Vieilles forêts pyrénéennes

compr DSC09922Dans les Pyrénées existent de vieilles forêts insoupçonnées accomplissant la totalité de leur cycle, peu ou pas exploitées depuis des siècles. Elles ne ressemblent pas aux boisements que l’on parcourt avec bonheur lors de la promenade dominicale, aux troncs bien droits qui s’élancent vers le ciel. Actuellement, les forêts efficacement protégées, principalement des forêts matures, représentent seulement 30000 ha en France, soit à peine 0,2 % de la surface forestière nationale. Ces hauts lieux de naturalité pourraient représenter presque 10000 hectares sur l’ensemble de la chaîne pyrénéenne.

Le recensement dans les Pyrénées est en cours
L’étude actuelle concerne la région Midi Pyrénées. Depuis 2008, le GEVFP (Groupe d’Etude des Vieilles Forêts Pyrénéennes) évalue et cartographie des sites de forêts vieilles et anciennes dans le cadre du projet « vieilles forets des Pyrénées » avec le soutien financier de l’Union Européenne (Fonds FEDER), de l’Etat français et du Conseil Régional de Midi-Pyrénées (1). Ce projet pluridisciplinaire de grande ampleur met en lumière un patrimoine naturel pyrénéen encore méconnu, peu protégé et dont on ne tient souvent pas compte dans les politiques forestières publiques ou privées.

La forêt française est-elle en bonne santé écologique ?

Globalement, et si nous nous comparons à d’autres pays, la forêt française est correctement gérée. Voyager est un excellent moyen de se rendre compte que dans de nombreuses contrées, occidentales ou du tiers-monde, la « nature ordinaire » est exploitée avec très peu d’égards, alors que dans ces mêmes pays, d’immenses Parcs Nationaux permettent à une nature choisie de resplendir pour la joie des visiteurs de tous bords. Pourtant, à y regarder de plus près, nous pouvons aller ici aussi de surprise en surprise : En France, la surface forestière est en augmentation, mais la qualité écologique des forêts, quant à elle, n’est que très peu concernée par cette augmentation quantitative. Dans plusieurs départements, nombre de forêts publiques sont traitées en futaie irrégulière respectant la structure de la forêt. Mais en règle générale, les forêts exploitées sont « cultivées » avec un taux de prélèvement ne leur permettant pas d’évoluer vers une certaine maturité naturelle. Ne nous y trompons pas, l’évolution qualitative se fait à l’échelle du temps forestier, bien plus lent que le temps de la vie humaine. Une forêt ayant recolonisé un pré il y a 100 ou 150 ans est une forêt jeune.

D’autre part, à l’heure actuelle, la surface forestière ancienne efficacement protégée dans notre pays est dérisoire, malgré l’armada de statuts permettant de préserver de près ou de loin la richesse de nos territoires. A l’ouest, rien de nouveau : Le plus souvent, ce sont les impératifs économiques qui priment.
Une première observation découle de ce constat : Des espèces exigeantes en matière d’habitat forestier sont très faiblement représentées, et souvent en régression constante depuis plusieurs décennies, qu’il s’agisse d’oiseaux comme le grand tétras ou le pic à dos blanc, de papillons, de mousses, d’insectes, etc.
Alors que la superficie couverte par la forêt a largement progressé sur l’ensemble du territoire national depuis le milieu du XIXe siècle, celle des vieilles forêts reste très faible.

Qu’est-ce qu’une vieille forêt pyrénéenne et où les trouver ?

Une forêt naturelle présente un mélange d’espèces et d’âges, avec un fort volume de bois mort. C’est un milieu mosaïque avec des habitats pionniers, des milieux ouverts, de très gros bois, en perpétuelle évolution. Une forêt qui n’est plus exploitée depuis les années 50, ce qui est un passé récent, va présenter de toute évidence des déséquilibres importants, une partie de son cycle ayant été tronquée : pas encore de bois mort sur pied par exemple, pas de gros diamètres d’arbres ou très peu de bois mort au sol. Il lui faudra des siècles pour retrouver une structure équilibrée.

Il serait prétentieux de chercher à expliquer le fonctionnement d’une forêt dans cet article, mais l’on peut dire qu’il s’agit d’une myriade d’interactions entre les espèces, champignons, plantes, arbres, mammifères, insectes, mousses et micro-organismes, en adaptation constante selon les fluctuations du milieu. De très nombreux micro habitats favorisent une faune et une micro faune riche et particulière. La superficie joue un rôle prépondérant pour la complexité des processus d’interactions entre espèces, et la représentativité des micro-habitats.

La quasi-totalité des forêts pyrénéennes ayant été exploitée par le passé, c’est dans des endroits inaccessibles que l’on retrouvera ces sylves aux fonctionnements naturels. La majorité d’entre elles sont en Haute Garonne et dans les Hautes Pyrénées.

Protections ……
La plupart des vieilles forêts pyrénéennes d’altitude sont des hêtraies sapinières ou sapinières de forêts publiques. Certains hauts lieux de naturalité sont mis en repos dans les documents d’aménagement de l’Office National des Forêts pour leur caractère remarquable, des îlots de sénescence ou de vieillissement sont créés. Quelques réserves forestières en Ariège et en Haute Garonne voient le jour, avec un degré variable de protection réelle. La Trame Verte et Bleue et autres politiques publiques en terme de gestion des espaces naturels sont en construction, avec des actions ciblées envers la forêt, et peut être certaines vieilles forêts. Ailleurs, les forêts matures sont protégées de fait par leur inaccessibilité.

…….. et menaces
A l’heure où nous écrivons, et selon ce que nous connaissons, les vieilles forêts de la chaîne sont menacées : par les coupes à câble de communes forestières du Haut Béarn recevant des subventions européennes via une association locale ; par les schémas de mobilisation du bois dans le noyau de vieilles forêts communales des Pyrénées centrales, dans le Comminges ; par des taux excessifs de prélèvements et des schémas de desserte ne tenant pas compte du caractère remarquable de ces forêts et ne s’en tenant qu’aux textes (par exemple, pas de coupe avant le 15 Juillet pour le grand tétras, pas d’exploitation dans les sites vitaux à ours) dans le 64, 65, 31 et 09 ; par la pression exercée prochainement par les centrales à granulés s’installant en piémont béarnais ; par les énergies dites renouvelables et les projets de diverses stations de ski.

Le travail effectué aujourd’hui par des entités comme le GEVFP, divers organismes et associations de protection de la nature, ainsi que par le site www.vieillesforets.com, est essentiel pour la reconnaissance des vieilles forêts pyrénéennes. La mise en lumière de ces joyaux de la nature encore méconnus permettra prochainement nous l’espérons, une protection efficace.

– par Philippe Falbet

(1) : Voir l’interview dédiée : http://vieillesforets.com/le-gevfp-groupe-detudes-des-vieilles-forets-pyreneennes/

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