Mais que font les socialistes du département ? Entre boycott de Pays de Béarn et inaction sur la réforme territoriale, on se demande quelle mouche les a piqués. S’agit-il d’une stratégie ou d’un réflexe d’appareil, ou d’un manque de conviction ?
La réforme territoriale mise en œuvre par le gouvernement tient les Français et les parlementaires en haleine depuis le mois de mai. Cette réforme, il faut bien le dire, a toutes les apparences d’un scenario de mauvaise série TV, lequel s’invente au fur et à mesure des saisons et en fonction de l’audience. Sans logique économique argumentée, avec peu d’économies d’échelle prévues, plein d’aberrations géographique et culturelles, la réforme territoriale est résumée par les atermoiements concernant la région Aquitaine : d’abord seule pour faire plaisir à M. Rousset, on la maria au Limousin, puis, devant la pression des élus charentais, on y ajouta la région Poitou Charente. Cette région, qui s’étend de Pau à Limoges, n’a de point commun que l’égo surdimensionné de la métropole bordelaise au détriment des autres centres régionaux et de Pau en particulier. Quant à Midi-Pyrénées, dans son obsession à échapper à l’ogre bordelais, elle se mit dans la tête d’absorber le Languedoc et Montpellier, avant que ces derniers ne se révoltassent et obtinssent l’indépendance, à grands renforts de lobbying parisien. Tout concourrait donc à ce que cette réforme, néfaste au sud de l’Aquitaine et de Midi Pyrénées réduits à un rôle d’arrière-pays, fût combattue avec vigueur par nos représentants politiques, et en premier lieu par nos parlementaires. Cela fut le cas, du moins dans un premier temps, car on vit une belle unanimité en Béarn, au centre comme à gauche (la droite hors-centre n’ayant pas de parlementaire dans le département) pour appeler le rattachement d’Aquitaine et de Midi-Pyrénées, rejoignant ainsi la demande générale des milieux socio-économiques, mais aussi historico-culturels de notre département. Une pétition était même prévue par l’ensemble des parlementaires, MM. Habib et Lasserre en tête. Mais las, ces belles intentions n’ont semble-t-il pas résisté à la torpeur de l’été indien, et surtout aux turpitudes de l’appareil politique socialiste. Sans bruit, on ne parlait plus de la pétition et, alors qu’un front commun aurait pu être constitué à l’occasion du débat au Sénat, on vit les sénateurs socialistes Fortassin et Labazée refuser de s’unir à M. Lasserre et présenter un amendement séparé, pour demander en fait la même chose, à savoir la fusion Aquitaine / Midi-Pyrénées. Cela aurait été un moindre mal si, le jour de la discussion de ces amendements, ces parlementaires bien peu zélés n’avaient pas omis d’être présents, rendant inévitable le rejet de leur proposition.
Cet épisode malheureux, lourd de conséquence pour le sud Aquitaine condamné à demeurer un cul de sac et à tourner le dos à ses frères pyrénéens de Bigorre, a été précédé par un autre non moins lourd de sens, à savoir le boycott socialiste de la réunion « Pays de Béarn ». S’il est compréhensible que les hommes politiques aient des opinions différentes et doivent parfois les exprimer, on pourrait attendre d’une initiative comme Pays de Béarn, qu’elle rassemble largement les élites. Or, l’union départementale des élus socialistes et républicains (UDESR) fit savoir, dans un communiqué, que les élus qu’elle représente ne participeront pas à la réunion du 21 octobre au palais Beaumont, considérant que « Le Pays de Béarn tel que le propose François Bayrou est un entre-soi qui ignore la Bigorre et les communautés de communes déjà existantes et qui ne va pas dans le sens de l’histoire qui est de se grouper pour être plus fort ». Or, c’est ignorer que le pays de Béarn ne va pas à l’encontre d’un rapprochement avec la Bigorre, bien au contraire, car une stratégie de marketing territorial passe par le renforcement de l’ensemble des identités fortes représentées, donc de Béarn et de Bigorre. En outre, si la solution était à un regroupement Béarn et Bigorre, bien nécessaire par ailleurs, pourquoi les mêmes parlementaires ne l’ont pas mis en œuvre, alors qu’ils maîtrisaient la communauté d’agglomération de Pau, les conseils généraux 64 et 65, et les deux conseils régionaux ? Enfin, si le rapprochement Béarn et Bigorre est si important, pourquoi ne pas réclamer avec plus de vigueur le rapprochement Aquitaine – Midi-Pyrénées ?
Dans le cas de la réforme territoriale comme de Pays de Béarn, les parlementaires socialistes béarnais ont donc pris des positions contraires à l’intérêt des Béarnais et des citoyens du département, et ont au mieux fait preuve d’une bien faible résistance aux propositions absurdes de redécoupage du gouvernement. On peut donc légitimement se demander si ce parti ne préfère pas la politique politicienne à la défense des intérêts de notre région et de ses citoyens. Il n’est certes pas le seul parti politique dans ce cas, mais il en est, de par sa représentativité et les fonctions occupées, le principal responsable.
Par Emmanuel Pène
le 4 novembre 2014