L’organisation territoriale française empile les organisations. Celle moyenâgeuse des paroisses (nos communes), celle napoléonienne des Départements, (le préfet doit pouvoir parcourir son territoire en une journée de cheval) et celles plus récentes des Régions et des Intercommunalités.
Jamais nos politiques n’ont eu le courage de simplifier cet empilement d’archaïsmes car les politiques locaux, Maires et Conseillers Généraux soutenus par leurs obligés, les sénateurs, ont toujours préféré privilégier leurs pouvoirs (leurs intérêts ?) personnels à celui de l’efficience de la France.
On lira avec intérêt les nombreux rapports de la Cour des Comptes (dont celui de Novembre 2005 « L’Intercommunalité en France ») qui dénoncent depuis des années cet empilage désorganisé, fruit de l’égoïsme de nos élus, et qui coûte des milliards au contribuable. Tous nos voisins depuis les années 70, ont su évoluer. Pas la France.
Le résultat est une mutualisation inexistante, une armée de fonctionnaires territoriaux inutiles (500 000 emplois supplémentaires créés ces 20 dernières années), des bataillons d’élus et une dépense publique record, insoutenable dans une période de croissance nulle pour un Etat hyper endetté.
Pépère a donc tranché, mais pas dans le lard de notre mammouth décentralisé. Pire, il nous rajoute des « comités thèodules », validant ainsi le merdier ingérable de la décentralisation à la française.
Ce sont trois projets de loi qui ont été examinés lors du Conseil des Ministres du 10 avril, dans l’indifférence médiatique générale.
« Les projets de loi consacrent des collectivités chefs de file : la région pour le développement économique, le département pour l’action sociale. Les compétences de la région en matière de formation professionnelle sont confortées et la région se voit confier le pilotage du service de l’orientation. Pour favoriser, au niveau régional, la coordination entre collectivités, des Conférences territoriales de l’action publique doivent être créées. Dans ce cadre, des pactes de gouvernance territoriale répartissent les compétences entre collectivités. Des schémas d’organisation des compétences et de mutualisation de services seront également conclus et les intercommunalités seront renforcées. Pour les relations entre l’État et les collectivités territoriales, un Haut Conseil des territoires doit être créé comme lieu de dialogue entre l’État et les représentants des collectivités. Par ailleurs, les communautés d’agglomération et les communautés urbaines de plus de 400 000 habitants seront transformées en métropoles. Le statut de métropole tend à affirmer le rôle des grandes agglomérations comme moteurs de la croissance économique et de l’attractivité du territoire. Une métropole est dotée de compétences larges qui lui sont transférées par l’État, les communes, mais aussi par convention, par le département ou la région. Le projet de loi prévoit la création de la métropole Aix-Provence-Marseille au 1er janvier 2015, celle de Lyon au 1er avril 2015 et celle de Paris au 1er janvier 2016 » (Vie Publique .fr).
Création de « Conférences territoriales », de « pactes de gouvernance territoriale »,d’un « Haut Conseil des territoires », et plus anecdotiquement de « métropoles », sans suppression d’ailleurs du Conseil Général ou des communes. Il faut oser le faire !
Pourtant tout le monde s’accorde pour dire qu’il existe une prérogative calamiteuse : la « compétence générale » qui permet à toutes les couches du mille-feuille de s’occuper de tout, rendant ainsi totalement illisible le fonctionnement, y compris pour les élus eux mêmes. Tout le monde peut s’occuper de développement économique ou de social, de sport ou de culture, etc… Il en résulte un fonctionnement totalement anarchique, incompréhensible, ingérable, dispendieux. Il fallait bien sûr commencer par supprimer cette clause de compétence générale, c’était le minimum !
Que dire d’une organisation où le citoyen ne peut absolument pas comprendre qui fait quoi ?
Comment peut-il porter un jugement sur l’action des élus, puisqu’il ne sait pas ce qu’ils font ?
Comment peut fonctionner une démocratie sur ces bases ?
Au moment où on veut moraliser la vie politique française, où on veut chasser les conflits d’intérêt, le comportement des élus français est pitoyable.
Si l’on conserve cet empilement d’archaïsme, c’est parce que les Maires veulent défendre bec et ongles leur prérogatives, par exemple le PLU (Plan Local d’Urbanisme) qui permet de décider quelles parcelles seront constructibles et auront une valeur multipliée par 20 ou par 100, favorisant ainsi, entre autres (…), l’étalement urbain et la consommation effrénée de terres agricoles. Ou bien le droit de construire sa salle des fêtes utilisées vingt jours par an, tout comme celle de la commune voisine… Ou celui de ne pas optimiser les écoles en défendant au mépris de toute optimisation financière le « à chaque commune son école », …etc.
Pour être réélus, les Maires ou les Conseillers Généraux ont besoin de cette compétence générale qui leur permet d’attribuer des fonds à telle association sportive ou culturelle, qui permet au Conseiller Général du canton de distribuer quelques dizaines de milliers d’euro de subvention au boulanger du coin pour le renouvellement de son four à pain où à cette dame qui veut refaire des chambres d’hôtes, qui permet au Conseil Général de subventionner aussi tel club de rugby professionnel, ou de financer une improbable coopération internationale (« Tango à gogo au Conseil Général » AP du 19/11/2012 et « Au vert à Madagascar… » AP du 7/2/2011) …etc.
La liste serait interminable des méfaits et des surcoûts de la désorganisation actuelle de nos territoires.
Pourtant les solutions sont connues :
– Regroupement des communes pour un nombre de cellules démocratiques de base autour de 8000 au lieu des 36 600 actuelles.
– Suppression du Conseil Général avec transfert de ses compétences vers la Région et les intercommunalités (nouvelles communes regroupées)
– Remodelage de certaines Régions avec regroupements.
– Définition claire et unique des responsabilités des deux échelons restant.
Mais la France est indécrottable. La démarche alsacienne, exemplaire à bien des égards, a capoté à cause de rumeurs lancées par des minorités (syndicats de fonctionnaires, élus, …) du Haut Rhin et un désintérêt coupable des Alsaciens qui nous avaient habitués à mieux. Pourtant, la question reste posée : faut-il deux départements et une Région en Alsace ou en Corse ? En France le ridicule ne tue pas, et avec la dernière recette Hollande, le mille-feuille à la crème pépère, on n’aura pas avancé d’un pouce, comme d’habitude.
Dormez citoyens dormez, plus dur sera le réveil !
par Daniel Sango