Le dépassement

Comme vous, je crois parfois me dépasser. C’est sans doute une illusion : me maintenir serait déjà trop beau ! Mais ce n’est pas de tels dépassements dont il va être question.

Ne pas dépasser chaque mois ses ressources est un objectif que nous essayons tous de respecter. Mais collectivement, les humains n’y prêtent guère d’attention. Au premier août, ils ont déjà consommé la totalité de ce que le terre peut leur fournir pour l’année. Et le pire est que ce manque de retenue s’accélère. En 1970 c’était le 24 décembre, comme s’il fallait jeûner pendant les fêtes. En 1999 c’était le 2 octobre, en 2000 le 25 septembre, en 2005 le 29 août, en 2010 le 14 août. Il faudrait donc disposer de près de deux terres (1 ,7 exactement) pour vivre comme nous vivons.

Ce constat alarmant se combine avec l’évidence d’un réchauffement climatique. Passons sur des faits isolés (pointe à 52° à Madrid hier, 53,5° au Pakistan). Mais le fait est là : en 2017 la température moyenne a dépassé de 0 ,38° à 0 ,48° la moyenne des années 1981-2010. En accédant au modernisme, les populations de pays émergent auront de plus en plus besoin d’air conditionné et le réchauffement des calottes polaires aura des conséquences dramatiques sur les océans dont la température s’élève de 1,7 degré par décennie et dont le niveau augmente de 3,1 cm par décennie.

On envie ici la croissance américaine qui s’est élevée à 4 ,1% au second trimestre. Mais est-ce bien raisonnable ?

Ne faudrait-il pas pénaliser le gaspillage ? Il est facile (en théorie) de proposer de sortir du système financier américain et de préconiser une monnaie internationale dont la valeur serait calculée sur un panier de monnaies. Le monde doit sortir d’un tel modèle dans lequel la finance et les échanges internationaux font la loi.

Mais regardons autour de nous. Utilisons-nous la bicyclette autant qu’il serait possible de le faire pour laisser l’automobile à l’arrêt et entretenir notre santé ? Avons-nous étudié comme il le faudrait l’acquisition de pompes à chaleur, la végétalisation de nos murs ? Prenons-nous le train même lorsqu’il est plus cher que l’avion pour se rendre à Paris ? Lorsque nous prenons l’avion prenons-nous garde au trajet et au nombre de décollages ou au coût proposé par les comparateurs sur internet ? J’avoue avoir fauté sur ce point et je le fais pour que vous en tiriez la leçon. Pour aller de Tarbes à Bari une compagnie à bas coût proposait de passer par Londres puis Milan. Le prix était attractif et les horaires corrects. Les escales prévues étaient d’au moins deux heures. Mais je n’avais pas prévu l’arrivée tardive de l’avion à Tarbes, l’inefficience pour les bagages à Stansted et le fait que Ryanair impose 3 heures pour les escales (ou les exclue lorsqu’elle vend le billet directement, j’ai entendu les deux versions dans la bouche de ses employés). Résultat : une journée de stress et un séjour amputé. J’avais rejeté un passage par Cracovie. Mais j’aurais dû être moins confiant et plus soucieux d’un vol plus direct et plus sûr. Faut-il préconiser la restriction de nos libertés, interdire de tels vols, prendre des mesures pour éviter aux vacanciers les 700 km de bouchons que la France connaît ce samedi ?

Jean-Paul Penot

Changer la forme sans changer le fond, c’est oublier qu’un train peut en cacher un autre.

GV 08072015«Alternatives Pyrénées», par la «voix» de ses spécialistes, nous informe régulièrement sur le «scandale qui règne dans notre mille feuille territorial : gabegie financière, mensonges des élus, laisser faire de l’opposition, myopie des media». D.Sango.

Si tout cela est patent et inadmissible, il ne doit pas masquer d’autres scandales bien plus alarmants pour notre avenir, d’un point de vue financier, économique, social, environnemental, de santé publique….Nos «experts» de tout poil, toujours prompts à manifester, sans modération, le manque de transparence, l’épaisseur du mille-feuille dépensier territorial, la gabegie, le professionnalisme de nos élus, etc., ne semblent pas se rendre compte que le fondement leur échappe !
Il ne suffit pas, loin de là, de changer la forme comme on ne cesse de le répéter; cela permet, c’est vrai, de libérer son adrénaline, de créer de nombreux échanges, mais, en fait, ce n’est que du bricolage qui permet de s’imaginer que «sa» vérité appliquée résoudrait le problème.
C’est le fond, c’est-à-dire la philosophie des comportements (encore les idées !) qui est à revoir. Redoutable, impossible, diront certains ! Sans doute, mais il n’y a pas d’autre issue, non pas pour le meilleur des mondes mais pour un monde simplement un peu moins mauvais ; la nature n’a pas pour vocation d’être bonne !
La philosophie responsable est ce comportement qui prétend qu’en laissant les marchés s’auto-réguler, l’équilibre social suivrait. On le saurait depuis le temps ! La liberté des marchés, de la production, de la consommation, de la pollution, de la spéculation, la nécessité d’une croissance infinie, source d’un bonheur pas encore prouvé(!), conduit irrémédiablement à «la gabegie financière, mensonges des élus, laisser faire de l’opposition, myopie des media».
La nécessité de produire, consommer, s’équiper…, toujours plus, de l’individu à la nation, oblige à recourir constamment à l’emprunt, une affaire pour les créanciers, un remboursement souvent «difficile» pour les autres!
La croissance infinie, la consommation jamais suffisante, stimule un gaspillage sans limite. C’est la réussite totale à ce niveau. La plupart des élus et leurs électeurs, les «experts !», sont les adeptes de cette philosophie.

Croissance et gaspillage sont devenus les deux mamelles de notre société.

En bout de chaîne, c’est le réchauffement climatique dont nous avons un aperçu en ce moment avec les désagréments et surtout les retombées catastrophiques au point de vue économique, sanitaire et social.
En dehors des gaspillages dénoncés au niveau local, citons :
Le Gaspillage fiscal.
60 à 80 milliards d’euros rentreraient dans les caisses de l’Etat chaque année si l’administration française percevait intégralement le montant de la fraude et de l’évasion fiscales, selon une estimation syndicale citée par Bernard Cazeneuve. En cause : les entreprises fraudant sur la TVA ou sur le travail au noir ; les grosses multinationales contournant la loi pour réduire leur taux d’imposition sur les sociétés, les particuliers plaçant leur épargne dans les paradis fiscaux ou échappant à l’impôt sur leurs revenus, etc.
Le Gaspillage d’énergie.
Energie bon marché, transport par camions, voiture pour aller chercher, à 100m, son pain ou conduire l’enfant à l’école, température domestique élevée l’hiver, climatisation source de bronchite l’été, isolations insuffisantes(23°C dans la vielle ferme familiale de Chalosse, 30°C à Pau dans la maison moderne «isolée» !), utilisation de gadgets et publicité énergétivores, autant de dépenses à payer. Passons sur les appareils électroménagers, les téléviseurs, dont on n’éteint plus la veilleuse, l’horloge, les NTI dévoreuses d’énergie. Recyclage insuffisant, empreinte écologique énorme : déchets polluants, gaz à effet de serre, contribution au réchauffement planétaire, à la pollution thermique et sanitaire locale(ozone).
Les sommes englouties dans la recherche et l’exploitation du nucléaire, du stockage des restes, le sauvetage d’Areva, sont colossales ; l’Etat paye, donc le contribuable.

Pendant ce temps le soleil brille ; que d’énergie non utilisée !

L’obsolescence programmée rapporte aux uns et coûte aux autres, pas les mêmes !

  • Obsolescence de qualité: diminution volontaire de la qualité et de la durée de vie des produits.
  • Obsolescence esthétique: suivre une mode qui change constamment.
  • Obsolescence fonctionnelle : ajouter sans cesse des nouvelles fonctionnalités à un produit déjà sur le marché, rendant le modèle précédent très vite obsolète.

Le Gaspillage des ressources naturelles.
Par exemple, en 2007 on aurait détruit, au niveau mondial, mais la France a sa part :
3,9 milliards de tonnes de pétrole, 2,4 milliards de tonnes équivalent pétrole de gaz, 6,3 milliards de tonnes de charbon, un milliard de tonnes de minerai de fer, quelques milliers de tonnes à quelques centaines de milliers de tonnes d’autres minerais : du cuivre à l’indium en passant par tous les éléments du tableau de Mendeleïev. Destruction de millions d’hectares de forêts…..Peu importe la rigueur de ces estimations, c’est un emprunt au patrimoine naturel que l’on ne rembourse pas, une dette monumentale ! Ce résultat, même approximatif, est consternant pour l’avenir !
Gaspillage des emballages.
Des centaines de tonnes d’emballages d’aliments, d’électroménager, de vêtements, etc., finissent dans nos décharges pour être incinérés : CO2. 95 milliards d’euros sont gaspillés chaque année !
Gaspillage de vêtements.
Avec la multiplication des enseignes discount, les vêtements sont moins chers, nous en achetons plus et plus souvent. Nous nous débarrassons de 600 000 tonnes de vêtements chaque année et les trois quarts partent à la poubelle.
Gaspillage de l’eau.
Près de 2 personnes sur 10 sont privées d’eau potable dans le monde ; pour l’Institut international de l’Eau (Siwi) la moitié de celle utilisée pour l’agriculture est gaspillée.
Outre le gaspillage direct, l’adoption du régime carnivore occidental est non seulement nuisible pour la santé (nous ne sommes pas des carnivores !), mais redoutable pour le besoin d’eau que nécessite la quantité de céréales et d’herbe à produire et pour l’entretien des élevages (un kilo de viande de bœuf nécessite 15500 litres d’eau). Face à des ressources en eau qui s’amenuisent et une population humaine en croissance, la guerre de l’eau est déjà commencée (Moyen Orient).
Gaspillage agricole.
Des cultures peuvent être perdues avant la récolte en raison de maladies ou du mauvais temps (réchauffement). Les agriculteurs récoltent souvent de façon sélective, laissant des productions non conformes aux standards dans le champ, dans la mesure où les aliments seraient écartés plus tard de la chaîne.
Gaspillage alimentaire.
>Une partie des ménages occidentaux jettent des produits non consommés avant la date limite de consommation (DLC) pour cause d’achats supérieurs aux besoins (réfrigérateur trop rempli, prix bas lors d’achats en grande quantité), ou une fois la date limite d’utilisation optimale dépassée, par confusion entre les deux dates.
Selon les banques alimentaires, le gaspillage de l’ultra-frais et des fruits et légumes, dans les grandes et moyennes surfaces françaises, atteindrait 600 000 tonnes par an.
>Conseil général de l’Isère : estimation du coût 2012 du gaspillage alimentaire des collèges de l’Isère : 3 millions d’euros par an. Selon l’Ademe, le gaspillage vient également de la restauration commerciale et collective, notamment à l’hôpital, dans les cantines scolaires où près de 30% du contenu des assiettes part à la poubelle.
Chez moi, quand j’étais jeune, on ne jetait jamais un morceau de pain, c’était un symbole respecté par beaucoup ! Les valeurs ont changé !
Tous ces gaspillages (ne parlons pas des médicaments, de la pêche…) proviennent d’une utilisation coûteuse, inutile, voire nuisible, d’Energie, de Matière et d’Information.
Cette gabegie est le reflet de la philosophie sociétale comme l’est celle produite par notre mille-feuille territorial !

La société a fait le mille-feuille à son image !

Ces activités humaines parasites interviennent dans le réchauffement climatique; les retombées financières sont considérables : maladies, pertes agricoles, perturbations atmosphériques, inondations, montée de la mer, recul des côtes, désastres économiques sur les transports, refroidissement des centrales par une eau (plus chaude !) qui se raréfie, élevages industriels,….; à cela il faut ajouter l’épuisement et la pollution des «biens communs», jugés gratuits, par le fait d’une exploitation intensive de l’eau, de l’air, des ressources souterraines, de la biodiversité (abeilles, pollinisateurs).
Le coût global des dégâts causés par la canicule de 2003 aurait pesé pour 13 milliards d’euros dans l’économie française, dont 4 milliards rien que pour l’agriculture et la sylviculture.

Qu’il faille simplifier et assainir la gestion des collectivités locales, cela ne fait aucun doute, mais ailleurs aussi ! Il faudrait cependant réactualiser la cible, prendre conscience que ce sont elles qui sont confrontées aux dégâts, aux catastrophes, à la misère sociale, aux conflits… ce sont elles qui, au contact du terrain, ont à gérer les problèmes de plus en plus nombreux et importants, donc ce sont elles qui ont besoin de plus en plus d’intervenants au service du public. Petit exemple, dernièrement, Joël Braud évoquait le manque de moyen des forces de l’ordre dans son sujet sur «les caravanes».
Et l’argent, où le trouver ? Les économies de la simplification, la volonté de réduire les gaspillages sus-nommés, des économies dans l’administration centrale, des économies dans le nucléaire, suspendre les constructions de prestige, les LGV, les aides, sans résultats significatifs, à beaucoup d’entreprises,…., des transferts de priorité donc. Quand on veut, on en trouve toujours !

  – par Georges Vallet

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