Après chaque attentat, chacun laisse aller sa colère. Il faut trouver et dénoncer les responsables. Le chef de l’État, le premier ministre, le ministre de l’intérieur, la majorité gouvernementale actuelle ou , dans un souci d’équilibre sans doute, le précédent président de la république, sa majorité, la faiblesse de notre corpus juridique et quand on a décliné toute cette cohorte de coupables, il ne reste plus qu’à s’en prendre aux juges. Comment donc ont- ils pu laisser en liberté l’assassin du père HAMEL qui avait tenté par deux fois de se rendre en Syrie, certains allant jusqu’à leur reprocher d’avoir estimé qu’il valait mieux le laisser courir et libre d’agir.
Nous devons savoir qu’ après le juge des libertés, trois magistrats d’une cour d’appel qui ont décidé à la majorité ( soit deux au moins ) ont confirmé le contrôle judiciaire avec le port d’un bracelet électronique. Il doit leur être fait crédit d’avoir statué sur la base d’un dossier contenant divers renseignements dont le repentir et les promesses exprimés par l’intéressé.
Ils ont jugé avec les outils que leur laisse la loi, et un minimum de bon sens nous oblige à convenir que c’est seulement après avoir pris une décision qu’on peut apprécier la valeur du choix.
Non, ce n’est pas aux juges dont le devoir de réserve ne leur permet pas de répondre aux critiques qui leur sont faites, qu’il faut imputer le délitement moral de notre société.
Les vrais responsables sont ceux qui ont le pouvoir de gouverner et donc de prévoir.
Or, depuis des années , et bien avant Daesch, nous avons cédé petit à petit à des exigences religieuses qui ont conduit à un communautarisme, une ghettoïsation incompatibles avec le vivre ensemble. Des quartiers sensibles, de non droit, où les pompiers, les forces de l’ordre , les médecins, les enseignants, ne sont plus respectés, voilà ce qui a encouragé certains à ignorer et maintenant combattre les valeurs qui ont permis d’accueillir des émigrés dont les origines ne les liaient pas à une religion imposée.
Alors, dans la détresse, un peu de décence. La douleur nous conduit certes à vouloir comprendre, mais de grâce, laissons nos juges à leur conscience, même si l’on peut parfois regretter que certains parmi eux affichent des opinions ou des options susceptibles de mettre en cause leur impartialité.
Pierre ESPOSITO
Ancien bâtonnier du barreau de PAU