Médiacratie et médiocrité, une bien triste compatibilité !

gv« Les médias se comportent comme une armée d’occupation, sans responsabilité, sans projet et sans langage. A ce stade, volontaire ou non, le crétinisme menace. »  Jean-Claude Guillebaud.
Après la guerre la reconstruction a nécessité une consommation de matière et d’énergie sans précédent, «précédant» les retombées qui allaient se produire une soixantaine d’années plus tard : épuisement des ressources, pollution, perturbations climatiques et leurs conséquences… L’embellie purement matérielle s’essouffla mais la recherche révolutionna de nouveau la vie.

On passa de la production-consommation à la communication.

Les trains roulent à grande vitesse, le transport maritime a décuplé ses capacités (supertankers), le transport aérien s’est banalisé, les télécommunications ont révolutionné le monde. Les médias diffusent leurs programmes en temps réel dans tous les pays. Le télétravail permet la délocalisation qui ne touchait jusqu’alors que les activités de production industrielle.

On passait de la communication matérielle à celle de l’information.

Du latin « médian », intermédiaire, les médias sont une institution sociale : presse, radio, télévision ; internet est l’acteur clef de cette organisation, traitant, stockant et transportant l’information sur une grande échelle.

Parmi les rôles des médias, il y a celui de relayer de manière objective, rigoureuse, et la plus étendue possible dans l’espace, les événements mondiaux, d’informer les citoyens des différentes options politiques, véhiculer les valeurs, les programmes que les politiques cherchent à promouvoir…; en bref, tisser des liens éclairés entre population et gestionnaires. On en est loin ! L’information est triée et déformée à tous les niveaux du traitement pour des raisons… « mystérieuses » !

La richesse des faits alimente la connaissance, la pertinence des analyses guide la réflexion, la diversité des commentaires permet son approfondissement.

L’une des fonctions de l’information est donc aussi l’éducation.

Aujourd’hui, plus qu’hier, les moyens d’information ont un impact sur les esprits, jeunes et adultes. Ont-ils pour autant un rôle éducatif ? Renforcent-ils la capacité de jugement des individus ou concourent-ils à les brouiller voire à les manipuler ?

Ces objectifs ont subi bien des bouleversements ; déjà, sous Alfred de Vigny (journal intime) :
« La presse est une bouche forcée d’être toujours ouverte et de parler toujours. De là vient qu’elle dit mille fois plus qu’elle n’a à dire et qu’elle divague souvent et extravague. »

Les médias exercent désormais une domination touche-à-tout. Ils occupent la quasi totalité du champ public : politique, économie, diplomatie, créations artistiques, etc.

Nous sommes passés de l’information à la médiacratie.

« les médias sont amenés à cannibaliser, comme les prédateurs dans la jungle se nourrissent des animaux malades. » Jean-Claude Guillebaud.

Au cœur de la crise économique et financière, avec une autosatisfaction désarmante, et sur un ton enjoué, nos grands médias choisissent délibérément d’amplifier le mécontentement social.

« C’est le cas en psalmodiant sans cesse à un peuple qu’il est en dette depuis longtemps ; c’est le désigner comme gravement coupable et l’inviter à faire pénitence. Tout se passe comme si chacun des 64 612 939 Français (chiffre de 2010) s’était rendu coupable d’une faute dont on l’invite à s’acquitter au plus vite. » J-C Guillebaud.

De la zizanie à la calomnie sur un fond de narcissisme et de cannibalisme tels sont les trois pôles d’excellence de nos médias

 » Zizanie  » signifie initialement une mauvaise herbe, d’où l’expression « semer la zizanie » c’est-à-dire la mésentente, les causes de discorde et de désunion. Nos politiques et les médias y sont passés maître. Comme pour « la calomnie » :

C’est d’abord rumeur légère
Un petit vent rasant la Terre
Puis doucement, vous voyez zizanie (calomnie)
Se dresser, s’enfler, s’enfler en grandissant

Le mal est fait, il chemine, il s’avance
De bouche en bouche il est porté
Puis riforzando, il s’élance
C’est un prodige en vérité
Mais, enfin, rien ne l’arrête
C’est la foudre, la tempête
Un crescendo public
Un vacarme infernal
Elle s’élance, tourbillonne
Étend son vol, éclate et tonne
Et de haine aussitôt, un chorus général
De la proscription a donné le signal….

Cette réminiscence du barbier de Séville vaut son pesant d’actualité. Les sondages quasi journaliers annoncent la baisse de popularité du Président et de son 1er ministre. On répète sans cesse les désaccords, « les affaires », le montant grandissant de la dette, l’exploit de l’Allemagne, la «nullité» de la politique menée, Y a qu’à….!

Cette exaltation de la discorde favorise une atmosphère sociale malsaine et pré-révolutionnaire.

A propos des sondages, les questions orientent les réponses, c’est évident. Les journalistes des médias de masse ne fournissent pas l’information sur les propriétaires des instituts et leurs autres activités ; on choisit au bon moment, la bonne question et le bon résultat qui permettent d’amplifier le désastre, car le désastre, c’est l’objectif recherché, pour vendre !

En fait, le vrai désastre, c’est « l’addiction » à l’argent» et les médias eux-mêmes !

Information ou rappel non exhaustif :

CSA est possédé par Vincent Bolloré.
IFOP est dirigé par Laurence Parisot, ex. Présidente du Medef.
IPSOS a pour administrateur Nicolas Bazire, ex conseiller personnel de N. Sarkozy.
La SOFRES a pour actionnaires les fonds d’investissement américain Fidelity.
BVA a pour actionnaires les fonds d’investissement Rothschild…

Comment peut-on imaginer un instant l’objectivité de sondages réalisés par ces instituts ?

Les sondages ne fabriqueraient-ils pas habilement l’opinion au lieu de la révéler ?

Un autre aspect des médias :

Pour J-Cl Guillebaud, les médias se contemplent eux-mêmes : « Cauet a maigri, Cunégonde est enceinte, etc…..ces «sautillantes affaires privées» dépassent la part réservée aux tueries de Syrie…..,ou encore à la souffrance sociale…. A cette médiocrité sans fond,…..,la moindre péripétie politicienne passe pour une affaire planétaire…Et ainsi va piaillant notre basse-cour hexagonale! … Il y a une sorte d’infantilisme dans cette autocélébration qui fait prendre les journalistes pour une fin alors qu’ils devraient se cantonner à n’être que des moyens ! »

C dans l’air est d’un bon niveau, à la fois par la spécialisation des invités et la maîtrise du dialogue par Yves Calvi ; malheureusement, par un choix judicieux et redondant des intervenants, ce dernier, avec son équipe, s’emploie à entretenir, avec persévérance, la critique, la démolition, la nocivité de la politique menée, donc la révolte ou la dépression ambiante. La dernière recrue, C. Roux, est bien en phase : «Pin-up» souriante aux yeux pétillants et à la voix acide, elle assure avec insistance et vivacité la critique, tout en pratiquant séduction et concours d’élégance ! Toujours la forme et pas le fond !

Ces «jeunes» quadras et quinquas semblent ne plus avoir assez de vérités en eux pour voir plus loin que la critique.

Trop spécialisés, les intervenants ne savent pas gérer la complexité du global !

Entre la « victimisation » à longueur de journée de l’habitué du Fouquet’s et des montres Rollex et celle, dont on ne parle jamais : les chômeurs qui résultent de la politique dont il est l’émanation, pour moi, entre les deux, mon cœur ne balance pas !

Les vœux présentés cette année par Ariane Mnouchkine, fondatrice et animatrice du Théâtre du Soleil, constitueront ma conclusion. Elle invitait chacun de nous à :

« fuir la peste de cette tristesse gluante que par tombereaux entiers, tous les jours, on déverse sur nous, cette vase venimeuse, faite de haine de soi, de haine de l’autre ». Elle ajoutait qu’il devient urgent de battre en brèche .

– par Georges Vallet

crédit photos: keskiscpass.com