Le journal Sud Ouest fait paraître depuis quelques semaines, chaque jour, un article intitulé «Les mystères du sexe et de l’Amour».
C’est un sujet très porteur, surtout en période de vacances, il est évoqué dans le journal Closer avec le comportement des «news people on live», dans la théorie du genre qui a meublé notre univers médiatique; l’actualité en fait grand déballage (viagra pour les femmes), le lecteur en est friand mais, souvent, de façon malsaine.
Quand le problème des éleveurs, et la nature des repas dans les cantines scolaires, sera estompé, nul doute que le mariage pour tous renaîtra de ses cendres.
Il faut bien vendre «du buzz» pour masquer les vrais problèmes.
Contrairement à ce que l’on pourrait penser, les hommes (et les femmes) de la préhistoire ne devaient certainement pas accorder autant d’importance à la sexualité.
D’une part, notre civilisation, du fait de notre hypertrophie cérébrale, a intellectualisé l’acte sexuel, nous sommes passés d’un acte naturel à un acte ritualisé, codifié ; d’autre part, et c’est plus grave, il est exploité à des fins consuméristes.
Envisageons le sujet différemment.
Comme dans bien des domaines, l’homme n’a rien inventé, il ne fait que s’approprier ce que la nature a réalisé avant lui ! L’observation des comportements reproducteurs montre l’existence d’une infinie diversité, réservoir indispensable de survie.
Prenons quelques exemples ayant stimulé l’imagination de notre cortex !
L’hermaphrodisme, ou bisexualité, se rencontre chez les végétaux supérieurs et les animaux. Il peut être :
- Simultané chez des cochenilles, coquilles Saint-Jacques, les escargots, le ver de terre…
- Successif chez des poissons, certains mollusques marins, batraciens et reptiles..: des individus commencent leur carrière comme mâles et finissent comme femelles .
- Successif aussi, et plus répandu, c’est à partir de l’état femelle que l’on devient mâle. Cette transsexualité se rencontre chez des poissons comme les barbiers orange (Anthias anthias) ; 10 à 15 % des individus sont des mâles. Lorsque l’on soustrait les deux mâles dominants qui sont à la tête d’un tel harem, l’une des femelles gagne alors en poids et prend les couleurs de la livrée habituelle des mâles. En deux semaines le transsexualisme s’opère.
Les organisateurs de l’exposition «Against Nature ?» affirmaient que des comportements homosexuels étaient retrouvés chez la plupart des groupes de vertébrés sous forme de parade amoureuse, affection, relation sexuelle, vie en couple et comportement parental.
- Oiseaux à faibles différences des caractères sexuels secondaires comme les cailles, perdrix, pigeons.., les manchots,
- les bisons, dauphins(intromission du pénis dans l’évent. wikipedia), bonobos, orques, lamantins, girafes (simulacres de rapports sexuels entre mâles),
- mais aussi parmi les insectes, les araignées, les crustacés, les octopodes et les vers parasites ; le phénomène est signalé chez près de 1500 espèces animales.
L’hermaphrodisme a profondément marqué nos ancêtres ! Il est magnifiquement raconté par Ovide dans les Métamorphoses.
- L’hermaphrodisme simultané est évoqué quand le fils d’Hermès et d’Aphrodite voit, lorsqu’il a 15 ans, la nymphe Salmacis le convoiter furieusement et finir par s’agréger à lui, formant un hybride de femme et d’homme.
- La bisexualité successive ou transsexualisme est illustrée par le mythe de Tirésias, devin aveugle. Celui-ci, aurait rencontré un couple de serpents enlacés (en accouplement), il frappa la femelle et prit son genre ; plus tard, retrouvant les serpents, il frappa le mâle et redevint homme.
Chaque roi de France a eu, dans la mémoire nationale, sa spécialité : Saint Louis, son chêne, Henri IV, son panache blanc, Louis XVI ses serrures, et Henri III ses «petites manières».
– Au XVI ème et XVII ème siècle, lors des grandes découvertes, les voyageurs, au niveau des territoires qui correspondent aux Etats-Unis et Canada, découvrent la pratique courante des berdaches c’est-à-dire des hommes et des femmes qui, pour des raisons diverses, choisissent de passer vers l’autre sexe et d’y vivre la vie assignée à ce genre-là. La pratique était codifiée, intégrée dans un système religieux complexe ; elle ne causait aucune gêne à quiconque dans la tribu, tous étaient mariés.
– L’inclinaison de certains monarques pour les hommes est bien établie. Richard cœur de Lion passe pour avoir eu une histoire de cœur avec Philippe Auguste. Edouard II d’Angleterre, gendre de Philippe Le Bel, était fou d’amour pour le beau Gaveston. Philippe de Valois aima d’un amour particulier son «favori» Charles de la Cerda. Il fallait traîner littéralement Louis XIII dans le lit de sa femme pour donner une descendance à la dynastie ; il se consuma de passion pour Luynes, qu’il fit duc et ministre, et le superbe chevalier de Cinq-Mars. Jacques Ier, en Angleterre, ne cacha jamais son amour débordant pour ses favoris successifs dont le plus influent et le plus célèbre Duc de Buckingham !
– On parle moins de l’homosexualité féminine, elle est plus discrète, moins médiatique, mais tout aussi présente dans l’histoire. On évoque :
• Avant J.-C., les Amazones, des communautés de femmes en Grèce, Moyen-Orient, Asie du Sud-Est.
• 600 av. J.-C. Sappho, poétesse, cheffe de file d’une communauté de femmes dans laquelle elles étudient la danse, la musique, les arts ; elle immortalise la passion amoureuse entre femmes dans ses poèmes.
• 914 après J.-C., dans l’Empire Byzantin, les premières traces écrites du mot «lesbienne» font référence à des relations entre femmes.
• Marlène Dietrich, Greta Garbo…. Colette publie «Le Pur et l’Impur», etc.
Mais le cas le plus curieux de la diversité est celui représenté par des individus qualifiés d’êtres du « quatrième sexe » par Jean-Pierre Quignard du laboratoire d’Ichthyologie de Montpellier. Ici le comble de la malice est atteint. Ces androgynes somatiques rencontrés chez certaines espèces de poissons Labridés, Gobiidés et Blennidés, sont en effet des travestis, ils miment la robe et la morphologie des femelles. Le but du subterfuge est de pouvoir approcher les femelles sans attirer l’attention ombrageuse des mâles dominants. Sous ce déguisement, les poissons travestis parviennent alors à féconder les femelles flouées.
Pour approcher la compréhension de la sexualité humaine, il est nécessaire d’en compter l’histoire, indissociable de celle de l’évolution.
Elle est probablement apparue, il y a 1,5 milliard années, avec les cellules ayant un noyau abritant l’ADN.
Par rapport à la multiplication asexuée produisant des êtres tous identiques, c’était un progrès dans un milieu hostile et changeant, la diversité permise a été le facteur déterminant du maintien de la vie sur terre. C’est une force de survie en tant qu’espèce alors que les individus sont amenés à disparaître.
>Nous sommes alors au premier niveau de l’échelle hiérarchique des comportements, celui des réflexes de base : échange de stimulus-réaction, de signaux codés spécifiques de chaque espèce dont les jeunes s’imprègnent aux premiers jours.
C’est le cas chez les invertébrés et beaucoup de vertébrés y compris les oiseaux.
Avec les mammifères, on assiste à une complexification de plus en plus grande.
La sexualité quitte le seul domaine de la reproduction et prend une dimension sociale de plus en plus importante chez les singes, les anthropoïdes et l’homme.
Isolés et privés de relations sociales avec leurs congénères, pendant leur développement, des singes arrivés à maturité sexuelle et mis en présence les uns des autres ne savent pas favoriser la rencontre sexuelle et l’éducation des jeunes.
>Dans la hiérarchie des comportements, les réflexes de base du premier niveau sont complétés par un deuxième niveau chez les mammifères inférieurs, celui des «besoins et motivations» qui n’existaient pas jusqu’alors.
>Chez les singes on atteint un troisième niveau : celui des émotions, innées ou acquises ; elles régulent instinctivement et pour le court terme, de façon beaucoup plus complexe, les processus de la vie. Cela reste cependant une réaction encore purement physique.
Enfin, chez l’homme, un quatrième niveau fait passer l’homme du biologique au culturel : les sentiments, l’amour dans ce cas, se développent à partir de la synthèse et de la régulation conscientes des émotions. Cette intégration siège uniquement au niveau du cortex hypertrophié de l’homme.
Du comportement identique jusqu’alors, au sein de l’espèce, succède un comportement individuel et réfléchi qui se projette sur le long terme.
Chez l’homme, on assiste à la superposition de 4 niveaux fonctionnels qui interfèrent ; ce sont des équilibres hormonaux complexes et fragiles dont la résultante explique les comportements sexuels divers rencontrés dans l’espèce humaine. Ainsi, les perturbations nombreuses apportées par les gènes, l’environnement physicochimique et ethnique, religieux, familial, social, politique, culturel,… peuvent mettre en péril l’adaptation globale de l’individu aux conventions culturelles de l’époque et du lieu.
Dans un monde dominé par la vitesse, la jouissance immédiate et individuelle, l’homme moderne finalise, dans tous les domaines : sexuel, économique, financier… ses comportements au 3 ème niveau, celui des émotions instinctives ; il court-circuite ce qui fait sa spécificité unique dans le monde vivant, le 4ème niveau, celui qui le fait passer du monde biologique au monde culturel, à savoir les sentiments conscients et réfléchis permis par l’intelligence.
– par Georges Vallet
crédit photos: hominides.com