« En général, les gens intelligents ne sont pas courageux, et les gens courageux ne sont pas intelligents. » Charles De Gaulle.

GVLe courage, on en parle beaucoup en ce moment comme d’une «vertu» que n’aurait pas notre Président de la République.

La France a-t-elle besoin de courage ou d’intelligence ?

L’intelligence est l’ensemble des facultés mentales permettant de comprendre les choses et les faits, de découvrir les relations entre elles et d’aboutir à la connaissance conceptuelle et rationnelle (par opposition à la sensation et à l’intuition). Elle permet de comprendre et de s’adapter à des situations nouvelles et peut en ce sens être également définie comme la faculté d’adaptation.

Le Courage est la fermeté, une force de caractère qui permet d’affronter le danger, la souffrance, les revers, les circonstances difficiles. C’est une valeur ambigüe car :

  • Le fanatique, le kamikaze, le terroriste, ne font-ils pas preuve de courage ?
  • Peut-on dire, avec Voltaire, qu’il n’est pas une vertu, mais «une qualité commune aux scélérats et aux grands hommes » ?

«Courage, fuyons» nous disait Daniel Sango faisant allusion sans doute au film d’Yves Robert qui illustrait ce paradoxe des habitudes sociales d’associer le « courage » à l’attaque et la « fuite » à la lâcheté.

Aristote, dans Morale à Eudème, disait que «le courage est la disposition moyenne qui tient le milieu entre la témérité et la lâcheté.» C’est donc un compromis qui, sans aucun doute, est une forme d’intelligence.

«Attaquer» sans :

  • avoir compris l’origine des choses et les faits.
  • avoir découvert les relations entre elles dans le temps et l’espace,
  • avoir abouti à la connaissance conceptuelle et rationnelle,

c’est de la fuite en avant vouée à l’incertitude et souvent à l’échec.

Le courage n’est une vertu que si elle est au service de l’intelligence.

Avant de se permettre la critique systématique de la politique française actuelle, il importe de remonter en amont.

Le passé est l’endroit où tu apprends des leçons ; le futur est l’endroit où tu appliques ces leçons. (proverbe)

>«Le philosophe américain Dick Howard, explique pourquoi il est vain de comparer sans relâche les différents pays européens, comme on le ferait pour des reines de beauté en concurrence : les anglais plus ceci, les allemands plus travailleurs, les italiens moins déprimés, etc. De même, il est bêta de mettre en opposition permanente les dits pays pour les classer par ordre de mérite.» J-C Guillebaud.

Toujours d’après cet auteur, chaque nation est caractérisée par une anthropologie, une histoire, une culture, des traditions, qui lui sont proches. Et qui font même son génie au sens collectif du terme. Il se trouve qu’en Europe, la France est le seul pays qui a été historiquement «fabriqué» par son Etat, et cela bien avant la révolution. En Allemagne, l’unité nationale est bien plus récente et moins «serrée». L’Italie n’a jamais eu d’Etat véritable. L’Espagne, comme le Royaume-Uni, sont encore des réunions de pays et ignorent le centralisme. On pourrait continuer la comparaison. Elle explique pourquoi quantités de choses ne peuvent pas être comparées.

Les Français entretiennent avec l’ETAT des rapports disons passionnels. On veut nous faire croire que c’est un vice rédhibitoire, alors que le monde nous l’envie et qu’il a fait les preuves de son rayonnement culturel depuis des centaines d’années.

En ce qui concerne la réussite allemande il est significatif de se pencher sur le fiasco du grand aéroport Willy Brandt à Berlin !

> Depuis des décennies la politique publique est sabotée :

  • On fait d’abord accumuler des pertes dans une société publique ; or, le secteur public n’a pas toujours été synonyme de mauvaise gestion : réussites techniques de la SNCF, bons résultats financiers du secteur public (12 milliards d’euros de bénéfices en 2004), jadis la SNPA, les autoroutes, Renault, etc.
  • Lorsque les déficits sont devenus importants, on décide d’isoler les foyers de pertes dans des structures qui resteront publiques ; la partie qui est destinée à être vendue est, elle, l’objet de toutes les attentions (hausses de tarifs, recapitalisations), qui permettent de la rendre attrayante. La structure bénéficiaire ainsi créée est généralement vendue à un prix d’ami. Aucune compensation ne devient possible.
  • Le bilan final de l’opération voit donc les contribuables et usagers subir des hausses de tarifs pour financer les pertes des sociétés restées publiques. Les heureux bénéficiaires jouissent, eux, de bénéfices en forte expansion.
  • Dans l’immobilier, en 2001, le domaine public devient aliénable : on peut brader le patrimoine national. En juillet 2004, la procédure d’exportation des œuvres d’art a été simplifiée par décret, ce qui permettra le départ à l’étranger d’un plus grand nombre de chefs-d’œuvres des collections privées françaises.
  • Les Etats souverains, ruinés, doivent vendre leurs bijoux de famille. En Grèce, c’est une part du capital d’OTE Telekom, la poste publique (Hellena Postbank), OSE, la compagnie ferroviaire, les ports du Pirée et de Thessalonique. En Italie les privatisations, commencées en 1995, sont poursuivies voire renforcées. En Grande Bretagne, Cameron a décidé de privatiser les routes anglaises et dans la foulée, le groupe postal Royal Mail.

C’est le triomphe en Europe d’un modèle «néolibéral» Les ingrédients de ce libéralisme sont connus : recul de l’Etat, diminution des impôts, privatisations, augmentation des bénéfices des actionnaires, baisse des salaires, des charges, de la durée et du montant des allocations chômage, augmentation des dettes. Loué pour son prétendu dynamisme, il entraîne toujours une forte aggravation des inégalités et un recul du social (pauvreté, chômage) et du culturel, l’art entre autre.

Dans une indifférence quasi générale, du fait de la concurrence chinoise et coréenne, les prestigieux Ateliers Pleyel fondé en 1807 par le compositeur Ignace Pleyel (1757-1831) ont annoncé l’arrêt de l’activité du site de Saint-Denis ».

A La Nouvelle-Orléans frappée par l’ouragan Katrina, Milton Friedman publia dans le «Wall Street Journal» un article dans lequel il demandait de profiter de la catastrophe pour transformer le système d’éducation. Il voulait privatiser les établissements scolaires pour les transformer en «écoles à charte» payantes. Cela fut fait. Les écoles publiques sont passées de 123 à 4 après la réforme. Chez-nous, les idées sont dans l’air à l’UMP, ailleurs sans doute !

La manœuvre consiste à provoquer, puis à profiter, de la fragilité d’une population ou d’un pays sinistré pour faire passer des réformes néolibérales. C’est le cas en ce moment où une campagne de grande ampleur est orchestrée par l’extrême droite et l’extême gauche pour démolir la politique actuelle de centre gauche.

Médias, citoyens, aboyeurs publics pour faire du buzz, devraient réfléchir et s’unir, pour ne pas tomber dans ce piège dont ils seront les victimes.

S’il est évident que des économies sont possibles et souhaitables comme :

+ Les dépenses de l’Elysée : réceptions, voyages, protection, nombre de hauts fonctionnaires, de conseillers, professionnalisation de la politique, etc…

+ Le grignotage significatif du millefeuille administratif.

D’autres pistes sont à suivre :

+ Pression significative sur les banques qui ruinent les petites entreprises.

+ Arrêt du Partenariat Public Privé : pour l’Etat, les collectivités locales et les contribuables présents et futurs, c’est la ruine. «Les loyers versés au privé reviennent au final à payer deux à trois fois plus cher le coût de l’équipement initial».
+ Changement de politique énergétique, monopole centralisé, dangereux et infiniment coûteux, etc.

Malheureusement, par leur formation «mondialiste», Intelligence et Courage ne font pas partie du curriculum vitae du politicien car :

«Le politicien se préoccupe de la prochaine élection, l’homme d’Etat s’intéresse à la prochaine génération» John Rawls philosophe américain , en 1997.

– par Georges Vallet

crédit photos:remacle.org

«Errare humanum est, perseverare diabolicum»

gvJacques Delors, dans un forum, à Paris, a mêlé sa voix à ceux qui dénonçaient la politique d’austérité imposée par la commission de Bruxelles. Il s’en est pris à ces idées «néolibérales» mises obstinément en œuvre par ladite Commission.

Des lectures très intéressantes viennent conforter ce point de vue:

  • Les premières émanent de Jean-Claude Guillebaud: journaliste au quotidien Sud Ouest, au journal Le Monde et au Nouvel Observateur, il a dirigé Reporters sans frontières. Il a été lauréat du prix Albert-Londres en 1972.
  • Les secondes, de militants du collectif Roosevelt.
  • Les troisièmes sont les écrits d’Emmanuel Petit, professeur d’économie à l’Université Montesquieu-Bordeaux 4.
  • Les dernières, de «l’éternel Darwin»!

En ce qui concerne ces auteurs, je préviens le lecteur qu’ils ne sont ni léninistes, ni staliniens, ni trotskistes, même pas communistes ou front de gauche, peut-être, pour le premier, «Guillebaudiste» comme moi !

Pour le premier, en Europe ou aux USA, la plupart des économistes indépendants répètent, sur tous les tons, que cette austérité est «dévastatrice, alors qu’on la présente comme salvatrice, elle aggrave jusqu’au coma la maladie qu’elle prétend combattre. Comment est-il possible que les responsables de la Commission, soient incapables de saisir ce qu’un enfant de 12 ans pourrait comprendre?» Certes, l’aveuglement idéologique existe, mais, à ce stade, c’est de «la cécité pathologique»!

«Aucun pays au monde n’a pu réduire ses dettes en s’appauvrissant»

Pareille divagation de l’entendement est connue depuis fort longtemps.

«Errare humanum est, perseverare diabolicum».

Un siècle avant notre ère, Cicéron qualifiait «d’insensé» celui qui persévère, le christianisme médiéval a rajouté «diabolique».

«Les néolibéraux ne se rendent pas compte qu’ils ne font qu’emprunter la pratique des staliniens d’avant-hier. Dans l’ancienne langue de bois marxiste, on répétait que si les économies des pays communistes ne fonctionnaient pas, c’était parce qu’«elles n’étaient pas assez communistes»! Recopie néolibérale d’aujourd’hui : les défaillances des économies viennent du fait qu’elles ne sont «pas assez»privatisées et déréglementées. Ainsi, les diafoirus de Bruxelles ne cessent de répéter que si la politique d’austérité ne produit pas de résultats, c’est qu’elle n’est «pas assez austère». «La sottise politique n’a décidément pas d’âge!»

Carlos Ghosn, PDG de Nissan et de Renault gagne de son propre aveu 10,5 millions d’euros par an, soit 875.000 euros par mois, 80 fois le SMIC !

On ne parle que de «l’argent roi»: profits des grandes entreprises, pactoles distribués aux patrons, prébendes (profits tirés d’une charge) multilples et variées. Plus la pauvreté s’accroît, plus la goinfrerie des gagnants nous est racontée, montrée, filmée. «Plus que l’obscénité, l’indécence ou l’idéologie à dénoncer, ce sont plutôt les psychiatres qu’il faudrait appeler à la rescousse; la rapace financière peu différente d’une pathologie mentale, est susceptible de générer, chez les adultes intelligents, des conduites immatures.»

Etait-il mature ce ministre socialiste venu de Villeneuve-sur-Lot ?  Etait-il doué de raison ce «French Doctor» pour courir derrière de gros chèques donnés par des dictateurs africains ? L’actualité nous offre de bien meilleurs exemples encore !

A quoi servent ces sommes aussi énormes ? A s’acheter un deuxième château, une troisième Ferrari, un dixième appartement, un deuxième jet privé ? A ouvrir un quinzième compte en Suisse, à Singapour ou au Lichtenstein ? A garantir l’avenir des enfants, petits-enfants, arrière-petits-enfants, nièces, neveux et maîtresses ?

Pour les militants du collectif Roosevelt : «Le retour de la croissance est un mirage.» L’Allemagne est retombée en récession. Le Japon est à deux doigts du chaos, la bulle immobilière explose en Chine. Aux Etats-Unis, la croissance est revue à la baisse. «Miser sur la reprise de la croissance, c’est la méthode Coué.»

Le cœur du problème vient du déséquilibre grandissant entre ce qui va aux salaires et ce qui va aux bénéfices.

«La crise n’est pas une crise de l’Etat providence mais une crise du Capitalisme»

«Nous n’avons jamais été aussi riches; la solution n’est pas l’austérité mais la justice sociale, un nouveau partage des revenus, du travail, de l’accès à la culture et du pouvoir. La part des salaires représentait 67% du PIB des pays occidentaux en 1980. Elle est tombée à 57%; recul considérable ! Pour maintenir la consommation on a poussé les salariés à s’endetter. On a distribué, par la dette privée, ce qu’on ne donnait pas par les salaires. Sur 30 ans, 150% du PIB qui aurait dû aller aux salariés et donc aux caisses de Sécu et à l’Etat, via la TVA, sont allés vers les marchés financiers.»

Pour Emmanuel Petit, la réflexion est plus intellectuelle :

« De nombreux travaux en philosophie ou en neurosciences ont montré que la prise de décision bénéfique pour l’individu provient de la complémentarité de la raison et de l’émotion, alors qu’actuellement, en économie, l’émotion est jugée nuisible à la décision rationnelle. »

Ce «care» est une philosophie morale qui propose une vision de l’individu capable d’empathie, canal de transmission de la moralité. Cela revient à renoncer à l’idée que l’agent économique est forcément dirigé vers l’enrichissement personnel.

«Richesses»! Un concept à redéfinir ! Contrairement aux économistes la richesse ne s’entend pas uniquement en termes monétaires mais en termes de bien-être. On parle de richesse intérieure. La satisfaction passe par un réseau social de qualité, des institutions justes, un système de santé performant, une culture générale, et pas seulement une multiplication des richesses matérielles, sans impact sur les indices de bien-être.

Cette notion de care est la résurgence de la conception de Charles Darwin.

En 1871, dans «La descendance de l’homme», il note que la marche conjointe du progrès, de la rationalité, des instincts sociaux, du sentiment de sympathie, l’essor des sentiments moraux de l’organisation communautaire, permettent de constater que la sélection naturelle n’est plus la force principale qui gouverne le devenir des groupes humains; elle a laissé place dans ce rôle, à l’éducation.

La société est un niveau supérieur hiérarchique à l’individu; c’est elle qui est soumise à la sélection naturelle; la qualité compétitive pour le groupe est la cohésion et l’entraide. Cette tendance évolutive est appelée civilisation, naissance de l’éthique.

Le néolibéralisme, hérité du spencérisme, est resté au stade de l’homme primitif, menant une vie semi-animale solitaire; l’individualisme était la seule façon de subsister. Des milliers d’années ont passé, l’homme est devenu social : désormais, l’union fait la force, la survie est liée à celle de la collectivité. La liberté individuelle ne peut s’exprimer totalement au sein d’une collectivité; une régulation est indispensable. Le libéralisme pur et dur , par l’exploitation outrancière des hommes et de la nature à laquelle il aboutit, est incompatible avec la notion d’humanisme.

«Au total, on peut s’interroger sur l’impuissance d’un ordre sociétal qui ne parvient plus à produire des élites dotées d’un minimum de raison raisonnable. Ce sont les psychiatres qu’il faudra bientôt appeler au chevet des démocraties et des entreprises.» Jean-Claude Guillebaud.

– par Georges Vallet

crédit photos: fthomaspenette.free.fr