Et si on parlait de choses sérieuses !

Bernard Boutin, dernièrement, rompait le silence «assourdissant» qui régnait pendant toute cette période électorale, à propos des véritables choses sérieuses pour la vie des Français. Il nous a rappelé, avec juste raison, au travers de son texte, les dangers que nous fait courir l’usage des produits chimiques de synthèse dans l’agriculture, industrielle surtout, pas seulement en Espagne d’ailleurs, et l’importance des monopoles, bien plus dangereux que l’excès de parlementaires, de fonctionnaires ou de tel ou tel candidat aux législatives !

Se mettre en marche, pourquoi pas, mais sans confondre, comme dit E.Morin :

L’essentiel de l’urgence que nous vivons et l’urgence de l’essentiel que l’on renvoie toujours à plus tard !

L’ex-président américain Barack Obama lançait en 2015 une «stratégie fédérale pour la santé des abeilles et des autres pollinisateurs ».

Pour qu’une telle résolution soit prise à ce niveau, il faut que le problème ait une importance nationale, mondiale même.

Selon une estimation de l’Université américaine du Maryland publiée le 13 mai 2015, les apiculteurs ont perdu 42% de leurs colonies d’abeilles ces douze derniers mois. C’est la deuxième plus mauvaise année pour la mortalité des abeilles domestiques aux Etats-Unis, après la période 2012-2013 qui avait vu la disparition de 45% des colonies.www.lemonde.fr/…/05/…/obama-vole-au-secours-des abeilles_4636555_1652692.ht..

«La pollinisation par les seules abeilles compte pour plus de 15 milliards de dollars de récoltes agricoles annuellement».

http://www.lesaffaires.com/secteurs-d-activite/…/la-maison-blanche-s…abeilles/578913

Je reconnais que le problème n’est sans doute plus d’actualité avec le nouveau Président États-Unien mais vouloir l’ignorer n’est pas l’effacer !

En France, pendant ce temps, alors qu’une vingtaine d’enfants d’une école primaire girondine et une enseignante ont été pris de malaises après l’épandage d’un fongicide sur des vignes à proximité, le plus important syndicat agricole descend dans la rue pour s’opposer au projet d’interdiction des épandages à moins de 200 mètres des écoles, crèches…. Cette irresponsabilité, après tant d’autres cas dénoncés depuis des années, d’utiliser des pulvérisations de produits «phytosanitaires !» ne gêne en rien les intervenants sur les ondes, de ce syndicat agricole ; il convient au contraire, d’après eux, de lever toutes ces contraintes et de les laisser faire «car eux seuls savent ce qui est bon pour l’homme et son environnement !»

Macron fait peur quand il veut libérer les énergies !!

Sud Ouest du 15/02/17 titrait: «Pesticides : vers plus de transparence». En image, une viticultrice à Portets va avertir une trentaine de voisins de ses 44 parcelles de vigne. L’objectif affiché est de prendre contact avec les riverains pour mettre en place des techniques d’alerte «pour préserver le vivre ensemble!»; mails et SMS seront envoyés à chaque sortie du tracteur ! Cet article est consternant.

D’abord la transparence existe, le milieu scientifique est parfaitement au courant des dangers et il les dénonce ; par contre, elle n’atteint pas le monde de ces utilisateurs syndiqués.

Ensuite, avertir les voisins est une démarche on ne peut plus égoïste, il n’est pas question d’empêcher la pollution mais d’avertir qu’ils vont devoir rester chez eux, ne pas  accompagner les enfants à l’école, ne pas aller travailler….Et puis, en admettant que les gens sortent quelques heures après, les animaux et les nappes phréatiques seront contaminés de la même façon.

A Birac (16) un village viticole, dans une cuvette, compte 6 cas de lymphome pour 367 habitants.

Les trois mamelles de la nutrition humaine ne sont pas les entreprises, la confiance des investisseurs et les experts économiques, mais les plantes, à fleurs entre autres, les champignons et les pollinisateurs que la politique de croissance actuelle détruit systématiquement.

Les plantes à fleurs représentent 70% des végétaux, elles fournissent nos légumes et nos fruits. Grâce au pouvoir attractif: forme, couleur, odeur, des fleurs, des animaux permettent la fécondation croisée, source de vigueur, de diversité, en transportant le pollen des étamines d’une fleur sur le pistil d’une autre fleur.

La contribution des pollinisateurs à la production agricole française est évaluée à 2,8 milliards, selon une étude conduite par Bernard Vaissière, de l’Inra. Le figaro.fr 28/02/13.

Tous les animaux sont des pollinisateurs mais les insectes sont les plus actifs: 6100 espèces d’insectes floricoles sont recensées en France : hyménoptères (dont 1000 espèces d’«abeilles»), coléoptères (coccinelles, cétoines..), diptères (mouches, syrphes..), papillons. C’est cette biodiversité qui assure la pérennité de la diversité et du rendement des récoltes de fruits, graines et légumes. Les abeilles sauvages (bourdons, abeilles solitaires, halictes, mégachiles, etc.) assurent presque à elles-seules la pollinisation de 80% des plantes à fleurs à travers le monde.

Plusieurs raisons expliquent le recul généralisé des pollinisateurs sauvages :

1. La perte d’habitat par la raréfaction des zones agricoles non cultivées (jachères) et des prairies, la disparition des haies et des bocages  suite au remembrement des années 60, assèchement des zones humides drainées pour l’agriculture intensive, urbanisation, fauchage ou désherbage chimique des bords de route, etc.

2. Les insecticides, surtout les néonicotinoïdes détruisent larves et adultes, nuisibles comme utiles, aux cultures. On lit dans la revue «Science»: «Certains insecticides et fongicides, utilisés ensemble, peuvent être 1.000 fois plus toxiques pour les abeilles, affectant leur sens de l’orientation, leur mémoire et le métabolisme du cerveau», (Programme des Nations Unies pour l’Environnement).

L’ex-ministre de l’agriculture Stéphane Le Foll s’efforçait de ménager la chèvre et le chou en inscrivant :

– un amendement sur l’épandage de produits phytosanitaires près des écoles, crèches, maisons de retraite.
– En conseillant de pratiquer les épandages le soir, quand les abeilles ne butinent plus.
En fait, c’est de la pub électorale car les enfants et les vieillards ne sont pas les seuls vulnérables, il y a aussi les agriculteurs eux-mêmes et les passants; de plus la rémanence des produits sur les végétaux, la sudation des insecticides fabriqués par les OGM, font, comme le signale l’Anses, «qu’il reste toujours, le jour, des traces de pesticides dans l’eau, dans la rosée, sur les fleurs et feuilles», dont les abeilles profiteront.

Compte tenu de la «complexité» des relations et des doses infinitésimales qui interviennent dans le fonctionnement physiologique normal, «il faut savoir que la seule dose zéro doit être considérée; toute autre dose comporte automatiquement un effet» pouvant être important car cumulatif! René Truhaut, toxicologue, créateur de la DJA : «Dose Journalière Admissible)».

Pendant ce temps Bayer et Monsanto s’unissent pour leur meilleur et notre pire.  (Canard : le mariage des affreux)

3. Le changement climatique dont l’homme est en grande partie responsable, va modifier la répartition des espèces (migration vers le N), les périodes de floraison, les précipitations, la qualité et la quantité de nectar et de pollen.

4. la monoculture intensive entraîne la disparition de nombreuses espèces végétales dont dépendent la survie de nombreux pollinisateurs: un papillon à l’état de chenille, est monophage ou oligophage, c’est-à-dire qu’il ne se nourrit que d’une espèce de plante, voire quelques-unes. Si cette plante se raréfie, l’espèce disparaît.

5. L’introduction des plantes allochtones pour la culture, la décoration, est très préjudiciable car les pollinisateurs autochtones les ignorent; elles introduisent souvent des insectes invasifs.

6. La sélection génétique fabrique parfois des variétés à faible attractivité du fait d’un pauvre potentiel en nectar et pollen; le cas se présente avec le colza et le tournesol.

7. L’éclairage public et privé, la circulation automobile de nuit, sont des pièges mortels pour de nombreuses espèces. Il est difficile de quantifier mais on peut dire que des millions de tonnes meurent d’épuisement ou sont grillées par les ampoules, chaque année en France. Cette disparition impacte la chaîne alimentaire, les oiseaux insectivores régressent du point de vue démographique.

«Dans un premier temps le progrès court plus vite que l’urgence

Dans un deuxième temps l’urgence court plus vite que le progrès

La fin de l’ordre mondial vient quand l’urgence dépasse l’humain.»

Naturalité N°14 septembre 2014 http://www.forets-sauvages.fr/web/foretsauvages/100-naturalite-la-lettre-de-forets-sauvages.php

Mais les choses sérieuses, l’urgence de l’essentiel, c’est aussi :

+ La pollution et toutes ses dérives pathologiques, ces pics, ces canicules et ces feux de forêts mortels pour beaucoup, ces tempêtes, ces accumulations de déchets liées à un modèle consumériste qui n’envisage pas d’en finir avec la surproduction aberrante, ces épidémies dramatiques pour nos éleveurs, ces vagues de suicides…Comme les Shadoks, il faut pomper, pomper encore les déchets en avant et les rejeter en arrière pour continuer la dynamique « En marche ». Au XIXème on refermait le couvercle de la poubelle pour ne pas les voir, aujourd’hui on les envoie dans des usines périphériques et on paye, par l’impôt, le financement des déchetteries…(« Homo detritus », Baptiste  Monsaingeon, ed.Seuil)

Souvent c’est dans la mer ou la rivière !

+Dénoncer et interdire ces fake news du matraquage publicitaire  divulguées par tous les médias « qui nous évacuent du réel « (J-Cl Guillebaud) comme ces familles radieuses dégustant des plats ayant toutes les vertus, ces jeunes beautés utilisant des produits pour être encore plus séduisantes, artificiellement…. Ceux qui n’ont pas suivi les conseils pourront s’en sortir sans problème, en partie gratuitement, en suivant des régimes providentiels……, ou, si l’on préfère, en consommant des produits allégés souvent plus caloriques que les autres !
On oublie de rabâcher, évidemment, que le vrai chiffre du chômage approche les 4 millions et que le patron de Renault gagne le salaire de mille smicards !
Jean-Claude Guillebaud concluait dernièrement une chronique où il évoquait les conversations à venir, au sein du couple, entre Arthur Sadoun, patron de Publicis «empereur du matraquage tarifé» et de la théâtralisation manipulatrice du réel et Anne Sophie Lapix chargée de l’information, la réelle celle-là, au 20 h de France 2 !!

+ De faire le bilan des presque 58% d’abstention qui veulent en dire long sur l’état de la démocratie. Faut-il s’en étonner ?
Le culte de l’individualisme triomphant  associé au libéralisme ambiant est contraire à la notion de démocratie. Une société qui prône l’individu détruit le sentiment d’appartenance à une communauté qui dépasse l’intérêt individuel;  il n’y a plus alors de démocratie possible et encore moins de liberté.

Georges Vallet

crédit photo: la-croix.com

Et si on parlait d’autre chose !

image-08-09-2016-at-12-30L’activité médiatique, allergisante, déclenche auprès «du bon peuple» un véritable choc anaphylactique ! Entre les primaires où tous veulent sauver la France et les experts qui disent tout et son contraire avec la même assurance, c’est la saturation ! A cela vient s’ajouter le burkini : la cerise sur le gâteau !

Si, en dehors de leur ego, les politiciens voulaient sauver les Français il devraient aborder les vrais problèmes et rompent le silence sur leur vision de ceux qui, de plus en plus, vont peser sur le P.I.B, la dette privée et publique, les inégalités, la sécurité lato sensu…; je veux parler de la politique environnementale : énergie, pollution, climat, santé….et les problèmes agricoles.

Par exemple, la disparition progressive des abeilles domestiques est devenue de notoriété publique ; elle est vécue comme une catastrophe, non seulement écologique mais économique. En fait, le problème est bien plus grave car les abeilles domestiques représentent 15 à 25% seulement dans ce travail de reproduction des plantes, le reste est assuré par d’autres pollinisateurs, dont des «abeilles» sauvages inconnues du grand public ; or, ces pollinisateurs sont aussi en voie de disparition.

Face à cette situation, une société agenaise, Osmia, propose de sélectionner des «abeilles» sauvages meilleures pollinisatrices que l’abeille domestique et de les élever.

Un article dans ce sens est paru dans Sud Ouest du 5 septembre 2016.

L’idée, et la réalisation qui a été faite, est de produire, par élevages préparés en chambres spéciales, des nichoirs installés ensuite dans les champs de culture à polliniser ; ces nichoirs contiennent des cocons avant leur éclosion ; ils sont introduits au moment opportun pour que les adultes sortent quand la pollinisation est nécessaire.

Précisons donc, pour ceux dont la gente hyménoptère n’est pas familière, que le mot «abeille»recouvre des milliers d’espèces(2000 en Europe, 1000 en France) ; les unes sont sociales, d’autres solitaires. Il y a les abeilles domestiques et les sauvages. Elles ne font pas toutes du miel mais toutes collectent pollen, nectar, miellat, propolis, pour se nourrir ainsi que leur progéniture. Toutes fréquentent donc les fleurs et participent à la pollinisation ; c’est une symbiose entre plantes à fleurs et insectes, le fruit d’une coévolution apparue il y a des millions d’années.

Deux groupes sont utilisables pour leurs qualités au service de l’agriculture des plantes à fleurs : vergers, maraîchers comme les tomates, concombre, piments, …, colza, tournesol…., luzerne…, ce sont les Osmies et les Mégachiles pour ceux qui veulent chercher des informations complémentaires sur Internet.

Ce sont des abeilles dîtes «maçonnes» car certaines aménagent des galeries préexistantes construites par certains insectes, d’autres creusent le sol, le bois, des tiges sèches de ronce ou de roseau, ou construisent leurs cellules à l’air libre. Elles utilisent des matériaux de construction de nature très variée : argile, petits cailloux, fragments de feuilles. Certaines construisent le nid dans des coquilles d’escargot vides.

Leur intérêt vient du fait :

Elles sont solitaires donc pas de ruches à entretenir et très peu agressives (femelles).
Elles sont plus velues que l’abeille domestique, elle récoltent donc plus de pollen.
Elles ont un rayon de prélèvement plus restreint ; les abeilles butinent jusqu’à plusieurs kilomètres, ces «abeilles» là entre 50 et 100 mètres, ce qui permet de cibler la pollinisation sur l’unique surface du verger ou du champs à polliniser.
Elles sortent à des températures jusqu’à 4 degrés inférieurs à ceux des abeilles domestiques ; elles travaillent donc plus tôt dans l’année.

L’intérêt économique est donc important :

Compensation du manque de pollinisateurs en général, donc augmentation des rendements.
Efficacité plus grande.
Travail plus étendu dans l’année.
Création d’emplois pour faire ces élevages.

L’intérêt est-il écologique ?

Le fait que leur espace d’intervention soit plus réduit que celui des abeilles va à l’encontre de l’étendue du brassage génétique donc de l ‘extension de la biodiversité.

>Une espèce lâchée en quantité dans la nature peut être une bonne chose dans l’immédiat et constituer un facteur de déséquilibre par la suite.

La rentabilité des récoltes est en baisse car les pollinisateurs disparaissent ; or,

la lutte contre les causes est aussi importante que la lutte contre les conséquences.

Parmi les causes on peut citer :

La disparition des plantes nourricières (herbicides, invasives, urbanisme…) dont la floraison est échelonnée dans l’année ; même si, dans certaines cultures, les intervalles restent souvent enherbés, la diversité et la quantité de plantes à fleurs, sauvages, ont beaucoup diminué.
La disparition des lieux possibles de nidification : arbres, haies, terrains vagues, jachères, prairies intermédiaires…, escargots !
L’utilisation d’insecticides néonicotinoïdes qui détruisent sans discrimination abeilles domestiques et autres pollinisateurs. Dernièrement, au cœur du mois d’août, l’Agence Nationale de Sécurité Sanitaire de l’Alimentation et de l’Environnement (ANSES) a lancé une consultation « publique » en vue d’autoriser deux insecticides « tueurs d’abeilles ». le Gaucho350 et le Gaucho Néo. En ce qui concerne les insecticides en général, le nombre de traitements est variable suivant les cultures mais toujours plusieurs fois dans l’année. Comme l’entreprise «Osmia»est à Agen on peut se faire une idée des traitements en consultant :
Canevas de traitements – Prunier 37 – Chambre d’Agriculture de Lot-et …

lot-et-garonne.chambagri.fr/…/traitements…traitements/prunier-canevas-guide-arbo-so…

En conséquence, les adultes libérés dans les espaces agricoles à polliniser seront tués comme les autres, soit avant leur intervention par la rémanence des insecticides soit, après leur mission accomplie, car à la floraison il n’y a pas de traitements prévus ; ils ne pourront pas se reproduire car si des nids ont été réalisés ils seront détruits par les herbicides ou pesticides répandus. Il faudra chaque année recommencer l’introduction !

Bon pour l’entreprise peut-être, aucun intérêt pour le développement durable des pollinisateurs.

Une telle opération n’est qu’un soin palliatif, un «bricolage» destiné à permettre la survie artificielle des rendements de l’agriculture industrielle car l’agro-écologie ou le bio, par la méthode de culture très diversifiée, a bien moins besoin de complément de pollinisateurs car elle les favorise, si la surface est assez grande et les cultures industrielles éloignées.

C’est incohérent, illogique, inconscient, autodestructeur de :

Favoriser la multiplication des parasites en pratiquant de la monoculture sur de très grandes surfaces: vergers, tomates, piments, aubergines, colza…
Favoriser la disparition des pollinisateurs par l’utilisation d’insecticides qui ne tuent pas que les parasites.
Faire des dépenses supplémentaires en élevant des pollinisateurs à vie éphémère.
Mettre en danger les ouvriers agricoles, les propriétaires sur le terrain et les voisins ! Le port du masque, sous les tunnels, est fortement conseillé et pas que là ! Les consommateurs aussi, qui ne pèlent pas fruits et légumes.
Réaliser une surproduction parfois invendable du fait de la concurrence ; le bas de gamme s’étale dans nos grandes surfaces : très médiocre qualité gustative, fruits durs comme de la pierre et légumes insipides, qui «pourrissent» parfois avant d’être mûrs, beau à l’extérieur, décomposés à l’intérieur (le piège).

Non seulement la rentabilité est en danger par manque de pollinisateurs mais, de plus en plus aussi, très largement, par manque de consommateurs !

Signé Georges Vallet

crédit photos : discoverlife.org