L’Europe au quotidien

Nous sommes, concernant la construction européenne, passés de l’euphorie au scepticisme. On a vu aux dernières élections italiennes, pays pourtant fondateur du pacte qui nous lie, une formidable montée des partis eurosceptiques. Le départ de la Grande Bretagne bientôt consommé et le sentiment nationaliste exacerbé des pays de l’Europe Centrale sont des symptômes supplémentaires de cette défiance. Le retournement de ces derniers : Pologne, Hongrie, Bulgarie, Roumanie, longtemps sous le joug communiste et instamment demandeurs de rejoindre le pack européen, est stupéfiant. Leur voisin russe est pourtant candidat au rôle de parrain. Ils y ont goûté et s’il passe à l’acte ce sera une autre chanson. On a vu par le passé que la tyrannie communiste n’était que la suite logique de la politique expansionniste de l’autocratisme russe qui lentement tissait sa toile sur l’Europe Centrale. Que retiennent les peuples des leçons du passé ?

La technostructure européenne est pour beaucoup responsable de ce gâchis. L’ère Barroso puis celle de Juncker s’inscrivent dans la continuité d’une doctrine étroite qui a pour objectif d’imposer partout un libéralisme débridé, effarant pour les populations. Ce n’est pas étonnant de Junker qui vient du Luxembourg longtemps un État prédateur sur le plan financier. Sa nomination fut un symbole en fait… La dérégulation, l’orthodoxie budgétaire, la finaciarisation sont devenues non pas des moyens mais des objectifs en soi. C’est ainsi que, sous l’influence indirecte de la très conservatrice CSU, la Grèce a été mise à genoux et ses habitants ont été contraints, sans discussion, à une cure d’austérité drastique qui s’est traduite par un appauvrissement généralisé. C’est donc ça le but ?

Comme on le sait il ne faut pas jeter le bébé avec l’eau du bain. La construction européenne a su résister aux crises politiques majeures et elle a assuré une ère de paix unique dans l’histoire qui s’est accompagnée d’un progrès économique et social en réalité considérable. Prenons, par exemple, la crise Catalane, plus sérieuse qu’il n’y paraît car elle ouvrait une boîte de Pandore dangereuse : aucun dirigeant européen n’est tombé dans le panneau des indépendantistes, montrant ainsi que l’on ne pouvait pas revenir sur l’idée de nation. Nous sommes ainsi désormais très éloignés de la thèse de l’Europe de Régions qui a fait florès il y a quelques années. L’Europe se pose désormais comme une superstructure, un ensemble original dans une construction difficile qui s’inscrit dans une continuité historique.

Comme « Paris ne s’est pas fait en un jour » il ne faut ni désespérer ni renoncer à faire mieux. C’est ce qu’on attend du volontarisme du Président rejoint une nouvelle fois par la chancelière. Mais il s’agit de discours abstraits et sur le terrain on ne voit que les effets contraignants d’une administration lointaine et toute puissante. Il y a des succès pourtant : le programme Erasmus, voilà une réussite concrète qui crée une vraie solidarité de la jeunesse européenne. Mais que sont devenus les projets liés à ce qu’on a appelé la coopération transfrontalière ? N’y a-t-il pas à faire avec nos vis-à-vis Aragonais ou Basques ? Sur les plan des infrastructures à l’évidence… Combien de temps allons-nous souffrir de l’absence de transports collectifs entre Pau et Saragosse ? Combien de temps attendrons-nous un lien ferroviaire nous reliant à l’Espagne ?  Subirons-nous longtemps ce « camino » qui nous mène au tunnel du Somport ? Une route correcte qui conduise à cette infrastructure sous-utilisée et coûteuse -le tunnel- cela devrait être la priorité des priorités  des élus béarnais… De l’autre côté on est déçu du peu de considération des Français… Les montagnes sont donc infranchissables au XXI ème siècle..? N’y a-t-il pas, par ailleurs, des projets environnementaux, culturels, touristiques à entreprendre avec nos voisins ?

Où sont nos bons apôtres qui, la main sur le cœur, prétendent défendre la construction européenne ? C’est au pied du mur qu’on voit le maçon !

Pierre Vidal