Lac de Ratera de Colomers

La mule et l’intello* – Hors-piste aux Encantats : Que du bonheur !

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Lac Tòrt de Rius

Deux jours pour traverser les Encantats. Première étape : rejoindre le refuge « Ventosa i Calvell » en coupant au-travers du Parc National. Pas de sentier, ni de cairn ou de marque de peinture, pendant une grande partie de la journée. Des lacs partout, souvent encore gelés, beaucoup de rocher et de neige. Un décor très sauvage et bien peu champêtre.

Belle montée au Port de la Ratera, puis au rocailleux Tuc (pic) de la Ratera (2864m). Vue magnifique depuis ce bevèdère. Là, les choses se compliquent puisqu’il faut descendre, face à l’ouest, sur une pente raide où les cailloutis n’attendent qu’une chose : filer sous les pieds. Le beau temps rend la descente plus simple. Les bâtons aussi. La neige prend la suite des éboulis et finalement de lac de la Ratera de Colomèrs est atteint. Il est encore partiellement gelé. Des izards nous observent.

Passé le lac, un premier col est atteint. Il conduit au lac « Deth Port de Colomèrs ». Nous y rejoignons un groupe de randonneurs français. Seules personnes que nous croiseront de la journée. Il arrive du refuge de Colomèrs, situé au nord, et fait juste un aller et retour au lac. Dialogue à 2431 m d’altitude :
– « Nous allons au refuge Ventosa i Calvell  et pensons y être à 15h ».
– « Voilà qui est prétentieux ! » réplique du tac au tac une dame (âgée) du groupe.
Etre traité d’ambitieux, quel drôle de qualificatif en ces lieux !
– L’intello lâche alors : « Ambitieux, c’est possible. Mais certainement pas prétentieux ! »
Nous serons en fait au refuge à 16h. Elle savait de quoi elle parlait.

La montée vers le col de Colomèrs (2600m) est le prochain objectif. Le soleil est haut. Il fait très chaud. Les gourdes se vident à toute vitesse. Les deux litres chargés dans les sacs au départ ne suffisent pas. Nous remplissons les gourdes dans les gaves ou les résurgences. Il s’agit principalement d’eau de fonte des neiges. Elle est froide. Il n’y a pas grand risque quant à sa qualité d’autant plus qu’il n’y a ni vache, ni brebis dans les parages. Boire « à la source » deviendra une constante pour la mule comme pour son intello.

D’une façon plus générale, il y a très peu de troupeaux dans cette partie des Pyrénées. Le pastoralisme est bien plus vivant dans la partie française des Pyrénées. Conséquence : durant la traversée des Pyrénées centrales, pas un refuge espagnol ne nous proposera de « fromage du pays » alors que tous les refuges français le feront !

Passé le col de Colomèrs, la descente conduit aux lacs de Colieto et rejoint le circuit de « Carros de Foc » qui amène au Refuge Ventosa i Calvell (2220m). La mule est fatigué par le hors-piste d’une grand partie de la journée.

Du refuge, on retiendra qu’il est en excellent état. Il a été réaménagé récemment. Avec un unique lavabo pour environ 60 places, une douche froide et des WC à la turc, le service est minimum et il est clair que l’espace est réservé pour ce qui est payant : la salle à manger pour les repas et le dortoir pour les nuitées. Un refuge complet ce soir-là. Un autre effet de « Carros de Foc ».

L’étape suivante continue à traverser le « pays des 1000 lacs ». Rien que pour atteindre le corret d’Oelhacrestada (2521m), à un heure de marche du refuge, le sentier longe les lacs de Travessani, de Clot, des Mangades et des Monges. Longue descente ensuite vers le refuge de la Restanca (2015m), face à son lac -bien entendu- où un « coca » requinquera la mule. Un coca nécessaire car la journée est loin d’être terminée. Remontée ensuite à la Collada Lac del Mar (2497m) après avoir longé le lac du même nom. Aussi grand que la mer!

Un parcours de « montagnes russes » : Départ 2220m, montée à 2521m, descente à la cote 2015, remontée à 2497m pour entreprendre une descente jusqu’au refuge de Conangles : 1006m. Une descente de 1500m de dénivelé tout de même qui se cumule aux 506m entre Oelhacrestada et Restanca. Plein les « pattes » en fin de journée avec, en prime, 23,1 kms de parcourus.

A partir de la collada Lac del Mar, les lacs vont encore continuer à se succéder : Lac Tort de Rius et lac de Rius. A noter le casse tête des noms : les lacs s’appellent « estanh » en Catalogne. Comment s’appellent les étangs ? Quand aux cols, c’est encore moins clair : Collado, corret, port, colh…

Tous ces lacs, n’ont qu’une chose en commun : le nom de « estanh ». Pas un ne se ressemble par sa forme, la couleur de son eau, les reflets qu’on y voit, les paysages qui les entourent. Ce qui les rend unique, c’est leur origine glacière et leur altitude. La terre n’en a pas encore pris possession. La boue en tapisse rarement le fond. L’univers est de roche. Les cailloux, qui s’y reflètent, sont souvent multicolores. Chacun est tout simplement beau.

Passé le lac de Rius, la (très longue) descente vers le val d’Aran débute. Au bas, le tunnel de Vielha et le refuge de Conangles. L’ambiance est tout autre : forêt en haut, estive en bas. C’est la fin des « enchantés ». Une région où l’oeil vibre à chaque instant tant les paysages sont beaux, éclairants, enthousiasmants.

Les Encantats, ils faut (se) les chercher mais ils sont tellement uniques que l’on en oublie très vite l’effort nécessaire pour les découvrir. A faire et à refaire !

– par Bernard Boutin

Nota :
– Le verdict du GPS
J 24 Amitjès – Refugi Ventosa i Calvell : 2,6 k/h, 5h30 de marche, 9h05 de rando, 14,5 kms parcourus, 952m de dénivelé positif
J 25 Ventosa i Calvell – Refugi de Conangles : 3 k/h, 7h40 de marche, 11h10 de rando, 23,1 kms parcourus, 1006m de dénivelé positif
– * J 24 et 25 de la traversée des Pyrénées d’est en ouest de la « mule et l’intello ». Les précédentes étapes, c’est ICI
– Crédit photo : Bernard Boutin

 

La mule et l’intello* – Marketing aux Encantats !

Le lac d'Amitjès
Le lac d’Amitjès

Les Encantats, comme son nom catalan l’indique, sont tout simplement « les Enchantés ». Situés au sud-est du Val d’Aran, intégrés dans le « Parc National d’Aigües-Tortes et du lac de Saint Maurice »,  ils proposent 200 lacs aux formes et couleurs variés, une végétation riche où les pins à crochets dominent et des sommets qui rappelent les Dolomites. L’eau y est omniprésente. La neige et la glace aussi, quand la mule et son intello y parviendront. Revers de la médaille, l’endroit est très touristique, sauf pour ceux qui pratiquent le « hors-piste ». Comme toujours !
Pour y pénétrer, par l’est, les visiteurs vont jusqu’à Espot qui « grouille » de monde. Là, les « taxis d’Espot », de gros 4*4, vont les conduire dans le Parc. Non pas à la périphérie mais bien dans le Parc. Odeur de gazole assurée le long de la route qui, heureusement, s’arrête dès le refuge d’Amitjes.

On sait bien l’intello un peu « ours ». L’idée de côtoyer les foules le conduit à décider de pénétrer dans le Parc, non pas par le fond de vallée, Espot et ses taxis, mais par les crêtes. L’équipage monte donc depuis la Guingueta d’Anèu (920m) jusqu’au « refuge du Pla de la Font » (2002m), puis le lendemain file sur le refuge d’Amitjès. Deux étapes de transition plutôt « cool » avant d’entreprendre une traversée des Encantats « hors-piste ».

De la montée au refuge du Pla de la Font, il y a peu à dire. Elle se passe en forêt, des feuillus d’abord, des résineux ensuite, avec toujours la même conséquence : vue bouchée. Seul au départ, le passage dans le village restauré de Jou fait sortir, de son étui, l’appareil photo pour immortaliser de belles vieilles demeures. Pas âme qui vive durant toute la montée sauf… un vététiste aussi surpris que nous de croiser, un randonneur sur le chemin.

L’arrivée au refuge fera vite oublier une montée monotone. Situé au-dessus de la forêt, orienté nord, il permet une vue à 180° magnifique dans un cadre de verdure et de tranquillité rare. Champêtre à souhait. L’herbe épaisse flotte au vent. Magie des ondulations. Au-dessus, au sud, vers la crête qui domine Espot, de magnifiques pins à crochets se découpent dans le ciel. La mule trouve des cousins au milieu d’un troupeau de chevaux de trait qui broute tranquillement. Un nuage épais s’élève au-dessus des pins. L’intello signale de suite un début d’incendie à Tom, gardien du refuge depuis 15 ans. Eclat de rire : « c’est du pollen ! ». Le Paradis est-il ici ?

Tom est aussi guide. Il ne conseille pas vraiment de poursuivre seul sur la ligne de crête afin de descendre directement sur le refuge d’Amitjès, étape suivante de la « mule et son intello ». Peu ou pas de monde sur un tracé… peu tracé. A deux, pas de problème ! Mais, l’intello est seul (avec sa mule). Il y a 4 à 5 heures de marche entre 2600 et 2900m. Compliqué. Décision est prise donc de descendre le lendemain directement vers le lac de Saint Maurice et l’entrée classique aux Encantats.

Tom et l’intello sont seuls sur place. La saison n’a pas vraiment démarré. Ils dinent ensemble. Une bouteille de vin délie les langues. Pour Tom, comme pour tant et tant de personnes qui vivent « de et dans » la montagne : « la planète ne peut plus accepter notre niveau de consommation ». Elle est pourtant si éloignée de ces lieux préservés ! Ceux qui vivent hors des villes sont-ils plus conscients des dégâts qu’impose l’activité humaine à notre planète ?

Douche chaude gratuite et à volonté sur place ! La nuit est bonne. Réveil à 6h. Comme d’hab.

Du refuge à la crête, pour ensuite redescendre vers le lac de Saint Maurice, il ne faut pas plus de 10 minutes. Commence alors une descente franche où les bâtons sont particulièrement utiles. Quarante cinq minutes plus tard, l’entrée du Parc National est atteinte et son flot de visiteurs bien présent. Les taxis aussi ! Reste 600 à 700m de dénivelé grimpant à parcourir pour d’abord arriver au lac de Saint Maurice puis celui de la Ratera, suivi d’une belle cascade et enfin le refuge d’Amitjès (2366m) situé à côté… de deux nouveaux lacs : celui d’Amitjès et celui des Barbs. De l’eau, encore de l’eau, toujours de l’eau. C’est cela les Encantats. Depuis le refuge, la vue est tout simplement magnifique. On se croirait face aux Dolomites.

Sur place, il y a presque foule. Cela change du Pla de la Font ! Un sigle sur le bâtiment explique en partie cette affluence. Ici, c’est une étape des « Caros de Foc »  (les « Chars de feu »). A l’image du refuge de Certascan qui est intégré dans les circuits de « la Porta del Cel » et des « Muntanyes de Llibertat », Amitjès fait partie d’un ensemble de 9 refuges qui proposent de réaliser un tour circulaire des Encantats. A la clef : 55 kms pour 9200m de dénivelé cumulé.

Guides, topos randos, tee-shirts sont disponibles. Comme pour les pèlerins de Saint Jacques de Compostelle qui font tamponner leur « credencial », les randonneurs, trekkers ou autre « trailers », selon la vitesse à laquelle ils vont, font viser par les refuges leur passage. On est là en plein marketing et cela marche. Amitjès, ce soir-là, affiche complet. Des randonneurs dorment à même le sol.

Complet aussi le refuge « Ventosa et Calvell », étape du jour suivant. Lui aussi se trouve sur la route des « Caros del Foc ». Les Catalans : des as du marketing pyrénéen !

La nuit sera longue. Toutes sortes de bruits « bercent » le dortoir. La porte palière grince à chaque passage. Les ronflements des uns, les rêves à voix hautes, les cauchemars, les sorties « techniques » aux toilettes. Tout se lie pour rendre la nuit peu ordinaire…

Les plus malins des randonneurs savent bien comment éviter cela. Ils installent leur tente à deux pas des refuges et ainsi peuvent bénéficier du dîner, du petit déjeuner, du « picnic », voire des douches. Ensuite, ils dorment au calme sous la tente. Seules contraintes : porter une tente et un duvet. Pour l’intello qui lutte contre le poids pour préserver sa mule, ce surpoids est en trop. Qui veut voyager loin, ménage sa monture ! Un choix de légèreté qui se paye en nuits blanches.

Réveil 6h et départ en compagnie de Jérome, avec qui l’intello avait fait 4 étapes l’année précédente, et Connie, son épouse. Les deux ariégeois viennent rejoindre « la mule et son intello » pour, ensemble, cheminer, par la HRP, jusqu’au cirque de Gavarnie.

– par Bernard Boutin

Nota :
– Le verdict du GPS
Pensión Cases – Refugi Pla de la Font     : 3,2 k/h, 2h19 de marche, 3h35 de rando, 7,54 kms parcourus, 966m de dénivelé positif
Refugi Pla de la Font – Refugi de Amitjès : 3,4 k/h, 3h50 de marche, 5h30 de rando, 13,1 kms parcourus, 736m de dénivelé positif
– * J 22 et 23 de la traversée des Pyrénées d’est en ouest de la « mule et l’intello ». Les précédentes étapes, c’est ICI
– Crédit photo : Bernard Boutin et crédit plan : http://senderismo.gronze.com