Pampelune, des fêtes sans toros ?

Comme chaque année les fêtes de Pampelune débuteront le 7 juillet : « siete de julio San Firmin ! ». La San Firmin c’est une institution et de très nombreux jeunes ou moins jeunes y sont allés une fois dans leur vie. Certains ont même couru l’encierro. Le souffle dans le dos de la course du toro leur aura laissé un souvenir inoubliable. Le voyage chez nos voisins navarrais a quelque chose d’initiatique. Les souvenirs pamplonnais se passent de générations en générations. Ils tournent autour du toro car à Pampelune le toro est maître. Mais voilà que les choses pourraient changer. Désormais le hashtagg « San Firmin sin cuernas », c’est-à-dire sans toros, envahit les réseaux sociaux… Une San Firmin sans son roi est-ce envisageable ?

UN MAIRE BILDU

Le maire EH Bildu, c’est-à-dire pro-indépendantiste, de Pampelune, Joseba Asirón, vient de déclarer à un hebdomadaire local, El Temps, à propos des San Firmin: « nous sommes en train de préparer la suppression des corridas dès 2019 et ce n’est pas une clause de style ». Evidemment les réseaux locaux se sont enflammés et comme chacun le sait ce sont les anti-taurins et les animalistes en général qui sont, sur ce terrain, les plus forts car ils sont soutenus financièrement et possèdent des moyens que les défenseurs de la tauromachie n’ont pas. Précisant sa pensée le maire qui se dit à titre personnels aficionado, ajoutait : « je ne vois pas les fêtes sans encierro mais sans les corridas ».

Ces déclarations étaient la conséquence, d’après le maire, du récent incendie des corrals du Gas où se trouvent les toros avant l’encierro du matin et la corrida du soir. Un acte terroriste en fait qui aurait pu avoir des conséquences humaines graves mais qui se trouve ainsi légitimé par le maire lui-même. Les ganaderos dans leur ensemble ont réagi dans un communiqué commun à leurs diverses associations – Criadores de Toros de Lidia, Asociación de Ganaderías de Lidia, Agrupación Española de Reses Bravas, Asociación de Ganaderos de Reses de Lidia y Ganaderos de Lidia Unidos) : « nous ne procèderons pas aux encierros si les corridas sont interdites ». L’encierro, course à travers les rues est un événement télévisé en direct dans le monde entier. C’est un spectacle planétaire…

L’ENCIERRO MENACE

Sans-doute, il y a une part de psychodrame dans cet emballement qui suit des déclarations provocatrices du maire pamplonais. Elles ne sont pas surprenantes de la part d’un individu qui n’en est pas à son coup d’essai et de son parti qui a longtemps prohibé les corridas à Saint-Sébastien. Bildu, extrême gauche nationaliste, fait partie de la coalition qui soutient le gouvernement de Pedro Sanchez. Depuis le maire a fait un pas de côté en évoquant le débat social et bien sûr la souffrance animale, priorité désormais de l’extrême gauche. Cette souffrance animale n’existerait donc pas pour les encierros qu’il prétend défendre ?

Que seraient les fêtes de Pampelune sans les cornes, « ni un piton » comme ils l’écrivent sur les réseaux sociaux ? Les fêtes de la bière en moins bien. Une beuverie immense sans raison, ni poésie particulière, et même sans motifs –celui de la tradition ne pouvant plus être évoqué. Plus de corridas cela voudrait dire plus d’encierros, plus d’encerillos, plus de visite du corrals du Gas, plus de sorteo public, plus de paseo jusqu’aux arènes, plus de « Pamplonesa », plus d’encierros TxiKi, plus de vaches dans les arènes, plus de corridas équestres, plus rien qui ne fasse le sel de ces fêtes tournées toutes entières autour du toro ; des fêtes qui ont fait la réputation mondiale d’une ville sans grand intérêt par ailleurs. Il y aurait sans doute un déficit d’images et un gros manque à gagner à transformer Pampelune en fêtes de la bière. Elles existent déjà à Munich…

Pierre Vidal

Escapade navarraise

DSCF1839Malgré les changements climatiques, cela reste toujours vrai : il suffit de « cruzar el Pirineo *» pour laisser la grisaille au nord et retrouver le soleil au sud. Direction les « Bardenas Reales », à 3 heures des Pays de l’Adour, dans le Sud-Est de la Navarre.

Comme chaque année, les champs, en Navarre comme dans l’Aragon voisin, se couvrent de blé et des millions de coquelicots ondulent au vent. Les villages, tous en pierre, burinés, se perchent sur des promontoires. Il s’agit de conserver la terre, « plane et utile », à l’agriculture et de vivre groupé en cas de danger. Au centre de la « población », invariablement une belle et imposante église de style roman et une « casa consistoriale** ». Pas d’agitation dans ces vieux villages dont une grande partie de la population a émigré, attirée par les mirages des grandes villes proches : Saragosse et Pampelune.

Retour sur histoire : La Navarre a 10.000 km2 et moins de 650.000 habitants dont 350.000 pour la seule agglomération de sa capitale, Pampelune. La « communauté forale » est régie par d’anciens droits hérités du Moyen Âge. Les langues Basque et Espagnole s’y côtoient. Le Basque n’est langue officielle qu’au nord et au nord-ouest d’une province qui n’a jamais souhaité rejoindre l’Euzkadi, le Pays Basque espagnol composé du Guipuzcoa, de la Biscaye et de l’Alava. La Navarre est fière de ses traditions, de ses « fors », de son royaume médiéval fondé par les Vascons en 824 qui restera indépendant jusqu’au XVIe siècle, de sa gastronomie, de ses vins.

Traverser la Navarre, c’est voir des paysages magnifiques et autant de villages, où l’on a envie de s’arrêter pour aller à la rencontre de ses vieilles pierres. Rien de bien moderne en Navarre, en dehors de Pampelune et… d’immenses champs d’éoliennes et de panneaux solaires. Des vues partout dégagées, de l’authenticité assurée et une surprise : la zone des « Bardenas Reales ». Citons Wikipedia : « Situé au sud-est de la Navarre, le désert des Bardenas Reales, vaste zone de 42.000 ha entre Tudela et Carcastillo, offre des paysages uniques en Europe, caractérisés par une végétation particulière ainsi que par des formations rocheuses impressionnantes dues à l’érosion, phénomène ici récurrent. Le « Castildetierra » en est la manifestation la plus emblématique. Sans oublier les massifs du Rallon et de la Pisquerra, qui donnent au randonneur qui les parcourt l’impression d’évoluer dans les paysages mythiques de l’Ouest américain comme Monument Valley. »

Les Bardenas se parcourent à pied, en vélo, en moto pour le plus grand bonheur des pratiquants, très souvent des français, qui viennent trouver là un dépaysement total avec leur vert pays. Pour y accéder, mieux vaut contacter le centre d’informations des visiteurs à quelques kilomètres d’Arguedas, à l’entrée des Bardenas. Voir : ICI. Pour mieux se faire une idée sur les lieux, internet regorge de photos. Plus sur AltPy : Voir ICI.

Un bémol, toutefois, le cœur même des Bardenas, est zone interdite, car occupé par les militaires espagnols qui en ont fait une zone de tir pour leur aviation. Il n’est pas rare de voir des F16 et vautours fauves se croiser dans le ciel ; vautours, qui ne semblent pas effrayés par le rugissement des réacteurs !!! L’aspect grandioses du site fait vite oublier cette modernité envahissante mais loin d’être permanente.

Pour ceux qui ne souhaitent pas randonner, on pourra toujours s’intéresser aux nombreuses « bodegas » à vins que l’on trouve un peu partout (Olite est une bonne étape), aux revendeurs de fromages de brebis et de chèvres, aux biscuiteries traditionnelles et à leurs « tortas », aux pressoirs d’huile d’olive ou aller déguster « una trucha a la Navarra » (truite panée et cuite dans une tranche de jambon).

Quelques haltes, d’une liste qui doit pouvoir être largement développée : Javier, lieu de baptême de St François Xavier, ami d’Ignace de Loyola, cofondateur de la Compagnie de Jésus, Sanguesa, Ujué, Sos del Rey Catolico (en Aragon mais à « frontière » avec la Navarre), pousser plus loin vers Uncastillo, les Mallos de Riglos aragonais etc. Plus sur AltPy : Voir ICI.

Dormir sur place

L’Hostal « Txapi Txuri » à l’entrée de Murillo del Fruto, en venant de Carcastillo, propose de très agréables chambres modernes et une table excellente. Le pari de Suzi, Kerman et Silvana : offrir le meilleur de la région. Des produits bio, locaux. Des produits frais et sains. L’huile d’olive que l’on y consomme est faite sur place. Accueil aimable et conseils pour tous. Une équipe qui a compris que pour bien marcher, un peu au milieu de nulle part, mieux vaut offrir de l’excellence. Référencé sur TripAdvisor, les commentaires donnent à 10 sur 10 à « Txapi Txuri ».

Le sud-est de la Navarre : une destination facile, un dépaysement total, pour oublier la grisaille du week-end prochain…

– par Bernard Boutin

* traduction : traverser les Pyrénées

** traduction : maison du peuple (ou Mairie)