Moralisation de la vie politique

Notre nouveau président doit sans doute à sa jeunesse un sens de l’humour particulièrement aigu en confiant au garde des sceaux l’établissement d’un projet de loi sur la moralisation des mœurs politiques, à moins que son but ne soit d’amener celui-ci à respecter désormais ses engagements, car s’il en est un, parmi ceux que les médias chouchoutent, qui témoigne d’une souplesse d’échine lui permettant de se contorsionner dans tous les sens et à toute vitesse, c’est bien le maire de Pau. Il est inutile de rappeler ses multiples cabrioles qui le conduisent soit à renier ses engagements, soit à soutenir celui dont il espère une reconnaissance quand il en escompte la victoire.

Il est toutefois regrettable que le président n’ait pas logé tous les membres du gouvernement à la même enseigne en rappelant que ceux qui seraient battus aux élections législatives ne conserveraient pas leur maroquin. En effet, dans un souci d’égalité, il semblerait que le président eût dû imposer à chacun de se soumettre au suffrage universel, dans sa circonscription, de façon à connaître l’opinion de ses électeurs. Et à cette aune-là, il y a fort à parier que le garde des sceaux aurait eu bien du mal à récupérer la Place Vendôme .

Pierre Esposito

Politique et morale.

Le désamour dont est victime François FILLON depuis les révélations relatives à la rémunération de son épouse en tant qu’attachée parlementaire exprime l’attachement populaire à la moralisation de la vie politique. Il est évident que les dénonciations dont il a fait l’objet ont été orchestrées par ceux qui avaient intérêt à lui ôter le bénéfice des sondages qui lui accordaient la victoire à l’élection présidentielle.

Mais il n’aura échappé à aucun esprit averti qu’il n’a fait l’objet d’aucune attaque de la part de parlementaires de gauche. C’est que dans ce marigot les crocodiles n’entendent pas s’en faire éjecter.

Le linge sale ne se lavant plus en famille, notre ministre de l’intérieur se voit contraint de démissionner tout simplement parce que désormais l’omerta s’effondre.

Parviendra-t-on à une réconciliation absolue entre morale et politique ? Rien n’est moins sûr ! Quel pays aurait accepté qu’un président de la république entretienne une maîtresse et une fille adultérine aux frais du contribuable, qu’un autre président soit poursuivi et condamné pour des emplois fictifs, tout comme son premier ministre ou d’autres élus pour établissements de fausses factures. Notre silence se fait complice de cette turpitude dont on n’entrevoit pas les limites.

Et ce n’est pas le spectacle que nous offrent nos élus qui va réconcilier les Français avec la politique. En effet que voyons nous, entre autres ?

D’abord la faillite des primaires. D’un côté, François FILLON invité par certains amis à se retirer de la compétition. De l’autre, Benoît HAMON abandonné par Manuel VALLS et de nombreux parlementaires de gauche ou écologistes au profit d’Emmanuel MACRON, le poisson pilote du président HOLLANDE, auquel se raccroche le maire de PAU qui ne craint pas de se retrouver avec ces derniers dans l’espoir évident de décrocher un portefeuille ministériel.

Et puis des aveux, oh certes discrets, pour ne pas mettre l’électorat en ébullition, tels ceux de Patrick STEFANINI, ancien directeur de campagne de François FILLON qui, en l’abandonnant en cours de route, confesse que ce dernier est victime d’un système consistant à accorder aux parlementaires des compléments de rémunération à travers l’indemnité pour l’embauche d’attachés parlementaires. Sans doute voulait-il évoquer surtout l’indemnité représentative des frais de mandat (IRFM) dont le dernier chiffre connu est de 5770 € mensuels. Allocation non imposable et utilisable sans justification. Mieux même, jusqu’en 2015, certains ont cru possible de s’en servir aux fins d’achat d’un bien immobilier censé abriter leur permanence. Et personne encore n’a dit ni que l’opération constitue un usage abusif de fonds publics, ni que ce bien doit être immédiatement remis à l’État.

Et la réserve parlementaire ? 130.000€ par an à la disposition de l’élu pour subventionner toute personne de son choix, procédé habile de clientélisme.

Et combien d’autres avantages ? Retraites, prêts à des taux préférentiels, carnet d’adresses…

Le pire est le système électoral porteur de toutes les combines. Avec un scrutin à deux tours et les désistements qui en découlent, l’élection est faussée. Ce n’est pas le gagnant du premier tour qui en sera vainqueur, mais celui qui aura su, au prix de contorsions multiples, à obtenir des soutiens compensés par ailleurs.

Reste l’hypocrisie de l’élection présidentielle. Comment, au pays de DESCARTES, a-t-on pu imaginer que le président élu aurait systématiquement une majorité parlementaire pour soutenir son projet ?

Quel raisonnement logique doit conduire à cette fatalité ? Sans compter qu’une majorité systématiquement pour et une opposition systématiquement contre rend illusoire le débat démocratique ! L’alternance, voilà le grand mot de ceux qui veulent accéder aux responsabilités. Et l’on revient de fait au bipartisme dans lequel la majorité n’a rien à concéder à l’opposition dont le rôle devient dérisoire. Ne nous étonnons pas de l’écœurement des électeurs qui ne s’exprime, hélas, que par leur silence : l’abstention. Gare, toutefois, à leur réveil. Des dirigeants roumains capitulant, une présidente sud-coréenne destituée et un gouvernement islandais contraint à la démission sont des signes encourageants pour l’avenir démocraties.

Pierre ESPOSITO
Ancien bâtonnier du barreau de PAU

Crédit photo : la croix.com

Prévarication, quand tu nous tiens !

imagesLes élections sont parfois l’occasion de nous enrichir en vocabulaire, à défaut de nous enrichir en autres choses que de promesses.

Ainsi, lors de son dernier débat avec les autres candidats de « la belle alliance » Arnaud Montebourg a employé un substantif qui m’a paru étrange. Mais cette transformation d’un adjectif ne devrait pas obérer le vote des électeurs dont la « bravitude » pour affronter les intempéries n’est plus à démontrer.

En revanche, il est dommage que le registre dans lequel se situe cet enrichissement ne soit pas plus enthousiasmant que celui des termes : abus de biens sociaux, concussion, dissimulation, exaction, forfaiture, malversation, prévarication. Car la France est loin d’occuper une place honorable dans les classements internationaux en termes de corruption. Certes, il y a pire ; mais ce n’est pas une raison pour ne pas tenter de regagner un peu d’estime internationale. Cela fait partie aussi de nos intérêts. Songeons par exemple aux roueries fiscales utilisées par de grandes firmes : elles pèsent lourdement sur les contribuables qui paient des impôts pour que le déficit public ne soit pas trop élevé. Aussi, militer pour une plus grande rigueur devrait être un impératif pour chacune et pour chacun.

Les Républicains américains ont accepté une procédure de destitution (empeachment). Le parti Les Républicains ferait bien de ne pas laisser son image se dégrader plus qu’elle ne l’est. Ce n’est pas le parti, mais ses électeurs qui ont renvoyé M. Sarkozy à ses affaires. Il serait bon que ce parti prenne en compte le risque qu’il court (*). Il suffit de constater les dégâts dont a souffert le parti socialiste avec les dénégations de M. Cahusac pour mesurer ce risque.

Mais cette question de moralisation de la vie publique ne se place pas qu’au niveau national. Elle se place aussi au niveau européen, là où les lobbies sont les plus actifs. Que ce soit pour contrer des mesures qui seraient favorables à l’environnement, à la consommation alimentaire ou à la santé publique.

Ainsi, la revue Prescrire dévoile jeudi sa liste de près d’une centaine de médicaments « plus dangereux qu’utiles » à éviter en raison des risques sanitaires « disproportionnés » qu’ils font courir aux patients. On peut noter que les instances européennes sont beaucoup plus laxistes que les instances françaises en matière de retrait du marché de certains médicaments (**).

Mais l’attention ne doit pas seulement se porter sur ce qui se passe en haut. Bien des sujets sont traités au plus proche des administrés. On peut considérer que ce principe de subsidiarité est un bien car un problème est d’autant mieux compris que l’on en a une expérience directe. Mais on peut aussi penser qu’il comporte des dangers. D’abord dus à d’éventuels manques de compétences, notre monde étant complexe et les législations ou réglementations copieuses. Il faut aussi admettre que des relations proches peuvent fausser des décisions ou donner lieu à des pressions ou des copinages peu soucieux du bien public. Ainsi, l’élu d’une petite commune aura du mal à résister à un de ses administrés qui veut bâtir un entrepôt ou un garage qui dénature un site. Et comment départager une zone constructible d’une zone non constructible lorsque des intérêts rapprochés sont en jeu. Pour de telles questions et les permis de construire, ne faudrait-il pas remonter d’un échelon la prise de décision ? C’est le sort des paysages français qui est en jeu. Ils ont déjà bien souffert et ils ne peuvent se défendre seuls.

Paul Itaulog

(*) Une pétition circule déjà et semble avoir pris un démarrage fulgurant :
Madame #Fillon, rendez-nous les 500.000 euros #PenelopeGatens votre participation à la pétition .

(**)http://www.medisite.fr/revue-du-web-une-centaine-de-medicaments-a-eviter-selon-la-revue-prescrire.1260648.41633.html#ca6brOLgUo3uJ6C1.99

 

crédit photo : insolentiae.com