La mule et l’intello (12) : Echanges courtois aux étangs de Bassiès !

DSCF2795L’Ariège regorge d’eau. La dernière étape de la traversée des Pyrénées Est va le prouver : 7 laquets et étangs à la clef et de la gadoue partout. Fin août qui plus est !

L’étape du jour démarre à Marc (1010 m), dans la vallée de Vicdessos pour rejoindre celle du Garbet où se trouve la station thermale d’Aulus-les-Bains (775 m). Pour y arriver, il faudra tout d’abord longer les étangs « lacustres » de Bassiès, passer le col du même nom (1933 m et point haut de la journée), puis celui de Salex pour enfin rejoindre Aulus au terme d’une longue descente. Le GPS donnera en fin de journée 23,2 kilomètres de parcourus, 1047 m de dénivelé grimpant, 6h27 de marche effective pour un déplacement total de 8h21. Sans numérique : Que ferait le randonneur ?

Comme si souvent : Légère bruine et brouillard pour cette nouvelle journée. Poncho de sortie. Le GR monte, gentiment, pendant plusieurs kilomètres sur un aqueduc abandonné, le « canal carré », recouvert de dalles en béton. Un parcours bucolique et très fleuri avec une faible pente. Un démarrage « pas prise de tête ». Arrivé au torrent de Bassiès, il s’agit de le remonter. La pente devient plus raide jusqu’à un pont en pierre – une construction assez rare – et atteindre le premier étang de Bassiès.

Les étangs et laquets du « cirque lacustre » sont alors longés par un sentier qui disparait souvent dans la gadoue. Il faut veiller à ne pas glisser en sautant de pierre en pierre. Au fond, le beau refuge de Bassiès où la mule commande une soupe tomate vermicelle bien chaude. Un groupe se restaure sur place. Sinon, personne. Pour un samedi d’août, il n’y a pas foule.

La mule et l’intello s’accordent 45 minutes de repos et partagent le pique-nique. Les étapes longues, qu’ils viennent d’enchaîner, leur ont appris que, pour aller loin, il faut « ménager la monture ». Départ pour la dernière montée du jour, et la dernière de cette « tranche » des Pyrénées : le Port de Bassiès. Une montée mi-bruine, mi-brouillard.

Dans cette ambiance « écossaise », une jeune femme, très chargée, descend dans ma direction. Ses mollets sont couverts de boue. Echange : « Bonjour, la gadoue ne vous a pas épargnée ». Gênée, elle répond, avec un accent slave, par un mot remarquable : « Oui, je sais. Je ne suis pas très élégante… ». Du tac au tac, l’intello lui réplique, en riant : « N’essayez surtout pas. Vous n’arriverez jamais à rivaliser avec les isards » et sur ce, chacun reprend sa route. L’envie d’en finir avec l’étape. La solitude du randonneur.

Dans la vallée, au gîte, les gérants reviendront sur son passage chez eux : Une russe traversant les Pyrénées, seule, d’Ouest en Est ! Ils en étaient encore tout impressionnés. Elle s’était blessée et, après 2 jours de repos, était repartie. L’intello, de son côté, se demanda s’il ne venait pas de croiser, sans le savoir, la déesse Pyrèneska !

Au col de Bassiès, puis celui de Saleix, toujours la poisse mais, il ne pleut pas. Au-loin, dans la vallée, Aulus-les-Bains apparaît noyée dans la verdure. Descente sur Coumebière. A nouveau, une mine abandonnée sur notre passage. La troisième qui coupe notre route : les anciennes mines de plomb argentifère et zinc d’Aulus-les-Bains. Les érudits vont jusqu’aux romains pour expliquer la présence des mines dans cette région. Les Pyrénées, observées depuis les miradors et belvédères des vallées, paraissent bien figées et immobiles. Pourtant, les hommes, au fil du temps, s’y sont affairés. Pour le meilleur et pour le pire.

Le pire saute aux yeux, au fur et à mesure, que la mule et l’intello approchent d’Aulus. Une croix de Lorraine est tracée sur un rocher au beau milieu de la très belle forêt (presque « primaire ») que longe le GR 10. A l’entrée d’Aulus-les-Bains, un monument, en parfait état, rappelle le cauchemar de juifs assignés à résidence par le Maréchal Pétain et, que les Allemands emmèneront finalement à Auschwitz, le 26 août 1942. Dans le village, une autre croix de Lorraine : « Vivre libre ou mourir ». Un slogan de randonneur. L’Ariège : terre courage, terre de résistance.

A Aulus, le gîte du Presbytère, la dernière nuit de notre Trans’Pyr, sera parfaite. Le lieu est tenu avec goût. La chambre – où l’intello réside seul, une nouvelle fois – est parfumée aux « huiles essentielles » et les bas-flancs, où dormaient les moinillons, très confortables. Le dîner, que nous serons 3 à partager, est 100% fait maison : Tarte aux légumes et fleurs de capucine (du jardin de curé), poulet aux champignons et riz agrémenté de fleurs de bourrache (du jardin), tarte à la rhubarbe. Merci Hélène et Christophe pour tenir avec autant de savoir-faire cette halte ; une halte où l’âne et l’intello reviendront, avec enthousiasme, en août 2015 pour entreprendre la traversée des Pyrénées centrales.

– par Bernard Boutin

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La mule et l’intello (11) : Etape au refuge Fourcat, le plus haut des Pyrénées ariégeoises

L'étang Fourcat28 août – En Andorre, au refuge de Sorteny, le petit déjeuner est plus espagnol que français avec du « cafe con lèche » ou du « colacao » , des « magdalenas » et du « pan tostado ».  Dans le pique-nique de la journée qui nous est préparé, la présence de « manchego » (fromage de la Mancha), région bien éloignée des Pyrénées, montre à quel point le pastoralisme a disparu de l’Andorre.

Objectif de la journée : Le cirque de l’étang Fourcat et son refuge, le plus haut des Pyrénées ariégeoises : 2445 m. Départ à 7h30 pour le Port de l’Albeille (2601 m), à la frontière entre l’Andorre et l’Ariège, en passant par la station de ski andorrane d’Arcalis. Une première partie de journée tranquille jusqu’à un « rapaillon » assez raide, situé immédiatement en-dessous de l’Estany Primer.  Des touristes affluent de la station de ski tout proche. Comme toujours, il suffit de faire quelques centaines de mètres, pour qu’il n’y ait plus personne.

Le touriste est comme le mouton que nous allons retrouver plus haut : « agglutiné et suiveur ». Le randonneur, de son côté, est un personnage solitaire qui cherche le moins possible la proximité de ses pairs. La beauté des sites lui suffit.

Une fois passé les lacs Mig et Tristiana, l’intello aborde la montée au Port de l’Albeille, point haut de la journée, avec un peu d’appréhension. Un ami, dans des conditions beaucoup plus enneigées, avait connu là un accident qui lui avait valu d’être évacué. En fait, la neige est réduite à bien peu de chose. Mis à part une pente finale un peu raide et un cailloutis qui décroche, le « port » est atteint sans difficulté.

Premier réflexe : « ça passe ou ça passe pas ? ». Arrivés à une crête frontière, Jérôme et l’intello tentent d’envoyer des textos en pensant que les réseaux de portables français sont accessibles. En vain. Dommage. Cela fait bientôt 48h que nous n’avons plus de connections.

Au port, des moutons, venus de France, sont perchés sur les parois. Il est incroyable ce que ces animaux peuvent se compliquer la vie. C’est pourtant si simple d’être sur des surfaces planes ! Sous le port, à l’étang de l’Albeille, un troupeau plus grand, est installé, non pas dans l’herbe, mais sur un névé. Pas un mouton en dehors de ce périmètre. Peut-être tentent-ils de tuer des parasites introduits dans leurs sabots ? A Batère, une bergère nous avait dit que l’humidité exceptionnelle de l’été favorisait ces parasites.

Passé un étang (encore un ! celui de la Goueille), et, après une ultime petite veine rocheuse franchie avec les mains, nous arrivons en vue du très bel étang de Fourcat (2428 m). Le refuge est là. Nous n’avons, à nouveau, pas croisé une personne depuis notre entrée en Ariège. Ce soir, nous ne serons que trois au refuge. L’étape du jour n’aura fait que 15,7 kms pour 1048 m de dénivelé. Un répit pour la mule.

L’intello et Jérôme lavent leur linge. La tramontane (ou autre balaguère ?) souffle et, il sèche en un rien de temps.

Sympa, Philippe, le gardien, règle les bâtons de la mule qui ont tendance à se raccourcir quand celle-ci s’appuie dessus vers l’aval. Une situation qui pourrait s’avérer dangereuse. Faire un roulé-boulé en montagne, dans le sens de la descente, est un exercice pas recommandable.

Après une excellente daube pour dîner, coucher à 9h30 pour récupérer. L’étape du lendemain, pourrait être compliquée, s’il fait humide. Il s’agit de remonter à la crête de Malcaras (2645 m) et redescendre, après deux passages assez raides équipés de cordes, sur les lacs Picots.

Comme par hasard, petite bruine et brouillard, nous attrapent le lendemain dès la crête de Malcaras. Si la mule n’est pas à l’aise dans les cheminées,  celles-ci sont passées assez facilement, la pierre étant peu humide et donc peu glissante. S’ensuit une très longue et abrutissante descente, jusqu’au village de Marc, situé au fond de la vallée : 1650 m de dénivelé descendant ! De quoi mettre à mal les genoux qui coincent et rechignent de plus en plus.

Arrivé à Mounicou, à quelques encablures de Marc, Jérôme quitte l’intello et sa mule pour continuer sa traversée en solitaire vers le refuge de Pinet, situé au pied des 3000 ariégeois, au cœur du massif du Montcalm. Même la mule aura une larme à l’œil à voir s’éloigner l’éleveur de chevaux andalous.

A Marc, la surprise est totale pour l’équipage. Le gîte, en parfait état, est adossé à un Village Vacances, géré par l’association « Marc et Montmija« . Le diner (excellent) sera servi par du personnel stylé. Ambiance nappes blanches et verres ballons ! Un surprenant retour à la civilisation (un peu trop rapide !). Au gîte, l’intello sera seul. Une bonne nuit en vue pour la dernière étape, totalement GR 10, qui s’annonce particulièrement longue pour atteindre Aulus-les-Bains : 23,2 kms, 1316 m dénivelé montant et 1660 m descendant. Jusqu’au bout la mule n’aura pas eu de repos…

– par Bernard Boutin

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