Ce cri de désespoir et cette colère sont un appel au secours qui risque d’être lourd de conséquence s’il n’est pas entendu. Certain (J-Cl Guillebaud, Paris-Province) parle de «citoyens découragés, de grogne sociale qui enfle» ; un autre (Ph.Torreton, «Nous qui sommes devenus le mauvais temps») fouille la détresse et la misère, traque les injustices et délivre un état des lieux de la souffrance au quotidien. Il évoque l’infirmière près du burn-out, le personnel des Ephads minuté pour chaque activité professionnelle, l’enseignant trouvant ses pneus crevés en fin de journée, ce policier fatigué des insultes et des doigts d’honneur, une employée virée car «supposée» avoir mangé une banane….
E.Macron l’entend mais fait la sourde oreille.
La notion d’humanisme n’est pas univoque. E.Macron veut écrire un monde humaniste à lui, totalement différent de celui attendu par une masse de Français.
– Depuis des décennies le peuple, désinformé, manipulé, désœuvré, croyant aux sirènes, a choisi l’humanisme libéral dont Macron et ses soutiens sont actuellement les représentants aux commandes. Pour eux, l’humanité doit mettre en avant la qualité et la réussite individuelles, la liberté personnelle étant sacrosainte.
Or, «exalter l’individu souverain,… c’est accepter que le nous de la «communauté» se disloque au profit du «je» ; Ce qui tient une collectivité rassemblée, ce sont des représentations collectives et des normes partagées, les évocations libertaires sont des portes ouvertes à la violence» J-Cl Guillebaud.
– L’humanisme social est totalement différent, l’objectif est de respecter et de faire respecter, par tous les moyens et en priorité, une vie décente, la dignité et la valeur de tous les individus, tant au plan biologique, social, culturel. La pensée se situe donc au niveau collectif. La liberté des uns s’arrête ou commence celle des autres.
Si le mot d’humanisme est souvent prononcé dans le cadre de la publicité politique, des médias, de la bonne convenance dans bien des relations, il n’est qu’un cache misère hypocrite qui n’est pas abordé par souci financier.
Tout oppose donc humanisme et libéralisme puisque cette dernière croyance est un système politique qui prône l’entreprise privée, le désengagement du collectif c’est-à-dire l’État. Elle privilégie le pouvoir, la réussite et la puissance du petit nombre, la compétition, le profit, l’élimination du plus faible.
– Cette vision individualiste de la réussite est en désaccord avec l’évolution d’un système complexe comme le nôtre, où le résultat d’une action collective est supérieur à la somme des résultats des actions séparées des individus.
La gestion de l’Europe actuelle, à tous les points de vue, par les États qui la composent, est l’exemple le plus démonstratif que
le manque d’union ne fait pas la force.
– Cette vision est aussi en désaccord avec toutes les avancées scientifiques sur le fonctionnement du monde vivant, du plus petit jusqu’au plus grand. M-A Sélosse, professeur au Museum d’Histoire Naturelle, nommé dans ma précédente intervention, le résume dans un livre appelé «Jamais seul». Nous faisons partie d’un réseau d’inter-relations et d’interactions, tant au point de vue biologique que culturel et économique où chaque maillon oriente, influence, détermine ; le fonctionnement d’une entreprise par exemple est le résultat d’une conjoncture collective où chacun participe avec un égal intérêt, y compris l’environnement multifactoriel : importance des marchés, des commandes, pouvoir d’achat des consommateurs, producteurs, transporteurs, fournisseurs d’énergie…, actionnaires éventuels ; si le directeur, le coach, l’entraineur,… est glorifié…, largement payé par rapport aux autres, c’est une usurpation de mérite, de responsabilité ; il a joué son rôle, il est indispensable, comme les autres pour la bonne marche. Sans ces «autres», il n’est rien, même super intelligent, énergique, prévisionniste hors pair ! N’oublions pas que les «assistés» du moment ont été souvent des collaborateurs recherchés à un autre moment, ils peuvent le redevenir !
Si l’on considère l’entreprise forêt, c’est l’arbre qui est largement payé, parfois les cèpes qui sont à proximité ! On oublie que cet arbre ne peut pas vivre sans ce réseau souterrain de kilomètres de filaments mycéliens, de milliards de bactéries, qui assurent les symbioses (mycorhizes) au niveau des racines ; tout cela permet les passages d’éléments nutritifs d’un arbre à un autre, de l’arbre aux champignons et vice-versa… A l’intérieur, plastes et mitochondries sont des bactéries immigrées et «assimilées» qui permettent la photosynthèse et la respiration cellulaire (énergie) ; sans tout cet environnement, l’arbre ne peut pas vivre, comme une entreprise ne peut pas prospérer sans tous ses «collaborateurs».
Cette vision individualiste est une obsolescence programmée de l’être humain par l’obscurantisme libéral.
«Alors que la première crise de la démocratie au XXe siècle était liée à un trop-plein d’engagement collectif, celle que nous vivons aujourd’hui est à l’inverse liée à l’atomisation de la société, fondée sur le primat de l’individu. La démocratie des droits de l’homme s’autodétruit» Marcel Gauchet, philosophe, Nel Obs du 29/04/17.
L’«atomisation» de la SNCF, du réseau routier,… a conduit à la situation actuelle.
Les mouvements présents ne sont que le tsunami résultant des séismes accumulés depuis des années par le mépris des dirigeants actuels vis-à-vis :
– de ceux qui, par le passé, français de souche ou immigrés souhaités, ont travaillé dur, sacrifié souvent, jusqu’à leur vie et celle de leur famille, pour que vive et prospère économiquement la France. Combien de morts dans le monde paysan ont entrainé le désarroi des familles, l’abandon des propriétés, pendant la guerre de 14 ?
«Et nous les petits les obscurs, les sans grades, nous qui marchions fourbus, blessés, crottés, malades, sans espoir de duchés ni de dotation» disait Ed. Rostand.
Les médailles, les honneurs, les commémorations..? Cela ne coûte rien, ce n’est pas leur problème. Ils ont droit au respect et à un «humanisme social» pour vivre et finir leurs vieux jours dans les conditions honorables ; c’est bien le minimum de reconnaissance morale que doivent leurs successeurs.
Oui, c’est possible et à la portée de l’humaine condition actuelle ; la philosophie est la sagesse du partage équitable des richesses, entre ceux qui les ont produites ; la solution est d’imposer une politique adéquate. Je serais favorable, par exemple, à la nécessité, avant d’entrer en fonction, pour tous les candidats aux hautes fonctions publiques : sortants de l’ENA, ministres, députés, sénateurs, hauts fonctionnaires de l’État.. , préfets.., de faire un stage de 3 fois un mois, au choix, auprès des infirmières des hôpitaux, des personnels des Ephads, des policiers sur le terrain, des enseignants de zones dîtes sensibles, des gardiens de prisons,…Le service militaire avait le mérite de brasser les classes sociales, il a disparu ; voilà une occasion de le remplacer par un service civil de mise à niveau, obligatoire, dans les domaines décisionnels. D’accord avec le gouvernement pour faciliter le départ de ceux qui le souhaitent, mais pour les remplacer par deux autres dans ces zones prioritaires !!!! Déficit du service public ? Pour satisfaire les besoins de base de tous, partout sur le territoire, le service public est forcément déficitaire, le déficit est à partager entre des économies énormes à faire sur les grands chantiers, tonneau des Danaïdes, le partenariat public privé, le scandale des autoroutes, la lutte contre l’évasion fiscale, la taxe carbone.., les aides aux entreprises sans contreparties ; le forum d’A@P est plein d’idées pour dénoncer les dépenses inutiles. Tous les Français ne prennent pas les LGV ou le transport aérien, par contre tous auront besoin un jour des infirmières, des policiers,… et vieilliront !
– Les jeunes générations sont soumises aux contraintes de cette politique ultralibérale qui ne vise qu’à favoriser ceux qui rentabilisent le système, et à faire des économies sur les abandonnés de la République, non rentables, trop coûteux, les «assistés» de L.Wauquiez. Dans un tel contexte de violence physique et psychologique, de concurrence, de rivalités, de gaspillages, de temps compté, de temps perdu, d’éclatement des couples.., la famille est de moins en moins existante dans la relation affective, il n’y a plus de place pour les adultes, les anciens, parfois les enfants aussi ; ces enfants, devenus adultes, n’ont plus le temps, eux aussi «d’être humain», c’est le grand abandon par les uns, la grande solitude des autres, ils se déchargent de cet «humanisme social défaillant», cela donne bonne conscience, sur le privé quand les moyens financiers sont suffisants, sinon, pour 80% d’entre eux au moins, ceux qui ne paieront plus la taxe d’habitation, sur le Public, à l’agonie, comme les pensionnaires qu’on leur confie.
Mourir de frissonner
Mourir de se dissoudre
De se racrapoter
Mourir de se découdre (J.Brel)
Pourtant, ces anciens ont travaillé, cotisé, pour une retraite décente ; leurs placements, ont aidé jadis l’économie, leur expérience est une source d’informations incomparables.
Ce serait le moment de réactualiser, en dehors des mots, la notion de
«Patrie reconnaissante»
«Une société dans laquelle il n’y a pas de place pour les anciens porte en elle le virus de la mort.»Pape François, mardi 2015.
signé Georges Vallet
crédits photos: nordlittoral.fr