La mule et l’intello* – Marketing aux Encantats !

Le lac d'Amitjès
Le lac d’Amitjès

Les Encantats, comme son nom catalan l’indique, sont tout simplement « les Enchantés ». Situés au sud-est du Val d’Aran, intégrés dans le « Parc National d’Aigües-Tortes et du lac de Saint Maurice »,  ils proposent 200 lacs aux formes et couleurs variés, une végétation riche où les pins à crochets dominent et des sommets qui rappelent les Dolomites. L’eau y est omniprésente. La neige et la glace aussi, quand la mule et son intello y parviendront. Revers de la médaille, l’endroit est très touristique, sauf pour ceux qui pratiquent le « hors-piste ». Comme toujours !
Pour y pénétrer, par l’est, les visiteurs vont jusqu’à Espot qui « grouille » de monde. Là, les « taxis d’Espot », de gros 4*4, vont les conduire dans le Parc. Non pas à la périphérie mais bien dans le Parc. Odeur de gazole assurée le long de la route qui, heureusement, s’arrête dès le refuge d’Amitjes.

On sait bien l’intello un peu « ours ». L’idée de côtoyer les foules le conduit à décider de pénétrer dans le Parc, non pas par le fond de vallée, Espot et ses taxis, mais par les crêtes. L’équipage monte donc depuis la Guingueta d’Anèu (920m) jusqu’au « refuge du Pla de la Font » (2002m), puis le lendemain file sur le refuge d’Amitjès. Deux étapes de transition plutôt « cool » avant d’entreprendre une traversée des Encantats « hors-piste ».

De la montée au refuge du Pla de la Font, il y a peu à dire. Elle se passe en forêt, des feuillus d’abord, des résineux ensuite, avec toujours la même conséquence : vue bouchée. Seul au départ, le passage dans le village restauré de Jou fait sortir, de son étui, l’appareil photo pour immortaliser de belles vieilles demeures. Pas âme qui vive durant toute la montée sauf… un vététiste aussi surpris que nous de croiser, un randonneur sur le chemin.

L’arrivée au refuge fera vite oublier une montée monotone. Situé au-dessus de la forêt, orienté nord, il permet une vue à 180° magnifique dans un cadre de verdure et de tranquillité rare. Champêtre à souhait. L’herbe épaisse flotte au vent. Magie des ondulations. Au-dessus, au sud, vers la crête qui domine Espot, de magnifiques pins à crochets se découpent dans le ciel. La mule trouve des cousins au milieu d’un troupeau de chevaux de trait qui broute tranquillement. Un nuage épais s’élève au-dessus des pins. L’intello signale de suite un début d’incendie à Tom, gardien du refuge depuis 15 ans. Eclat de rire : « c’est du pollen ! ». Le Paradis est-il ici ?

Tom est aussi guide. Il ne conseille pas vraiment de poursuivre seul sur la ligne de crête afin de descendre directement sur le refuge d’Amitjès, étape suivante de la « mule et son intello ». Peu ou pas de monde sur un tracé… peu tracé. A deux, pas de problème ! Mais, l’intello est seul (avec sa mule). Il y a 4 à 5 heures de marche entre 2600 et 2900m. Compliqué. Décision est prise donc de descendre le lendemain directement vers le lac de Saint Maurice et l’entrée classique aux Encantats.

Tom et l’intello sont seuls sur place. La saison n’a pas vraiment démarré. Ils dinent ensemble. Une bouteille de vin délie les langues. Pour Tom, comme pour tant et tant de personnes qui vivent « de et dans » la montagne : « la planète ne peut plus accepter notre niveau de consommation ». Elle est pourtant si éloignée de ces lieux préservés ! Ceux qui vivent hors des villes sont-ils plus conscients des dégâts qu’impose l’activité humaine à notre planète ?

Douche chaude gratuite et à volonté sur place ! La nuit est bonne. Réveil à 6h. Comme d’hab.

Du refuge à la crête, pour ensuite redescendre vers le lac de Saint Maurice, il ne faut pas plus de 10 minutes. Commence alors une descente franche où les bâtons sont particulièrement utiles. Quarante cinq minutes plus tard, l’entrée du Parc National est atteinte et son flot de visiteurs bien présent. Les taxis aussi ! Reste 600 à 700m de dénivelé grimpant à parcourir pour d’abord arriver au lac de Saint Maurice puis celui de la Ratera, suivi d’une belle cascade et enfin le refuge d’Amitjès (2366m) situé à côté… de deux nouveaux lacs : celui d’Amitjès et celui des Barbs. De l’eau, encore de l’eau, toujours de l’eau. C’est cela les Encantats. Depuis le refuge, la vue est tout simplement magnifique. On se croirait face aux Dolomites.

Sur place, il y a presque foule. Cela change du Pla de la Font ! Un sigle sur le bâtiment explique en partie cette affluence. Ici, c’est une étape des « Caros de Foc »  (les « Chars de feu »). A l’image du refuge de Certascan qui est intégré dans les circuits de « la Porta del Cel » et des « Muntanyes de Llibertat », Amitjès fait partie d’un ensemble de 9 refuges qui proposent de réaliser un tour circulaire des Encantats. A la clef : 55 kms pour 9200m de dénivelé cumulé.

Guides, topos randos, tee-shirts sont disponibles. Comme pour les pèlerins de Saint Jacques de Compostelle qui font tamponner leur « credencial », les randonneurs, trekkers ou autre « trailers », selon la vitesse à laquelle ils vont, font viser par les refuges leur passage. On est là en plein marketing et cela marche. Amitjès, ce soir-là, affiche complet. Des randonneurs dorment à même le sol.

Complet aussi le refuge « Ventosa et Calvell », étape du jour suivant. Lui aussi se trouve sur la route des « Caros del Foc ». Les Catalans : des as du marketing pyrénéen !

La nuit sera longue. Toutes sortes de bruits « bercent » le dortoir. La porte palière grince à chaque passage. Les ronflements des uns, les rêves à voix hautes, les cauchemars, les sorties « techniques » aux toilettes. Tout se lie pour rendre la nuit peu ordinaire…

Les plus malins des randonneurs savent bien comment éviter cela. Ils installent leur tente à deux pas des refuges et ainsi peuvent bénéficier du dîner, du petit déjeuner, du « picnic », voire des douches. Ensuite, ils dorment au calme sous la tente. Seules contraintes : porter une tente et un duvet. Pour l’intello qui lutte contre le poids pour préserver sa mule, ce surpoids est en trop. Qui veut voyager loin, ménage sa monture ! Un choix de légèreté qui se paye en nuits blanches.

Réveil 6h et départ en compagnie de Jérome, avec qui l’intello avait fait 4 étapes l’année précédente, et Connie, son épouse. Les deux ariégeois viennent rejoindre « la mule et son intello » pour, ensemble, cheminer, par la HRP, jusqu’au cirque de Gavarnie.

– par Bernard Boutin

Nota :
– Le verdict du GPS
Pensión Cases – Refugi Pla de la Font     : 3,2 k/h, 2h19 de marche, 3h35 de rando, 7,54 kms parcourus, 966m de dénivelé positif
Refugi Pla de la Font – Refugi de Amitjès : 3,4 k/h, 3h50 de marche, 5h30 de rando, 13,1 kms parcourus, 736m de dénivelé positif
– * J 22 et 23 de la traversée des Pyrénées d’est en ouest de la « mule et l’intello ». Les précédentes étapes, c’est ICI
– Crédit photo : Bernard Boutin et crédit plan : http://senderismo.gronze.com

La mule et l’intello* – Les crêtes du Campirme : De la Guerre civile espagnole à la ligne Maginot !

Abris franquiste au Pic Campirme
Abris franquiste au Pic Campirme

Après avoir passé une excellente nuit au refuge Certascan, l’équipage doit rejoindre, en trois jours de marche, les célèbres « Encantats ». Pour cela, l’intello a repéré une belle ligne de crête, celle du pic Campirme (2635m), orientée nord-sud qui domine les vallées de Cardós et d’Anèu. L’équipage quitte la HRP et part « vagabonder » selon ses inspirations. Bien peu est publié sur le « net » à propos de cette crête. Le point de départ se situe à la petite station de ski de Pleta del Prat (1720m), située au dessus du barrage de Graus. Il faut d’abord l’atteindre pour y passer la nuit.

Après une montée, franche et totalement enneigée, au col de Certascan (2585m), commence une longue descente dans une vallée parsemée de gaves et de lacs. A l’estany Blau, la neige disparait définitivement. L’estive approche. Elle est riche en fleurs : rhododendrons, genets, iris etc. Un premier pin à crochets, si caractéristique des Encantats, apparait. Comme lors des étapes précédentes, les gaves sont délicats à traverser. Descendant toujours, les bois sont passés pour finalement atteindre le hameau de Noarre. Toutes les granges sont en parfait état. Les prés, à l’herbe haute et dense, sont intouchés. Il n’y a pas âme qui vive. Bucolique au possible, comme coin.
Il s’agit ensuite de rejoindre Graus (1340m) par un doux sentier, très praticable, qui suit, dans les bois, le cours du « rio de Noarre ». Une descente tranquille et relaxante après la neige, glace et les rochers des jours passés.

Depuis le petit hameau de Graus, l’équipage remonte 400m de dénivelé pour atteindre le refuge de Pleta del Prat où il sera le seul visiteur du jour. Il est du coup « chouchouté » : diner en famille avec « l’aubergiste » et mise à disposition de la machine à laver. Une fois n’est pas coutume ! Pour le reste de la traversée, un cérémonial quotidien s’instaure. Sitôt arrivé à destination, pantalon, tee-shirt et chaussettes du jour auront systématiquement droit à un passage à l’eau, chaude (rarement), tiède (quelquefois), froide (souvent), selon les refuges; une eau « teintée » de quelques gouttes de savon de Marseille. Celui même utilisé pour l’hygiène corporelle et les cheveux. Pratique ! Pour le séchage du linge, le soleil couchant fera toujours l’affaire.

Belle remontée très tôt le lendemain, en passant le long de l’étang du Diable. De ce dernier, comme Nessie, la rumeur en parle mais personne ne le voit jamais ! Ce jour-là, il devait dormir. La mule craint cependant… surtout que le brouillard va et vient. Le pic Campirme (2635m) est enfin atteint. La vue à 360° est magnifique. Un belvédère hors norme. La crête descend par de doux « alpages » (mot curieux pour les Pyrénées !) vers le sud pour s’achever au pic de Montcaubo (2.290m) sous lequel passe le GR11 qui doit conduire l’équipage à la Guingueta d’Anèu, la prochaine étape.

Au pic, la trajectoire de la mule et de l’intello vont soudain diverger totalement. La première va voir le compteur monter à 33,4 kms pour la journée (contre 19,6 kms de prévus par le GPS), le second va plonger dans la guerre civile espagnole et la ligne P (la « petite » ligne Maginot du Général Franco).

Surprise : Tout autour du sommet, des redoutes et fortifications, datant de la guerre civile espagnole sont installées. Des tranchées les relient. A cette altitude, 2635m, le Général Franco avait fait prendre position à ses troupes. L’endroit est stratégique. D’en haut, elles surveillaient les vallées à l’est – elles conduisent vers la Catalogne – et à l’ouest – elles conduisent à l’Aragon. Les troupes resteront assez longtemps sur place. Après les sévères défaites républicaines en Aragon de 1938, le front s’est stabilisé en Catalogne occidentale. Franco, craignant des réactions françaises à une invasion de la Catalogne, par ses hommes,  avait préféré porter son effort de guerre plus au sud vers Valence et Teruel. Dans les faits, ces installations militaires ne serviront pas « activement » en 1939 quand la Catalogne, tombera « comme un fruit mur ». Plus sur le sujet : « Le front du Pallars durant la Guerre Civile » (cat)

Tout en observant ces vestiges, la mule et son intello cheminent le long de la crête vers le GR11. Sur la crête, l’estive est totalement dégagée. De nombreux troupeaux paissent tranquillement. Des biches ne sont pas très éloignées. Pas un bipède, comme si souvent. Un très bel endroit avec un panorama complètement dégagé.

Le col de Campirme (2000m) est atteint. Les bois prennent la suite sur la crête. La vue se bouche. Le GPS programmé conduit à des sentiers sans issus, envahis par la végétation. Une heure, deux heures de marche à chercher le GR11. Ne voulant prendre de risque, une barre rocheuse pouvant toujours apparaitre, l’intello décide de revenir au col pour descendre à l’ouest. Cette trace est aussi programmée dans le GPS sauf que – ce qui n’est pas prévu – le sentier est envahi par l’herbe printanière. Il disparait trop souvent. Force est de prendre une piste empierrée aux multiples virages. Le compteur accumule les kilomètres. Les gourdes se vident. La chaleur fatigue nos deux compères.
Une vieille « Fiat 500 » brinquebalante apparait. Teresa et Aina nous conduisent à 2 kilomètres de là, à Llavorre, hameau de quelques âmes. David Reguant, mari de Teresa, ébéniste, poète, homme libre – « Ah, si je pouvais déchirer mon permis de conduire et ma carte d’identité… », historien, guide propose d’accompagner l’équipage, à pied, par un chemin de traverse, pour rejoindre le GR 11 à Dorve. « Un de ces chemins qui autrefois reliant les villages sans passer par les vallées… »

Après quelques centaines de mètres, durant lesquels David trouve des cèpes, des girolles ou encore un pin, tombé en travers du chemin, pin qu’il découperait bien pour le sculpter, le chemin conduit aux blockhaus de Franco.
Enfouis dans la forêt qui « monte les pentes », ces constructions ont été réalisées par des prisonniers républicains. Perdus dans les bois, les structures n’en imposent pas. Seules, elles ne sont rien. Toutes ensemble, c’est une autre histoire. Franco, à la fin de la guerre civile, alors que la deuxième guerre mondiale allait débuter, lança le projet Linéa P (Ligne P pour Pirineos). Objectif, construire 10.000 blockhaus de la Méditerranée à la chaine Cantabrique pour protéger l’Espagne contre une éventuelle invasion des Nazis … puis des alliés ! On comprend mieux pourquoi Hitler se méfiait de Franco. Il se souvenait aussi certainement des déboires de Napoléon.

Les travaux débuteront en 1939 pour se terminer en 1948. Sur les 10.000 blockhaus prévus, 6.000 furent tout de même réalisés. La Linéa P resta active jusqu’à la mort du « Caudillo ». Ce n’est qu’au début des années 80 qu’elle fut abandonnée. Cette ligne, les locaux l’appellent, la « petite ligne Maginot » ! (Plus sur le sujet : c’est ICI et ). La traversée des Pyrénées conduit à tout. Une journée de découvertes historiques.

Dorve en vue, le GR 11 atteint, David, repart dans son monde d’homme libre. Il ne resta plus à notre équipage que de rejoindre la Guigueta d’Anéu (920m). Ils leur fallu une heure – encore – pour y arriver. L’intello en avait plein la tête, la mule plein les pattes (33,4 kms). Une journée de randonnée débutée, il y a presque 11 heures.

– par Bernard Boutin

Nota :
– Le verdict du GPS
Refuge Certascan – Refuge de Pleta del Prat: 3,6 k/h, 4h53 de marche, 6h45 de rando, 17,4 kms parcourus, 732m de dénivelé positif
Refuge de Pleta del Prat – Pensión Cases à la Guingueta d’Anèu : 3,8 k/h, 8h44 de marche, 10h55 de rando, 33,4 kms parcourus, 1340m de dénivelé positif
– * J 20 et 21 de la traversée des Pyrénées d’est en ouest de la « mule et l’intello ». Les précédentes étapes, c’est ICI
– Crédit photo : Bernard Boutin

 

La mule et l’intello* – Le refuge Certascan : « Chapeau ! »

Refuge de Certascan
Refuge de Certascan

7h30 : l’eau ruisselle partout autour du refuge Barbote (2380m). Un mix de pluie et de fonte des neiges. L’orage s’est éloigné mais l’équipage reste inquiet. L’étape pour rejoindre le refuge Certascan est longue. Le col de Sellente (2490m) est vite atteint par une courte pente enneigée. Commence alors une longue descente dans des vallons humides. Passer les gaves gorgés d’eau est compliqué. Et, quand ce n’est pas la traversée des cours d’eaux qui pose problème, c’est tout simplement la sente qui disparait sous l’herbe haute et épaisse de cette fin de printemps. La végétation est luxuriante. Pas âme qui vive en dehors d’isards étonnés de nous voir.

Il s’agit tout d’abord de descendre jusqu’au « Pla de la Borda » situé à 1440m. Plus de 1000m de dénivelé descendant sur un parcours peu évident. Heureusement, le GPS corrige immédiatement les écarts. Le passage du « riu de Sellente » devient même réellement compliqué. Trop d’eau. Trop de courant. Il est finalement traversé en passant sur le tronc d’un énorme sapin tombé, par chance, en travers du gave. Le faire pieds nus aurait été délicat étant donné la vitesse de l’eau et le fond de galets. L’estive cède la place aux bois épais. Monotone.

Au « Pla de la Borda », le sentier pour remonter vers le refuge Certascan (2240m) n’est pas visible non plus. Un guide conduisant un groupe de randonneurs nous montre alors le point de départ visible uniquement de ceux… remontant le « pla ». Le descendant, la mule et son intello l’avaient passé sans le voir. Le cheminement est fraichement peint en rouge et blanc jusqu’au refuge. Enfin, une bonne nouvelle dans une randonnée pas simple jusqu’alors ! Après les bois, sans fin, de la descente, commencent ceux de la remontée…

Le refuge est atteint vers 15h. Surprise : il est fermé et rien n’indique sa prochaine ouverture. Le ventre creux, l’équipage, piégé là, décide d’attendre et de faire la sieste dans une pièce accessible (refuge d’hiver). Elle est propre et meublée de lits. Qui dort, dîne ! La fatigue remplace les somnifères malgré les questionnements du moment. Il ne manquerait plus que le refuge n’ouvre pas…

A 16h, Alejandro Gamarra, gardien du refuge, arrive chargé de provisions. Ouf ! Le suivent de près cinq randonneurs dont un Australien qui traverse toutes les montagnes du monde. « Pourquoi ne pas venir au Certascan ? ». Problème : il ne parle pas un mot d’espagnol ! Le refuge est « cozy », propre et accueillant. Il est tenu par Jan (Alejandro) depuis 33 ans qui connait son affaire. Un super dîner attend les randonneurs : soupe de lentilles au chorizo, salade mixte, cannelloni, millefeuille (spécialité locale pour la St Jean). Et, pour finir, Jan, aux origines basques, nous offre un verre de Patxaran ! Il y en aura même un deuxième… Douche chaude et Wifi complètent la panoplie des bonnes nouvelles.

Jan n’est pas que gardien. Il est guide, conseiller, organisateur, photographe, historien… Un homme à la passion des Pyrénées chevillée au corps. Cela l’a conduit, en 2004, à mettre au point « la Porta del Cel » (la Porte du Ciel), un circuit qui amène les randonneurs à faire une boucle entre le village de Tavascan et les refuges de Graus, du Certascan, du Pinet et de VallFerrera. (Plus sur le circuit : c’est ICI). Objectif : animer le « Parc Natural de l’Alt Pirineu », situé à cheval entre le Pallars Sobira et l’Alt Urgel, qui est le plus grand de Catalogne avec 70.000 ha. … et aussi animer les refuges !!! Cartes et topos-guides sont à la disposition des randonneurs pour ce parcours de 65 km et 5500 m de dénivelé positif dont le haut lieu pyrénéen pour les Catalans : La Pica d’Estats !

Mais, Jan ne pouvait s’arrêter là. Conscient des échanges transfrontaliers et de la nécessité de perpétuer la mémoire, il crée un nouveau circuit conduisant sur les chemins empruntés par les républicains espagnols à la fin de la guerre civile, les Juifs d’Europe ou encore ceux qui souhaitent rejoindre les forces alliées pendant la deuxième guerre mondiale. 80.000 personnes auraient traversé les Pyrénées pendant la guerre. Le parcours, « les Muntanyes de Llibertat », relie les refuges de Graus et du Certascan (Catalogne espagnole) aux gîtes du Presbytère à Aulus-les-Bains et de l’Escolan à Bidou (Plus sur le circuit : Voir )

Organisé, Jan projette alors des vidéos illustrant ces deux circuits. Un bel exemple de dynamique et d’actions parfaitement intégrées dans un territoire difficilement accessible. Le refuge est à 2h de marche de la route. « Chapeau »… comme disent les Espagnols !

Une étape un peu pénible, par manque de vue et difficulté à trouver la trace, qui se termine de la façon la plus agréable.

– par Bernard Boutin

Nota :
– Le verdict du GPS : Refuge Barbote – Refuge Certascan : 3,3 k/h, 4h45 de marche, 6h30 de rando, 16,8 kms parcourus, 982m de dénivelé positif
– * J 19 de la traversée des Pyrénées d’est en ouest de la « mule et l’intello ». Les précédentes étapes, c’est ICI
– Crédit photo : http://desnivel.com et Bernard Boutin

La mule et l’intello* : Trois « 3000 » en 60 minutes !

Pica d'Estats Après avoir traversé ensemble les Pyrénées orientales, la mule et l’intello s’étaient quittés fâchés. L’un accusant l’autre d’avoir trop tiré sur la corde ! La mule s’était vite éclipsée et mise au vert. Neuf mois plus tard, elle est en pleine forme. Ses genoux vont bien. Elle a fait du vélo pour les renforcer et oublié les longues étapes subies entre Banyuls et Aulus-Les-Bains.

De son côté, l’intello, à peine rentré chez lui, a commencé à réfléchir aux étapes suivantes : celles des Pyrénées centrales. Il a éprouvé un tel « bonheur » à traverser les Catalognes, l’Andorre et l’Ariège qu’il n’est pas question d’attendre un instant pour préparer la suite. Lecture des guides Véron (la HRP) et Trans’Pyr ainsi que des topos sur le GR10 et le GR11, version espagnole du GR10. Lecture faite, les trajets vont s’orienter sur la « Haute Route » et principalement côté espagnol, la « Alta Ruta ». Les tracés enregistrés sur le GPS, un sac bouclé à moins de 13 kilos, eau, piolet et campons compris, les deux compères se retrouvèrent à la fin du printemps, au-dessus de Marc, à Artigues en Ariège. Objectif de l’année : à partir d’Artigues, atteindre le Pont d’Espagne, situé en Bigorre, en passant par le Montcalm, la « Pica d’Estats », les Encantats, la Maladetta, la zone glacière des Gourgs Blancs, les Posets, la vallée de Pinieta et le Mont Perdu, la Brèche de Roland, le cirque de Gavarnie pour finir par le Vignemale. Un beau programme que l’intello se garda bien de détailler à la mule !

L’intello aurait bien pu partir depuis Aulus-Les-Bains, point d’arrivée de sa traversée des Pyrénées orientales. Il préfère faire un saut en arrière et revenir à Marc pour grimper trois « 3000 » en une journée. Un plaisir rare. Le départ à Artigues (1200 m) est classique : Une centrale électrique que l’équipage dépasse, une montée dans les bois pour déboucher sur une plaine d’altitude. Pas de bétail sur place. La végétation de fin de printemps, avant la montée à l’estive, est magnifique. Le refuge CAF du Pinet (2243m), beau « coup de crayon architectural », est atteint rapidement pour servir de « camp de base ».

Un « camp de base » inattendu. Patrick et Patrick, le gardien et son adjoint, ont organisé, la veille, une « soirée musicale ». Patrick, le gardien, aime à gratter la guitare et peut casser jusqu’à 3 cordes certains soirs. Quand la mule et l’intello arrivent vers midi, la sono anime toujours les lieux et quelques bouteilles restent à vider. Ils y participent mais, pas trop ! Un anglais de passage rebaptise le refuge en « Rock & Roll Café »…

Au-dessus du refuge, des randonneurs, traversent avec précaution des névés. La fête, ce n’est pas pour notre équipage qui va devoir attaquer le lendemain des pentes enneigées afin d’atteindre le pic Montcalm (plus haut d’Ariège : 3077m ), la Pica d’Estats (plus haut de Catalogne : 3143m) et le pic de Verdaguer (3131m).

Lever 6h. Petit déjeuner 6h30 et départ 7h15. Ce sera le rythme habituel des 18 étapes qui démarrent. A la fin, elles représenteront 319 kilomètres de parcourus pour 20.531 m de dénivelé grimpant, chiffres donnés par le GPS.

La montée se fait à 80 % dans la neige. Pour un 22 juin, il en reste beaucoup à partir de la côte 2400m. La mule n’éprouve pas de problème à avancer. La neige, molle dès la première heure, permet de bien faire la trace. L’intello n’est pas inquiet et ne lui met pas les crampons aux sabots…

Le pic Montcalm est atteint assez vite (2h). Il est plat comme… un terrain de football et couvert de neige et de cailloux. Pas d’herbe à cette altitude. Selfie pour l’histoire et descente vers le col Rieufred avant de monter vers la Pica d’Estats, atteinte en un peu plus de 30 minutes suivie du pic de Verdaguer situé à « deux pas de là ».

Si côté français, au Montcalm, il n’y a personne, il en est tout autre à la Pica d’Estats, point culminant de la Catalogne sud (surtout ne pas dire qu’elle est espagnole !). Un peu à l’image du Canigou, les Catalans se précipitent sur ces sommets pour se faire prendre en photo, drapeau à la main, pour affirmer leur indépendance de la conquérante Castille. Pris par l’ambiance, l’intello se laisse prendre, lui-aussi en photo, drapeau catalan à la main. La mule passe. Ces nationalismes exacerbés, cela la dépasse.

L’engouement pour monter à la Pica d’Estats est tel qu’un guide, rencontré plus tard, confirmera qu’il ne veut plus y conduire des clients. Trop de gens inexpérimentés souhaitent la grimper et prennent des risques pour s’y faire photographier.

La descente, côté Catalogne sud, se fait sur une pente assez raide et enneigée jusqu’à l’étang d’Estats situé à 2415m. 700 m de dénivelé crampons aux pieds pour beaucoup de « montagnards » pas habitués à leur utilisation. La mule, à l’aise, passe devant.

La journée n’est pas terminée. Classée « godillot noir », sur le guide Trans’Pyr, il s’agit maintenant de remonter le « col de Baborte » afin d’atteindre en contre-bas le refuge Baborte, structure métallique, posée par hélicoptère et arrimée au rocher. Personne à nouveau jusqu’au refuge et dans le refuge. Un refuge un peu difficile à trouver, les cairns étant souvent cachés sous la neige. Le GPS est bien utile à ce moment-là. Plusieurs lacs sont encore gelés sur le parcours. C’est beau pour l’intello. La mule, elle, a hâte d’en finir.

Au refuge, à peine le sac posé, un orage éclate. Il pleut fort, le ciel est traversé de nombreux éclairs. La fonte va s’accélérer et les gaves, déjà en cru, seront, le lendemain, difficile à traverser.

La mule et son intello n’en sont pas là. Ils se partagent les restes du picnic de midi, fourni par le refuge du Pinet. Pas de douche, pas d’eau, pas de téléphone, pas de gardien… ni de Wifi à Baborte ! Seules 6 couchettes et une table. La nuit sera pourtant bonne après les longues traversées dans la neige et les « 3000 » atteints.

Un début de traversée des Pyrénées centrales qui démarre bien pour l’intello. La mule commence à craindre la suite. Une rando de 8h40, c’est un peu long pour elle…

– par Bernard Boutin

PS : le verdict du GPS
Artigues-Refuge du Pinet : 2,9 k/h, 1h51 de marche, 3h03 de rando, 5,36 kms parcourus, 1000m de dénivelé positifs
Refuge du Pinet – Refuge Baborte : 2,5 k/h, 5h31 de marche, 8h40 de rando, 13,8 kms parcourus, 1315m de dénivelé positifs

* J 17 & 18 de la traversée des Pyrénées d’est en ouest de la « mule et l’intello »
Nota : Les précédentes étapes de la mule et l’intello (Banyuls à Aulus-Les-Bains) : C’est ICI