La prolongation de l’état d’urgence demandée par le gouvernement pose des problèmes à certains et génère une occasion inespérée de pouvoir augmenter un peu plus les dissensions et le buzz, si chers aux médias.
En fait, en dehors des nécessités tout à fait justifiées de planifier la sécurité de la nation et de ses citoyens face à une menace constante du terrorisme, l’actualité journalière montre que d’autres états d’urgence sont de plus en plus…. «urgents» !
Comme toujours, on ne réagit, «en urgence», qu’au drame qui survient, le terrorisme en est un : c’est un état prioritaire. En ce qui concerne les autres drames prévisibles, présents et à venir : pas de temps, pas d’argent, autres problèmes à résoudre…, d’autres s’en chargeront, ce n’est pas «prioritaire» ! A la rigueur, on fait une nouvelle loi !
Le principe de précaution est inscrit depuis 2005 dans la constitution mais reste très dépendant des nécessités économiques, il n’est soulevé, hélas, que dans des cas bien particuliers !
Quelques titres, dernièrement, dans un quotidien, signalent, dans l’ordre d’apparition :
- Nos enfants vivront moins vieux que nous.
- L’ASN signale qu’une entreprise française a fourni des pièces métalliques avec des certificats falsifiés à des fabricants œuvrant dans le nucléaire.
- La situation budgétaire des universités frôle la catastrophe a estimé le Président de la Conférence des présidents d’universités (CPU).
- EDF détenu par l’Etat à près de 85% va devoir s’engager dans un programme d’investissement très lourd : maintenance du parc nucléaire français ; par exemple, en 2015, un incendie détruit un condenseur à la centrale de Paluel (76), et le générateur de vapeur chute sur le sol au cours du remplacement. Pas d’irradiation mais une «irradiation» dans la facture : 200 millions sont partis en fumée, un an de travail pour vérifier et remplacer ( facture non publiée) ! l’État apportera aussi 3 milliards d’euros afin de renflouer EDF pour lancer le projet de centrale nucléaire d’Hinckley Point (Royaume-Uni). On ne dit pas tout !
Heureusement «Le nucléaire, c’est moins cher que le solaire !!! - Le «dieselgate» rebondit : 16 marques dont Renault enfreignent les plafonds.
Ces exemples ne sont que des cerises sur le gâteau ; pour l’essentiel, c’est pire, en vrac : pollution générale de la terre, de la mer et de l’air, algues vertes, dangers du nucléaire, lobbying, logement, chômage, précarité, santé, conditions de travail, problèmes des déchets, du réchauffement,.., la culture, l’extrémisme religieux…, l’un d’entre eux surgit de temps en temps, à la faveur d’un événement suffisamment dramatique pour attirer l’attention des médias, puis disparaît car trop porteur pour les finances et pas assez pour la vente d’informations, du fait de la lassitude ambiante, de la routine asphyxiante liée à l’horreur permanente, et des nombreux problèmes à surmonter par chacun d’entre nous.
Quelle importance
Laisse-moi te dire
Laisse-moi te dire et te redire ce que tu sais
Ce qui détruit le monde c’est :
L’indifférence
Elle a rompu et corrompu
Même l’enfance
Un homme marcheu
Un homme marche, tombe, crève dans la rue
Eh bien personne ne l’a vu
L’indifférence
L’indifférence(G.Bécaud)
Arrêtons-nous sur la première information, plus «urgente» à résoudre que la LGV et le statut des fonctionnaires, elle engage la santé de nos descendants, de notre économie et de l’avenir de l’espèce humaine. De plus, c’est un domaine où chacune et chacun d’entre nous peut jouer un rôle.
Nos enfants vivront moins vieux que nous.
>En 40 ans, les ados ont perdu un quart de leurs capacités cardio-vasculaires du fait de leur sédentarité encouragée par leur vie aussi motorisée que connectée.
- 47% des européens déclarent ne rien faire, ni sport, ni activités physiques.
- 78% des Français sont en dessous des 10000 pas quotidiens recommandés par l’OMS.
- Au lycée, seul un jeune sur deux pratique une activité physique en dehors des cours….
A l’heure où les salles de sport poussent comme des champignons, la sédentarisation progresse encore plus vite.
Freinés par une société toujours pressée (d’arriver au cimetière sans doute !) et motorisée, la pollution dehors et dedans, avance à grands pas ! Alors qu’en 1950, la société affichait 4 heures d’activité physique, on en compte plus maintenant qu’une vingtaine de minutes.
> Les jeunes, mieux informés que leurs aînés, sont pourtant des consommateurs de plus en plus nombreux de tabac, d’alcool et de drogues illicites.
- Le tabac est la première drogue consommée par les jeunes Français : 26,3 % des jeunes de 15 ans sont des fumeurs réguliers ; Ces chiffres sont d’autant plus dramatiques quand on sait que la moitié de ces jeunes ne parviendra pas à arrêter de fumer et qu’un quart d’entre eux (la moitié de ceux qui resteront fumeurs) mourra de son tabagisme.
- Le nombre d’épisodes d’ivresses déclarées à 17 ans, répétées ou régulières, est en hausse, passant respectivement de 26 % à 28 % et de 9 % à 10,5 %. Les étudiants sont particulièrement concernés .
- la France occupe la première marche du podium européen pour la prévalence d’usage récent du cannabis chez les jeunes de 15-16 ans : En ce qui concerne les autres drogues illicites, leur usage a augmenté significativement entre 2005 et 2010 : de 3 % à 5,5 % pour la cocaïne.
L’association alcool, drogue, conduite automobile est un fléau des temps modernes.
> Chez les 11-30 ans, le temps de sommeil reste très insuffisant.
> Cinq € pour se nourrir (souvent parce que les reste est investi ailleurs : essence, logement, vêtements, informatique…), c’est le budget de beaucoup de jeunes vivant seuls. Un budget si serré, que 60 % d’entre eux ne mangent que très rarement des fruits et légumes et que 75 % d’entre eux déclarent ne pas manger quotidiennement ni viande, ni poisson ni œufs.
Josette Privat, présidente des Restos du cœur de la Haute-Garonne constate : «Les étudiants sont malheureusement devenus des «fidèles» des Restos. La précarité les touche de plein fouet et si les parents ne sont pas là pour donner un coup de pouce, c’est la catastrophe».
- Les ados qui consomment régulièrement sodas, fast-food et snacks sont plus anxieux, dépressifs, insomniaques ou agressifs que les autres. La dépression est la principale cause de maladie et d’incapacité chez les adolescents et le suicide est la troisième cause de décès.
- Depuis des années, on a pointé du doigt cette forme d’alimentation dans l’épidémie d’obésité. Mais ce ne serait que la partie émergée d’un problème bien plus plus général : les dérèglements hormonaux provoqués par les perturbateurs endocriniens, les mauvaises habitudes nutritionnelles des jeunes tout au long de la journée, «apprises» à la maison(les parents cuisinent de moins en moins), mais aussi relayées par certaines cantines ou restaurants universitaires, la publicité, la vie en groupe….
- La violence, la pauvreté, l’humiliation et la dévalorisation favorise l’apparition des problèmes de santé mentale. Toujours selon les estimations, 20 à 40 fois plus de jeunes ont besoin d’un traitement hospitalier pour des traumatismes dus à la violence.
> Un jeune sur 5 est menacé de surdité, d’acouphènes : baladeur, walkman, discothèques, sons compressés des médias, ….L’OMS alerte !
Il serait plus que temps de redéfinir et de réintégrer, dans les esprits des gens et des dirigeants, la prise en compte globale des urgences qui s’accumulent et interagissent ; tout est lié : croissance, chômage, hyper-consommation, alimentation déséquilibrée, de qualité nutritionnelle douteuse, dangereuse même parfois, cancers et autres, pollution, misère, violence, climat, sécheresse, soif, faim, guerre, radicalisme religieux, migrations climatiques, sanitaires, politiques, économiques, terrorisme….
La futurologie découpe le futur en petits morceaux bien séparés, hiérarchisés, alors que la réforme indispensable est de voir les interactions, les rétroactions et les interférences dans le temps et l’espace.
Nous n’avons pas besoin d’experts, d’oracles spécialisés autoproclamés, mais, comme dit Ernest Sabato, de «mondiologues». Il faut passer pour cela par une nouvelle approche d’un temps long, de la connaissance, de la politique, de l’économie, de la sociologie et de la pensée dite complexe. Cette dernière ne nous donnerait pas l’infaillibilité mais la possibilité de faire moins d’erreurs, d’avoir moins d’illusions et moins d’aveuglement, d’affirmer des certitudes destructrices comme une croissance quantitative infinie.
– par Georges Vallet
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