Dans cette période de fièvre jaune, les contre vérités sont reines, y compris sur des media nationaux donneurs de leçons. Comment faire un « Grand Débat » intelligent et constructif alors que les bases de l’économie sont absentes ?
« CAC 40: au bonheur du capital » tel est le titre de l’article de Médiapart du 9/1/2019 : « En 2018, les groupes du CAC 40 ont versé 57,8 milliards d’euros à leurs actionnaires, soit la moitié de leurs profits. Ces sommes ne se retrouvent pas dans le financement de l’économie, malgré ce qu’avait assuré le gouvernement lors de sa réforme sur le capital. La théorie du ruissellement disait pourtant le contraire.
Cela devait tout changer. Lorsque le gouvernement français avait présenté à l’été 2017 sa réforme de la fiscalité sur le capital, la suppression de l’ISF (impôt sur la fortune), l’instauration de la « flat tax » sur les revenus du capital, il avait justifié toutes ces mesures au nom du financement de l’économie. La libération du capital devait permettre de relancer la machine économique, les investissements, l’innovation, les emplois. Au terme d’un an de mise en œuvre de ces réformes, les premiers chiffres commencent à tomber. Comme l’avait dit le gouvernement, cela ruisselle, cela ruisselle même abondamment. Mais pour une seule catégorie : les détenteurs de capitaux. » Mediapart 9/01/2019
On retrouve ce genre d’affirmation par exemple sur le site d’OXFAM, ONG bien connue : « Depuis 2009, les entreprises du CAC 40 ont versé plus de 407 milliards d’euros de dividendes à leurs actionnaires et près de 51 milliards d’euros versés en 2017. Les entreprises françaises sont les champions du monde des dividendes et de loin les premiers en Europe. Loin des discours ambiants, la France est compétitive pour ceux qui veulent s’enrichir au détriment d’un intérêt collectif, et d’une juste répartition des richesses. »
Et nos menteurs professionnels ne s’en privent pas, comme le plus menteur d’entre eux : Jean-Luc Mélenchon, invité de l’Emission politique sur France 2, qui s’y est collé : «Aujourd’hui, les grandes sociétés de notre pays payent à peine 8% d’impôt. Alors que c’est 33%, alors que les petites boîtes payent 30%.»(Libération 24/10/2017)
Bel exemple d’information tronquée et orientée que l’on retrouve sur les media du service public : honteux.
Pour verser 57,8 Milliards de dividende, les entreprises ont dû faire des bénéfices, il traîne depuis des années de fausses informations laissant croire que les sociétés du CAC 40 ne payent pas d’impôt : faux comme le démontre le tableau ci dessous comparant les différentes tailles d’entreprises et extrait d’un article de Libération, comme quoi il existe encore des vrais journalistes… même à gauche.
On y voit clairement que l’ordre de grandeur de l’imposition est le même quelle que soit la taille de l’entreprise. Pourtant les sociétés du CAC 40 réalisent une grande partie de leurs profits à l’étranger contrairement aux petites entreprises.
« sans compter que le taux d’imposition implicite ne prend en compte qu’un tiers du poids total de la fiscalité des entreprises ». (Libération du 24/2/2017)
Mélenchon, Médiapart et OXFAM et les autres devraient mieux s’informer…
Pour ceux qui voudraient creuser le sujet, le taux implicite d’imposition est la méthode usuellement mobilisée par les organismes internationaux (Eurostat, OCDE) et la Direction générale du Trésor.
Lire page 19 : https://www.ccomptes.fr/sites/default/files/EzPublish/20170112-rapport-particulier-3-taux-implicites.pdf
Mais en plus, d’où vient et où va cet argent ? En première approximation si les entreprises du CAC 40 ont distribué 57,8 milliards aux actionnaires, le bénéfice total avant impôt était le double soit environ 100 milliards et l’Etat a empoché en amont 30 milliards d’euros d’impôt sur les sociétés (en fait bien plus comme dit plus haut).
Mais ce n’est pas fini puisque en gros la part française va être imposée aux actionnaires individuels par la flat tax à 30% soit 9,8 milliards (les étrangers possèdent 43% du capital des sociétés du CAC 40).
En plus il faut rajouter la part qui revient à l’Etat en tant qu’actionnaire : 2,8 milliards en 2017 (Capital 5/11/2018)
Donc aujourd’hui les bénéfices du CAC 40 qui reviennent à l’Etat sont supérieurs à 40 milliards d’euro !
En fait, et de très loin, c’est l’Etat qui rafle les profits du CAC 40 qui sont bien sûr réinvestis en totalité dans l’économie (enfin… via notre immense dépense publique), contrairement à ce que voudraient faire croire certains media et hommes politiques.
Il faut de plus noter une tendance à l’augmentation de la part des français dans le CAC 40. C’est l’Etat, par le biais de la fiscalité, qui profitera aussi de cette part supplémentaire qui ne partira plus à l’étranger.
Il faut surtout relativiser ces dividendes comme le dit Pascal Quiry dans Libération (9/01/2019) : «Le versement d’un dividende ne vous enrichit pas plus que le retrait de billets à un distributeur ne vous enrichit, vous avez simplement transformé en liquide une partie de votre patrimoine. Ce qui compte, c’est que les entreprises françaises se portent bien.»
Cette image n’est pas comprise par beaucoup de citoyens, sauf par les actionnaires qui voient la valeur de l’action baisser du montant du dividende le jour de la distribution…
Ce n’est pas le cas pour l’employé qui perçoit l’intéressement, d’autant que sa prime n’est pas négative quand les résultats ne sont pas bons…
Pour l’actionnaire, il est un facteur majeur qu’il faut d’abord prendre en compte, c’est l’évolution du capital, et en 2017 le CAC 40 à baissé : « en revanche, la valeur boursière des 40 premières entreprises françaises aura globalement diminué de 10,95% l’an dernier ». Une perte bien plus importante que les dividendes nets … pourquoi ne pas le dire ?
Il faut rajouter que si l’ISF, impôt stupidement et seulement français existait, l’actionnaire aurait à payer 1,5% de son capital, histoire d’augmenter ses pertes…
On le voit, les affirmations économiques qui traînent dans des media nationaux sont tronquées ou fausses, comment dans ces conditions organiser autre chose qu’un défouloir, un déballage, bien loin d’un vrai débat ?
Daniel Sango