L’acte II du grand débat palois s’est déroulé au parc des expositions, ce mercredi 6 février 2019. Il y avait beaucoup moins de monde que lors de la précédente édition. Il fallait s’y attendre. Cette fois-ci les thèmes étaient définis : démocratie et citoyenneté.
Deux grands témoins nouveaux : Françoise Pons, magistrat et Philippe Terneyre, professeur de droit public.
François Bayrou toujours dans le rôle de monsieur Loyal précise quelques idées en rapport avec les thèmes retenus : la sincérité de la représentation, le vote proportionnel, le vote blanc et le rôle des médias.
Puis Jean Marziou expose une réflexion sur l’engagement citoyen. Il est suivi de Philippe Tugas qui aborde la notion de représentation.
Interviennent ensuite des gilets jaunes qui sont là pour se faire entendre. Plusieurs personnes de différentes origines prennent la parole. Dans cet ensemble on ne peut éviter, une réflexion sur l’Europe. Il y en a même un qui nous a parlé de la Chine. Bon ! il faut de tout pour faire un monde. Mais ce qui est pénible est de devoir subir des prises de parole qui n’en finissent pas de la part de ceux qui trouvent un plaisir intense à s’écouter eux-même pendant de grands moments, comme si ce qu’ils avaient à dire était d’une importance capitale. Enfin c’est la loi du genre…
Pour ma part, j’avais à cœur de pouvoir poser deux questions aux professeurs de droit public que sont Jean Gourdou et Philippe Terneyre. Et ô miracle, j’ai pu poser ces questions. L’une portait sur les modalités et les conséquences de l’élection des députés à la proportionnelle ; l’autre concernait la prise en compte des votes blancs.
Sur le vote à la proportionnelle, c’est Jean Gourdou qui s’y est collé. Il a fait, selon moi, une approche du sujet en disant qu’il s’agissait d’une procédure qui permettait une meilleure représentation des électeurs mais qu’elle comportait des inconvénients. En réalité ce qu’il a dit, était, à mon sens, pour le moins insuffisant.
J’aurais attendu de lui qu’il nous précise :
- Qu’il s’agit d’un scrutin de liste.
- Que ces listes peuvent être constituées soit au niveau des départements, soit, pourquoi pas, au niveau des régions et enfin éventuellement au niveau national.
- Il aurait pu évoquer les règles fixant la répartition des restes. Ce dernier point, particulièrement technique, aurait pu faire toucher du doigt à ceux qui prônent cette forme d’élection comme une panacée, que ces difficultés ont de quoi faire réfléchir même les plus convaincus.
- Il aurait dû rappeler l’expérience de la quatrième République (1940 – 1958) caractérisée par une instabilité ministérielle chronique puisque la durée de vie moyenne des gouvernements était de sept mois.
- Il aurait pu également faire allusion à quelques périodes de la troisième République (1870 – 1940) qui a connu des élections des députés à la proportionnelle (1885 – 1919 – 1924).
- Que, sur décision de Mitterrand et pour des raisons de politique politicienne, les députés avaient été élus à la proportionnelle le 13 mars 1986. Et qu’aux élections suivantes (5 et 12 juin 1988) nous étions revenus au scrutin uninominal majoritaire à deux tours par circonscription. Cet épisode de 1986 avait permis à des partis comme le Front National et le parti Communiste de détenir chacun 35 sièges à l’Assemblée Nationale. Lorsqu’on sait qu’à l’époque, il fallait 30 députés pour constituer un groupe et lorsqu’on connaît les prérogatives dont bénéficient les groupes, on enrichit sa réflexion. Mais l’objectif poursuivi par le chef de l’État était de faire barrage au R.P.R.
Ce sont là des éclairages que j’attendais du professeur Jean Gourdou, mais peut-être n’a-t-il pas voulu se positionner en donneur de leçon. Pour ma part, je suis resté sur ma faim…
Mais s’il fallait chercher des éléments qui plaident en la défaveur du vote à la proportionnelle, il faudrait aller les cueillir chez François Bayrou lui-même. Et pourtant il est un ardent défenseur de ce mode électoral. Il faut d’ailleurs noter ici que ce sont principalement les « petits partis » qui défendent la proportionnelle. Normal quand on sait que les partis politiques, subventionnés par l’argent public, le sont en fonction du nombre de leurs élus. Ou, si vous préférez, quand les convictions politiques cèdent le pas aux intérêt financiers.
Au début de la soirée, le maire de Pau s’est lancé dans un plaidoyer en faveur du vote à la proportionnelle, oubliant son engagement de neutralité. Il a même spécifié que tous les pays de l’Europe avaient adopté ce mode de scrutin, ce qui est contestable. Mais surtout dans sa démonstration, il a dit que les élections municipales se font à la proportionnelle et qu’à Pau 95% des décisions sont votées à l’unanimité. A entendre cela, on imagine la satisfaction de l’électeur qui, ayant voté pour l’opposition, constate que dans la réalité, l’opposition qui devrait s’opposer ne s’oppose pas. Il doit en ressentir, à juste raison, un sentiment de trahison.
L’autre argument tient au vote récent des députés du MoDem sur la loi dite anticasseurs. François Bayrou l’a souligné : Josy Poueyto s’est abstenue. Elle a considéré, comme lui-même d’ailleurs, que le pouvoir d’interdire à certaines personnes la possibilité de manifester ne pouvait être confié au Préfet mais au juge. Or sur les trois députés MoDem seule Josy Poueyto a fait ce choix, les deux autres, Bru et Matteï, ont voté pour. Cette donnée nous permet de constater que dans un même parti politique, les convictions de chacun divergent. Lorsqu’on vote pour une personne on vote pour quelqu’un dont on connaît les options politiques. C’est le cas actuellement selon le système d’élection des députés au scrutin uninominal. Lorsqu’on votera selon le mode proportionnel on votera pour une liste présentée par un parti. Malgré un affichage officiel des engagements, il se trouvera des candidats dont les opinions divergent. En votant pour le Modem, par exemple on ne pourra savoir à l’avance qui votera pour ou contre la loi anti casseurs, ou qui s’abstiendra. Une inconnue qu’il faudra bien accepter.
Enfin il y a d’autres arguments qui résultent des petits arrangements entre amis. Pour la constitution des listes par exemple, c’est à celui qui obtiendra une place à un rang éligible, il faudra savoir se placer. L’expérience a montré qu’avec l’émiettement des partis tel qu’il résulte d’un vote à la proportionnelle, il ne sera pas toujours facile au sein de l’Assemblée Nationale de trouver une majorité pour voter une loi. Alors s’ensuivront des petites négociations d’arrière boutique. Si tu me suis sur cette loi je te renverrai l’ascenseur pour telle autre décision. C’est ce qu’on appelle des magouilles. Cela est d’autant plus lourd de conséquences que maintenant les députés ont la possibilité de déposer des projets de loi ce qui n’était pas le cas au début de la cinquième République.
Soyez vous-mêmes juges de ces revendications exprimées par les gilets jaunes, mesurez en les modalités et les conséquences et surtout considérez que la constitution de la cinquième République, par sa conception et sa souplesse, a permis à notre pays de traverser bien des épreuves.
La prochaine fois il faudra parler de la prise en compte des votes blancs.
Pau, le 11 février 2019
par Joël Braud
Crédit image : Le Figaro (source Ministère de l’intérieur – Kantar Sofrès One point)