Le conflit à la SNCF est bien parti pour être un triple sacrifice. Oui, triple.
Celui des voyageurs, en tout premier lieu, eux qui n’ont pas forcément d’avis sur le statut des cheminots du futur et ne demandent qu’à pouvoir aller travailler. Le sacrifice probable du rail, à l’instar de ce qui s’est passé depuis les grèves de 1995 avec un naufrage du fret ferroviaire. Cette fois, pour éviter que le statut des employés de la SNCF évolue, il se pourrait fort bien que les futurs recrutements fondent comme une peau de chagrin, ce qui résoudrait la question du statut des nouveaux entrants. Un sacrifice de la planète, car une partie des usagers vont probablement se tourner de manière durable vers des transports alternatifs sur la route. L’effet sur la pollution de l’air ne sera pas nul.
Quant à l’effet sur l’économie du pays si la grève se prolonge comme prévu, il est clair qu’il sera important sur le PIB à travers des journées ou des fractions de journées perdues. Je laisse aux économistes le soin de l’évaluer.
Et si les partenaires ou d’autres faisaient preuve d’imagination ? Et aussi d’observation. D’autres secteurs fortement liés à l’État ont connu l’ouverture à la concurrence et une évolution du statut des nouveaux entrants. C’est le cas de l’audiovisuel, des télécommunications, de l’énergie. Cette évolution a-t-elle été heureuse pour les usagers ? pour les personnels ? Les avis sur les effets de cette transformation sont probablement contrastés. Pour ce qui est de la radio, force est de constater que l’irruption des radios « libres » a conduit à un émiettement de l’offre et à une baisse de sa qualité, même si des îlots de qualité subsistent. Et les changements de fréquence d’un lieu à l’autre, les interférences pénalisent l’auditeur. Pour ce qui est des télécommunications, on a assisté à une baisse importante des tarifs.
Mais la cause ne réside peut-être pas seulement dans les effets de la concurrence, mais aussi dans l’évolution des techniques et le recours aux satellites.
Et si le gouvernement et les syndicats comparaient l’effort fait ou à faire pour le transport ferroviaire avec les dépenses faites pour les infrastructures routières, la dette de la SNCF paraîtraient moins monstrueuse. Le réseau ferroviaire a un besoin urgent de modernisation, et c’est la région parisienne qui concentre les plus grands besoins.
Mais c’est aussi la métropole qui concentre le plus de richesses. Ne faudrait-il pas prendre l’argent là où il se trouve afin de rénover le réseau et penser à une revitalisation plus équilibrée du territoire
national ?
Le gouvernement précédent avait bien vite cédé aux bonnets rouges et aux camionneurs. Ne conviendrait-il pas que le gouvernement présent rétablisse un fret ferroviaire fiable et efficace en imposant des normes de conteneurs passant facilement du rail à la route et inversement ? Il est scandaleux que des convois interminables de camions traversent le pays au grand dam de la qualité de l’air et de la santé des populations.
Si l’État ne veut pas se hasarder à taxer le transport routier, que les régions s’en chargent. La Nouvelle Aquitaine qui s’étire tant du sud au nord est bien placée pour enclencher un tel processus.
Paul Itaulog