Il n’y a pas de mots assez forts pour qualifier le comportement de certains politiques qui profitent du drame de Nice pour se lancer dans une vaste campagne de démago-politicaillerie. Les politicards avancent tous d’un pas supplémentaire vers la déconsidération la plus totale de la part des citoyens français. Mais où cela va-t-il nous conduire ?
Qu’il y ait eu des défaillances dans le dispositif de sécurité mis en place à l’occasion du feu d’artifice du 14 juillet sur la promenade des Anglais, personne n’en doute. Que la coordination entre la police nationale et la police municipale doive être repensée d’un façon générale et au plan national, cela devient un impératif. Que la mise en place de caméras de surveillance n’ait pas permis de détecter le premier embryon d’une folie qui a conduit à ce massacre, on le savait. Mais enfin il y a les douleurs des familles et des proches des 84 morts qu’il faut respecter. Le temps n’est pas à ces ridicules chamailleries qui n’ont pour but que de rechercher un avantage électoral à partir d’un drame. Le moment est venu de tirer un enseignement et nourrir une réflexion afin de diminuer les probabilités de voir se renouveler une telle catastrophe.
Alors réfléchissons sur ce qui devrait être entrepris pour se prémunir efficacement de telles catastrophes.
D’abord, comment faire en sorte que le renseignement soit récolté et exploité ? Sur ce plan, les torts sont partagés chez les politiques surtout lorsqu’on revient vers les années 2008. C’est à cette date en effet que les renseignements généraux ont été démantelés pour des raisons qui n’avaient rien à voir avec l’intérêt général. La fusion de deux services, DST et RG, a échoué. La démarche de proximité qui était faite d’une présence sur le terrain et de recrutement d’informateurs a été oubliée. La police de proximité si précieuse pour être à l’écoute et sentir certaines évolutions ou dérives a été rayée de la carte. Il importe maintenant de réorganiser la récolte du renseignement. D’inciter les citoyens à signaler tout comportement qu’ils jugent inquiétants en regard de la menace terroriste. Et surtout que les fonctionnaires chargés du recueil des ces signalements soient à l’écoute de leurs concitoyens.
Ensuite réfléchir à une meilleure coopération entre police nationale et polices municipales. Certaines données, vraies ou fausses, sur le drame de Nice laissent comprendre qu’entre ces deux unités, une véritable coordination n’a pu être mise en place lors de l’organisation du service d’ordre. Ces deux polices ne sont pas réellement complémentaires, l’une dépend de l’État, l’autre est placée sous l’autorité de politiques. Ces derniers ont plus tendance à l’instrumentaliser en en faisant un argument électoral, qu’à lui confier des missions à la hauteur des enjeux actuels. Il y a d’ailleurs trop de polices municipales. Elles sont généralement bien mieux équipées que la police nationale. Cet état de fait entraîne un effet pervers dans la mesure où il n’existe aucune définition du partage des tâches. Il faudra, dans cet esprit, éviter les déclarations aussi imbéciles que tonitruantes, laissant croire que les caméras de surveillance sont le remède absolu.
La procédure pénale accumule les contraintes depuis plusieurs années, au point maintenant de se montrer chronophage et ainsi de limiter la disponibilité des policiers. Ceux-ci sont empêtrés dans la gestion des procédures, elles deviennent très compliquées et souvent sont perçues comme des tracasseries inutiles et au seul l’avantage des mis en cause. Ce sont les politiques, qui, par un souci de protection des libertés individuelles, sont à l’origine de cette complexification. Il s’en suit une véritable démotivation des enquêteurs avec comme corollaire que certains services qui étaient jugés comme prestigieux peinent à étoffer leurs effectifs. Des postes restent vacants. Le législateur ne doit pas seulement polariser ses décisions sur la seule protection des libertés individuelles mais doit impérativement prendre en compte la faisabilité des lois et règlements dans un contexte particulier.
Repenser la partition libertés – sécurité à la lumière de l’état de guerre dans lequel nous nous trouvons maintenant. Il est certain que l’état d’urgence, qui est aussi qualifié d’état de guerre entraîne, qu’on le souhaite ou qu’on le rejette, une modification de l’exercice des libertés individuelles. Notre dispositif législatif est-il adapté ? Ces nouvelles données sont-elles prises en compte par la justice dans l’application des peines et des mesures de restriction des libertés ? Il ne s’agit pas d’empêcher que les libertés fondamentales puissent s’exercer mais il faut toujours avoir à l’esprit qu’elles comportent des risques. Il conviendra donc d’organiser les rassemblements qu’ils soient festifs, syndicaux, cultuels ou politiques avec cette contrainte que des mesures particulières de sécurité s’imposeront désormais.
Réorganiser les services de sécurité doit enfin être envisagé. La fusion des RG et de la DST, présentée comme permettant une plus grande efficacité n’a pas donné les résultats espérés. Les politiques encore une fois dans ce domaine se sont trompés. Les missions et les cultures professionnelles de ces deux entités font que la mayonnaise n’a pas pris. Il faut en tirer les conséquences. Pourtant cela n’a pas été fait et, au lieu de conserver la structure « direction centrale » du renseignement intérieur, on en a fait une direction générale. Cette administration est maintenant placée au même plan que la Direction générale de la police nationale ou de la Gendarmerie nationale. On divise, on segmente les services au lieu de les regrouper et ce faisant on doublonne. Il faut en réalité constituer un maillage qui fait remonter vers une entité unique ce qu’il est convenu d’appeler les « signaux faibles ». Une organisation centralisée est la seule chance de faire en sorte que ces informations du bas de l’escalier récoltées par une police à l’ancienne, parviennent à des spécialistes formés à l’analyse et par conséquent à leur exploitation.
Nous sommes dans une situation de guerre qui selon les spécialistes est appelée à durer pour la raison qu’en face se trouve une idéologie. Celle-ci a une visée expansionniste ? Aucun dispositif de sécurité ne sera jamais parfaitement étanche. Nous ne devons pas perdre nos valeurs de démocratie, de liberté et de laïcité ; la folie sécuritaire ne doit pas nous diviser. Mais certains politiques, qui ne sont guidés que par une surenchère électoraliste en cette période de primaires, se comportent comme des minables, des petits, des diviseurs, des vecteurs de conflit. Ils ne se rendent même pas compte que leurs propos portent en germe les bases d’une guerre civile.
La sécurité, notre sécurité, est une chose bien trop sérieuse pour continuer à être confiée à des politiques. Ils se sont d’eux-mêmes disqualifiés.
Pau, le 28 juillet 2016
par Joël Braud