Jeudi 2 avril, à l’EISTI (Ecole internationale des sciences du traitement de l’information) de Pau, se tiendra la « Journée Nationale de l’Ingénieur » avec un sujet de choix : « Les ingénieurs et scientifiques, architectes de la compétitivité et du redressement de la France » (le programme de la JNI est publié sous l’article).
Il y a, pour simplifier, deux types de compétitivité, celle d’un pays (ou d’un territoire) et celle d’une entreprise. Si la compétitivité des entreprises dépend principalement de la R&D, de l’innovation, des « process » ou encore de la diminution des coûts, la compétitivité d’un pays dépend de données multiples, bien différentes de l’entreprise. Avant la JNI, qui traitera de la compétitivité de notre bassin de vie et de ses entreprises, penchons-nous sur la compétitivité de la France.
La France est classée 23ᵉ dans classement mondial de la compétitivité (Global Compétitive Index 2013/2014) du World Economic Forum, forum connu par sa très médiatique réunion annuelle de Davos. Un classement bien moyen d’autant plus que 11 pays européens se trouvent devant elle. La Suisse est première du classement, les autres : Finlande 4ᵉ, Allemagne 5ᵉ, Hollande 8ᵉ, Grande-Bretagne 9ᵉ, Suède 10ᵉ, Norvège 11ᵉ, Belgique 18ᵉ, Luxembourg 19ᵉ, Autriche 21ᵉ et France 23ᵉ.
La place de 23ᵉ, sur 144 pays analysés, n’est que la résultante de la compilation de nombreuses données, classées par « socles ». Chaque socle (12 au total) a son propre classement et apporte son lot d’informations sur la compétitivité de la France dans des domaines très variés. Certaines données sont favorables à la France, d’autres franchement mauvaises…
Inventaire de ces socles, par ordre décroissant de compétitivité, pour terminer avec ceux sur lesquels la France devrait se « réformer en priorité », si elle veut regagner en compétitivité.
Ce qui va plutôt bien pour commencer :
1 et 2 – La France est classée 8ᵉ sur 144 pour son socle « Infrastructures ». Une force indiscutable. Nos routes, nos trains, nos services téléphoniques, notre approvisionnement en électricité sont jugés bons. Seules les infrastructures portuaires sont moins bien classées. La France est aussi classée 8ᵉ pour le socle : « Taille de son marché » qui prend en compte le marché national et sa part dans les marchés internationaux.
3 – L’accès à la technologie est aussi un atout de notre pays (17ᵉ). Elle serait le 4ᵉ pays au monde, pour les connexions fixes à internet pour 100 habitants.
4 – Le socle « Santé et l’éducation primaire » donne à la France la 18ᵉ position. Parmi les données prises en compte, la santé et l’espérance de vie sont bonnes (6ᵉ). Le primaire est moins bien évalué (24ᵉ).
5 – Socle « Innovation » : 19ᵉ. Parmi les données, on peut noter la qualité des instituts de recherche scientifiques (12ᵉ) et les dépôts des brevets qui donnent la quinzième place à la France. La collaboration industrie-université en R&D est jugée plus moyenne : 29ᵉ place.
6 – Le socle « Business sophistication » donne à la France la 22ᵉ place. La mauvaise note va à la capacité à déléguer d’un supérieur vers un inférieur (se reporter à l’annexe 1 pour voir la question posée en anglais) : 52ᵉ place.
Ceci n’est pas sans rappeler le phénomène de verticalité à la française mentionné dans « Démocratie verticale ou démocratie horizontale : Que voulons-nous ? ». En France, on délègue mal. On verra plus loin, que les relations management-salariés sont aussi très mal évaluées. La France, un pays où la population communique mal (politiques inclus) ! Dans ce socle, l’état du développement des clusters (Pôles de compétitivité) est jugé insuffisant (Annexe 2) : 32ᵉ place.
7 – Le socle du « marché financier » situe la France à la 23ᵉ place. Rappel : 23ᵉ est la place moyenne du pays en termes de compétitivité.
A partir de ce socle, nous entrons dans la zone de qui « tire la France vers le bas » en matière de compétitivité.
8 – Le socle « Éducation supérieure et formation » est classé 28ᵉ. Si la France à un fort taux d’éducation dans le secondaire (11ᵉ), celui-ci tombe au 46ᵉ rang mondial dans le « tertiaire » (le supérieur). Au niveau qualitatif, le pays n’est que 34ᵉ pour la préparation des jeunes à un environnement compétitif. La France serait aussi au 55ᵉ rang mondial pour l’accès à internet dans les écoles. Certainement insuffisant.
9 – Les « Institutions » : 32ᵉ sur 144 pays avec un jugement particulièrement sévère pour les dépenses de l’État (72ᵉ) ou encore le poids des contraintes administratives (121ᵉ). La transparence à la française émarge à la 70ᵉ place. Les politiques n’ont pas la confiance des Français : 42ᵉ au classement du socle.
10 – « L’efficacité du marché » donne la 46ᵉ place à la France. L’effet de l’impôt sur les décisions d’investissements est jugé catastrophique et place la France en 135ᵉ position (Annexe 3) et en 132ᵉ position pour le taux de taxation global ( 4). La France est au-bas du tableau. Comme vu précédemment, trop de dépenses de l’État (et de mauvaises dépenses) font trop d’impôts !
A ce stade, nous pouvons nous demander ce qui est pire encore pour la compétitivité de la France !
11 – Freine la compétitivité du pays : « L’efficacité du marché du travail » où la France n’est classée que 61ᵉ. Sont mis en avant comme freins : « la coopération dans les relations de travail employeurs-salarié » : 129ᵉ au classement (Annexe 5) ou encore les « pratiques d’embauches et de licenciement » trop régulées : 134ᵉ (Annexe 6).
12 – Le dernier socle « Environnement macroéconomique » décerne à la France la 82ᵉ place. Il prend en compte le déficit budgétaire, l’épargne, l’endettement de la Nation. Des éléments connus mais qui projettent la France loin derrière dans le classement.
Trop d’État, trop gourmand, dépensant mal. Trop d’impôts à tous les niveaux. Des comptes nationaux calamiteux. Un marché du travail trop rigide. Pas assez de dialogue entre les politiques et les citoyens, entre les patrons et leurs salariés. La France était 3 ou 4ᵉ puissance mondiale au lendemain de la guerre. Les institutions de la Vᵉ république auraient-elles précipitées le déclin de la France et continueraient-elles à le faire ? Les « 30 glorieuses » ne camouflaient-elles pas en fait le « chant du Cygne (gaulois) » ?
– par Bernard BOUTIN
*Le programme de la « Journée Nationale de l’Ingénieur » du jeudi 2 avril à compter de 16h à l’EISTI située sur le campus palois. Entrée gratuite et libre pour tout le monde. Venez y nombreux. Le sujet est extrêmement actuel.
16H00 – Accueil
16H15 – Allocution d’accueil par Laurence LAMOULIE, Directrice de l’EISTI (Ecole internationale des sciences du traitement de l’information), Campus de Pau et par René BEAUSSIER, Président Union Régionale Ingénieurs et Scientifiques -IESF- du Bassin de l’Adour accompagné de Baptiste COMTE, Vice-Président Bureau Régional des Elèves-Ingénieurs Pyrénées
16H45 – Table ronde
« Ingénieurs, scientifiques, décideurs publics : Des coopérations pour gagner en compétitivité »
– ESC Pau : Youssef ERRAMI, Pr de Management
– AVENIA : Jérôme PORFIRIO, Directeur du Pôle de compétitivité
– UPPA : Christophe DERAIL, Vice-Président délégué valorisation de la recherche
17H45 – Réalisation d’un étudiant-ingénieur de l’EISTI, Nicolas DAGES, sur le Cloud Computing
18H00 – Témoignages d’industriels
« Etre compétitif ! Oui, mais comment ?«
– TIGF : Pierre CHIQUET, Ingénieur gisement et Guilhem CAUMETTE, ingénieur HSEQ
– HAULOTTE Groupe : Pierre SAUBOT, Président du Conseil d’Administration et Directeur Général
– TURBOMECA : Manuel SILVA, Chef de Projet Recherche et Technologie
19H45 – Cocktail
S’inscrire à la JNI à Pau mais aussi à Tarbes
Nota et précautions : Le « Global Compétitive Index 2013/2014 du World Economic Forum » est complexe à analyser et demanderait une « thèse ». La méthodologie ne m’est pas apparue clairement (par manque de temps). Il est annoncé 15.000 entrepreneurs sondés sur 144 pays. Je n’ai su trouver combien ont été sondés sur la France. Cet index est-il « statistiquement significatif à l’échelle d’un pays ? ». Ceci dit, nous pouvons retenir les grandes tendances ressorties des « socles ».
(Annexe 1) La question était : In your country, how do you assess the willingness to delegate authority to subordinates? [1 = not willing at all—senior management takes all important decisions; 7 = very willing—authority is mostly delegated to business unit heads and other lower-level managers].
(Annexe 2) In your country, how widespread are well-developed and deep clusters (geographic concentrations of firms, suppliers, producers of related products and services, and specialized institutions in a particular field)? [1 = nonexistent; 7 = widespread in many fields]
(Annexe 3) (In your country, to what extent do taxes reduce the incentive to invest? [1 = significantly reduce the incentive to invest; 7 = do not reduce the incentive to invest at all])
(Annexe 4) (Total tax rate,% profit :This variable is a combination of profit tax (% of profits), labor tax and contribution (% of profits), and other taxes (% of profits)
(Annexe 5) (In your country, how would you characterize labor-employer relations? [1 = generally confrontational; 7 = generally cooperative]
(Annexe 6) (In your country, how would you characterize the hiring and firing of workers? [1 = heavily impeded by regulations; 7 = extremely flexible]
crédit photo : http://www.ruedeschamps.net