Un système à l’agonie !

imagesQui ne voit que les règles régissant le fonctionnement de nos institutions sont à bout de souffle. Il faut que le bon peuple soit patient, tolérant ou pire désabusé, pour accepter autrement que par une abstention électorale, les multiples malversations de certains de nos élus ou de hauts dirigeants.

Enfin..

Jacques CHIRAC condamné pour abus de fonds publics, abus de confiance, prise illégale d’intérêt et délit d’ingérence, quinze ans après les faits.
Alain JUPPÉ, condamné pour prise illégale d’intérêt, dix ans après les faits et dira pour sa défense : « tout le monde connaissait le système des emplois fictifs « .

Sylvie ANDRIEUX, députée, condamnée à quatre ans d’emprisonnement dont un ferme, pour détournement de fonds publics, après une dizaine d’années de procédure pendant lesquelles elle a continué à exercer son mandat et à en percevoir les fruits.

Claude GUÉANT, condamné le 24 janvier 2017 !!! à deux ans d’emprisonnement dont un an ferme, pour avoir encaissé entre 2002 et 2004, cinq mille euros par mois sans évidemment les faire entrer dans ses déclarations de revenus et qui ose invoquer « la pratique des usages du ministère de l’intérieur qu’il n’estimait pas irrégulière  » (quel beau sens de civisme).

Ils n’iront jamais en prison grâce à une disposition adoptée sous la présidence de Nicolas SARKOZY qui permet de dispenser d’emprisonnement quand la peine  prononcée est inférieure à deux ans.

Un président de la république qui a fait entretenir par l’État , une compagne et une fille , dont l’existence fut bien cachée au peuple.

Un autre, allergique sans doute au mariage républicain, qui installe à l’Elysée une relation illégitime dont les besoins essentiels sont assurés par le bon peuple.

Un ministre fraudeur et menteur devant la représentation nationale condamné à trois ans de prison ferme, sans mandat de dépôt et qui après appel et sans doute pourvoi en cassation ne connaîtra probablement jamais les joies d’un repos mérité en maison d’arrêt.
Une indemnité représentative de frais de mandat pour députés et sénateurs, de l’ordre de six mille euros par mois, non imposable et utilisable sans justificatif.

Une indemnité mensuelle pour emploi de collaborateurs de 9561 euros pour les députés et 7593 euros pour les sénateurs qui sont libres d’embaucher quiconque de leur choix (conjoint, compagne ou compagnon, enfant, ami) qui fait l’objet d’un contrat de travail avec les droits y attachés et donne à ses bénéficiaires l’accès aux indemnités de chômage en cas de non réélection du parlementaire.

Le brûlot allumé sur ordre évident de la chancellerie concernant l’épouse de François FILLON a, outre le but de dégrader l’image du candidat déclaré à l’élection présidentielle, le mérite de montrer le vice du système dans la mesure où aucun contrôle ne peut être exercé sur l’effectivité du travail du collaborateur qui dépend seulement de son employeur.
Ce sont là les symptômes d’une morale politique en décrépitude, méprisée par le bon sens populaire qui tôt ou tard se manifestera.

Pour y remédier, il faudra sans doute des lois encadrant les mœurs des sphères dirigeantes, ce qui n’est sans doute pas pour demain et, plus facile à mettre en oeuvre, un coup de main de nos juges qui, statuant au nom du peuple français, utiliseront les textes à leur disposition pour prononcer mandats de dépôt et peines d’emprisonnement insusceptibles d’aménagement. Ils doivent être conscients qu’ils détiennent une arme contre le dégradation morale de la société. L’agonie n’est pas la mort mais elle l’annonce !

Pierre ESPOSITO
Avocat honoraire

Crédit image : cheznectarine

Denys de Béchillon devant l’UDI.

imagesBien connu à Pau et sur le plan national, Denys de Béchillon que notre publication a eu l’honneur de rencontrer par le passé, est professeur à la faculté de droit de Pau et agrégé de droit public. Dans le domaine constitutionnel, par ses réflexions, il a acquis plus qu’une réputation, il est certainement une référence. Le mardi 25 novembre 2014, invité par l’UDI locale, il planchait sur les sujets suivants : réforme de nos institutions, non cumul des mandats, vote à la proportionnelle.

 En préliminaire, un certain nombre de constats s’imposent :

  • 82 % des personnes interrogées estiment que les politiques n’agissent pas dans l’intérêt des Français,
  • 96 % des Français sont contre le cumul des mandats,
  • La réforme des institutions ne réglera pas les problèmes actuels,
  • Il n’y a pas actuellement de majorité des 3/5ème au parlement pour engager une réforme de la constitution.
  • Le mode de scrutin pour l’élection des députés n’est pas inscrit dans la constitution mais relève du domaine de la loi.
  • Actuellement pour une réforme des institutions, nous ne disposons pas d’argent ni de consensus politique.

Sur les institutions en premier lieu.

On entend parler de la VIe République. La constitution de la Ve République ne mérite pas la critique qui lui est faite actuellement. Il s’agit de la meilleure constitution que nous n’ayons jamais eue. C’est sans doute la meilleure du monde. Grâce à elle nous sommes sortis d’un grand nombre de difficultés sans crise institutionnelle majeure. La guerre d’Algérie, mai 68 et plus récemment la crise que nous connaissons encore aujourd’hui. Elle permet un certain nombre d’adaptations dont la cohabitation. Cette cohabitation n’est d’ailleurs rien d’autre que la volonté des Français.

Quand on touche aux équilibres constitutionnels  on ne sait jamais à l’avance ce que l’on fait et où l’on va. En matière constitutionnelle il faut en faire le moins possible autrement nous risquons l’aventure constitutionnelle.

La réforme de 2008, voulue par Sarkozy, a eu comme objectif de renforcer le pouvoir parlementaire. Le projet de loi  porte sur le texte de la commission et plus sur le texte du gouvernement. Autrefois de Gaulle avait voulu qu’un projet de loi émanant du gouvernement soit discuté en commission et qu’ensuite ce soit le texte du gouvernement qui soit soumis au débat de l’Assemblée Nationale. Aujourd’hui, c’est le texte de la commission qui est soumis au vote des parlementaires. On s’aperçoit que c’est probablement une catastrophe. Le pilote ne peut pas être quelqu’un d’autre que le gouvernement. On a maintenant des textes qui sont mauvais, cela ne marche pas bien.

Enfin toujours sur la constitution, Denys de Béchillon considère que la réduction  du mandat présidentiel du septennat au quinquennat est une erreur. On ne reviendra pas en arrière par référendum; il n’est pas envisageable que les  électeurs veuillent augmenter la durée du mandat d’un président dont la cote de popularité est aussi faible.

Sur le cumul des mandats.

La règle du non cumul des mandats sera donc en vigueur en 2017. Elle présente certains avantages parmi lesquels, les parlementaires seront des spécialistes plus présents.  Mais elle présente aussi des effets pervers. Il y aura un découplage avec les sénateurs, sur le plan pratique cela ne peut pas bien marcher. Un député ne pourra pas avoir un autre métier ce qui interdira le cumul professionnel. Par contre s’il est fonctionnaire, il sera protégé car assuré de retrouver son emploi à la fin de son mandat. Autre conséquence un député soumis au non cumul aura comme préoccupation essentielle sa réélection, celle-ci deviendra vitale car sa seule source de revenus. Il lui faudra donc être soumis à son parti s’il veut obtenir son investiture. Le clientélisme apparaîtra. Egalement son temps de présence locale sera en concurrence avec sa présence nationale.

A terme nous risquons de voir apparaître une homogénéisation des parlementaires. Les origines professionnelles seront moins diversifiées, ce qui n’est pas bon. On trouvera principalement des fonctionnaires et d’anciens attachés parlementaires.

Alors on parle du statut de l’élu. Il s’agit dans le projet d’un statut protecteur mais on ignore son contenu. Les français se méfient à ce sujet surtout à une époque de défiance  vis-à-vis du monde politique.

Le scrutin proportionnel.

Denys de Béchillon l’affirme : «  J’aime le scrutin majoritaire, il permet stabilité et pérennité ». Il conçoit bien sûr que pour les centristes ce système soit pénalisant. Le scrutin majoritaire c’est très bien lorsqu’on a une majorité. Aujourd’hui, on constate qu’il n’y a pas de majorité. On peut imaginer une coalition comme en Allemagne et en Angleterre. Mais, il le redit, il ne croit pas que la constitution de la Vème république soit compatible avec la proportionnelle. Avec une proportionnelle à 50 % il est certain de ne pas disposer d’une majorité. Sous la troisième et  la quatrième République, l’instabilité gouvernementale tenait à la proportionnelle. Par ailleurs cette proportionnelle, n’est pas à son avis, compatible avec l’élection du Président de la République au suffrage universel.

                                                                                               Pau, le 29 novembre 2014

                                                                                               Par Joël BRAUD