A Garlin dimanche pour sa journée taurine

Cicatrices, plaies, défaillances et peur,secrets du corps caché, tout se dérobe enfin sous la magnifique armure qui raidit le torero et en fait une statue de héros. Joseph Peyré « De cape et d’épée »; épilogue.

Depuis 32 ans, Garlin, petite cité à la « Porte du Béarn », comme se nomment ses arènes, a relancé la tauromachie espagnole. Elle avait existé dans un passé plus lointain encore puis disparue, la tradition de Course Landaise perdurant. Ce retour à la Course Espagnole s’est fait brillamment d’abord l’été, dans le cadre des fêtes, puis au printemps et l’on célèbre cette année la 18 ème édition de cette novillada de Printemps qui doit beaucoup aux aficionados locaux regroupés au sein de la peña locale.

« Monter » une corrida, ou une novillada cela devient de plus en plus compliqué administrativement et les risques financiers, assumés par des bénévoles, sont de plus en plus lourds. Bravo donc à ces hommes et femmes désintéressées, qui comme les Arzacquois et les Orthéziens font vivre la tradition taurine en Béarn. Chacun dans son créneau : Orthez organisant une corrida avec des toros de quatre ans (et une novillada le matin) dans le cadre de ses fêtes (le 28 juillet, cette année), Garlin une novillada donc avec du bétail de trois ans et Arzacq se dédiant à la jeunesse et au toreo à cheval (rejon) avec un réel succès.

On sait que le grand écrivain Béarnais, Joseph Peyré, qui vient de faire l’objet d’un colloque universitaire international à Paris, Pau et Madrid (les actes vont en être publiés) est originaire du petit village d’Aydie à un jet de pierre de la « placita » Garlinoise. Il repose dans son petit cimetière. Il a beaucoup écrit, de très belles choses, sur la tauromachie et « Sang et lumières » a obtenu un prix Goncourt. C’est ainsi qu’il gagna le surnom de « Hemingway Français ». On peut dire que c’est sous son aile que se réalise chaque année cette journée taurine. Il est en bonne compagnie puisque des écrivains français aussi importants que Georges Bataille, Jean Cocteau, Antoine Blondin ou Henri de Montherlant en ont fait de la corrida un de leur thème favori (comme de nombreux peintres).

Dès ses premiers pas Garlin a joué la crânement la carte de la qualité et présenté des affiches spectaculaires. Les plus grandes stars sont passées sur la piste de la Cité du Nord Béarn : Javier Conde, José Tomas, Morante de la Puebla, Juan Bautista, Sébastien Castella ou le cavalier Pablo Hermoso de Mendoza et plus récemment le landais Julien Lescarret, le salmantino Juan del Alamo, le mexicain Luis David Adame et le péruvien Andrés Roca Rey qui rafle, un peu partout, tous les prix. Du côté des éleveurs c’est la même chose : Juan Pedro Domecq (aux origines Béarnaises) est venu en personne de son extrême sud; en 2004 « Idéalista » est gracié et participe au lancement de la ganaderia de « Fuente Ymbro » actuellement aux avant-postes. Depuis sept ans Garlin fait confiance aux fameux « Pedraza de Yeltes » qui se sont révélés dans ces arènes ; un élevage dont le succès ne s’est pas démenti depuis. C’est ainsi que Garlin est connu dans le monde entier (mais oui !), Europe et Amérique du Sud car les taurins dans leur ensemble suivent avec intérêt le déroulement de cette journée.

Une journée, synonyme de qualité, de convivialité aussi. Un lieu idéal pour découvrir la tauromachie dans son intégrité, son  éthique car tout y est soigné et le respect des règles ancestrales y est scrupuleux. Raison supplémentaire cette année : Garlin accueille pour la seconde fois une nouvelle le jeune prodige Dorian Canton, un béarnais venu d’Asson à l’intrépidité étonnante et une volonté de fer. Triompher. Entrer dans cour des grands : voilà l’objectif d’un jeune homme qui mérite d’être soutenu par son public. Dorian devrait passer à l’étape supérieure rapidement en prenant l’alternative dans une grande arène voisine. Ce sera un des événements majeurs de cette saison tauromachique. Dimanche, ce sera une des dernières occasions de voir Dorian évoluer dans cette catégorie. Face à une opposition très sérieuse, chacun jugera sa capacité à devenir par la suite matador de toros. Destin inattendu, exceptionnel pour cet enfant d’Asson…

« Suerte a todos ».

Pierre Michel Vidal

 


A partir de 9h : Casse-croûte béarnais de bienvenue  –  Salle polyvalente

11h: Fiesta Campera de l’Opportunité

2 Toros-Novillos de PEDRAZA DE YELTES pour : Hector GUTIÉRREZ (Mexique) et Manuel DIOSLEGUARDE (Espagne)

Entrée GRATUITE pour les possesseurs d’un billet pour la Novillada.

A l’issue de la Fiesta Campera, le public sera invité à désigner par bulletin de vote, qui de ces deux toreros complètera le cartel de l’après-midi.

13h: Grand Repas de l’Aficion « Festi’Garbures »

16h30: 18ème Novillada de Printemps

6 Toros-Novillos de PEDRAZA DE YELTES pour :

Hector GUTIÉRREZ (Mexique) ou Manuel DIOSLEGUARDE (Espagne), Dorian CANTON (France), Alejandro MORA (Espagne)

Réservations (sans frais) : de 10h à 12h et de 16h à 19h : Tél. 05 59 04 74 23

 

 

A Garlin dimanche avec Dorian

Les plus grands noms de la tauromachie mondiale sont passés par Garlin : la star française Sébastien Castella, El Fandi le meilleur banderillero du monde, le roi des cavaliers Pablo Hermoso de Mendoza, l’actuel numéro un mexicain Joselito Adame ou le phénomène péruvien Roca Rey ; pour n’en citer que quelques-uns. Ils remplissent désormais les arènes de l’ensemble de la planète taurine après avoir fait un passage dans les arènes de la cité des « Portes du Béarn ». Il y a là une logique, somme toute, puisque c’est à quelques kilomètres de Garlin, à Aydie, qu’est né le grand écrivain Joseph Peyré et c’est là qu’il repose. Cette grande plume béarnaise –trop oubliée, hélas !- a beaucoup écrit sur la tauromachie et obtint même le prix Goncourt pour son roman « Sang et lumière » en 1935 – premier volet d’une trilogie consacrée à la corrida dans les années trente. Garlin maintient la tradition grâce à une équipe de bénévoles passionnés qui, dimanche, proposera sa dix-septième journée taurine de printemps.

C’est toujours un événement que cette journée consacrée à la novillada – il y en aura une autre, cet été, pour les fêtes de la commune – car les organisateurs ont depuis longtemps fait le choix du haut de gamme aussi bien pour le bétail retenu que pour leurs combattants. Ainsi le nom de cette petite commune est-il devenu célèbre dans tous l’univers taurin…

Cette fois on célébrera le premier Béarnais qui n’ait jamais atteint ce niveau : Dorian Canton. Originaire d’Asson, le jeune homme a une tête bien faite, et, nous l’avons dit ici, une vocation inattendue, née loin des bases taurines dans un univers étranger à ces réalités si particulières. La passion, le rêve l’ont emporté : Dorian a su convaincre ses proches et d’abord sa famille d’adhérer à ses projets qui ont du paraître, dans un premier temps, exotique et risqués. Il n’est pas né dans le sérail et il ne l’a jamais eu facile ce qui augmente ses mérites.

Mais Dorian s’est accroché et sous la houlette de Richard Milian, cet élève précoce s’est forgé une technique solide et le respect du public dans ses premières apparitions. Comme il a le cœur bien accroché, il a été jugé apte à évoluer avec les picadors c’est-à-dire à mettre un pas dans la cour des grands. Dimanche ce sera en quelque sorte un jour historique puisque, pour la première fois à ce niveau, un torero béarnais se produira devant un public béarnais, dans une arène béarnaise.

Dorian a fait des débuts réussis dans la catégorie lundi dernier à Mugron en coupant deux oreilles. Mais à Garlin ce sera une autre chanson car il sera opposé à un des élevages les plus redoutés de la planète taurine : les Pedraza de Yeltes. La venue de cette devise est en soi un événement, elle a triomphé plusieurs fois dans le sud-ouest notamment mais aussi à Garlin l’an dernier ; elle est présente à Madrid au mois de mai pour une soirée phare du long cycle de la San Isidro. C’est un redoutable honneur pour notre jeune Béarnais d’être confronté à une si forte opposition. C’est beaucoup de responsabilité aussi. Dans une saison très ouverte, il a une carte à jouer et Garlin peut le propulser aux avant-postes de la catégorie : lui ouvrir la porte de l’Espagne et retenir l’attention des nombreux organisateurs qui ne manqueront pas ce rendez-vous.

Il défilera en compagnie d’Antonio Grande qui nous vient de Salamanque où il a coupé trois oreilles pour ses débuts en septembre dernier. Les Pedreza sont élevés dans ce pays salmantino un des plus taurins du monde et pour asseoir sa réputation sur ses terres il ne peut pas se permettre d’échouer. Le troisième homme sera désigné lors de la fiesta campera du matin (gratuite). La place se jouera entre Angel Jimenez originaire d’Ecija en Adalousie et le madrilène Rafaël Gonzalez. Le vote du public les départagera ; la formule déjà rodée permet ainsi aux aficionados d’avoir leur mot à dire dans la composition finale de l’affiche.

On l’a vu lundi à Mugron, Dorian suscite un engouement de la part de ses amis, camarades de classe ou voisins du village, élus aussi qui sont venus le soutenir dans sa première sortie. Beaucoup n’étaient que des néophytes et sans doute se sont-ils réjouis de voir leur ami ou protégé sortir en triomphe de ces arènes landaises. Peut-être aussi ont-ils vu la corrida sous un regard plus favorable. Ce n’est pas le moindre des mérites de l’arrivée de Dorian dans ce « circuit » : il apporte un sang neuf, un souffle d’air nouveau.

Dimanche, il sera sur ses terres et il doit confirmer les premières impressions positives qu’il a laissées. L’élan affectueux qui se manifeste autour de lui se confirmera-t-il ? Les Béarnais sauront ils par une présence nombreuse, soutenir l’enfant du pays ? Il le mérite pour ses qualités techniques mais surtout – c’est l’essentiel – pour la persévérance, le courage et la profonde modestie qu’il manifeste. Ainsi, incarnant ces qualités si spécifiques à notre région, il est déjà ce « torero de la tierra » que nous attendions.

Pierre Vidal

Photo : Paseo aux arènes de Garlin