La vie de la forêt pyrénéenne au fil du temps.

image-gvA l’intention d’éventuels intéressés, quelques informations reçues dernièrement permettent de s’informer sur la vie économique et le traitement de nos puits de carbone dans les Pyrénées. Elles peuvent être complétées par d’autres pôles d’intérêt comme l’ours, le Grand Tétras, la forêt du Ciron…., en consultant :
Actualités | VIEILLESFORETS.COM
http://www.vieillesforets.com/category/actualites/
Quelques titres :

Janvier 2013: Des arbres qui font un aller retour vers la Chine.
«Qui sait qu’actuellement, la Chine fait exploser la demande en bois de chêne et de hêtre des forêts françaises, et qu’elle importe des grumes (troncs ou parties de troncs avec écorce) depuis la France par bateau de manière massive, nous les revendant ensuite sous forme de produits finis : parquets flottants, meubles à bas prix, etc ?.»
Dommage !

Janvier 2014 : Etude de la revue Nature sur la capture du CO2.
«Ce sont les arbres les plus gros et les plus vieux qui ont besoin d’absorber le plus de CO2, afin de continuer à croître. C’est ce que révèle une étude publiée dans la revue scientifique de référence Nature.»
A méditer sur l’intérêt d’abattre les vieux arbres du parc du château ou du bois du Bastard.

Novembre 2014 Les exportations en Chine qui visent l’ONF.
«Dans les Pyrénées, on ne compte plus, d’Est en Ouest, les camions de grumes à destination de la Chine. Cette nouvelle pression est l’une des plus importantes menaces qui pèsent sur les forêts pyrénéennes, tout comme sur les vieilles forêts. L’association Robin des Bois attaque frontalement l’Office National des Forêts et l’accuse de vendre ses bois en Chine par l’intermédiaire d’acheteurs belges ou chinois.»
Affaire à suivre.

Novembre 2014 : Un nouveau coléoptère qui fait parler de lui.
«Dans une ancienne sapinière située dans la haute vallée d’Aspe, une nouvelle espèce pour la science vient d’être décrite pour la première fois, par Fabien Soldati, du Pôle d’entomologie forestière (PNEF) de l’ONF, et Laurent Soldati, INRA. Sa particularité : Ce coléoptère est un prédateur de scolytes. Les scolytes sont des insectes ravageurs essentiellement des résineux, qui s’attaquent aux bois vifs.»
Les scolytes sont particulièrement redoutables dans les forêts de résineux affaiblis par le feu. Voilà un auxiliaire précieux à préserver.

Février 2015 : Biolacq : déséquilibres annoncés.
«Certains acteurs qui s’installent actuellement en piémont pyrénéen ont des objectifs à donner le vertige. Le «monde du bois» se félicitait lors d’une réunion en Novembre dernier d’installations d’entreprises amenant de la plus-value économique, mais semblait ne pas aborder des aspects biologiques et écologiques primordiaux.
Ces recherches contredisent le postulat selon lequel les vieux arbres contribueraient moins à la lutte contre le réchauffement climatique.
Le 21 Novembre 2014, un article du journal Sud Ouest nous apprend que l’usine, portant un projet nommé Biolacq, devrait«engloutir environ 270 000 tonnes de bois par an pour être rentable.» On y apprend également (plans d’aménagement GDF SUEZ) que «le bois énergie issu de la forêt ne représentera finalement que 50 % de son approvisionnement, soit 60 000 à 80 000 tonnes.»
C’est, hélas, déjà pas mal !

Février 2015: Hautes Pyrénées : 6 années de chasse illégale :
«Le Grand Tétras est un galliforme montagnard en très forte régression dans les Pyrénées françaises : 75% des effectifs ont disparu depuis 1960. Malgré cela, la chasse au grand tétras est toujours de mise dans les Hautes Pyrénées. L’espèce est par ailleurs victime d’un braconnage persistant. Le Tribunal administratif de Pau vient une nouvelle fois de donner raisons aux associations de protection de la nature.»
Malheureusement les chasseurs sont reconnus officiellement comme « gestionnaire » de la biodiversité, une aberration !

Juin 2015 : Le carbone forestier en mouvements.
«Nous avons le plaisir de vous informer de la parution d’un rapport qui devrait faire date, sur le stockage du carbone en forêt.
Qui sait que les écosystèmes forestiers métropolitains stockent annuellement l’équivalent d’un tiers des émissions de CO2 françaises, en captant 32 MtC/an ? Que le sol joue un rôle clé dans l’écosystème forestier en stockant presque 50 % du carbone total ?»
Cette étude montre non seulement l’intérêt des arbres dans le stockage du CO2 mais l’importance aussi de l’humus du sol. Dans nos forêts très en pente, la coupe des arbres et leur transport sont un vrai massacre et, de plus, cela favorise le ravinement donc la perte de valeur écologique des sols.

Signé Georges Vallet
crédit photos:foretsanciennes.fr

Vieilles forêts pyrénéennes

compr DSC09922Dans les Pyrénées existent de vieilles forêts insoupçonnées accomplissant la totalité de leur cycle, peu ou pas exploitées depuis des siècles. Elles ne ressemblent pas aux boisements que l’on parcourt avec bonheur lors de la promenade dominicale, aux troncs bien droits qui s’élancent vers le ciel. Actuellement, les forêts efficacement protégées, principalement des forêts matures, représentent seulement 30000 ha en France, soit à peine 0,2 % de la surface forestière nationale. Ces hauts lieux de naturalité pourraient représenter presque 10000 hectares sur l’ensemble de la chaîne pyrénéenne.

Le recensement dans les Pyrénées est en cours
L’étude actuelle concerne la région Midi Pyrénées. Depuis 2008, le GEVFP (Groupe d’Etude des Vieilles Forêts Pyrénéennes) évalue et cartographie des sites de forêts vieilles et anciennes dans le cadre du projet « vieilles forets des Pyrénées » avec le soutien financier de l’Union Européenne (Fonds FEDER), de l’Etat français et du Conseil Régional de Midi-Pyrénées (1). Ce projet pluridisciplinaire de grande ampleur met en lumière un patrimoine naturel pyrénéen encore méconnu, peu protégé et dont on ne tient souvent pas compte dans les politiques forestières publiques ou privées.

La forêt française est-elle en bonne santé écologique ?

Globalement, et si nous nous comparons à d’autres pays, la forêt française est correctement gérée. Voyager est un excellent moyen de se rendre compte que dans de nombreuses contrées, occidentales ou du tiers-monde, la « nature ordinaire » est exploitée avec très peu d’égards, alors que dans ces mêmes pays, d’immenses Parcs Nationaux permettent à une nature choisie de resplendir pour la joie des visiteurs de tous bords. Pourtant, à y regarder de plus près, nous pouvons aller ici aussi de surprise en surprise : En France, la surface forestière est en augmentation, mais la qualité écologique des forêts, quant à elle, n’est que très peu concernée par cette augmentation quantitative. Dans plusieurs départements, nombre de forêts publiques sont traitées en futaie irrégulière respectant la structure de la forêt. Mais en règle générale, les forêts exploitées sont « cultivées » avec un taux de prélèvement ne leur permettant pas d’évoluer vers une certaine maturité naturelle. Ne nous y trompons pas, l’évolution qualitative se fait à l’échelle du temps forestier, bien plus lent que le temps de la vie humaine. Une forêt ayant recolonisé un pré il y a 100 ou 150 ans est une forêt jeune.

D’autre part, à l’heure actuelle, la surface forestière ancienne efficacement protégée dans notre pays est dérisoire, malgré l’armada de statuts permettant de préserver de près ou de loin la richesse de nos territoires. A l’ouest, rien de nouveau : Le plus souvent, ce sont les impératifs économiques qui priment.
Une première observation découle de ce constat : Des espèces exigeantes en matière d’habitat forestier sont très faiblement représentées, et souvent en régression constante depuis plusieurs décennies, qu’il s’agisse d’oiseaux comme le grand tétras ou le pic à dos blanc, de papillons, de mousses, d’insectes, etc.
Alors que la superficie couverte par la forêt a largement progressé sur l’ensemble du territoire national depuis le milieu du XIXe siècle, celle des vieilles forêts reste très faible.

Qu’est-ce qu’une vieille forêt pyrénéenne et où les trouver ?

Une forêt naturelle présente un mélange d’espèces et d’âges, avec un fort volume de bois mort. C’est un milieu mosaïque avec des habitats pionniers, des milieux ouverts, de très gros bois, en perpétuelle évolution. Une forêt qui n’est plus exploitée depuis les années 50, ce qui est un passé récent, va présenter de toute évidence des déséquilibres importants, une partie de son cycle ayant été tronquée : pas encore de bois mort sur pied par exemple, pas de gros diamètres d’arbres ou très peu de bois mort au sol. Il lui faudra des siècles pour retrouver une structure équilibrée.

Il serait prétentieux de chercher à expliquer le fonctionnement d’une forêt dans cet article, mais l’on peut dire qu’il s’agit d’une myriade d’interactions entre les espèces, champignons, plantes, arbres, mammifères, insectes, mousses et micro-organismes, en adaptation constante selon les fluctuations du milieu. De très nombreux micro habitats favorisent une faune et une micro faune riche et particulière. La superficie joue un rôle prépondérant pour la complexité des processus d’interactions entre espèces, et la représentativité des micro-habitats.

La quasi-totalité des forêts pyrénéennes ayant été exploitée par le passé, c’est dans des endroits inaccessibles que l’on retrouvera ces sylves aux fonctionnements naturels. La majorité d’entre elles sont en Haute Garonne et dans les Hautes Pyrénées.

Protections ……
La plupart des vieilles forêts pyrénéennes d’altitude sont des hêtraies sapinières ou sapinières de forêts publiques. Certains hauts lieux de naturalité sont mis en repos dans les documents d’aménagement de l’Office National des Forêts pour leur caractère remarquable, des îlots de sénescence ou de vieillissement sont créés. Quelques réserves forestières en Ariège et en Haute Garonne voient le jour, avec un degré variable de protection réelle. La Trame Verte et Bleue et autres politiques publiques en terme de gestion des espaces naturels sont en construction, avec des actions ciblées envers la forêt, et peut être certaines vieilles forêts. Ailleurs, les forêts matures sont protégées de fait par leur inaccessibilité.

…….. et menaces
A l’heure où nous écrivons, et selon ce que nous connaissons, les vieilles forêts de la chaîne sont menacées : par les coupes à câble de communes forestières du Haut Béarn recevant des subventions européennes via une association locale ; par les schémas de mobilisation du bois dans le noyau de vieilles forêts communales des Pyrénées centrales, dans le Comminges ; par des taux excessifs de prélèvements et des schémas de desserte ne tenant pas compte du caractère remarquable de ces forêts et ne s’en tenant qu’aux textes (par exemple, pas de coupe avant le 15 Juillet pour le grand tétras, pas d’exploitation dans les sites vitaux à ours) dans le 64, 65, 31 et 09 ; par la pression exercée prochainement par les centrales à granulés s’installant en piémont béarnais ; par les énergies dites renouvelables et les projets de diverses stations de ski.

Le travail effectué aujourd’hui par des entités comme le GEVFP, divers organismes et associations de protection de la nature, ainsi que par le site www.vieillesforets.com, est essentiel pour la reconnaissance des vieilles forêts pyrénéennes. La mise en lumière de ces joyaux de la nature encore méconnus permettra prochainement nous l’espérons, une protection efficace.

– par Philippe Falbet

(1) : Voir l’interview dédiée : http://vieillesforets.com/le-gevfp-groupe-detudes-des-vieilles-forets-pyreneennes/

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