Les gens du voyage

Déjà en 2015, le 1er juillet, j ‘avais écrit un article sur le sujet (Caravanes, voir lien ci-dessous*). Il se trouve qu’en l’espace de trois ans, rien n’a changé. Mais faut-il pour autant se résigner à l’impuissance ?

Tous les ans, à la même époque, les caravanes arrivent en nombre et occupent sans aucune autorisation soit un espace public, soit un espace privé. C’est ainsi et la révolte des élus comme ceux de Rontignon n’y changera pas grand chose. Dans l’article de référence, j’avais essayé d’expliquer la méthode employée par ces « gens du voyage » parfaitement briffés aux méandres administratifs imposés par la loi.

On pourra donc s’interroger à l’envi pour essayer de savoir où se trouve la faille qui fait que ces caravaniers de l’été peuvent ainsi causer gêne et trouble dans les populations des villes et villages. Le dérangement est souvent réel et au-delà du cas de Rontignon, on pourra citer Orthez et la base de loisirs du lac de Biron, qui, en raison de cette occupation illégale, est privée de sa vocation touristique. On pourra également rappeler l’épisode qu’a vécu, le dimanche 17 juin 2018 , la ville d’Anglet où la pelouse de la plage des Cavaliers a été envahie par 120 caravanes, soit 800 personnes. Les exemples ne manquent pas.

Alors que faire ? Créer des aires de grands passages comme le règlement le prévoit depuis maintenant de nombreuses années. Il faut bien constater que faute d’accord entre les élus, elles ne sont pas mises en place. Et personne, pas même l’autorité de l’État, ne parvient à obtenir le respect des règlements. Faire jouer la répression, là encore les choix des gens du voyage de s’installer le dimanche, jour où les effectifs de gendarmerie et de police sont réduits, rend cette hypothèse inefficace. Il est avéré qu’ouvrir une procédure en flagrant délit pour occupation illégale du domaine public ou d’un domaine privé sans autorisation, suppose plusieurs centaines d’interpellations et de ce fait autant d’auditions sur procès-verbal. Il faut en passer par là, audition des témoins et des auteurs présumés pour que des poursuites pénales puissent être engagées. Un chantier qui paraît démesuré. Et ne parlons pas des branchements pirates des réseaux électrique et d’adduction d’eau.

Alors comme certains le font, dont la ville de Pau d’ailleurs, adopter une attitude résignée qui laisse à penser qu’il existe un accord entre les gens du voyage et la ville ? Ainsi lorsqu’il n’y a pas de vague, pas de bruit, pas de médias, tout le monde finit par penser que les règles sont respectées et qu’il n’existe aucun problème. Vu ainsi…

Pau, le 15 août 2018

par Joël Braud

https://alternatives-pyrenees.com/2015/07/01/caravanes/

Crédit photo : France bleu.fr

Rocade : Déviation ou boulevard commercial ?

ocade image 2Construire des rocades est toujours considéré comme une vision d’avenir. Cette vision  date de  la généralisation du « tout voiture » dans le quotidien.
Mais l’objectif d’une rocade est confus.
Il mélange la fonction de contournement avec celle de  liaison entre pénétrantes et surtout entre zones d’activités, voire avec celle de boulevard commercial.
Orthez en est une illustration.

Le projet de rocade Nord-Sud d’Orthez a pris corps autour de 1990 avec l’ouverture de l’A64 et du diffuseur sur la rive gauche du gave au Sud-Est de la ville, de la construction du pont de l’Europe à l’Est de la ville ainsi que du rond-point François Mitterrand sur la route de Mont-de-Marsan (1).

Plan orthez

Tableau orthez

Le pont de l’Europe a esquissé le premier barreau. Il est balisé, côté rive gauche du gave, par le rond-point du Portugal relié au diffuseur de l’autoroute et, côté rive droite,  par le rond-point d’Espagne sur la route de Pau.
Ce premier barreau ainsi que le rond-point François Mitterrand ont prédéterminé le tracé de la rocade  Nord-Sud d’Orthez avec trois barreaux supplémentaires : Centre (entre les routes de Pau et de Mont-de-Marsan), Sud (vers Navarrenx/Oloron) et Nord (vers Dax et également Mont-de-Marsan).

IMAGES

Pratiquement vingt années ont passé sans que le projet de rocade avance. En fait ce projet s’est heurté à plusieurs difficultés. Entre autres :
–   La circulation automobile n’était pas suffisante pour justifier un tel investissement voire instaurer un péage.
– La progression et la dispersion du trafic automobile se sont démultipliées dans les années 1990 avec le développement des périphéries proches des villes et l’étalement urbain. Le trafic local a pris le pas sur le trafic régional (2) sans que les projets d’infrastructures routières, à Orthez comme ailleurs, intègrent cette évolution. La hiérarchisation des voies de la carte « Michelin » dont l’échelle est régionale ou nationale est toujours la référence.

– Le transit automobile en Centre-Ville est devenu une préoccupation. Depuis les années 2000 les municipalités successives n’ont eu de cesse de fluidifier le trafic en Centre-Ville  avec la création de ronds-points et la modification des circulations ; sans pour autant réussir à réduire le transit notamment Poids-Lourds. En plus, le trafic n’y aurait été que faiblement réduit par la mise en service du barreau centre, voire de la rocade complète.

Rocade image 3

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Exemple de trafic en Centre-Ville autour du rond-point (trop petit) de la place d’Armes.
Son agrandissement, techniquement possible, se heurterait à des considérations urbanistiques.

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Exemple de trafic en Centre-Ville en bas de l’avenue de la Moutète.

– Le développement de la périphérie d’Orthez prend aussi des allures de fuite en avant pour le commerce de détail le long des pénétrantes (3). Dans le même temps, le Centre-Ville continu plus à stagner qu’à se développer.

Mais le projet de rocade à surtout pâti des priorités routières de captation des flux Nord-Sud en Béarn :
– Choix du tracé de l’A65 au Nord-Est du département.
– Projet toujours latent de reconstitution de l’axe E7 en prolongeant l’axe A65 (Langon-Pau) vers Oloron et le Somport.

La rocade d’Orthez, dans sa fonction de contournement, constituerait  une échappatoire à l’A65 au profit de  l’A63 (Bayonne-Bordeaux) difficilement acceptable (4). Comme il faut amortir l’A65, la construction de la rocade d’Orthez pourrait bien attendre la fin de la concession de l’A65 ; autant dire la fin du siècle.

Aussi pour réduire significativement le transit via le Centre-Ville, la réouverture du demi-diffuseur de service de l’A64 (Virginie connecté à la Route de Bayonne à l’Ouest de la ville) a fini par s’imposer comme objectif prioritaire face au projet de  barreau Centre, lors des dernières élections municipales.

En fait, cette construction en barreaux successifs ne peut pas fonctionner. Elle oublie que les flux locaux se réorganisent toujours avec la mise en service d’une infrastructure de transport (5).
La périphérie se réarrange très rapidement (en quelques années), voire anticipe les réarrangements (6).
De plus les collectivités favorisent ces réarrangements alors qu’elles devraient les contrôler.
Elles doivent rentrer au plus vite dans leurs frais et puis les dépenses d’infrastructures bénéficient d’un préjugé favorable dans l’esprit du public et des décideurs. Inversement les  aménagements en Centre-Ville sont toujours considérés comme imparfaits.

Le projet de barreau Centre ne fait que prolonger la dynamique des aménagements antérieurs de la périphérie d’Orthez (7). La fonction « transit » de ce barreau ne sera pas pérenne  (8).

De tels réarrangements de la périphérie ne sont pas durables.

Par  Larouture

Crédit image : http://www.cartoonstock.com/lowres/for0504l.jpg « Le syndrome du hamster ».

(1 ) Remarques sur les ronds-points et les rocades :
Le rond point François Mitterrand  ouvert dans les années 1990 est typique de l’état de l’art de cette période :       Construction de ronds-points massifs ; éloignés des villes ils escamotent les Centres-Villes en créant des sortes de villes fantômes.
Aussitôt mis en service, le rond point François Mitterrand  a été flanqué d’une zone d’activité et d’un lycée agricole ; c’est-à-dire d’un nouveau lieu d’interaction économique et sociale. Lorsque la rocade sera terminée, ce rond-point comprendra sept issues.
Conceptuellement, une rocade et une radiale se coupent perpendiculairement au niveau d’un rond-point. Utiliser une portion de radiale pour le cheminement d’une rocade serait sacrilège; certainement sur un plan dans un bureau d’étude, moins sûrement pour un automobiliste sur le terrain.

 (2) Transit et trafic local :
« En comparant les moyennes des véhicules en transit et en trafic local sur l’ensemble de la ville, le constat est que le nombre de poids lourds en transit est supérieur au nombre de poids lourds en trafic local. Cette tendance est inversée pour les véhicules légers.
En résumé, 1/3 des véhicules légers sont en transit et 2/3 en trafic local. 2/3 des poids lourds sont en transit et 1/3 en trafic local. » Cf. dossier de demande de dérogation pour le projet de contournement d’Orthez ; Septembre 2014.

 (3) La fuite en avant des zones commerciales :
Certes une périphérie attractive bénéficie aussi au Centre-Ville. Mais jusqu’à un certain point. Globalement depuis la fin des années 1990 et sur une quinzaine d’années, le parc des surfaces de vente du commerce de détail en France croit à un rythme plus rapide que celui de la consommation. Ce parc a progressé de 60% alors que la consommation a augmenté de moins de 20% (INSEE, Les comptes de la nation).
En fait comme à peu près partout en province, la consommation et l’immobilier sont les moteurs du développement. Quant à la production, son échelle n’est plus le local.
De plus les bâtiments commerciaux qui se sont succédés aux entrées de la ville donnent un urbanisme de qualité médiocre. Cet urbanisme qui ne s’inscrit pas dans le paysage, pénalise l’attractivité de la ville. Cet aspect est souligné dans le PLU d’Orthez.

 (4) Quelques conséquences du tracé de l’A65 :
Le choix du tracé de l’A65 via  Thèze et Garlin qui ne sont pas vraiment des bourgs particulièrement industrieux, a surtout résulté de la volonté du Conseil Général des Landes. Il fallait desservir prioritairement Mont-de-Marsan et l’Est du département des Landes car l’Ouest du département (Dax et la côte) était desservi par l’A63.
Maintenant que l’A65 est en service, Dax qui est proche de l’A63, est en train de se doter d’une rocade. Enfin ….
A noter qu’à l’’époque du choix du tracé de l’A65, le coût inhérent à ce choix n’était vraisemblablement pas une préoccupation.
En plus de la rocade de Dax en construction, une 2X2 voies relie Mont-de-Marsan et Saint-Sever. Son extension vers Orthez est toujours envisagée par les élus (confer « futur contournement de Sallespisse » sur le schéma du projet de la rocade ainsi que déviation de Sault-de-Navailles ouverte en 2008). Mais la poursuite de ce programme est-elle toujours prioritaire ?
Aménager les voies principales qui font se croiser à Sault -de- Navailles plus de 10.000 véhicules/jour  et plus de 1.000 Poids-Lourds  serait certainement préférable :
La D 933 vers Orthez bien sûr ainsi que vers Hagetmau mais également la D 945 dite de Lescar à Sault-de-Navailles. Elle dessert aussi le bassin de Lacq via Arthez-de-Béarn.
La D 945 à la porte de Sault-de-Navailles, draine autant voire plus de Poids-Lourds que la D 933 entre Orthez et Sault-de-Navailles.
Le maire d’Arthez-de-Béarn déplore que sa commune fasse fonction de déviation d’Orthez.
Cette vision avec ses conséquences notamment pour l’aménagement d’Arthez-de-Béarn, apparaît dépassée. Elle ne correspond plus à la réalité des déplacements.
En attendant, le trafic périphérique existant ainsi que l’arrêté du Conseil Général des Landes qui interdit des axes routiers aux plus de 7,5 t (axes Saugnac-et-Muret – Mont-de-Marsan – Hagetmau, Sore – Labrit – Mont-de-Marsan, ainsi que la D824 entre Mont-de-Marsan et Aire-sur-l’Adour) continueront de diriger les poids-lourds vers Sault-de-Navailles.

 (5) Urbanisme et mobilité :
« Qui programme les infrastructures fait la ville » indiquait Jean Poulit (ancien directeur de l’Équipement en Île-de-France).
L’urbaniste Jean-Pierre Orfeuil précise : «  En bref, les conditions générales de la mobilité déterminent largement les répartitions des hommes et des activités, ainsi que les mobilités effectives ».
Pour l’urbaniste Marc Wiel, les conditions de la mobilité dessinent les formes urbaines.
Dans « Construire la ville des courtes distances: utopie ou avenir? ».
Benjamin Taveau (Systra) résume que « le passage d’une mobilité modérée, contrainte et plus ou moins collective à une mobilité accrue, étendue et individuelle a bouleversé le développement et la forme des villes ».
Ces prises de conscience de l’effet de  la mobilité sur  l’urbanisme conduisent à une remise en cause des formes d’aménagement des territoires.         

 (6) La zone d’activité au départ du barreau Centre, côté route de Pau :
La zone Commerciale « Intermarché » accessible depuis la route de Pau via le rond-point d’Espagne s’est étalée de part et d’autre du début du tracé du barreau Centre.
Elle mobilise deux ronds-points supplémentaires.   

 

 

Rocade Orthez image composée

Cette zone commerciale est ainsi présentée par la SARL ARCHITECTES ASSOCIÉS SARL de Suresnes :    « ORTHEZ (64) – Parc commercial – 2007 : Aménagement d’un parc commercial de 16 ha à partir de la requalification d’un centre commercial existant INTERMARCHE et la création de 22000 m2 HO de commerces, activité et hôtel. Urbanisme d’entrée de ville inscrit dans le paysage. Conception commerciale de type  « Retail parc »  » :

Rocade image 8

Les Schémas du projet d’extension du centre commercial Intermarché et de la zone des Soarns n’a rien un « retail parc » (et encore moins un « retailtainment parc »).
A noter qu’avec la mise en service du barreau Centre, la voie traversant la zone Intermarché recevrait, en plus du trafic de chalandise, la majorité du trafic de l’avenue Charles de Gaulle. Cette voie se retrouverait parmi les plus chargées d’Orthez.
A terme il faudra dévier l’accès au barreau Centre par le rond-point d’Espagne.

 Pour que ce parc commercial soit un véritable « retail park », il faudrait que le barreau Centre ne le traverse pas, voire ne soit pas construit. Il faudrait également que les aires des différents espaces commerciaux soient unifiées, les parkings mutualisés et les modes de circulation à l’intérieur de cet espace remodelés.

A noter que l’’aménagement de cette zone sur le tracé projeté du barreau Centre n’aurait pas soulevé d’interrogations notables à Orthez. Il semblerait toutefois que M. Aguerre, ancien Conseiller Général de Saint-Palais, se serait étonné du mélange de la fonction déviation avec la fonction  commerciale lors du lancement du projet.

(7) La dynamique des aménagements à Orthez. Un exemple de continuité républicaine :
Tous les aménagements définis ou réalisés depuis les années 70 ont contribué à accroître le trafic en périphérie. Ils n’ont fait qu’entériner la prééminence du transport automobile.

– La mandature de M. Destandau (1977-1989)  a vu l’ouverture de l’avenue du général de Gaulle.  Elle constituait déjà une voie de contournement.  Elle est maintenant gainée par une zone pavillonnaire ainsi que des immeubles à loyers aidés, évidemment situés aux endroits les plus exposés au trafic. A noter que son prolongement vers la gare n’avait  pas été envisagé.
L’avenue Adrien Planté (portion  de la route de Pau entre le bas de l’avenue du général de Gaulle et le rond-point d’Espagne) a connu les premières relocalisations d’activités en périphérie. Le trafic automobile sur cette avenue est maintenant  le plus important de la ville.
– La mandature de M. Ricarrère (1989-2001) a vu la création du Pont de l’Europe et du rond-point d’Espagne ainsi que du rond-point François Mitterrand. L’installation d’activités a continué à accompagner ces aménagements.
– La mandature de M. Issartel (2001-2008) a vu le lancement de la zone commerciale des Soarns (Intermarché) et l’anticipation du barreau Centre depuis le rond-point de l’Espagne.
– La mandature de M. Molères (2008-2014) a vu l’aménagement de ronds-points en lisière du Centre-Ville (routes de Bayonne, Oloron, et Mont-de-Marsan), la poursuite de l’aménagement de la zone Intermarché et de l’anticipation du barreau Centre ainsi que la Déclaration d’Utilité Publique (DUP) du projet de barreau Centre.      

A noter que, sous toutes ces mandatures, l’isolement de la gare s’est trouvé renforcé.
Seule l’arrivée du TGV a rappelé l’existence de la gare ainsi que son importance.
Le prolongement vers la gare de l’avenue du Général de Gaulle ne vient d’être envisagé que tout récemment.
Mais la gare n’a surtout pas été envisagée comme polarité élémentaire d’un axe principal reliant les autres centralités (cœur marchand, Lycée par exemple) ; axe qui aurait été apte à renforcer les différentes fonctions de centralités du Centre-Ville.Plan 2 orth

Orthez gare Orthez ou est centre

Ainsi l’hôpital a traversé la rue du moulin qui mène à la gare, sur un pont couvert qui constitue une coupure. Le parc de l’ancien couvent des Visitandines a été  construit en cul-de-sac, ouvert vers la ville et fermé vers la gare. Enfin la maison des solidarités est venue renforcer cette fermeture en cul-de-sac. Dernièrement, le nouveau cinéma a été positionné à l’écart des centralités existantes.

Les aménagements de l’ancien parc des visitandines ainsi que de l’hôpital, vus depuis le Centre-Ville (vue 1) et depuis la gare (vue 2).       ©Google.

Où est la continuité urbaine ?

La poursuite d’un urbanisme de voirie et de géométrie s’est confondue avec la continuité républicaine.
Certes, cela n’est pas propre à Orthez. Mais lorsque des mutations commencent à se dessiner, les élus se devraient de les prendre en compte au-delà de manifestations inévitables du « syndrome du pont de la rivière Kwaï » et d’arrières pensées politiciennes.

 

(8) Pérennisation de la fonction transit d’une rocade.
Non seulement une ouverture du barreau Centre contribuerait peu à la diminution du trafic en Centre-Ville, notamment Poids-Lourds, mais en plus elle continuerait à allonger le circuit de chalandise, à accroître mécaniquement le trafic, à centrifuger le Centre-Ville, à disperser les ménages et les activités ainsi qu’à générer des points de congestion bien avant l’achèvement de la rocade.

Pour pérenniser la fonction transit  d’une rocade (façon « parkway » par exemple) mieux vaudrait maintenir l’essentiel du trafic de chalandise dans des zones d’activités. Pour cea, il faudrait qu’elles soient  limitées en nombre mais extensibles en surface (façon « retail park » par exemple).
Certes les documents d’urbanisme en tiennent compte mais de manière facilement contournable. Ainsi il aurait été préférable que la zone commerciale des Soarns, destinée à recevoir du public en grand  nombre, ne soit pas traversée mais soit bordée par l’embryon du barreau Centre  afin d’éviter les va-et-vient entre les deux côtés de la zone commerciale.

 

Supplique pour ne pas être incinéré dans une Zone d’Activités

Soylent greenLes rites funéraires ont beaucoup évolué depuis une génération. La praticité semble avoir pris le pas sur la solennité et la spiritualité. La fiction « Soleil vert » deviendrait-elle réalité ? Le projet de crématorium de la CCLacq-Orthez à Artix (Eurolacq II) ou à Orthez, sur fonds de rivalités politiques complexes, en est une illustration.

L’accompagnement dans le deuil, de parents, d’amis ou de connaissances qui sont nombreuses en milieu rural, est un devoir dont j’avais oublié l’importance lorsque j’étais en activité loin du Béarn. Depuis mon retour au pays, j’ai retrouvé le chemin de beaucoup d’églises et découvert l’existence de nombreux funérariums.

Pour faciliter l’accès et l’accueil des familles, beaucoup de funérariums sont installés en périphérie des villes ou le long des voies rapides dans un environnement banal de commerces ou d’activités artisanales. La mort est un marché. Les rites se sont adaptés, peut-être au détriment de la spiritualité.

Maintenant la crémation se développe et des crématoriums s’annoncent dans les Communautés de Communes. Ainsi, les villes d’Artix et d’Orthez ne vont pas tarder à se disputer l‘aménagement d’une telle installation.

Des élus Orthéziens considèrent qu’une localisation à Orthez serait géographiquement justifiée. Le maire d’Artix réplique que le projet était en maturation dans l’ancienne CCLacq depuis 2007 (*). Le Président de la CCLO ajoute qu’« à Eurolacq II, il y a les réseaux, l’échangeur, tout ce qu’il faut ! » ; Comme chez Casto ! aurait-on envie d’ajouter.

Le côté utilitaire est donc toujours primordial, le côté spiritualité et solennité est visiblement toujours accessoire.

À la « décharge » des élus, on peut souligner leur souci de remplir cette zone avec tout ce qui se présente. Il faut bien rembourser les financements. Le zonage des activités (zoning) est toujours la règle. Les zones d’activités sont devenues de véritables trous noirs qui absorbent tout ce qui est actif dans leur voisinage. Même les études notariales y passent. Bientôt les bourgs vont se réduire à des murs vides. Est-on vraiment très éloigné de la fiction « Soleil Vert » ? (**)

En fait ce sujet m’interpelle aussi car je suis claustrophobe. Je préférerais donc m’envoyer en fumée et, au lieu de retomber faute d’élan dans de tels zonages, être emporté bien loin, voir du pays, monter vers les étoiles et être suivie longtemps par mes proches (comme lorsque je conduis ma petite fille à l’aéroport et que je continue à suivre l’avion au-dessus de Lonçon, même lorsqu’il est devenu un point invisible). Je préférerais donc que cela se passe dans un lieu solennel, élevé. À proximité d’une église, d’un cimetière, d’un bois, au sommet d’une colline, au bord d’une rivière. Enfin, n’importe où mais pas dans une zone d’activités.

Finalement où atterrira ce crématorium. À Orthez ? À Artix ? Peut-être entre les deux ?
À Sarpourenx par exemple ? La commune dont un élu parlementaire est sur la réserve, vient de céder au Comité Régional de Bridge de l’Adour deux terrains pour étaler en périphérie d’Orthez un local avec parking. Le Président du Comité précise que dans ses démarches, il a pu compter sur le soutien du Député David Habib (***)

Les élus de la CCLO, d’Artix ou d’Orthez se sont fait subtiliser une belle prise. En plus, lors de chaque partie, il y aura un mort (****). M. Habib a, en quelque sorte, pris les habits de « Charlton Heston » dans le film « Soleil Vert » (*****).

À noter toutefois que si, pour moi, une salle de jeu de bridge n’a pas davantage sa place dans une zone d’activités qu’un crématorium, cet aménagement à Sarpourenx n’en est pas moins contraire à l’esprit de la loi ALUR que M. Habib a voté.

Tout cela est absurde. Une nouvelle odeur de roussi se répand déjà sur le territoire de la CCLO.

Larouture

(*) : Le projet de crématorium envisagé pour Eurolacq II occuperait un terrain de 4.699 m2 avec un bâtiment de 500 m2. La collectivité projette d’investir jusque 1,5 M€. (cf. La République du 17/12/2015 et modifié le 18/12/2015)
(**) : Il y a pourtant un lieu autour duquel les élus savent généralement garder la maîtrise du foncier. Ce sont les abords des cimetières et c’est le cas à Artix comme à Orthez. Mais les élus sont-ils vraiment sensibles à ces rituels. Peut-être sont-ils davantage portés vers la momification (****).
(***) : Un compromis de vente a été signé le 29/12 pour deux terrains de 1.500 m2.
Le projet a été réalisé avec le cabinet d’architecture Orthézien O2CEN. Il comprend un local de 680 m2 de plain-pied avec un parking de 40 places pour un coût total de 745.000 € financés par un prêt bancaire et une aide de la fédération française de Bridge. La maison devrait être terminée fin du printemps 2017. (cf. La République du 11/02/2016 et rectificatif du 12/02/2015).
(****) : mea culpa …
(*****) : À moins que ce ne soit « La planète des singes ». Re(****)
Crédit photo : sciencefiction.com

Le « développement économique » à échelle locale

image LabaigLa plupart de nos élus s’honore de faire du « développement économique ». Cette expression a un caractère solennel voire pompeux. Elle a un côté pléonasme comme si s’occuper d’économie ne consistait pas d’abord à se soucier de son développement. 

Le « développement économique » se traduit surtout par la multiplication des zones d’activité. Cette multiplication conforte essentiellement les activités de la distribution ainsi que la filière immobilière d’entreprise dont le BTP. Une adaptation locale des ateliers nationaux de la IIe République ?

Des projets de zones d’activité, initiés dans les années 2000-2010 dans la plupart des Communautés de Communes, sont arrivés ou arrivent sur le marché. Parmi les plus importants, citons Aéropolis à Bordes (~50 ha), Eurolacq II à Artix (~26 ha), le Barreau centre à Orthez (~10 ha), le Bruscos à Sauvagnon (~20 ha), les zones de Thèze (~10 ha) et de Garlin (~25 ha) avec la construction de l’A65. Sur l’agglomération, à Pau-Est, Lons ou Lescar les projets commerciaux sont également nombreux.

Certes le développement de l’activité aéronautique à Bordes a nécessité l’ouverture de surfaces. Mais des friches qui attendent une reconversion existent un peu partout. En plus, la plupart des zones existantes affichent des places disponibles, comme si elles étaient surdimensionnées.
Seul un Président d’une Communauté de Communes qui joue le passager clandestin d’une agglo, peut affirmer qu’il n’a pas de friches sur son territoire…

Sur la zone Aéropolis, une quinzaine d’ha sont toujours disponibles et la collectivité travaille à la reconversion d’une zone pour l’accueil d’artisans et de services. Des surfaces sont également reversées à la SAFER (La Rep du 06/10).

Le Conseil Départemental semble être à la recherche de liquidités.

Sur la zone Eurolacq II, bien que l’heure soit à la compacité et à la frugalité, la CCLO a opté pour le projet de centre commercial Super U qui s’étend sur deux lots (~6 ha) alors que les projets concurrents (Leclerc et Intermarché ) proposaient d’aménager un seul lot.

La CCLO semble pressée d’écouler des terrains certainement pour mieux équilibrer ses budgets.

D’ailleurs toutes les activités semblent bienvenues pour meubler les espaces disponibles, y compris des activités que l’on associe davantage à l’urbain. Ainsi des notaires aménagent des locaux d’archives (Artix) ou déménagent carrément (Arthez de Béarn) dans une zone d’activité. Mais, comme Super U sur Eurolacq II, la Grande Distribution s’installe le plus souvent en premier. Sur d’autres zones de la CCLO, Super U s’est installé à Sault de Navailles, Carrefour Market est annoncé à Arthez de Béarn sur une zone qui sort de terre et bien sûr Intermarché trône sur la zone des Soarns à Orthez.

Ainsi les petits bourgs encouragent l’installation de moyennes surfaces ce qui est aussi une aubaine pour les grands groupes de la distribution dont la stratégie est d’accroître leurs parts de marché. L’INSEE relève d’ailleurs que, depuis une quinzaine d’années, le parc des surfaces de vente du commerce de détail a progressé de 60% alors que dans le même temps, la consommation a augmenté de moins de 20%.

A noter qu’à Orthez, le projet de barreau routier dit centre (qui relie les routes de Mont de Marsan et de Pau, ce qui n’a rien de central) est essentiellement justifié pour créer un flux de circulation (cf. propos de M. Molères, ancien maire, rapportés par La République du 05/11). Ce flux bénéficiera à la zone commerciale des Soarns, présentée comme un « Retail park » et qui n’a rien d’un « Retail park ». Accessoirement le barreau centre servira de déviation, ce qui était présenté comme la motivation principale voire unique du projet. Plus généralement, aménager des rocades sans se préoccuper de l’effet sur l’urbain équivaut à installer une centrifugeuse de centres villes ; c’est-à-dire une machine à faire tourner le chaland motorisé et à étaler l’urbain, toujours plus vite, toujours plus loin.

La création de zones d’activité apparait aussi comme une activité économique en soi.

D’abord il faut créer et aménager ces zones.

En fait, la création de ces zones se cantonne à l’aménagement de périmètres fermés dont l’articulation avec l’environnement existant serait secondaire. Des sortes d’îles où toutes les exigences du développement durable seraient respectées mais qui s’apparenteraient toujours à l’île « Utopia » de Thomas More.

De plus, le fonctionnement de cette économie de l’immobilier d’entreprise, notamment entre les collectivités locales et les promoteurs privés, parait obscur. Les travaux d’aménagement comme les achats de surfaces par les entreprises ainsi que leur installation bénéficient de subventions octroyées par la collectivité. A ce jeu, les sociétés gestionnaires de cette activité sont toujours à l’équilibre.
Enfin, selon les Echos cette activité économique conduit à la création de bulles spéculatives (surtout pour les bureaux et les Centre commerciaux) qui sont essentiellement contenues par des dispositions comptables.

L’ouverture de toutes ces zones d’activité est l’aboutissement d’une démarche volontariste qui rappelle les ateliers nationaux de la IIe République mais qui, même si elle paraît utopique, a des bénéficiaires: Outre le secteur du BTP, la consommation avec le secteur de la distribution sans oublier la filière immobilière d’entreprise.

Ce type de « développement économique » doit maintenant s’envisager sous d’autres angles :

Par exemple se pencher sur la réhabilitation des friches ainsi que sur la qualité des paysages et la morphologie des territoires, de plus en plus considérés comme facteurs essentiels de développement.

Larouture

PS : Les infrastructures du type zones d’activité constituent-elles des dépenses ou des investissements ?

Récemment je me suis promené en voiture sur le site Eurolacq II. Je suis entré sans encombre mais ai eu du mal à trouver une sortie. J’ai donc demandé mon chemin à des ouvriers qui entretenaient les bords des voies. Au cours d’échanges préliminaires de courtoisie, j’ai fait remarquer que c’était très grand (pour ne pas dire que c’était démesuré). Ils m’ont répliqué que ce serait petit lorsque tout sera rempli. Je n’ai pu qu’acquiescer car ils étaient enthousiastes. J’ai ainsi mesuré tout l’impact que pouvait avoir sur la population une telle réalisation, même à l’état embryonnaire. Des infrastructures de transports bénéficieraient certainement d’un enthousiasme équivalent. Le plus souvent ces réalisations sont perçues comme des investissements.

Ainsi, je pense que des projets de Recherche et Développement, d’éducation ou de formation, d’une ampleur budgétaire équivalente à la création de cette zone d’activité, ne créeraient pas le même enthousiasme. Le plus souvent, de tels projets sont considérés comme des dépenses.

Cette anecdote m’a remis en mémoire une visite de la cité du Luth à Gennevilliers conduite par des urbanistes. La cité du Luth a été réhabilitée dans le cadre de la Politique de la Ville avec une segmentation et une rénovation des barres ainsi que bien d’autres actions à caractère culturel, social et économique. Sur le site, un habitant d’origine maghrébine est venu nous saluer. Il était honoré que son quartier soit reconnu. Pourtant il ne sera pas envahi par les bobos parisiens avant de longues années.

J’ai retrouvé la fierté qui émanait de cet homme dans l’enthousiasme des jardiniers d’Eurolacq II…

Pierre Bourdieu, le bal des célibataires ou l’inconscient du Béarn.

 BourdieuEn cette veille Toussaint de l’année 2000 monsieur PYC a su vaincre sa timidité.

Il a appelé son presque voisin le très prestigieux Pierre Bourdieu qui , une fois encore, est revenu au pays. Comme il l’a déjà fait sans arriver à finaliser, il l’a appelé dans sa maison familiale dans ce très beau bourg béarnais de Lasseube à moins de 20 kilomètres d’Oloron .

Comme PYC a quelques entrées dans l’administration locale il est passé par le maire du village, un ami d’enfance de Pierre, pour connaître son numéro de téléphone et plaider sa cause.

En effet le grand intellectuel béarnais, mondialement reconnu comme un phare des sciences sociales, est réputé pour son caractère rugueux comme on dit au rugby et n’accepte pas d’être importuné plus particulièrement dans ces terres béarnaises et natales où il se réfugie si souvent. Et dont il a fait une somme sociologique particulièrement pénétrante qui reprend beaucoup de ses travaux sur le célibat en Béarn sous le titre évocateur du « bal des célibataires » paru au seuil au mois de mars de la présente année du siècle nouveau.

Et frapper directement à sa porte eût été inconcevable.

Cette année encore une fois, à Lasseube et dans le piémont béarnais, en cette fin d’octobre somptueuse les températures dépassent les 30 degrés. Soit les plus chaudes du pays. Cela a valu à Lasseube un reportage dans le journal de TF1 de 13 heures de Jean-pierre Pernaut. On y a vu les musiciens et les danseurs du village évoluer sur la place. Avec les Pyrénées illuminées de soleil qui se découplent en arrière-plan.

Que ce soit également le village de Pierre Bourdieu, on ne sait pourquoi, a semblé échapper à la sagacité des reporters de la chaîne de la maison Bouygues..

En fait la rencontre avec Pierre Bourdieu a eu lieu dans l’arrière salle d’un des deniers bistrots du village chez Massaly. Une guinguette qui a pour particularité de faire, aussi, boucherie charcuterie et, comme tous les bistrots campagnards, d’être un point focal de la localité. Presque au même titre que l’église ou la mairie.

Un haut lieu de sociabilité et d’échanges réels et symbolique, ouvert, autrefois au moins, aux plus fortunés et aux seuls habitants du bourg .Une sociabilité complexe encore que très ordonnée à laquelle il est beaucoup fait référence dans l’ouvrage de Pierre. En fait sa moelle substantifique au travers de l’image à la fois si banale et si émouvante du bal. Du bal campagnard dans les circonstances de l’espèce Même si son propos fait beaucoup références aux années d’après guerre celles de son enfance et de sa toute première jeunesse où il était, parmi d’autres, un enfant de ce village reculé.

Un temps de jeunesse (Pierre est né en 1930) en fait à compter des années cinquante et des trente glorieuses où les règles excessivement anciennes et ces jeux subtils ont commencé de se diluer voire à se déliter. Même si, sans l’exprimer, à ce que nous avons cru comprendre il suggère fortement qu’elles continuent à surdéterminer une certaine manière béarnaise et singulière d’être au monde. Une manière également partagée, mais seulement pour partie, dans le sur-monde pyrénéen d’une part, du sur-monde occitan d’autre part.

Dans ce contexte Bourdieu est, néanmoins, ce qu’il n’aime pas qu’on lui rappelle , une sorte de bourgeois, fils du receveur des postes, et un rien étranger puisque lui est né à Denguin dans la plaine alluviale de Pau. Un autre pays que cette incise un peu perdue et néanmoins très prospère (vignes, élevage, maïs) qui joint par un chemin détourné Pau à Oloron au cœur du vignoble béarnais.

En fait la voie la plus directe ; mais que contourne et isole largement la RN 134. Une vallée et un gros bourg exemplaire du Béarn rural et piémontais tout à la fois très cossu voire florissant au moins dans son centre bourg mais très ramassé sur une certaine sociologie. Une sociologie que d’aucuns pourraient qualifier, sans doute pas de manière infondée, d’archaïque en tout cas de très originale. Même si à travers de cet archaïsme c’est toute l’histoire si singulière du Béarn à laquelle il est fait référence… au moins depuis le commencement des temps modernes. Autant que de sociologie c’est d’ethnographie voire d’anthropologie historique dont il est ici question. Toutes ces disciplines complexes avec leur vocabulaire souvent abscons dans lesquelles notre petit Béarnais périphérique nage avec une volupté non dissimulée… à la limite du pédantisme jargonneux.

Alors Pyc c’est vous.

En fait les gens te connaissent un peu ici. Quand tu passes seul en vélo en dehors des troupeaux de cyclistes palois en tenues bariolées qui font le tour depuis Gan et reviennent par Laroin. On m’a même dit qu’un moment tu voulais acheter une maison… une des plus belles et des plus anciennes du village sous évaluée à cause de l’isolement du pays.

Comment savez-vous cela ?

Tu habites depuis presque 40 ans en Béarn donc tu connais les Béarnais timides, « biaiseux » discrets et très curieux..

Permettez de m’étonner qu’un phare de la pensée mondiale en sociologie et en ethnographie historique se laisse aller à de tels stéréotypes un rien rebattus. Vous dont le métier ultime, si j’ai bien tout compris, est de déterminer la construction des dits stéréotypes pour, le cas échéant, les déconstruire notamment par une approche politique. Dans tous les cas de les stigmatiser après les avoir méticuleusement analysés en tant que violence symbolique. Que ce soit en Kabylie ou au fond du Béarn ou auprès de la supposée intelligentsia parisienne… A l’école des hautes études en sciences sociales ou au collège de France.

Pierre Yves, analyser les stéréotypes ce n’est pas les déconstruire : c’est montrer non pas comment on les a construits mais comment ils se sont construits. Même si je suis engagé à gauche c’est ce qui me différencie des marxistes si importants dans la scène intellectuelle et à la génération à laquelle j’appartiens.

Et puis tu vois, ici on n’est pas à Paris. Pas même à Pau ou à Oloron. Encore qu’ici, à équidistance des deux villes, on est plus tourné vers la sous-préfecture haut-béarnaise que vers la capitale provinciale dans laquelle j’ai fait mes études secondaires. Dans laquelle j’ai fait le lycée comme disent les jeunes. Une ville très agreste très pénétrée par la monde et par l’imaginaire agricole. Même si, par ailleurs, elle comporte et a comporté de grandes fortunes industrielles développées dans les textiles. Et même si l’émigration espagnole, et maintenant portugaise, en a profondément modifié les équilibres. Encore que la très grande force, l’inertie de la sociologie béarnaise les a complètement amalgamés. Qu’on s’appelle Fanlo, Galarzaa, Soares ou Suarez, Dieste, Bordenave, Laclau, Lacrampe, Uthurry ou Lucbéreilh ne change pas grand chose à l’affaire ni mêmes aux bulletins glissés dans les urnes.

Pour en revenir à Oloron, et si incroyable que cela paraisse aujourd’hui, tu veux dire la ville où seuls les plus fortunés des habitants de Lasseube avaient le privilège de se rendre au marché pour y commercer et y faire « le monsieur ». s’emmoussouriser si je me rappelle bien l’expression francisée par mimétisme au Béarnais. Et où certains, notamment les célibataires des hameaux les plus reculés, ne sont jamais allés tout au long de leur existence. Bloqués voire protégés dans leurs campagnes perdues d’où, très rarement, ils s’accordaient le simple privilège de rendre au bourg. Oloron et même le bourg ce n’était pas leur monde.

Eh oui Même pour les bals qui auraient pu leur permettre comme ailleurs, comme partout de trouver âmes sœurs ils restaient dans leurs petits quartiers parsemés de bistrots aujourd’hui disparus sans même se rendre au bourg principal et où des musiciens itinérants permettaient d’exécuter quelques pas de danses un peu plus élaborés. Et puis le mariage c’est une affaire sérieuse qui engage la famille beaucoup plus que les individus

Alors Oloron…

A la limite il était plus facile ce qui faisait d’ailleurs beaucoup de partir définitivement pour les Amériques et fonder une famille avec une « payse » amenée d’ici ou rencontrée là bas. Éventuellement une Basquaise dure à la tâche…  Surtout j’ai bien noté que de 1836 à 1954 le bourg n’a jamais dépassé 25 % de la population du village. Une situation très différente de celle d’aujourd’hui.

C’est cela .Tu as à peu près compris. Tu as même su décortiquer mes statistiques faites à l’époque tout à la main.

De toute manière les mariages ou plutôt les unions de lignages étaient surdéterminées par des stratégies matrimoniales d’une immense complexité. Les bals servaient juste de lieu d’amusements et non pas comme ailleurs d’éclosion pour les futures gynécées. Les filles plus dégourdies trouvaient toujours le biais de danser entre elles ou d’inviter, par charité plus que par moquerie, pour une seule danse, un célibataire qui exagérait sa maladresse et dont tout le monde savait qu’il était immariable. Immariable car cadet évidemment. Ou trop pauvre ou trop riche pour convenir à une héritière… dont la lignée, la maison, la valeur ultime, aurait risqué de déchoir voire, à l’inverse, d’avoir à rembourser la dot si l’union venait à se défaire.

Ou alors pas assez pauvre pour s’abstraire de la classe paysanne souvent propriétaire en Béarn et s’amalgamer au prolétariat voire au petit peuple urbain. Et si j’ai bien compris la condition de domestique qui était aussi celle des cadets ne permettait pas de se marier.

Il semble que tu aies bien lu mes propos.

Des propos complexes surreprésentés en chiffres et en graphique dont tu nous fais bien comprendre qu’il s’agit de science dure. Avec des appendices et des index dont il est difficile de se dépêtrer et de voir à quels propos ils font référence.

Un peu comme si tu voulais bien nous persuader de la distance avec ton sujet. Même si, au détour de beaucoup de phrases, on ne manque pas de ressentir et de te surprendre dans une empathie presque douloureuse mais toujours bienveillante avec le sujet que tu traites.

Peut-être je ne sais pas. Si tu le dis…

C’est aussi sans doute car les enquêtes très serrées, précises et circonstanciées, qui ont étayé mes propos ont été conduites avec l’aide très précieuse de mon père qui m’a évidemment beaucoup aidé à dépasser cette retenue et cette timidité qui chez nous, plus qu’ailleurs, empêche la parole de se libérer.

Sans doute aussi parce que, comme tu le notes avec précision, les hommes interrogés sont des sujets âgés avec une conversation conduite beaucoup en Béarnais.

A ce propos il est difficile de ne pas remarquer que les célibataires dont tu parles sont tous des hommes. Mais comme les gendarmes si je compte bien les célibataires évoluent par couple. De fait par couples non constitués.

Oui je comprends ce que tu veux dire. Mais c’est peut-être qu’à mes yeux et à celles de mon père, le célibat des femmes m’est apparu, pour des raisons que j’ignore, moins scandaleux moins anormal… ou que nous entrions plus spontanément en résonance avec celui des hommes.

Avec toutes ces tantes ou toutes ces marraines qu’on trouvait autrefois dans les maisons et qui faisaient partie de meubles et qu’on imaginait très difficilement mariées.

Ou alors parce qu’à l’époque de ta jeunesse dans les premières années 60 comme tu le dis d’ailleurs explicitement le système se délitait rapidement. Avec des emplois pour les femmes dans les bureaux ou les ateliers ou la possibilité d’épouser un facteur ou un agent EDF. Et que les hommes moins débrouillards moins perdants dans le système ancien avaient beaucoup plus de difficulté à se sortir du dit système.

En fait si je vous suis bien tout le particularisme béarnais, sa douceur et sa violence ; peut s’analyser au travers du système complexe de la dot dont tu expliques le calcul très précis à partir de la valeur de la propriété. Avec un système néanmoins pour sous doter les cadets. Et naturellement une possibilité pour les femmes d’être héritière de la propriété pour autant qu’il n’existe aucun mâle puîné. Pas de lois salique en l’espèce une loi opportune inventée par la monarchie française.

Je te vois venir ; rien d’extraordinaire à cela c’est le système de la noblesse française d’ancien régime voire par exemple aujourd’hui celle dans beaucoup d’états de l’Inde.

  • sauf qu’il s’agit d’une société dont les terres qui ne peuvent beaucoup s’agrandir car les pasteurs de la montagne ont des droits imprescriptibles sur les terres agricoles. L’histoire béarnaise se lit, aussi, beaucoup dans ses oppositions montagne et plat pays.
  • sauf qu’il s’agit d’une société plutôt friche avec un faible dénivelé social.
  • sauf que le prestige attaché à une famille à un lignage peut ne pas exactement s’analyser en termes de richesse ou de revenu. D’autant que dans les siècles antérieurs très peu de monnaies circulaient.
  • sauf que le chef de famille avait toujours la faculté de déshériter l’aîné pas assez docile ou pas assez capable… voire de choisir en tordant le droit son favori le cas échéant en ne retenant pas outre mesure dehors les cadets qui ne restaient pas à la maison comme domestique.
  • sauf que le système dérogeait au droit ambiant même après la révolution par la survie d’un droit purement autonome.
  • même si un par système de contrat devant notaire très bien organisé et très officiel tout cela était parfaitement légalisé… le Béarn est un pays particulier mais très légaliste qui sans trop forcer fait entrer son droit original dans le droit républicain.

Monsieur PYC qui tout savez et semblez avoir une opinion sur tout je vais demander, de retour à Paris pour vous, une chaire au collège de France.

Mon cher Pierre je crois remarquer là comme un soupçon d’ironie.

Pour la chaire je suggère néanmoins l’inconscient du Béarn de Francis Jammes à Pierre Bourdieu.

Sauf Pierre-Yves que là tu touches une corde sensible. Si j’ai bien voulu te rencontrer c’est que j’avais lu le joli sujet de 1 924 d’un tien homonyme sur Francis Jammes  ou l’inconscient du Béarn (1) : A mon époque, dans les petites écoles comme au lycée, les poésies du poète orthézien étaient autant étudiées et apprises par cœur que celle de Jean de la Fontaine.

Et moi je reste très pénétré de ce lyrisme rural doux aux humbles et aux animaux. D’où affleure une très puissante sensualité qui beaucoup emporte.

Je ne vous voyais pas du tout ainsi .Il est vrai que vous êtes tout deux issus de la bourgeoisiale béarnaise et rurale. Pour être franc je pensais que Jammes pour toi avait quelque chose de ringard.

Et non pas du tout. Moi je suis un fils du peuple, mon père s’est élevé grâce à l’élitisme républicain. Jammes fait partie d’une tout autre tradition celle des Béarnais voyageurs frottés de mangues de littérature et de cannelle et qui ont fait fortune outre-mer.

Celle des Supervielle des Lautréamont ou de Saint-John-perse …

C’est tout à fait cela….

Est-ce à dire que vous pensez, au fonds, que le lyrisme et la poésie ne sont pas moins utiles à décrire un pays et les hommes qui l’habitent que les moyens de la sociologie et des sciences humaines ?

Si tu le dis…

 PYC, Oloron le 23/11/2014

Francis Jammes  ou l’inconscient du Béarn.

jAMMESFrancis Jammes  ou l’inconscient du Béarn (1) :

Francis Jammes n’est pas un habitant du Béarn mais un habitant des Basses-Pyrénées.

Un gascon (avec toute l’ambiguïté attachée à ce terme) sans doute, aussi, qui vécut  dans son adolescence à Bordeaux. Un habitant des Pyrénées occidentales, des pays de l’Adour dira-t-on plus tard puisqu’il est né à Tournay dans le département des hautes-Pyrénées, sans que sa composante proprement béarnaise ne soit, par lui, mise en avant. 

 Pour cela, monsieur PYC, n’écoutant que son courage et en violentant sa timidité se déplace depuis Oloron jusqu’à Orthez ; d’une sous-préfecture béarnaise à une autre. Ceci par le chemin de fer qui trace sa route au milieu des seringas  et des acacias qui blanchissent de leurs lourdes hampes florales  les talus  comme une seconde couche neigeuse.  Cette grosse machine fumante et salissante l’effraie quelque peu. En premiers jours du printemps béarnais de 1924 avec un carnet de notes spécialement préparé il s’en est allé voir le grand poète reconnu désormais dans la France entière et bien au delà. Un poète illustre  qui fréquente Claudel, Gide, Alexis Léger dit Saint-John-Perse, Jules Supervielle… entre autres. Comme un aimable oncle rustique et délicat, mais un peu gauche, retiré dans ses marches pyrénéennes.

PYC : Bonjour,  monsieur Jammes qui êtes-vous ?

FJ :  Feu monsieur mon père, mon si sérieux et cher papa, était conservateur des hypothèques dans ce joli département bordé de roses de montagnes et de rêves que je n’ai jamais quitté. Sauf, quelque temps, pour séjourner à Bordeaux où mon pauvre père, qui avait parfois la nuque un peu raide, avait été nommé  après une disponibilité un peu forcée.

PYC : Une nuque raidie  par ses attaches protestantes ?

FJ : On peut le penser…

Je suis né à Tournay dans les hautes-Pyrénées voisines d’où, enfant, je visitais ma  grand-mère  à PAU via les chemin de fer de la compagnie du midi depuis la ligne sublime qui court depuis Toulouse entre gaves sauvages et hautes montagnes si longtemps enneigées.

J’ai fréquenté les petites écoles et les pensions de village notamment à Saint-Palais. Je suis allé au prestigieux  lycée de Pau et à celui de Bordeaux où, piètre élève, sauf en littérature et en botanique j’ai beaucoup souffert de l’enfermement qui ne convenait pas à ma fantaisie naturelle.

Même le bachot n’a pas voulu de moi.

Encore que mon pauvre père m’aurait bien vu polytechnicien. A la rigueur sous-préfet ou apothicaire (dernière fonction qui ne m’aurait pas déplu).

PYC ; Jammes ? Un rat des villes un rat des champs ?

FJ : Fondamentalement je suis un garçon de la campagne principalement des eaux et des bois, un peu à  la mode de Jean de la Fontaine qui fut maître des eaux et forêts dans ce grand nord français qui commence une fois passée l’Adour. Ma sensibilité s’est forgée dans les petites cités et les villages alentours où mon père a été nommé et où réside ma famille.

PYC : Quelles villes, quels bourgs ?

FJ : Assat, Saint-Palais, Orthez et Hasparren.

PYC : Et vos autres occupations en dehors de la poésie ?

FJ : La chasse presque comme une obsession ; singulièrement celle, si subtile, de la bécasse.

La botanique aux travers des herbiers dans lesquels, depuis les collines de Magret et de Sainte-Suzanne, j’épaissis de lourds herbiers comme Jean-Jaques Rousseau en son temps. Par dessus tout les fleurs les plus humbles comme les véroniques (veronica  officialis), les iris des marais ou les papavéracées :  rouges dans la plaine jaunes dans nos Pyrénées si élevées.

Et, bien sûr, toujours les rosacées depuis l’aubépine jusqu’à celles cultivées dans les vastes propriétés tenues par les aristocrates irlandais ou  anglais qui hivernent sur les coteaux de Pau.

Par dessus tout, les pivoines tellement féminines et odorantes sublimes et douces comme  les gorges de nos jeunes filles  qui émergent obstinément  de mes souvenirs.

PYC : les jeunes filles ou les  pivoines ?

FJ : je vous laisse juge.

 PYC : Je choisirai en vous citant :

Tu me mèneras sur ce petit chemin.
Tu ne seras pas nue, mais, ô ma rose,
Ton col chaste fleurira dans ton corsage mauve.
Nous ne nous baiserons même pas au front.
Mais, la main dans la main, le long des fraîches ronces
Où la grise araignée file des arcs-en-ciel,
Nous ferons un silence aussi doux que du miel ;

FJ : Si vous voulez.

 PYC : A ce propos peut-on qualifier votre poésie de géorgique ou de dionysiaque comme on l’entend dans les cercles cultivés à Bordeaux et à Paris ?

 FJ : Pourquoi pas. Encore que la foi catholique, celle des femmes de ma famille,  illumine ma vie et mes écrits. Mais une religion que l’on pourrait qualifier de franciscaine : ouverte  aux pauvres et aux animaux comme ultimes valeurs. Aux chapelles des campagnes plus qu’aux immensités écrasantes des cathédrales.

PYC : Et la place des animaux dans votre sensibilité et dans votre poésie ?

FJ : Dans le prolongement de mon amour pour la botanique, un grand intérêt pour les insectes qui vivent en symbiose avec les plantes surtout les coléoptères bleus de feu ou couverts d’azur .

Tous les insectes pollinisateurs qui, pour moi sont l’image même de la création et des puissances divines : la semence des dieux, celle  des mythes chrétiens ou helléniques… franciscains et orphiques

Un grand intérêt pour la faune fourmillante des eaux comme les si aimables reinettes à la verdeur absolue et les anguilles que, enfant,  je pêchais à la nasse dans les eaux de Saint-Palais. Ces anguilles, revenues des Amériques, que cachoucha (caxuxa?) notre servante basquaise, qui ne parlait pas un mot de chrétien, cuisinait de piments d’Espelette. Voire de quelques piments rouges dont certains vous explosent les papilles et peuvent vous laisser  au bord de la pâmoison.

 PYC : Une attention particulière à nos animaux paysans comme les ânes et les abeilles ?

 J’aime l’âne si doux
Marchant le long des houx.
Il prend garde aux abeilles
Et bouge ses oreilles ;

FJ : Exactement monsieur PYC, je vois que vous avez révisé avant de me visiter. Ou que vous appartenez encore à cette génération en train de disparaître  à la mémoire  constellée de vers.

PYC : Si je comprends bien monsieur Jammes vous êtes un vrai Béarnais ?

PJ : Non, je suis un habitant de ce singulier département des Basses-Pyrénées aussi Basques que Béarnaises aussi parpaillotes que catholiques dont beaucoup de familles, dont la mienne, émargent aux deux ethnies, aux deux religions. Même si ma véritable patrie est celle des poètes et se glisse au fond des eaux et dans l’odeur, à jamais insurpassable, des foins coupés.

PYC : Un Pays, aussi, d’esprits forts, de bouffeurs de curés, et de francs-maçons

FJ : Oui  je dois en convenir ; d’ailleurs dans les milieux de l’administration où travaillait mon père on trouvait, beaucoup ce mouvement de pensée… Mais je dirais que la modération est la vraie substance de l’inconscient béarnais que pour ma part j’attribuerais au substrat protestant et à la douceur de vivre. Sauf peut-être dans les vallées sauvages au dessus de votre pays Oloronais. Orthez, à cet égard, est très représentatif de cet état de choses.

PYC : Vous êtes, monsieur Jammes,  au moins, un vrai Gascon ?

FJ : Sans doute mais une sorte de Gascon dionysiaque et parfois un peu  mélancolique, mais un Gascon plein de retenue infiniment éloigné des provençaux, voire même des Languedociens,  auxquels nous amalgament sottement  nos compatriotes venus du nord.

PYC : Comme beaucoup de Pyrénéens vous avez de très  fortes attaches ultramarines.

FJ : Tout à fait : je suis un Gascon de sang créole. Mon père venait des Antilles qui, comme les Amériques plus spécialement latines, font partie de l’horizon  de la population des Basses-Pyrénées.

PYC : Comme vos collègues poètes Jules Supervielle, le grand poète né à Montevideo, enterré à Oloron et monsieur Saint- John-Perse.

FJ : Vous voulez dire comme mes amis très proches qui me visitent souvent même si leur inspiration est plus voyageuse et plus éthérée, moins bucolique certainement.

PYC : A ce propos monsieur Jammes, je résiste difficilement à citer à nos lecteurs  ce texte datant de 1894 où transparaît cette sensualité ultramarine qui coule dans vos veines :

8 juillet 1894,

Dimanche, Sainte Virginie

LE CALENDRIER.
C’est aujourd’hui la fête de Virginie…
Tu étais nue sous ta robe de mousseline.
Tu mangeais de gros fruits au goût de Mozambique,
Et la mer salée couvrait les crabes creux et gris.
Ta chair était pareille à celle des cocos.
Les marchands te portaient des pagnes couleur d’air
Et des mouchoirs de tête à carreaux jaune-clair.
Labourdonnais signait des papiers d’amiraux.

FJ : Évidemment monsieur PYC vous qui me semblez avoir quelques lettres vous avez reconnu une allusion transparente  à Bernardin de Saint-Pierre.

Par ailleurs,  cher monsieur, qui avez travaillé à la commune d’Orthez dans les années 80 du dernier siècle et qui venez d’un autre Béarn que le mien celui du piémont et de la haute montagne ne pourriez-vous pas citer quelques vers de votre cru ? Je me suis laissé dire que vous taquinez non seulement le goujon mais aussi la muse..

PYC : Oui mais alors doucement…

 Alors passer le pont , passer les ponts , se noyer dans le gave….se gaver de noyades juste pour trouver des jupons auxquels se raccrocher .
Il doit rester des lavandières et des pêcheurs d’azur.

 FJ : Lautréamont, Supervielle ; Léon-Paul Fargues un autre style que le mien… Une veine pyrénéenne venue de Montevideo plus aqueuse et moins solaire… mais pas du tout exempte de sensualité…

 PYC : Si vous le dîtes !

 Propos recueillis en cette veille pascale le 19 avril 1924 à Orthez pour la Gazette Alternative des Basses Pyrénées.

 par Pierre-Yves Couderc

 (1) Une nouvelle enquête inédite  du  professeur PYC président à vie  de l’académie des belles lettres du Haut-Béarn et de la Soule méridionale.

Recensement – Pau, Lourdes, Tarbes plus en difficultés que les autres grandes villes du Bassin de l’Adour

nouveau_logo_insee_0Indiscutablement la côte semble avoir plus la « cote » que les Pyrénées. Entre les deux derniers recensements (2006 et 2011), les département des Landes a vu sa population augmenter de 7% pendant que les départements des Hautes-Pyrénées ne progresse que de 1% et les Pyrénées-Atlantiques de 3%.

Parmi les villes dont la population est supérieure à 10.000 habitants, au niveau des Landes : Mont-de-Marsan progresse de 5% et sa voisine St Pierre-du-Mont passe de 8171 à 9081 habitants soit plus 11,1%. Une forte croissance. Dax baisse un peu : – 2% mais voit son importante voisine, Saint-Paul-les-Dax grimper de 6%. Tarnos : +5%, Capbreton +7% (8087, contre 7565 en 2006) et Soorts-Hossegor + 5% (3758 contre 3586 en 2006) confirment la « bonne » tendance générale du département des Landes. (A noter qu’un tableau joint au bas du sujet reprend le détail de tous les chiffres)

Dans la Côte Basque, la surprise vient de la très côtière et frontalière Hendaye qui gagne 14% de population et près de 2.000 habitants en 5 ans. Probablement, l’implantation de nombreux Espagnols explique cette forte hausse. Un effet que ne retrouvent ni Anglet (plus 2%), Bayonne (population stable) et encore moins St Jean-de-Luz (-5%), ni Biarritz (-3%). Les villes les plus touristiques de la Côte Basque sont-elles devenues trop chères ?

Les villes béarnaises progressent modestement (environ 5% pour Lons, Orthez et Lescar) ou se maintiennent (Billère, Oloron). Seule Pau décroche avec une perte de plus de 4.000 habitant soit -5%. Plus forte baisse en volume dans le Bassin de l’Adour.

Pour autant, le décrochage en pourcentage est plus accentué encore à Tarbes – 6% et Lourdes -7% (-2545 et -983 habitants respectivement). Les villes bigourdanes sont à la peine. Ces deux communes subissent fortement la concurrence des périphéries puisque, malgré elles, le département lui-même progresse légèrement : plus 1%.

Dans le Gers qui progresse de 4%, la ville d’Auch, seule ville de plus de 10.000 habitants dans le département, voit sa population augmenter légèrement : + 2% à 21.871 habitants.

Au total, les 4 départements traversés par l’Adour voient leur population passer de 1.408.787 habitants à 1.462.658 habitants soit plus 3,8 % et 53.871 résidents de plus en 5 ans. A noter toutefois que le département des Landes croît plus vite en volume que celui des Pyrénées-Atlantiques sur la période : plus 25.102 habitants contre 19.759. Les Hautes-Pyrénées font moins bien que la tendance générale avec une faible augmentation de 2.092 habitants.

Pour finir, 53.871 résidents de plus en 5 ans, dans les 4 départements traversés par l’Adour, signifie combien de milliers de voitures en plus qui circulent sur les routes ? Combien de logements supplémentaires à construire ? Quel pourcentage de terre agricole amputé ?

L’augmentation de population d’un territoire est-elle une fin en soi ?

– par Bernard Boutin

PS : Il est dommage que l’INSEE de donne pas ses chiffres par bassins de vie pour une analyse plus fine.  Elle doit pouvoir être faite, si vous en avez le courage (je ne l’ai pas) et un bon tableau EXCEL : la source : http://www.insee.fr.

Tous les chiffres sont repris dans le tableau ci-dessous (cliquer dessus pour agrandir) :

Capture d’écran 2014-01-03 à 07.56.37

Une exposition à la maison de Francis Jammes

3_50bb443a69f81« Et le nid de Henri IV est une écaille de tortue dans un château qui communique avec le gave, à la mode du martin-pêcheur. » (1) Je tombe nez à nez avec cette belle phrase en feuilletant un ancien livre de Francis Jammes à la Maison Chrestia (2) à Orthez qu’il a habité durant 10 ans.

Une nouvelle fois, Christian me reçoit chaleureusement et me dit qu’il y a une exposition Francis Jammes et ses amis peintres. Bien sûr, je suis venu ici pour la voir et elle ne me déçoit pas. La pièce du bas est remplie de peintures, de dessins, de portraits et de petits textes. Une merveilleuse peinture de Charles Lacoste de facture classique représente Jammes dans les coteaux d’ici et une jolie gravure sur bois de Valentine Hugo, fille de Victor Hugo et peintre, se trouve là. Un autre fantastique tableau de Louis de Meuron représente Jammes au Paradis avec ses ânes et les anges d’après son célèbre poème déjà illustré par Jacqueline Duhême, l’illustratrice de Prévert, Eluard et Cendrars. Je crois rêver. Les petits livres Folio avec ses célèbres illustrations sont sur la table avec d’autres. Quelle merveilleuse exposition !

Dans la pièce principale à côté, une photo de la maison de Jammes prise en 1919 environ y trône toujours, on y voit sa mère, l’écrivain Charles de Bordeu, M. Lamieussus et Pierre Caillebar. Une autre représente deux patriarches, Jammes et Lacoste, émouvant… Jean Heïd, cousin de ce premier, se trouve aussi en photo sur les vieux murs blancs, c’était le fils d’Aménaïde Heïd habitant au 6 rue Marca au 14 Juillet. Partout dans la maison des livres de Jammes à consulter, à vendre, vraiment pas chers. Des livres anglais, tchèques, espagnols, allemands, coréens, japonais puisque Jammes a été traduit dans une vingtaine de langues. Ils attendent une édition chinoise. Les murs de la cage d’escalier recouverts de panneaux, de dates, d’extraits de poèmes mènent à son bureau où il écrivait et à la chambre de sa mère en haut, je viens ici en pèlerinage chaque fois. Ses sept enfants sont nés ici entre 1908 et 1918, Françoise, Bernadette, Marie, Paul,… et il y a été le plus heureux des hommes avec sa femme, Geneviève.

En ressortant de la maison, Maison des Illustres depuis l’an dernier, un ciel bleu strié de bandes de beaux nuages blancs m’attend. Le soleil cogne fort. Direction Per Noste, les éditions juste à côté, les Clarisses, monastère, puis la tour Moncade, vestige du château de Gaston Fébus dominant Orthez. Le paysage aujourd’hui offre une merveilleuse vue sur Orthez, ses toits d’ardoise, les Pyrénées bien dégagées et les collines de Sainte-Suzanne. Qu’il fait donc bon vivre dans ce pays de cocagne… Oui j’adore Francis Jammes et Orthez.

– par Jean-François Le Goff

(1) p° 241, L’ange gardien de Bernadette dans L’école buissonnière ou Cours libre de Proses choisies, éd. du Mercure de France, 1931)
(2) Facebook : maisonchrestia – site : www.francis-jammes.com
Maison Chrestia, 7 avenue Francis Jammes, 64300 Orthez (05.59.69.11.24.)
Heures d’ouverture : du lundi au vendredi 10 à 12 h et de 15 à 17 h.