La laïcité pilier de la République

Dans le délire réformateur d’un président trop pressé, alors qu’un grand débat national s’engage dans des conditions bien difficiles, voilà qu’un pouvoir contesté prévoit de s’en prendre à un pilier de la république : la laïcité. 

Du côté des « marcheurs » on ne cesse de condamner les attaques contre « les symboles républicains ». A juste titre il faut condamner et réprimer fortement les violents débordements qui se sont déroulés ces derniers jours ; car la République c’est l’ordre ; un ordre sans lequel ne peuvent s’exprimer la liberté, l’égalité et la fraternité. Mais il faut éviter aussi les amalgames hâtifs, primaires et stupides comme celui qui consiste à « baptiser » l’Arc de Triomphe à l’eau bénite républicaine, alors qu’il s’agit précisément du contraire c’est-à-dire de la victoire de l’empire sur la république ou encore de vouloir réhabiliter Pétain, antisémite forcené, symbole du déshonneur de l’Etat Français.

S’il est un symbole républicain sur lequel tout le monde ou presque s’accorde c’est la laïcité. La séparation de l’Eglise et de l’Etat est le pilier de la République moderne. Même si elle fut chèrement acquise tous s’en accommodent désormais ou doivent bien s’y plier car la loi contient des aspects suffisamment contraignants pour être respectée. Ainsi la France est enviée dans le monde entier pour avoir trouvé un équilibre solide et unique qui a une portée universelle.

Tout cela date de 1905 et fonctionne, c’est vrai, dans un contexte tendu aujourd’hui. Mais la loi se situe comme une référence ultime et n’est-ce pas un risque inutile que de vouloir modifier un élément stabilisateur dans une société en fusion ? Emmanuel Macron mesure-t-il à quoi il s’attaque ? Il devrait relire le discours de Gambetta à l’Assemblée Nationale, le 4 mais 1877 « le cléricalisme voici l’ennemi ! » : « Je dis qu’autrefois une foi religieuse ardente, des convictions dogmatiques étaient au fond de ces querelles, tandis que, aujourd’hui, il n’y a qu’un calcul politique, qu’une combinaison de partis déçus dans leurs espérances, une coalition de convoitises dynastiques ». Juste pour l’ambiance… et pour permettre de mesurer l’enjeu colossal, périlleux qui l’attend…

En coulisse, le très controversé « Observatoire de la laïcité » s’active. Il a rendu à Gabriel Attal, secrétaire d’Etat à l’Education, une étude sur les règles d’application de la laïcité au sein du futur service national universel (SNU). Pour la première phase du SNU, qui concerne des jeunes de 14 à 16 ans et se déroule en internat, l’Observatoire conseille de ne pas soumettre les appelés « au principe de neutralité, ni à l’encadrement de leur manifestation d’appartenance religieuse« . Le ministre de l’Education Nationale, Jean Michel Blanquer a immédiatement précisé : « Je ne suivrai pas la recommandation de l’Observatoire de la laïcité sur le port des signes religieux lors du service national ». Il y a débat et on peut penser qu’il s’agit d’une première escarmouche avant que la bataille ne soit plus séreuse.

Selon Le JDD (5 novembre 2018) le plan présidentiel contiendrait 5 points principaux : « 1 – Mise en place d’un label d’Etat pour les associations religieuses, 2 – Les subventions publiques adaptées et la comptabilité analysée, 3 – Un contrôle des financements de l’étranger, 4 – Des revenus locatifs permis pour les cultes, 5 – Un bouclier pour empêcher les « prises de contrôle inamicales »

En fait le projet vise essentiellement le culte musulman et souhaite voir émerger face à l’islamisme radical un « Islam de France ». Le concept en lui-même est contestable car que veut dire un Islam de France ? L’Islam c’est l’Islam et c’est l’affaire des musulmans et de leurs responsables qui se sont émus de ces projets gouvernementaux. Pour les défenseurs de la laïcité qui ne combattent pas les croyants, l’Etat n’a pas à intervenir dans le contenu ni dans la gestion d’un culte. La religion fait partie de la sphère privée. Elle ne doit pas intervenir dans la gestion de la société ou dans la marche de la vie politique. En dérogeant à ce principe on crée un précédent qui ouvre une boîte de Pandore d’où sortiront rapidement les vieux fantômes du passé qui ne sont pas si loin dans l’inconscient collectif. On l’a vu lors de la « manif. Pour tous ».

D’autre part que fait-on des agnostiques, des athées, les plus nombreux des Français ? Devront-ils désormais payer pour les croyants ? Est-ce justice, même si cela reste symbolique ? Même s’ils ne sont pas organisés, ils ont eux-aussi leurs droits qui sont justement assurés par la loi de 1905. Inquiets, les défenseurs de cette loi, regroupé dans un « comité Laïcité République », ont lancé un appel où ils précisent que : « Au moment où l’unité citoyenne et la paix sociale sont mises en péril, il ne peut être question d’affaiblir leurs fondations en ouvrant la voie aux exigences de tous les groupes de pression et en relativisant le caractère inviolable de leurs principes ».

 

Pierre Vidal

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Moitié-moitié

breve43099-0Face aux dramatiques événements qui frappent notre pays il serait évidemment facile de stigmatiser l’impuissance d’un gouvernement réputé incapable de protéger les citoyens contre un terrorisme particulièrement barbare. Cependant, si n’importe quel autre gouvernement n’aurait pas fait mieux, les solutions que proposent celui-ci ne sont pas de nature à apporter une réponse pérenne à la vraie question qui est posée aujourd’hui : celle de la compatibilité de la religion en général, et ici, en l’occurrence, de la religion musulmane, avec les valeurs démocratiques sur lesquelles se fonde notre République.

République dont il faut se souvenir qu’en d’autres temps, pour arriver à ses fins, notamment la déchristianisation, elle n’hésita pas à trancher dans le vif en  décrétant  ( 1er août 1793) , «l’anéantissement de la Vendée »  en lâchant sur elle les tristement célèbres colonnes infernales qui n’épargnèrent ni les femmes ni les enfants. République qui, plus récemment, afin de lutter contre « l’obscurantisme clérical » vota en 1905, les fameuses lois de séparation de l’Église et de l’État. Lois qui d’ailleurs, à l’époque, ne suscitèrent pas autant de réactions qu’on le croit et qui aujourd’hui ne semblent plus poser véritablement problème.
Bien sûr il n’est évidemment pas question aujourd’hui de recourir à des mesures aussi barbares ou aussi drastiques. Mais il faut mesurer qu’outre le fait d’accréditer quelque religion que ce soit c’est renier les principes et les acquis de la laïcité. Singulièrement, à propos de l’Islam, c’est aussi remettre en cause l’égalité des femmes. Cette moitié d’humanité soumise depuis la nuit des temps à l’autorité totalement arbitraire, aux caprices et aux fantasmes de son autre moitié masculine. Égalité d’ailleurs acquise bien tardivement chez nous ( ordonnances de 1944 et 1945 – et pour des raisons essentiellement électorales) ! Et que dire du fait qu’il y a quelques années seulement, une accouchée célibataire devait encore « reconnaître légalement» l’enfant qu’elle venait de mettre au monde ! Mais égalité, désormais, semblait-il, inaliénable !
Alors, aujourd’hui, en France, en démocratie, ne serait-il pas déshonorant pour la République et pour chacun d’entre nous d’imaginer seulement d’en faire une valeur… optionnelle ?
Et donc, à cet égard, dans le contexte actuel, s’il faut donc, évidemment, faciliter l’intégration totale de la communauté musulmane, y compris au plan religieux si telle est sa volonté – et bien sûr lui laisser du temps pour cela – ce ne peut être qu’à condition que cette question soit tranchée !
C’est à elle, seule, de le faire !

Maurice Meireles – Pontacq

Quand on parle des religions, de quel courant parle-t-on?

religionSi l’histoire n’est pas un perpétuel recommencement comme Thucydide l’affirmait, c’est l’ensemble des archives qui nous permet de comprendre le passé et de le suivre jusqu’au présent, évitant ainsi des jugements plus spontanés que réfléchis. Mehdi Jabrane nous apporte des informations historiques et une bibliographie qui permettent sans aucun doute de mener une réflexion et un approfondissement sur l’Islam à ceux qui souhaitent réfléchir avant de dégainer plus vite que leur ombre.

L’actualité et ses retombées dans la presse m’ont amené à lire le dernier Sud Ouest dimanche, p.8, et le dernier numéro spécial du Nel.Obs,

• «Islam, le vrai du faux selon Tareq Oubrou», imam de Bordeaux.
• «l’énigme Jésus» par de multiples auteurs,

A la lumière de ces lectures et à bien d’autres, une question me vient à l’esprit :
Dans tous ces débats et prises de positions tranchées et irréversibles sur les religions, de quel Islam et de quel Christianisme parle-t-on, voire même de quel Judaïsme ?

L’histoire montre les rivalités, les oppositions, les différentes conceptions ou lecture des textes, la pulvérisation des courants.

Rien d’anormal à cela car dès qu’on rentre dans le monde des croyances,
«Tout est possible, tout est réalisable».

>En ce qui concerne le christianisme, Maurice Sachot dans : « le christianisme n’est pas né tout à fait..» montre que le message chrétien s’est construit et reconstruit par étapes successives. A sa naissance, le juif Jésus avait été marqué par l’enseignement des pharisiens, courant populaire laïque et non sacerdotal du judaïsme en Judée, au IIème siècle avant J.C. ; il s’opposait aux prêtres sadducéens du temple de Jérusalem. Le christianisme n’est que le résultat d’une scission conceptuelle au sein de ce qui n’était alors que «philosophie». Depuis, le fossé s’est creusé et de très nombreux courants sont apparus dans le monde entier, rivalisant entre eux.
Le christianisme s’est construit en religion au sein de la culture latine. Jusqu’à la fin du IIè siècle, les romains considéraient le christianisme comme une survivance non fondée du judaïsme qu’ils qualifient de superstitio. Un païen romanisé de Carthage, converti au christianisme : Tertullien, renverse l’ordre établi dans son ouvrage «L’apologétique», en 197 ; il est le premier latin à qualifier le christianisme de religio et la religion romaine de superstitio !

Pour Frédéric Lenoir, dans son article sur :«La principale matrice de la pensée moderne»
«On a totalement oublié le message du Christ tel qu’il s’exprime dans les évangiles. Jésus souligne que tout être humain a une dignité; il affirme l’égalité entre les individus, libres ou esclaves, riches ou pauvres, hommes ou femmes, Juifs ou non Juifs…….Cela peut paraître curieux pour un esprit contemporain qui confond totalement le Christ et sa pensée avec l’Eglise, qui a condamné les Lumières puis au siècle suivant, les droits de l’homme. Il faut bien comprendre qu’au fil des siècles l’Eglise a assis son pouvoir en pratiquant une inversion radicale des valeurs évangéliques, trop subversives, trop exigeantes, seulement accessibles à des individus courageux et lucides…... l’église chrétienne a tourné le dos au Nouveau Testament… Parallèlement à son message spirituel, Jésus délivre un enseignement éthique à portée universelle, à l’antipode des dérives de l’institution, à travers notamment l’Inquisition : il prône la non-violence, l’amour du prochain, la justice sociale, la liberté de choix, la séparation des pouvoirs spirituel et politique…»

On peut très bien être chrétien et anticlérical.

> Cette pulvérisation des courants est propre à toutes les religions ; Elle se retrouve chez les musulmans. Parmi eux Tarek Oubrou, théologien, recteur de la grande mosquée de Bordeaux…, représente une des voies de «L’islam des Lumières». Il nous livre sa vision sur certains principes de l’Islam déformés par les courants fondamentalistes.

• Les interdits et les injonctions pratiques de l’Islam ne concernent que les croyants musulmans et en aucun cas les non croyants.
• Il y a un paradoxe à critiquer un non-croyant qui représente ou caricature le Prophète puisque l’interdit ne s’applique pas à lui.
• Le vrai martyr n’est pas celui qui cherche la mort mais celui qui la subit.
• Le vrai djihad est intérieur ; si le terme est utilisé sans sa densité théologique pour imposer sa foi, il s’agit de terrorisme.
• La difficulté aujourd’hui de séparer le politique et le religieux vient du fait que les musulmans n’ont toujours pas fait leur deuil de l’effondrement, au XVème siècle de la civilisation arabo-musulmane que l’Islam avait créé.

Pour lui, « il faut changer de paradigme et il me semble que la France est un vrai laboratoire pour la sécularisation de l’Islam.»
Après tout, le catholicisme a mis des siècles pour ne plus être religion d’Etat !

Pour Michaël Privot, personnalité de l’Islam belge et directeur du réseau européen contre le racisme : « Si la réponse est uniquement sécuritaire, nous ne résoudrons pas le problème et il risque d’y avoir d’autres attentats. Pour la sécurité on trouve toujours le budget mais l’investissement dans le social, le public, l’école, les soins de santé, le logement de qualité, ne me paraît pas faire partie des priorités politiques européennes actuelles. »

Il serait donc peut-être judicieux de ne pas se tromper de cible car la plupart des deux millions de musulmans qui se déclarent croyants et pratiquants en France, ne demandent qu’à profiter de la laïcité à la française pour vivre leur foi intérieure en toute tranquillité. Ne gaspillons pas ce réservoir de matière grise qui ne demande qu’à s’exprimer au service de leur pays : la France. Pour cela, il faut leur donner les moyens.

Une poignée de criminels qui surfent sur cette religion, organisés et motivés, à la recherche de pouvoir, de domination et d’argent, veulent imposer leurs lois ; voilà la vraie cible qu’il convient d’éliminer par l’action simultanée (raisonnement systémique !) :

• de l’instruction, de l’éducation, de l’apprentissage de la rationalité à l’école, dans les familles, dans les banlieues…
• de la lutte contre les discriminations, les inégalités, la détresse sociale…
• de la poursuite implacable du renseignement et de la politique sécuritaire bien sûr.

– par Georges Vallet

crédits photos:twitter.com

Jésus-Christ ou l’inconscient du Béarn.

 220px-Gauguin_Il_Cristo_gialloAprès Francis Jammes et Pierre Bourdieu monsieur Pyc a pensé (monsieur PYC pense beaucoup ces derniers temps) que comme constituant de l’inconscient béarnais on ne pouvait échapper à la question religieuse. Jammes par sensualisme panthéiste et par tradition familiale appartenait au  catholicisme traditionnel sinon traditionaliste  même s’il était très au fait et même sensible  au monde protestant si important sur Orthez ; notamment par la famille Reclus.

Bourdieu par la nature même de son travail semble plus appartenir aux libres penseurs voire à ceux qui, comme Marx, voient  la religion comme une oppression. Peut-être un opium du peuple probablement comme  une superstructure oppressive.

Cette manière de voir suppose qu’il y ait un inconscient béarnais distinct des sur-mondes Pyrénéens d’une part et du sur-monde occitan  d’autre part. Et que la question spirituelle et religieuse soit un réel marqueur de la culture et de l’inconscient collectif. En ces temps résolument modernes et mondialisés où les chinois (confucianistes?) acquièrent nos aéroports et se trouvent oscarisés pour cela  beaucoup  doivent penser qu’il s’agit là de vielles lunes résolument dépassées.

Nous n’en faisons pas partie.

Le tout économique et le tout mondialisé résolument connecté fût-il vers le néant  dans un monde qui vacille peut sembler avoir remisé ces questions dans les poubelles de l’histoire. Sauf que le vide spirituel ainsi engendré rend plus prégnant cet appel au spirituel et, subséquemment,  cet appel  au marché des religions traditionnelles voire aux gourous de pacotilles. Avec toujours un questionnement, plus ou moins  formulé,  aux thèmes de la mort et de l’éternité. Incidemment aux questions de la morale  et du rapport aux autres êtres vivants. Naturellement les religions n’épuisent pas tous les espaces de la spiritualité .

 Faisons le tour de la question.

 Le   Béarn  des sans Dieu :

Une première catégorie, certainement majoritaire aujourd’hui, au moins au niveau de la pratique : ceux qu’on ne trouve plus dans  les églises ou toutes les sortes de temples et autres édifices religieux. La majorité revient certainement aux indifférents aux déchristianisés voire aux non concernés. Voire aux athées par agnosticisme ou aux athées militants.

A tous ceux qu’il ne faut pas oublier que la question indiffère ou hérisse ou qui désespérément cherchent des amis sur facebook  pour calmer leurs angoisses.

 Le   Béarn et le sur monde protestant :

Commencer par ce monde peut paraître ne pas aller de soi.

Mais la petite province à la renaissance et encore,  un peu, maintenant était  une de pointes du croissant fertile du protestantisme  qui courrait de la Rochelle (l’Aunis et la Saintonge) pour courir jusqu’au Béarn et remonter par toute la vallée de la Garonne et aboutir aux Cévennes et au Dauphiné. Par ailleurs à la renaissance  sauf dans le Paris ligueur le protestantisme sous sa forme calviniste essaimait partout surtout dans les rangs de l’élite celle de la noblesse et de la bourgeoisie industrieuse nouvelle classe émergente qui voulait faire sa place au soleil.  C’est tout le pays qui aurait pu basculer faute d’un modus vivendi comme dans les pays allemands ou flamands.

Alors le Béarn ? simplement à cause de Jeanne D’Albret vicomtesse du Béarn et reine de Navarre possessionnée dans tout le sud-ouest et dans beaucoup de pays français mais née à Pau et mariée puis séparée du prince de sang Antoine de Bourbon lui demeuré bon catholique. Et incidemment fondateur de la dynastie des bourbons.

Elle tenta de toute sa détermination et avec méthode  de forcer la Béarn à la foi  calviniste et à la réforme.

Par l’ordonnance du 19 juillet 1561, elle autorise le calvinisme dans son royaume. Elle entame après la mort d’Antoine, en 1562 une série de mesures visant à implanter la Réforme en Béarn et en Navarre ; Notamment la traduction en basque du Nouveau Testament par Jean de Liçarrague (1571), et la traduction en béarnais du Psautier de Marot, par Arnaud de Salette (1568). Une farouche opposition catholique se manifeste qui aboutit à ce que leur culte soit interdit et le clergé expulsé (1570).

Mais il faut croire que le ver était durablement dans le fruit et la réforme définitivement accrochée au pays avec ce goût mi figue mi raisin de cohabitation avec le monde catholique qui perdure jusqu’à maintenant.

Après bien sûr Henri IV  le héros béarnais devenu roi des Français (et l’un des plus fameux) né à Pau comme sa mère mais élevé à la cour de France avec les deux autres Henri : Henri de Guise, Henri III de Valois le plus excentrique mais pas le moins talentueux  roi de France  qui tous trois seront assassinés par des fanatiques religieux : les djihadistes de l’époque.  On peut penser qu’en lui-même il garda la foi de sa mère mais se fit bon catholique en tentant de faire cohabiter les deux confessions dans le pays comme dans sa conscience intime. Fin politique, farouche guerrier, bon administrateur, coureur de jupons sûrement mais à la conscience restée hantée par la question religieuse.

On peut également penser que Pau ville anglaise et, par conséquent, protestante et anglicane en a remis une couche. Au point qu’en se promenant dans la ville à part quelques églises de (très) moyen calibre on trouve beaucoup de temples réformés et des églises anglicanes voire des avatars du type scientologie très distincts de la tradition calviniste.

 Le   Béarn et le sur monde catholique :

Pour autant le Béarn participe encore, beaucoup, du monde catholique et latin mais infiniment moins que ses cousins basques.  Comprenons nous bien beaucoup plus dans sa culture plus que dans ses pratiques. Pour nous et plus encore en terme d’inconscient la religion et l’irréligion sont  au moins autant  une question de culture de  manière d être au monde que de pratiques ritualisées. Même si il n’y a pas de religions sans rites.

L’église au centre de la ville ou du village reste une destination difficilement contournable quand il s’agit de se marier fût-ce pour une bénédiction  et, plus encore de passer pour une visite ultime avant de se faire inhumer.

Passer du funérarium directement au cimetière par les soins de  ROC-Eclerc cela se fait ; mais ne reste pas forcément du meilleur goût. Naturellement pour les autres confessions existent des pratiques similaires.

On doit également noter que le Béarn très pauvre en belles églises sauf en montagne qu’on peut supposer avoir été moins touchée par la réforme disposent néanmoins de  deux belles cathédrales à Oloron et à Lescar mais antérieures à la réforme  et moins somptueuses  sinon moins belles que celles de Bayonne et de Auch. les voisines de palier…sans parler d’Albi il est vrai en plein pays contre-réformateur…contre les parpaillots et bien sur les Albigeois c’est à dire les Cathares.

Il s’agit également d’un pays de contre réforme celle du 17éme siècle contre le protestantisme bien sur  mais aussi celle du 19éme contre ou, plus précisément, en concurrence avec la république. A cette aune on peut voir là des ordres très puissants les visitandines à Orthez et le carmel à Oloron et de nombreux couvents à Pau et dans sa banlieue. Dans cette optique le pays de Nay, celui de l’archange de Bordères, est particulièrement important et très doté en institutions et en bâtiments catholiques  même si on peut également l’inclure dans le prolongement du culte marial et lourdais que les uns décriront comme un miracle et les autres comme un apparition pas tout à fait fortuite.

 On peut imaginer, enfin, que la forte présence hispanique et, plus encore, lusitanienne influe quelque peu sur cette culture mariale et latine à l’opposé de la présence anglo-saxonne d’essence réformée.

Si l’on s’en tient au territoire d’Oloron on ne trouve pas moins de trois église majeures dont une cathédrale une très belle église de style mozarabe qui domine Sainte-Croix et l’immense église  Notre Dame datant du 19éme siècle de style néo byzantin,  qu’à titre personnel, nous trouvons prétentieux et hideux. Cette église Notre-Dame nous raconte quelque chose d’exceptionnel sur la puissance financière de l’église à l’époque dans cette période contemporaine des sanctuaires lourdais. Et la ville dans ses écarts doit comprendre au moins quatre ou cinq  églises secondaires sans compter les villages. Une situation qu’on ne retrouva pas à Pau et,  moins encore, à Orthez.

 Le   Béarn et le sur monde juif :

Il existe sur Pau et la région une  importante communauté juive qui ne semble pas devoir être rattachée à la communauté marrane du Portugal arrivée en 1492   importante au pays basque et dans le sud landais (Peyrehorade) et jusque sur Bordeaux. Le Béarn de l’époque ne devait pas constituer une économie assez dynamique, assez ouverte pour attirer cette population instruite et active, multinationale par essence, dans les circuits économiques.

Par contre on doit noter les juifs réfugiés en zone libre dans les années 40 assez aidés par la population dont le généticien René Frydman né et réfugié à Soumoulou.

On peut penser que le monde protestant, un peu comme dans les Cévennes, à pu être un pont et une aide pour cette population chassée par le nazisme. A cet égard le Béarn compte un grand nombre de justes parmi les nations.

Par  ailleurs il existe également Un fort contingent séfarade rentré en 62 avec les réfugiés d’Algérie qui ont eu importance particulière notamment sur Mourenx.

On devrait aussi parler du monde bouddhiste très en vogue dans les milieux intellectuels et très chic notamment chez  les dames. Il existe un centre bouddhique (bouddhiste ?) à Lasseube derrière le terrain de rugby au pays de Pierre Bourdieu le nouvel ami de PYC plus spécialement dédié à la méditation Zen. La beauté et lé côté reculé de l’endroit devant avoir quelque chose à l’affaire.

Évidemment on devrait parler de l’Islam mais il est difficile d’y voir une spécificité béarnaise bien apparente avant que le temps ait fait son œuvre.

Sur Oloron existe, dans une ancienne forge, sinon une mosquée du moins un centre cultuel dédié à la prière assez fréquenté qui semble plutôt bien s’intégrer dans le paysage plutôt paisible de la cité …

 PYC, Oloron le 14/12/2014

Religion d’Etat et démocratie

14273277La Tunisie vient d’adopter une constitution qui contient manifestement de grands principes démocratiques. C’est une république avec une séparation des pouvoirs, une cour constitutionnelle pour contrôler la constitutionnalité de tous les projets de lois et même celle des lois en vigueur à la demande d’un particulier lors d’un litige, l’affirmation de l’égalité des citoyens, celle  de l’indépendance des magistrats et bien d’autres dispositions semblables à celles des principes contenus dans la Déclaration Universelle des Droits de l’homme, le Pacte International relatifs aux droits civils et politiques ou la Charte des droits fondamentaux.
Mais cette constitution est  en réalité un compromis entre les défenseurs de ces valeurs et les frères musulmans d’Ennhada qui voulaient un état islamique. Il a donc fallu que ses rédacteurs  acceptent de leur consentir une place primordiale à l’Islam (qu’une grande partie de la population ne souhaitait pas) pour la faire accepter par l’Assemblée Constituante. Et c’est là que tout bascule.

En effet, avant même le préambule, le ton est donné par ces mots : « Au Nom de Dieu Clément et Miséricordieux « … S’ensuit le rappel de l’attachement du peuple aux enseignements de l’Islam, combinés assez curieusement avec les  » hauts principes des droits de l’Homme universels » parmi lesquels la liberté de pensée, de conscience et de religion qui implique le droit de n’avoir aucune croyance et de ne pas être discriminé en raison du refus d’adhérer à une religion. Mais il est aussi affirmé que la Tunisie appartient à la Nation arabe et musulmane. Une telle affirmation n’est pas innocente. Elle signifie que tous les pays arabes et musulmans sont une seule entité face à d’autres communautés internationales dont les liens sont exclusifs de toute religion et, plus grave, que tous les musulmans appartiennent à la même Nation.

Dès l’article 1er la constitution tunisienne  dispose que l’Islam est la religion du pays. Le ton est donné, même si cette constitution garantit la liberté de conscience et de croyance, car la référence à l’Islam se retrouve tout au long de celle-ci.

Ainsi, est-il spécifié, que l’Etat veille à la consolidation de l’identité arabo-musulmane auprès des jeunes générations. Donc endoctrinement, contraire à la liberté de pensée.

Et les preuves que cette constitution contient des dispositions antinomiques sont nombreuses.
En effet, le Président de la République doit être de confession musulmane et prêter un serment religieux commençant par :  » Je jure par Dieu Tout Puissant… ».et il en va de même pour les membres du gouvernement et les représentants du peuple.

Il est indiscutable que les fondamentalistes d’Ennhada ont marqué cette constitution de leur empreinte, car elle leur permettra de revenir au pouvoir en soutenant que les lois qui seront mises en œuvre ne sont pas conformes à l’Islam. Mais,  au fond, de quel Islam s’agit-il ?  Du sunnisme ? Du chiisme ? A quel Islam devront se conformer les lois sur la famille ? Sur l’éducation ? A quoi devront se conformer les créations artistique ou littéraire ? La porte reste grandement ouverte à de futurs soubresauts.

Dans « Jeune Afrique » un journaliste a écrit à ce propos: « L’Arabie Saoudite  n’a pas jugé utile de rédiger une constitution. Le Coran en tient lieu. N’est-elle pas, cependant, l’un des pays où l’on respecte le moins les droits de l’homme et où l’on bafoue allègrement ceux de la femme » ?

La religion d’Etat, quelle qu’elle soit, est incompatible avec la démocratie parce qu’elle opère une discrimination entre les citoyens selon qu’ils adhèrent ou non à cette religion. Dans une décision du 13 février 2013, la Grande Chambre de la Cour européenne des Droits de l’Homme, rappelant que la liberté de religion est l’une des assises d’une société démocratique, en a conclu que cette liberté implique celle de ne pas adhérer à une religion et que la Charia est incompatible avec les principes fondamentaux d’une démocratie. La question mettait en cause la Turquie, mais une condamnation identique a été prononcée contre la Grèce où prédomine l’Eglise catholique orthodoxe.

En résumé, seule la laïcité est compatible avec la démocratie et on a du mal à comprendre pourquoi le Président Hollande a cru bon d’affirmer devant les représentants de la Tunisie, que l’Islam est compatible avec la démocratie. Pouvait-il ignorer qu’une religion  d’Etat est incompatible avec la démocratie où voulait-il faire passer un message aux français ? Imagine-t-on insérer demain  dans notre constitution : « La France est un pays catholique »? Heureusement, non.

– par Pierre ESPOSITO
Docteur en droit
Ancien bâtonnier du barreau de PAU.