Au Musée de la Nature, au centre de Munich, on peut admirer la dépouille naturalisée de Bruno, l’ours austro-allemand qui dévasta en 2006 les campagnes de Bavière et y sema une terreur qui justifia qu’il fût abattu par autorisation ministérielle. Sa capture par filet ou par flèche hypodermique pour l’emmener dans un zoo n’avait pu se réaliser. Très rusé, éventant tous les pièges, y compris les charmes d’une femelle en chaleur placée sur son trajet, Bruno était évidemment un « ours à problèmes », un errant qui tuait des animaux domestiques sans nécessité de se nourrir. Il les éventrait et les laissait mourir lentement. De là à ce qu’un humain lui tombe entre les pattes… Notez bien qu’il venait dévaster des territoires voisins de son pays d’origine. Il était comme ces immigrés poilus transplantés dans un milieu qui n’est pas le leur et qui auront tendance à vouloir s’en évader pour aller à l’aventure dans les villages et sur les routes.
Des désaxés, il y en aussi beaucoup parmi les hommes. Munis d’armes blanches ou à feu, ils peuvent faire beaucoup de dégâts. Mais ils n’ont ni les griffes, ni les dents, ni le poids, la taille et la force musculaire de l’ours. Et la police est là pour leur mettre la main au collet. Mais allez donc mettre la main au collet d’un ours ! Méfions-nous donc du « nounours » que le Père Noël nous apportait quand nous étions enfants. Cette bête apparemment pataude et rondelette, mais rapide au sprint et au comportement imprévisible ne mérite pas tout l’amour de nos tout petits, de la même manière que le loup ne mérite pas la terreur qu’il inspire, car il a lui, généralement peur de l’homme et n’attaque guère isolément. L’ours est un fauve solitaire, un animal dangereux, surtout quand il est femelle avec des petits, et que nul n’aimerait rencontrer en se promenant en montagne. Je me souviens d’une randonnée que nous avions terminée à la nuit, mon épouse et moi, car nous nous étions un peu égarés. C’était en Ossau, sur un territoire où l’on avait lâché quelqu’ours. Nous n’en menions pas large et nous avons poussé un soupir de soulagement en arrivant à Bielle. Comme il est omnivore, l’ours ne dédaigne pas un bon bifteck. D’autant qu’il n’a plus guère de viande à se mettre sous la dent dans nos montagnes, à part les brebis.
Or, je lisais dans l’édition du 22 décembre d’« Alternatives Pyrénées » un communiqué daté du 15 décembre des associations Ferus et Pays de l’Ours – Adet demandant à Ségolène Royal de remplumer la population ursine des Pyrénées et menaçant la ministre d’un recours en justice « si elle ne faisait pas le bon choix ». Il paraît en effet que la Commission Européenne, bien au chaud dans ses silos de Bruxelles, veut mettre des ours dans les Pyrénées. Et cela, au moment où Jean-Claude Juncker, son nouveau président, vient de proclamer qu’elle devra se consacrer désormais aux questions vitales de notre continent comme l’emploi et la croissance, la sécurité, l’immigration, l’éducation et la santé, et non plus à l’encapsulement de l’huile d’olive et au débit d’eau des tinettes. Ou à reproduction des ours ? Passons… « L’ours brun est une espèce protégée, prioritaire au niveau européen, écrivaient ces amis des plantigrades, ce qui implique une obligation de protection en France. Toutes les études sont formelles : l’ours brun est < en danger critique d’extinction> en France. Aucun des deux noyaux de population n’est viable, celui des Pyrénées occidentales étant même condamné à très court terme ». « Sous le coup d’une mise en demeure de la Commission Européenne depuis novembre 2012, le Ministre de l’Ecologie Philippe Martin avait promis un nouveau <plan ours> avant fin 2014. Le gouvernement vient une nouvelle fois d’en repousser la publication … », poursuivait Ferus et Pays de l’Ours –Adet.
Encore une chance que ce ministre ait tergiversé et que, peut-être, Mme Royal l’imitera, sans se laisser impressionner par un « plan », qui n’est pas nécessairement un « bon plan », car la Commission pilotée par José Manuel Barroso se mélangeait souvent les pinceaux dans ses directives rédigées par des ronds de cuir désireux de justifier leurs postes bien rémunérés par une production pléthorique de papier imprimé. Une chose est certaine : bien des paperasses atterriront bientôt dans la corbeille à papier, ainsi en a décidé Juncker. Probablement, parmi elles, celle consacrée aux ours des Pyrénées. Nous n’ironiserons pas ici sur le fait, très souligné par les camarades des ours, « que les études scientifiques montrent toutes que l’accroissement naturel (de la population des ours, ndlr) ne permettra pas » de les multiplier. Ce serait trop facile d’avancer que, s’ils ne veulent pas, on ne va quand même pas les y forcer. En revanche, invoquer des « études » et une « science » qui en la matière ne peut être exacte, ne nous convainc pas. Cela prête même à sourire, quand on lit sous la plume de ces férus de l’ours que « Ségolène Royal va bientôt devoir choisir : restaurer la population d’ours dans les Pyrénées ou continuer à ne rien faire et laisser la situation se dégrader encore » et que « la décision qu’(elle) prendra est attendue, des Pyrénées jusqu’à Bruxelles ». Ce n’est pas la porte à côté en effet.
Sortant leurs griffes, nos vaillants amis des plantigrades affirment qu’« un nouveau renoncement serait injustifiable ». « Craignant (…), disent-ils, un nouveau rendez-vous manqué, (ils ont) décidé de prendre les devants en prévenant le Ministère : si aucune mesure concrète de restauration de la population d’ours n’est annoncée le 31 mars 2015, (ils) saisiron(t) le Tribunal Administratif pour manquement de l’Etat à son obligation de conservation de l’ours ». « D’ici là, (ils restent quand même) disponibles, comme (ils l’ont) toujours été, pour enfin échanger et discuter avec le gouvernement des nombreuses propositions restées sans réponse, tant dans le domaine de la cohabitation que de la restauration de la population d’ours ».
Ah, la bonne heure ! Nous sommes nous aussi pour la protection des espèces, celle notamment des éléphants et celles des oiseaux décimés par les chats domestiques et sauvages (que faire ?). Aussi leur proposons de réintroduire les ours dans les Pyrénées et d’entourer nos chères montagnes d’un grillage pour qu’ils puissent s’y ébattre sans ingérences des humains jusqu’à leur extinction naturelle (ou jusqu’à celle des humains). Un grillage non électrifié bien entendu car il ne faut pas traumatiser ces braves « nounours ». (à suivre)
– par Jean-Paul PICAPER
28 décembre 2014