoyenne différemment.

Une chose est certaine, les chiffres n’ont jamais déclenché les révolutions, ils ne font que passer ; par contre, il n’en est pas de même du ressenti !

« La réaction du gouvernement sera une indication forte de son courage pour régler ces deux problèmes en appliquant son précepte de justice »

Tout à fait d’accord à condition que, simultanément, ce principe s’applique dans tous les domaines des rapports humains, sinon c’est une ségrégation insupportable et conflictuelle ! J’ai bien peur que la Fontaine ait raison :

« Selon que vous serez puissant ou misérable les jugements de cour vous rendront blanc ou noir »

N’ayant pas pu obtenir l’accord de Jean de la Fontaine, j’ai décidé de passer outre pour adapter partiellement «les Animaux malades de la peste».

– Par Georges Vallet

crédit photos: photo-libre.fr