Utopie à Billère ?

UTOPIA borderouge    Cela fait huit ans que Jean-Yves Lalanne pense à un cinéma Art et Essais à Billère. Son projet s’inscrit dans le cadre de la revitalisation du centre ville et ne manque pas d’arguments favorables.

Déjà en 2010 Le Maire de Billère avait écrit à Martine Lignières Cassou pour lui faire part de son intention de créer un cinéma Art et Essais à Billère. A nouveau en 2014 il écrivait à François Bayrou pour lui demander de prendre en compte son souhait dans le cadre d’une collaboration avec Le Méliès, alors qu’il envisageait le projet du Foirail. Il avait aussi demandé au Vice-Président en charge de la Culture, de présenter un schéma culturel cohérent au niveau de l’agglomération, tenant compte de son souhait, car la compétence cinéma Art et Essais dépend de l’Intercommunalité. Aucune suite ne fut donné à ses divers courriers. Pourtant, en 2011, la CDAPP avait demandé à Hexacom une étude sur le marché Art et Essais au niveau de l’agglomération qui concluait à un potentiel de 38 à 62 000 entrées supplémentaires.

http://www.larepubliquedespyrenees.fr/2012/01/30/deux-cinemas-de-plus-preconises,225001.php

Il est pourtant bien logique que les Maires des différentes localités veuillent revitaliser leur commune. J’ai eu l’occasion de montrer il y a déjà longtemps, combien les investissements faits par l’agglomération étaient anormalement concentrés sur le centre de Pau ( « Pour une agglomération multipolaire équitable » AP du 12/1/2010″ ). Médiathèque interrégionale, « Fée Bus », Stades, Foire Exposition, …etc. J’écrivais : « La conséquence en est que les anciens centres des villes composant l’agglomération périclitent ou n’existent plus. Lescar, Lons, Billère, Bizanos n’ont plus de centre attractif. »

Et au delà, on peut s’interroger sur cet « égoïsme » palois qui ne va pas dans le sens de l’équité et ne peut que donner une image négative de l’indispensable mise en commun des moyens au sein de l’intercommunalité, indispensable pour réaliser des économies d’échelle (L’expérience montre, hélas, qu’il n’en est rien comme le répète régulièrement la Cour des Comptes et comme le montre, par exemple, l’inflation incroyable de salles de spectacle sur l’agglomération).

Dans cette affaire certains pourraient être étonnés du peu de concertation qui règne entre les Maires de l’Agglomération, mais ceux qui approchent Bayrou savent qu’il écoute peu et connaissent son penchant autocratique.

Depuis le début de sa réflexion, le Maire de Billère avait entretenu des contacts positifs avec Utopia, bien connu des cinéphiles. Ce réseau de cinéma Art et Essais a développé ses salles à Avignon, Toulouse, Bordeaux, en région parisienne et a une caractéristique (entre autres) : son fonctionnement sans subvention locale ou très peu. On pourra y revenir en détail, mais pour être bref disons que sa programmation est au moins aussi performante que celle du Méliès (Art et Essais, Jeunesse, Recherche) avec des invités pour les débats et une gazette largement diffusée. Ses tarifs sont identiques à ceux du Méliès, cotisation à l’Association Ciné Ma Passion en moins (clic sur : Utopia Bordeaux ).

Il est aussi connu pour son penchant à gauche voire plus si on en croit Alain Juppé : « un centre d’animation gauchiste extrêmement actif, […] qui entretient un foyer d’animation trotskiste, anarchiste permanent ». Comme on le verra plus loin l’avis du Maire de Toulouse est plus mesuré…

Un cinéma Art et Essais peut être à gauche dans sa programmation mais rigoureux pour sa gestion, cela semble être le cas d’Utopia, subvention nulle oblige, et le cinéphile contribuable ne s’en plaindra pas…

Le projet de Billère s’inscrit dans un ensemble plus large avec une modernisation de la salle Lacaze actuelle de 168 places (à capacité inchangée) destinée aux divers spectacles souvent gratuits de la ville, et l’implantation d’une petite galerie commerciale. Le cinéma comprendra trois salles (120, 80 et 60 places environ ) pour une capacité totale de 300 places maximum. Elles seront construites adossées à la salle actuelle, à la place de l’ancienne bibliothèque municipale. Utopia proposera également un espace restauration. Chaque cinéma fonctionne généralement sous forme d’une société indépendante, elle fera son affaire de la construction et de la gestion du cinéma sans aucune subvention de la ville ni de l’Agglomération, ni pour l’investissement, ni pour le fonctionnement (coût estimé de l’investissement : 2,4 millions €). Le dernier Conseil Municipal a validé la signature d’un bail pour l’utilisation du terrain.

Le projet est quasi analogue à celui de Borderouge à Toulouse, le dernier né du réseau Utopia (voir vue d’architecte en médaillon) dont les travaux ont commencé en mars dernier :

« Le cinéma, situé place de la Maourine, sera constitué de trois salles, avec un total de 300 sièges, plus une salle de réunions et un espace bistrot-restaurant avec terrasse. L’investissement de ce cinéma de quartier (qui devrait séduire plus large) : trois millions d’euros, pour une superficie de 1182 m2. »

« En échange d’une redevance annuelle de 4.700 euros, le terrain métropolitain est mis à la disposition de la société pour une durée de 65 ans. « Cela apporte une réponse culturelle pour le quartier de Borderouge », se félicite le maire de Toulouse, Jean-Luc Moudenc. »(20 mn)

Il faut reconnaître que pour le contribuable cette solution est bien plus intéressante que le projet palois du Foirail qui implique un investissement très important (7,2 millions € annoncés mais sans doute plus proche de 10 millions € ) et des subventions de fonctionnement très élevées ( « Ce cher Méliès » AP du 1/7/2018), tous les risques en plus étant pris par le contribuable…

Il faut rajouter que la salle de spectacle (750 ou 500 Places ?) supplémentaire prévue dans le projet du foirail est en plus totalement inutile dans une agglomération trop largement pourvue ( « Pau, la gabegie en spectacle : folie au foirail » AP du 15/2/2016). Un rafraîchissement du foirail pour les brocanteurs serait la solution suffisante la plus logique et la plus économique.

Si Bayrou persistait dans son projet, il faudra bien qu’il justifie pourquoi il laisserait les équipes du Méliès opérer ce cinéma compte tenu de leur incapacité à proposer une gestion efficiente : un appel d’offre s’imposerait. Il faudra aussi justifier pourquoi la possibilité d’un cinéma Art et Essais au Saint Louis, géré par CGR n’est pas envisagée.

On le voit, le projet de Billère n’est pas une utopie, mieux, il remporte tous les critères (qualité, économie) pour un cinéma art et essais, tout en étant d’un apport majeur pour l’équilibre et l’équité dans l’agglomération.

Daniel Sango

Photo : Projet Utopia Toulouse Borderouge

Ce cher Méliès

   Le cinéma Art et essais de la rue Bargoin a souvent fait parler de lui au delà de sa programmation. Le projet de nouvelles salles au Foirail et la dernière Assemblée Générale de Ciné Ma Passion l’association qui gère le cinéma sont l’occasion de se poser des questions sur ses performances et son futur.

Tout d’abord il faut commencer par un compliment sur la qualité et la précision des documents fournis pour cette AG en particulier le rapport moral. Ceci dit, il est important de répondre à plusieurs questions comme :

Le fonctionnement de ce cinéma est il performant ?

L’investissement envisagé par la ville de Pau au foirail est il pertinent ?

Une fréquentation en baisse

La fréquentation 2017 a été de 112 451 entrées (dont 25 020 entrées jeune public, collèges, scolaires) en forte baisse (121 180 en 2016 dont 25196 jeune public). L’association considère que sa moyenne normale se situe à 115 000 entrées. Ceci est pourtant contredit par les chiffres sur le long terme : 127 028 entrées en 2005 ou 128 365 entrées en 2006. En remontant plus loin on trouverait des fréquentations encore plus élevées (140 000 entrées) avec l’équipe des fondateurs de l’Association Ciné Ma Passion.

Il faut donc se rendre à l’évidence, les performances sont médiocres et la tendance ne montre aucune évolution à la hausse qui justifierait des investissements pour une augmentation de capacité. Les inconditionnels diront que l’augmentation du nombre de salle serait justement un atout. Certes, à condition que la tendance soit à la hausse et que la gestion soit positive ce qui est très loin d’être le cas.

Pourtant, la programmation Art et Essais permet la projection d’un très large éventail de films (car le critère « Art et Essais » est largement attribué, 50% des films français sortis en 2016 ont ce label) avec de nombreux films plus commerciaux français ou étrangers diffusés en VO. D’ailleurs c’est symptomatique, le film qui a fait les meilleures entrées est « La La Land » avec 4 000 entrées …

Un équilibre financier calamiteux

Les chiffres des résultats 2017, comme ceux du passé montrent un manque de rigueur dans la gestion de ce cinéma, subventionné par l’agglomération qui a la compétence « cinéma Art et Essais » ainsi que par la ville de Pau qui met aussi à disposition les locaux gratuitement.

L’équilibre financier n’est obtenu que grâce à des subventions de 250 000 à 300 000 € pour des ventes de 600 à 650 000 €.

Dans ces subventions, on trouve par exemple pour 2018 : l’Agglomération pour 146 000 €, la Ville de Pau pour 75 000 € (et la fourniture gratuite des locaux), le Conseil Départemental et la Région pour 26 000 €, …etc

Une masse salariale beaucoup trop élevée

La cause principale du déséquilibre financier vient de la masse salariale. 8,5 équivalent temps plein pour une masse salariale de 360 000 euros (salaires 271 517 hors charges sociales) Ce qui donne un salaire moyen de 2660 euros mensuel, très élevé pour des qualifications plutôt modérées (caissier, projectionniste,…) Il faut rajouter la masse salariale complémentaire (nettoyage, comptabilité, ) pour 46 000 € (2018).

Une comparaison avec le fonctionnement des autres cinémas montrerait des besoins en personnel plus faibles avec une plus grande polyvalence, et des salaires plus réalistes.

Fréquentation en baisse, gestion peu performante, il faut s’interroger sur le futur du cinéma Le Méliès au niveau de l’Agglomération.

L’association Ciné Ma Passion est-elle la mieux à même pour gérer les futures installations du projet du Foirail ? On peut en douter quand on voit ces performances. D’ailleurs ne faudrait-il pas au minimum un Appel d’Offres pour choisir un prestataire plus performant ? Sans doute.

Concernant le projet du Foirail avec une énième salle de spectacle inutile, j’ai déjà montré que la ville, trop endettée, pouvait se passer de cet équipement, une solution pour un cinéma Art et Essais pouvant être offerte par le Saint Louis. ( « Pau, la gabegie en spectacle : folie au foirail » AP du 15/2/2016). André Bayrou continue le maquillage de la ville, qui l’arrêtera ?

Du nouveau du côté de Billère

Depuis des années, la ville de Billère a le projet de revitaliser le centre de la ville et d’y ouvrir un cinéma Art et Essais, ce qui a été acté lors du Conseil Municipal du 19 juin dernier.

Nous verrons donc dans le prochain article où en est ce projet qui peut rebattre les cartes sur l’Agglomération en étant bien plus performant. Les cinéphiles ne s’en plaindront pas, on espère qu’il en sera de même pour les contribuables…

Daniel Sango