« Du passé, faisons table rase
Foule esclave debout, debout »
Eugène Pottier
Bernard Pivot sur son compte tweeter le 26 janvier : « Pétition signée de nombreux écrivains et journalistes contre l’utilisation de l’anglais par le Salon … du Livre de Paris ! « Le live… Young Adult…Bookroom…Photobooth… » Incroyable! Je signe aussi. »
C’est la novlangue* qui s’adresse désormais aux citoyens, citoyenn.es. L’exemple vient de haut ainsi le premier ministre Edouard Philippe dans un tweet du 31 janvier dénonce le « surpackaging » ( ?) et Emmanuel Macron le lendemain, toujours sur tweeter, annonce trois principes pour le « Sea Watch 3 » (re ?).
Sont entrés dans les conversations quotidiennes et le langage commun, ces barbarismes : hashtag, threat, le live, la start up (… « Nation France »; une rengaine macroniste), btw, LDB, lgtb, fake news (ce dernier a un grand succès), flashballs, les holovans (?), le frexit, mes followers (ils sont 2500…), reporting (il est incomplet, ici), mon facebook, mes instagrams, je te like, ulpoader, mi-geek, entièrement queer, backup (mieux que backroom), bandwidth, cookie (c’est pas du gâteau !), data, desktop, digital, download, FAQ (frequently asked questions), folder, keyboard, login, link, malaware (à fuir), network, process, router (pour routeur), booster (on en a tous besoin !), trailer (pour bande annonce), ma story (elle passionne tout le monde !), URL, branding, site Web, buisness-plan, design, Happiness Engineers (c’est un métier !), blogueur, bourgeoisie cool qui se décoolifie (cf. « Histoire de ta bêtise » de François Bégaudeau), punk, search marketing, success story, think-thank (lieux où l’on pense la modernité), taxer les GAFA, écouter de la house, se faire un blockbuster, attendre le Black Friday, lire la newsletter (d’Alternatives Pyrénées), aimer le Street Art et la World Music, cluster (numérique), être biker ou jeeper… J’en passe et des meilleurs de ce jargon à la mode qui donne un statut à ceux qui le manient avec ostentation au nom de l’inéluctable modernité et qui fait partie du « grand débat ».
Dans le même ordre d’idée, sont entrés dans le politiquement incorrect et par conséquent difficiles à évoquer en public et a fortiori très risqués à mettre sur la table des dîners élégants, les thèmes suivants : la viande, le climato- scepticisme, la chasse (c’est le pire !), la pêche, la corrida, le gaz de schiste, la ruralité dans son ensemble, le salaire des enseignants, les fonctionnaires (trop nombreux !), l’immigration (une menace plutôt qu’une chance), la limitation de vitesse, le nucléaire (comme source d’énergie), l’élevage industriel, les vaccins (dangereux), les avantages acquis, les syndicats (tous pourris !), les hommes politiques (indéfendables), « Plus belle la vie » (c’est ringard), les ronds-points, le jaune, les gilets, les patrons, la tolérance (il y a des maisons pour ça !), la Russie, Trump, Erdogan, Maduro, Mélenchon ou Wauquiez, Zemmour, Carlos Gohsn et localement Jean Lassalle (vous êtes sûr de votre effet si vous évoquez le maire Lourdios).
Par contre, sont bien vus : l’animalisme et pour les plus cultivés l’anti-spécisme, le végétalisme (mode récente), le trans-humanisme (on va vivre tous vieux !), le cosmopolitisme (cf. « Trois utopies contemporaines» de Francis Wolf), l’alimentation végan, la protection des baleines, des dauphins, l’interdiction des filets pélagiques, la couche d’ozone, la fonte des glaciers et de la banquise, la médecine chinoise ( c’est l’avenir), les voitures électriques, le golf, le yoga ou le pilates, le communautarisme et les minorités (raciales ou sexuelles) dans leur ensemble, les créateurs de petites entreprises, les ONG, le foot (quand la France gagne !), les circuits courts, le bio, l’apithérapie (se soigner grâce au miel), les certifications, l’écriture inclusive, l’allongement de la durée du travail, Nicolas Hulot, Jean-Louis Borloo (il avait raison trop tôt), Jean-Jacques Goldman ( ?), Thomas Pesquet, Juan Guaido, André Glukcsman et « place publique », les activistes environnementaux, la destruction de la planète et la fin du monde programmée, la croissance verte, la transition énergétique, la prime de Noël, les crèches (de Noël), le voile islamique, la laïcité (elle a fait son temps !), la loi anticasseurs, l’interdiction des vaccins, Netflix.**
Comme le déplore Jupiter, notre nouveau César, il existe des « gaulois réfractaires » à la modernité. Ces irréductibles pratiquent la battue aux sangliers puis versent des flots de cervoise lors des banquets où rôtissent les bêtes noires. Au cours de ces agapes, ils préfèrent les gauloiseries à la « novlangue ». Leur potion magique c’est le lien (social) qui les unit, les amis qui ne sont pas virtuels, mais de chair et d’os et munis de solides épaules sur lesquelles on peut compter.
Au fait, comment dit-on village gaulois en « novlangue » ?
Pierre Vidal
*La novlangue (ou le) a été inventée par George Orwell dans son livre prophétique « 1894 » : « La novlangue était destinée, non à étendre, mais à diminuer le domaine de la pensée, et la réduction au minimum du choix des mots aidait indirectement à atteindre ce but ».
**Toutes ces listes sont subjectives et non exhaustives.