Dans la presse de ce jour, existe une véritable accumulation de faits de pédophilie. On nous parle de prêtres à Lyon, à Bayonne et plus récemment à Toulouse. Puis on nous parle de l’ex-maire de Baliros et enfin de l’ancien concierge du collège de Laruns. Devant cet étalage beaucoup de questions non pas pour juger les auteurs présumés, ni d’ailleurs pour se positionner sur les faiblesses supposées d’une institution religieuse ou de l’éducation nationale, mais plus généralement pour savoir comment chacun de nous est susceptible d’être concerné.
Dans la majorité des cas on constate qu’il s’est écoulé beaucoup de temps entre la commission des faits et la saisine de la justice. Et c’est là, à mon sens, que se trouve le dysfonctionnement le plus significatif de notre organisation sociale. Le silence observé devant de tels agissements par ceux qui savent est un silence coupable. Pourtant certains considèrent qu’informer la justice n’apporte rien et ne fait qu’aggraver une situation et compliquer les choses. Curieuse conviction qui ne tient pas compte de l’intérêt général.
Pourtant l’article 434-3 du Code pénal stipule : « Le fait, pour quiconque ayant eu connaissance de privations, de mauvais traitements ou d’atteintes sexuelles infligés à un mineur de quinze ans ou à une personne qui n’est pas en mesure de se protéger en raison de son âge, d’une maladie, d’une infirmité, d’une déficience physique ou psychique ou d’un état de grossesse, de ne pas en informer les autorités judiciaires ou administratives est puni de trois ans d’emprisonnement et de 45000 euros d’amende.
Sauf lorsque a loi en dispose autrement, sont exceptées des dispositions qui précèdent les personnes astreintes au secret dans les conditions prévues par l’article 226-13 du code pénal. »
En votant cette loi, le législateur a voulu que, dans un temps très court après la commission des faits, la personne mise en cause puisse être écartée des potentielles victimes des faits décrits. Il s’agit d’une mesure de signalement ou de dénonciation qui ne vise qu’à servir l’intérêt général en prévenant une possible réitération. L’autorité judiciaire investie d’un pouvoir coercitif disposera des moyens non seulement pour engager des poursuites mais surtout, ce qui est plus important au regard de l’intérêt général, pour contraindre à un suivi médical. Il ne peut être écarté en effet que le mis en cause puisse souffrir d’une pathologie.
Deux observations à partir de ce texte. En droit pénal la responsabilité incombe à la personne physique. Ce n’est que dans de rares exceptions que la personne morale (l’institution) peut faire l’objet de poursuites. Ensuite la notion du secret est bien moins étendue que ce que l’on considère généralement. Dans ce domaine même le secret médical connaît de grandes limites. Il ne parle même pas d’autres secrets comme celui de la confession qui, semble-t-il, n’est pas opposable.
La presse nous dit qu’un évêque est visé par une enquête pour non dénonciation de certains faits. Sous cette formule qui se veut prudente subsistent de nombreuses questions. Dans l’état actuel de l’enquête personne ne peut affirmer que ce prélat ait été le premier informé des faits, de même que personne ne peut prétendre que son silence avait pour objet de protéger un auteur présumé. D’ailleurs questionné sur ce point le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Bayonne a répondu qu’il ne savait pas si des poursuites pour non dénonciation allaient être engagées contre l’évêque. Réponse d’un professionnel.
Alors la prudence s’impose parce que la presse en mettant avec insistance sur le devant de la scène des comportements répréhensibles prend le risque que l’opinion publique fasse des amalgames et juge une institution plutôt qu’un de ses membres. Il ne s’agit pas de contester la mission d’information qui lui est reconnue, mais elle doit respecter ici, plus encore que dans d’autres domaines, une rigoureuse neutralité. Les préjugés qui pourraient en découler auraient pour conséquence de faire endosser à des innocents d’une institution ou d’une administration, la même responsabilité que celle qui pèse sur les auteurs présumés.
Elle est comme ça l’opinion publique, influençable, malléable et versatile. Laissons faire la justice, c’est à elle qu’il appartient de dire le droit et à nul autre.
Pau, le 4 mai 2016
par Joël Braud