Le sentiment d’insécurité

imgresL’actualité immédiate offre des éléments de réflexion. Une starlette américaine, Kim Kardashian, vedette des émissions de télé-réalité, a été victime d’un vol à main armée. En soi cela ne devrait émouvoir que ses fans, mais les conséquences sont plus importantes que ne l’indique cette seule information.

En effet après cet événement dont le préjudice en bijoux est évalué à 9 millions d’euros, le ministre des Affaires Étrangères, excusez du peu, y est allé de son conseil : « Il ne faut pas céder à la panique » a t-il dit. La maire de Paris, de son côté, a voulu rassurer : « Un acte très rare qui ne remet pas en cause la sécurité de la capitale ». Ces politiques, par ces propos, veulent s’attaquer au sentiment d’insécurité qui, après les attentats survenus en France, a provoqué une forte baisse du tourisme. Celui-ci a été en berne durant cette année 2016. Il importe donc de limiter ces conséquences économiques.

Pourtant les statistiques (officielles celles-ci et qui se veulent objectives) démontrent que la délinquance est en baisse à Paris. Mais ces données sont inconnues des potentiels touristes. Le sentiment d’insécurité prédomine. Il ne repose pas sur des données impartiales, mais sur un sentiment diffus qui obnubile les esprits.

Il s’agit d’un ressenti qui a bien d’autres conséquences que la seule diminution du tourisme. Il est exploité par les politiques toujours à l’affût de répondre de façon démagogique aux inquiétudes de leurs électeurs. Le développement des polices municipales en est la démonstration. Leurs effectifs augmentent, il est question, comme à Pau, de les équiper d’armes létales, de leur donner les moyens de contrôler et verbaliser les excès de vitesse. Bientôt leurs compétences judiciaires seront comparables à celles de la police nationale. L’essentiel pour un politique est de prendre une mesure susceptible de rassurer l’électeur, peu importe son efficacité. Le pire serait de ne rien faire.

L’efficacité de toutes ces mesures que sont les caméras dans les lieux publics, l’essor des polices municipales, leur équipement en armement et en moyens de contrôle, n’est que symbolique sur la prévention de la criminalité. Nice par exemple est sans doute la ville de France où la police municipale est la plus nombreuse, la mieux équipée où la vidéo surveillance fleurit à tous les carrefours et pourtant un drame s’y est produit, il a provoqué la mort de 86 personnes. On pourra toujours affirmer que ces événements tragiques auraient été plus nombreux et pires si de telles dispositions n’avaient pas été prises. Il s’agit là d’un argument facile parce qu’indémontrable. Qui peut se vanter de chiffrer la prévention et la dissuasion ?

La police, la sécurité, relève de la mission régalienne de l’État. Force est de reconnaître qu’actuellement celle-ci semble de plus en plus en retrait. Pau en est un exemple. Faudrait-il y voir une conséquence de la place de plus en plus importante prise par les polices municipales ? Auquel cas il s’agirait d’un effet induit qui au départ n’était ni envisagé ni souhaité. Les polices municipales sont présentes et disponibles. Dans le même temps, la police nationale se dégage d’un certain nombre de missions. Une forme de décentralisation qui ne dit pas son nom. Ainsi le pouvoir central réalise des économies.

Pour confirmer ce qui n’est pas qu’une impression, il n’existe plus maintenant un seul centre commercial qui ne soit muni de services de gardiennage. Dans les stades la sécurité est assurée par des stadiers. On pourrait citer d’autres exemples. Les organes privés chargés de la sécurité connaissent une expansion qu’ils n’osaient espérer. Elle est loin l’époque où seule la police nationale assurait ces missions. Il faut admettre que ces entreprises de sécurité sont créatrices d’emplois.

Ces évolutions trouvent leur justification dans ce sentiment d’insécurité. Celui-ci est la conséquence d’une peur face à des événements que même les mesures les plus drastiques ne peuvent permettre d’éviter. Le sentiment d’insécurité réunit ces deux conséquences opposées, d’une part économique par la baisse du tourisme et d’autre part un niveau encore jamais atteint de dispositifs de sécurité.

Mais méfions nous de nos sentiments, ils peuvent être trompeurs ; la plupart du temps ils ne reposent que sur des impressions.

Pau, le 5 octobre 2016
par Joël Braud