Jeudi matin, le maire et éleveur de Sarrance, Jean-Pierre Chourrot, s’exclamait sur l’antenne de France Bleu Béarn, à propos des barrages filtrants, installés sur sa commune, pour s’opposer au lâcher d’ourses : « On est quand même chez nous ! ».
« On est quand même chez nous ! » : cette appropriation des Pyrénées plante bien le décors. Les Pyrénées appartiendraient aux seuls bergers… qui ne montent à la transhumance que fin juin/début juillet pour descendre fin septembre.
Deux à trois mois de présence sur les estives (elles ne représentent qu’une partie de l’espace pyrénéen) permettent-ils d’attribuer la propriété de toute la chaîne à ces seuls bergers et aux rares éleveurs qui habitent encore en moyenne montagne. Sur quel fondement de droit de la propriété peut-on affirmer cela ?
Quid de ces passionnés de nos montagnes qui y font vivre tout un tissus touristique ? Quid des employés des collectivités territoriales qui entretiennent routes et stations de sports d’hiver ? Quid des techniciens qui font tourner le réseau de centrales électriques de l’ancienne Compagnie du Midi ? La liste est longue des pyrénéens qui permettent aux Pyrénées d’être ce qu’elles sont. Il n’y a pas que des bergers dans la chaîne.
Le débat sur la propriété de la chaîne ne devrait-il pas aller plus loin alors même que l’homme a colonisé la grande majorité de la planète terre ?
Dans les plaines, tous les paysages ont été façonnés par lui et pour lui. On en sait le résultat : un appauvrissement remarquable de la bio-diversité. Un recul, toujours plus rapide, du vivant pour le seul bénéfice de son espèce.
Des « poumons verts », rares confettis à l’instar des Pyrénées, parsèment la planète. A qui appartiennent-ils ? Aux habitants locaux, à l’humanité ou à tous les êtres vivants quels qu’ils soient : plantigrades, prédateurs, ongulés, rapaces, batraciens, reptiles, ovins, bovins, hommes. Une autre mixité sociale.
– par Bernard Boutin