La mule et l’intello* : Trois « 3000 » en 60 minutes !

Pica d'Estats Après avoir traversé ensemble les Pyrénées orientales, la mule et l’intello s’étaient quittés fâchés. L’un accusant l’autre d’avoir trop tiré sur la corde ! La mule s’était vite éclipsée et mise au vert. Neuf mois plus tard, elle est en pleine forme. Ses genoux vont bien. Elle a fait du vélo pour les renforcer et oublié les longues étapes subies entre Banyuls et Aulus-Les-Bains.

De son côté, l’intello, à peine rentré chez lui, a commencé à réfléchir aux étapes suivantes : celles des Pyrénées centrales. Il a éprouvé un tel « bonheur » à traverser les Catalognes, l’Andorre et l’Ariège qu’il n’est pas question d’attendre un instant pour préparer la suite. Lecture des guides Véron (la HRP) et Trans’Pyr ainsi que des topos sur le GR10 et le GR11, version espagnole du GR10. Lecture faite, les trajets vont s’orienter sur la « Haute Route » et principalement côté espagnol, la « Alta Ruta ». Les tracés enregistrés sur le GPS, un sac bouclé à moins de 13 kilos, eau, piolet et campons compris, les deux compères se retrouvèrent à la fin du printemps, au-dessus de Marc, à Artigues en Ariège. Objectif de l’année : à partir d’Artigues, atteindre le Pont d’Espagne, situé en Bigorre, en passant par le Montcalm, la « Pica d’Estats », les Encantats, la Maladetta, la zone glacière des Gourgs Blancs, les Posets, la vallée de Pinieta et le Mont Perdu, la Brèche de Roland, le cirque de Gavarnie pour finir par le Vignemale. Un beau programme que l’intello se garda bien de détailler à la mule !

L’intello aurait bien pu partir depuis Aulus-Les-Bains, point d’arrivée de sa traversée des Pyrénées orientales. Il préfère faire un saut en arrière et revenir à Marc pour grimper trois « 3000 » en une journée. Un plaisir rare. Le départ à Artigues (1200 m) est classique : Une centrale électrique que l’équipage dépasse, une montée dans les bois pour déboucher sur une plaine d’altitude. Pas de bétail sur place. La végétation de fin de printemps, avant la montée à l’estive, est magnifique. Le refuge CAF du Pinet (2243m), beau « coup de crayon architectural », est atteint rapidement pour servir de « camp de base ».

Un « camp de base » inattendu. Patrick et Patrick, le gardien et son adjoint, ont organisé, la veille, une « soirée musicale ». Patrick, le gardien, aime à gratter la guitare et peut casser jusqu’à 3 cordes certains soirs. Quand la mule et l’intello arrivent vers midi, la sono anime toujours les lieux et quelques bouteilles restent à vider. Ils y participent mais, pas trop ! Un anglais de passage rebaptise le refuge en « Rock & Roll Café »…

Au-dessus du refuge, des randonneurs, traversent avec précaution des névés. La fête, ce n’est pas pour notre équipage qui va devoir attaquer le lendemain des pentes enneigées afin d’atteindre le pic Montcalm (plus haut d’Ariège : 3077m ), la Pica d’Estats (plus haut de Catalogne : 3143m) et le pic de Verdaguer (3131m).

Lever 6h. Petit déjeuner 6h30 et départ 7h15. Ce sera le rythme habituel des 18 étapes qui démarrent. A la fin, elles représenteront 319 kilomètres de parcourus pour 20.531 m de dénivelé grimpant, chiffres donnés par le GPS.

La montée se fait à 80 % dans la neige. Pour un 22 juin, il en reste beaucoup à partir de la côte 2400m. La mule n’éprouve pas de problème à avancer. La neige, molle dès la première heure, permet de bien faire la trace. L’intello n’est pas inquiet et ne lui met pas les crampons aux sabots…

Le pic Montcalm est atteint assez vite (2h). Il est plat comme… un terrain de football et couvert de neige et de cailloux. Pas d’herbe à cette altitude. Selfie pour l’histoire et descente vers le col Rieufred avant de monter vers la Pica d’Estats, atteinte en un peu plus de 30 minutes suivie du pic de Verdaguer situé à « deux pas de là ».

Si côté français, au Montcalm, il n’y a personne, il en est tout autre à la Pica d’Estats, point culminant de la Catalogne sud (surtout ne pas dire qu’elle est espagnole !). Un peu à l’image du Canigou, les Catalans se précipitent sur ces sommets pour se faire prendre en photo, drapeau à la main, pour affirmer leur indépendance de la conquérante Castille. Pris par l’ambiance, l’intello se laisse prendre, lui-aussi en photo, drapeau catalan à la main. La mule passe. Ces nationalismes exacerbés, cela la dépasse.

L’engouement pour monter à la Pica d’Estats est tel qu’un guide, rencontré plus tard, confirmera qu’il ne veut plus y conduire des clients. Trop de gens inexpérimentés souhaitent la grimper et prennent des risques pour s’y faire photographier.

La descente, côté Catalogne sud, se fait sur une pente assez raide et enneigée jusqu’à l’étang d’Estats situé à 2415m. 700 m de dénivelé crampons aux pieds pour beaucoup de « montagnards » pas habitués à leur utilisation. La mule, à l’aise, passe devant.

La journée n’est pas terminée. Classée « godillot noir », sur le guide Trans’Pyr, il s’agit maintenant de remonter le « col de Baborte » afin d’atteindre en contre-bas le refuge Baborte, structure métallique, posée par hélicoptère et arrimée au rocher. Personne à nouveau jusqu’au refuge et dans le refuge. Un refuge un peu difficile à trouver, les cairns étant souvent cachés sous la neige. Le GPS est bien utile à ce moment-là. Plusieurs lacs sont encore gelés sur le parcours. C’est beau pour l’intello. La mule, elle, a hâte d’en finir.

Au refuge, à peine le sac posé, un orage éclate. Il pleut fort, le ciel est traversé de nombreux éclairs. La fonte va s’accélérer et les gaves, déjà en cru, seront, le lendemain, difficile à traverser.

La mule et son intello n’en sont pas là. Ils se partagent les restes du picnic de midi, fourni par le refuge du Pinet. Pas de douche, pas d’eau, pas de téléphone, pas de gardien… ni de Wifi à Baborte ! Seules 6 couchettes et une table. La nuit sera pourtant bonne après les longues traversées dans la neige et les « 3000 » atteints.

Un début de traversée des Pyrénées centrales qui démarre bien pour l’intello. La mule commence à craindre la suite. Une rando de 8h40, c’est un peu long pour elle…

– par Bernard Boutin

PS : le verdict du GPS
Artigues-Refuge du Pinet : 2,9 k/h, 1h51 de marche, 3h03 de rando, 5,36 kms parcourus, 1000m de dénivelé positifs
Refuge du Pinet – Refuge Baborte : 2,5 k/h, 5h31 de marche, 8h40 de rando, 13,8 kms parcourus, 1315m de dénivelé positifs

* J 17 & 18 de la traversée des Pyrénées d’est en ouest de la « mule et l’intello »
Nota : Les précédentes étapes de la mule et l’intello (Banyuls à Aulus-Les-Bains) : C’est ICI

La mule et l’intello (12) : Echanges courtois aux étangs de Bassiès !

DSCF2795L’Ariège regorge d’eau. La dernière étape de la traversée des Pyrénées Est va le prouver : 7 laquets et étangs à la clef et de la gadoue partout. Fin août qui plus est !

L’étape du jour démarre à Marc (1010 m), dans la vallée de Vicdessos pour rejoindre celle du Garbet où se trouve la station thermale d’Aulus-les-Bains (775 m). Pour y arriver, il faudra tout d’abord longer les étangs « lacustres » de Bassiès, passer le col du même nom (1933 m et point haut de la journée), puis celui de Salex pour enfin rejoindre Aulus au terme d’une longue descente. Le GPS donnera en fin de journée 23,2 kilomètres de parcourus, 1047 m de dénivelé grimpant, 6h27 de marche effective pour un déplacement total de 8h21. Sans numérique : Que ferait le randonneur ?

Comme si souvent : Légère bruine et brouillard pour cette nouvelle journée. Poncho de sortie. Le GR monte, gentiment, pendant plusieurs kilomètres sur un aqueduc abandonné, le « canal carré », recouvert de dalles en béton. Un parcours bucolique et très fleuri avec une faible pente. Un démarrage « pas prise de tête ». Arrivé au torrent de Bassiès, il s’agit de le remonter. La pente devient plus raide jusqu’à un pont en pierre – une construction assez rare – et atteindre le premier étang de Bassiès.

Les étangs et laquets du « cirque lacustre » sont alors longés par un sentier qui disparait souvent dans la gadoue. Il faut veiller à ne pas glisser en sautant de pierre en pierre. Au fond, le beau refuge de Bassiès où la mule commande une soupe tomate vermicelle bien chaude. Un groupe se restaure sur place. Sinon, personne. Pour un samedi d’août, il n’y a pas foule.

La mule et l’intello s’accordent 45 minutes de repos et partagent le pique-nique. Les étapes longues, qu’ils viennent d’enchaîner, leur ont appris que, pour aller loin, il faut « ménager la monture ». Départ pour la dernière montée du jour, et la dernière de cette « tranche » des Pyrénées : le Port de Bassiès. Une montée mi-bruine, mi-brouillard.

Dans cette ambiance « écossaise », une jeune femme, très chargée, descend dans ma direction. Ses mollets sont couverts de boue. Echange : « Bonjour, la gadoue ne vous a pas épargnée ». Gênée, elle répond, avec un accent slave, par un mot remarquable : « Oui, je sais. Je ne suis pas très élégante… ». Du tac au tac, l’intello lui réplique, en riant : « N’essayez surtout pas. Vous n’arriverez jamais à rivaliser avec les isards » et sur ce, chacun reprend sa route. L’envie d’en finir avec l’étape. La solitude du randonneur.

Dans la vallée, au gîte, les gérants reviendront sur son passage chez eux : Une russe traversant les Pyrénées, seule, d’Ouest en Est ! Ils en étaient encore tout impressionnés. Elle s’était blessée et, après 2 jours de repos, était repartie. L’intello, de son côté, se demanda s’il ne venait pas de croiser, sans le savoir, la déesse Pyrèneska !

Au col de Bassiès, puis celui de Saleix, toujours la poisse mais, il ne pleut pas. Au-loin, dans la vallée, Aulus-les-Bains apparaît noyée dans la verdure. Descente sur Coumebière. A nouveau, une mine abandonnée sur notre passage. La troisième qui coupe notre route : les anciennes mines de plomb argentifère et zinc d’Aulus-les-Bains. Les érudits vont jusqu’aux romains pour expliquer la présence des mines dans cette région. Les Pyrénées, observées depuis les miradors et belvédères des vallées, paraissent bien figées et immobiles. Pourtant, les hommes, au fil du temps, s’y sont affairés. Pour le meilleur et pour le pire.

Le pire saute aux yeux, au fur et à mesure, que la mule et l’intello approchent d’Aulus. Une croix de Lorraine est tracée sur un rocher au beau milieu de la très belle forêt (presque « primaire ») que longe le GR 10. A l’entrée d’Aulus-les-Bains, un monument, en parfait état, rappelle le cauchemar de juifs assignés à résidence par le Maréchal Pétain et, que les Allemands emmèneront finalement à Auschwitz, le 26 août 1942. Dans le village, une autre croix de Lorraine : « Vivre libre ou mourir ». Un slogan de randonneur. L’Ariège : terre courage, terre de résistance.

A Aulus, le gîte du Presbytère, la dernière nuit de notre Trans’Pyr, sera parfaite. Le lieu est tenu avec goût. La chambre – où l’intello réside seul, une nouvelle fois – est parfumée aux « huiles essentielles » et les bas-flancs, où dormaient les moinillons, très confortables. Le dîner, que nous serons 3 à partager, est 100% fait maison : Tarte aux légumes et fleurs de capucine (du jardin de curé), poulet aux champignons et riz agrémenté de fleurs de bourrache (du jardin), tarte à la rhubarbe. Merci Hélène et Christophe pour tenir avec autant de savoir-faire cette halte ; une halte où l’âne et l’intello reviendront, avec enthousiasme, en août 2015 pour entreprendre la traversée des Pyrénées centrales.

– par Bernard Boutin

Pour le diaporama de l’étape : c’est ICI

Les cartes des 15 étapes : C’est ICI

La mule et l’intello (11) : Etape au refuge Fourcat, le plus haut des Pyrénées ariégeoises

L'étang Fourcat28 août – En Andorre, au refuge de Sorteny, le petit déjeuner est plus espagnol que français avec du « cafe con lèche » ou du « colacao » , des « magdalenas » et du « pan tostado ».  Dans le pique-nique de la journée qui nous est préparé, la présence de « manchego » (fromage de la Mancha), région bien éloignée des Pyrénées, montre à quel point le pastoralisme a disparu de l’Andorre.

Objectif de la journée : Le cirque de l’étang Fourcat et son refuge, le plus haut des Pyrénées ariégeoises : 2445 m. Départ à 7h30 pour le Port de l’Albeille (2601 m), à la frontière entre l’Andorre et l’Ariège, en passant par la station de ski andorrane d’Arcalis. Une première partie de journée tranquille jusqu’à un « rapaillon » assez raide, situé immédiatement en-dessous de l’Estany Primer.  Des touristes affluent de la station de ski tout proche. Comme toujours, il suffit de faire quelques centaines de mètres, pour qu’il n’y ait plus personne.

Le touriste est comme le mouton que nous allons retrouver plus haut : « agglutiné et suiveur ». Le randonneur, de son côté, est un personnage solitaire qui cherche le moins possible la proximité de ses pairs. La beauté des sites lui suffit.

Une fois passé les lacs Mig et Tristiana, l’intello aborde la montée au Port de l’Albeille, point haut de la journée, avec un peu d’appréhension. Un ami, dans des conditions beaucoup plus enneigées, avait connu là un accident qui lui avait valu d’être évacué. En fait, la neige est réduite à bien peu de chose. Mis à part une pente finale un peu raide et un cailloutis qui décroche, le « port » est atteint sans difficulté.

Premier réflexe : « ça passe ou ça passe pas ? ». Arrivés à une crête frontière, Jérôme et l’intello tentent d’envoyer des textos en pensant que les réseaux de portables français sont accessibles. En vain. Dommage. Cela fait bientôt 48h que nous n’avons plus de connections.

Au port, des moutons, venus de France, sont perchés sur les parois. Il est incroyable ce que ces animaux peuvent se compliquer la vie. C’est pourtant si simple d’être sur des surfaces planes ! Sous le port, à l’étang de l’Albeille, un troupeau plus grand, est installé, non pas dans l’herbe, mais sur un névé. Pas un mouton en dehors de ce périmètre. Peut-être tentent-ils de tuer des parasites introduits dans leurs sabots ? A Batère, une bergère nous avait dit que l’humidité exceptionnelle de l’été favorisait ces parasites.

Passé un étang (encore un ! celui de la Goueille), et, après une ultime petite veine rocheuse franchie avec les mains, nous arrivons en vue du très bel étang de Fourcat (2428 m). Le refuge est là. Nous n’avons, à nouveau, pas croisé une personne depuis notre entrée en Ariège. Ce soir, nous ne serons que trois au refuge. L’étape du jour n’aura fait que 15,7 kms pour 1048 m de dénivelé. Un répit pour la mule.

L’intello et Jérôme lavent leur linge. La tramontane (ou autre balaguère ?) souffle et, il sèche en un rien de temps.

Sympa, Philippe, le gardien, règle les bâtons de la mule qui ont tendance à se raccourcir quand celle-ci s’appuie dessus vers l’aval. Une situation qui pourrait s’avérer dangereuse. Faire un roulé-boulé en montagne, dans le sens de la descente, est un exercice pas recommandable.

Après une excellente daube pour dîner, coucher à 9h30 pour récupérer. L’étape du lendemain, pourrait être compliquée, s’il fait humide. Il s’agit de remonter à la crête de Malcaras (2645 m) et redescendre, après deux passages assez raides équipés de cordes, sur les lacs Picots.

Comme par hasard, petite bruine et brouillard, nous attrapent le lendemain dès la crête de Malcaras. Si la mule n’est pas à l’aise dans les cheminées,  celles-ci sont passées assez facilement, la pierre étant peu humide et donc peu glissante. S’ensuit une très longue et abrutissante descente, jusqu’au village de Marc, situé au fond de la vallée : 1650 m de dénivelé descendant ! De quoi mettre à mal les genoux qui coincent et rechignent de plus en plus.

Arrivé à Mounicou, à quelques encablures de Marc, Jérôme quitte l’intello et sa mule pour continuer sa traversée en solitaire vers le refuge de Pinet, situé au pied des 3000 ariégeois, au cœur du massif du Montcalm. Même la mule aura une larme à l’œil à voir s’éloigner l’éleveur de chevaux andalous.

A Marc, la surprise est totale pour l’équipage. Le gîte, en parfait état, est adossé à un Village Vacances, géré par l’association « Marc et Montmija« . Le diner (excellent) sera servi par du personnel stylé. Ambiance nappes blanches et verres ballons ! Un surprenant retour à la civilisation (un peu trop rapide !). Au gîte, l’intello sera seul. Une bonne nuit en vue pour la dernière étape, totalement GR 10, qui s’annonce particulièrement longue pour atteindre Aulus-les-Bains : 23,2 kms, 1316 m dénivelé montant et 1660 m descendant. Jusqu’au bout la mule n’aura pas eu de repos…

– par Bernard Boutin

Le diaporama de l’étape : C’est ICI

Les cartes des 15 étapes : C’est ICI