L’horrible assassinat de Mireille Knoll est le symbole de la montée souvent sourde mais bien réelle de l’antisémitisme en France. D’ailleurs, quelques heures après la marche blanche, un commando s’en prenait au local de l’Union des étudiants juifs de France (UEJF) à l’Université Paris-I La Sorbonne. Local saccagé et couvert de slogans antisémites. Ainsi, la France n’a jamais fait le lit de ses vieux démons et le voile trop pudique jeté sur la shoah n’aura servi à rien. Car en vérité il est contreproductif de masquer la vérité : un pays démocratique doit regarder son passé en face.
Nous savons maintenant que, dans l’indifférence voir avec la complicité d’une partie de la société française, des centaines de milliers juifs furent dirigés de France vers les camps d’extermination pour le plus grand massacre de masse de l’histoire. Nous devrions le savoir particulièrement, nous Béarnais, puisque, sur notre sol, plus de mille juifs disparurent à Gurs, et qu’ils furent beaucoup plus nombreux encore à être dirigés vers les camps de la mort via Drancy. Bien peu de nos compatriotes se levèrent, protestèrent où tentèrent quoique ce soit pour enrayer cette mécanique nazie. Il y en eut une poignée cependant et ce furent des héros.
Ces faits trop mal connus sans doute devraient nous imposer un comportement exemplaire. On voit bien que non ! Le sort révoltant fait à Mireille Knoll, rescapée des camps de la mort et aimée de tous ses voisins, a suscité des réactions d’indignations parce qu’il vient après d’autres manifestations antisémites : cimetières saccagés, inscriptions sur les murs et les bâtiments publics, personnes agressées voir assassinées. L’antisémitisme n’est pas mort en France. C’est un acquis spécifiquement républicain qui est attaqué de manière sournoise ; car c’est la république qui a donné aux juifs un statut de citoyen. Il faut voir sans doute dans ce comportement le signe d’une dégradation du civisme et de l’idée même du vivre ensemble.
De nombreux remous ont perturbé la marche blanche organisée jeudi à Paris. A juste titre, le fils de la victime a souhaité que cette marche soit ouverte à tous. Et on ne peut fait de procès d’intention a priori à ceux qui souhaitaient y participer. Ceci dit, il y a un vieil antisémitisme qui a survécu et qui ne manque jamais de renaître. Il se situe à l’extrême droite. C’est triste mais cela ne surprendra personne. Par contre la naissance d’un nouvel antisémitisme qui s’appuie sur la haine d’Israël et sur un soutien aveugle de ses adversaires, au nom d’une prétendue lutte contre « l’islamophobie », est plus récente et plus inquiétante.
La lutte contre l’antisémitisme a toujours été portée par la gauche de Zola à Jaurés. On peut certes contester la politique de Nethanyaou -élu démocratiquement-, faut-il en réaction soutenir des mouvements qui n’ont jamais reconnu Israël et qui combattent même son existence ? Apporter une solidarité unilatérale comme on peut le voir de la part de certains -près de chez nous- n’est-ce pas une manière de diaboliser l’autre sans faire de distinction ? L’autre en l’occurrence c’est-à-dire le juif ?
L’extrême gauche et la France Insoumise notamment n’a jamais été claire sur ces positions pas plus qu’elle ne l’est sur le martyre subi par le peuple vénézuélien. L’antisémitisme a donc pris, pour une part, un visage nouveau et il est porté par des forces nouvelles peut-être sans qu’elles ne le désirent ou sans qu’elles aient conscience de la portée de leurs prises de position. Même si elles n’assument pas, est-ce une raison pour les absoudre ?
Pierre Vidal
Crédit image : UEJF – Le Figaro.