Finances publiques : nos impôts locaux doivent-ils financer (indirectement) les « Ventas » de La RHUNE ?

La Rhune vue depuis le col de Lizuniaga

Terminant une traversée des Pyrénées, l’ultime étape passe par La Rhune, dernier sommet à franchir avant l’arrivée à Hendaye. La Rhune : un sommet aux vues magnifiques à 360°, traversé en son milieu par une invisible frontière franco-espagnole. Au nord de cette frontière, la gare du célèbre train à crémaillère, installé en 1924, et les installations de Télédiffusion de France. Au sud, un bel alignement de « ventas » espagnoles, haut-lieux de vente d’embutidos (charcuterie), vins, spiritueux et autre spécialités ibériques.

En 2016, le célèbre train à crémaillère a enregistré un record de fréquentation : 364.029 passagers sont arrivés au sommet. Après avoir apprécié la vue, ils se sont précipités dans les « Ventas » à la recherche de bonnes affaires ou tout simplement pour trouver de l’eau ou des toilettes.
Il faut savoir qu’au sommet de la Rhune, il n’y a pas d’eau naturellement. Coté espagnol, elle est pompée depuis le bas. Côté français, la gare d’arrivée n’offre ni eau, ni toilettes. Les passagers du train ont donc comme seule solution de se précipiter dans les accueillantes « Ventas » basques espagnoles qui n’attendent que cela.

Le train, mis en place en 1924 par une filiale des Chemins de fer du Midi, est actuellement entre les mains du département des Pyrénées Atlantiques. Par délégation, l’EPSA (établissement public des établissements d’altitude) en est le gestionnaire. Devant l’âge vénérable du « vieux tortillard » à crémaillère, devant son succès, l’EPSA a décidé d’investir dans de nouveaux parkings, rails et trains (selon le dossier de presse : « Les 4 trains existants (1 train = 1 locomotive + 2 wagons) vont être complétés par 2 trains neufs ». Une nouvelle accessibilité au sommet devrait compléter l’opération. Au total, ce sont 35,9 millions d’euros publics* qui devraient être investis pour acheminer toujours plus de touristes… vers des commerces espagnols !

Les ventas au sommet de La Rhune

Que le Conseil Départemental soutienne l’emploi dans les vallées pyrénéennes en gérant les stations de ski de Gourette et la Pierre-St. Martin, on peut le comprendre puisque ce sont des commerçants locaux français qui en bénéficient mais par contre, investir 35,9 millions d’euros – de nos impôts – dont on est certain que les premiers à en bénéficier seront les propriétaires espagnols des Ventas de La Rhune, voilà qui interpelle.

Mais peut-être le Conseil Départemental a des arguments à faire valoir qui nous sont inconnus ! Il serait bien qu’il éclaire le public sur cette situation pour le moins surprenante pour les contribuables basques et béarnais des Pyrénées-Atlantiques.

Cette approche du projet sous l’angle fiscal, ne doit pas en faire oublier une autre, au moins aussi importante, sur lequel un ensemble d’associations du Pays Basque s’investit : la protection d’un site classé « Natura 2000 » qui est déjà sous forte pression avec l’augmentation constante des touristes et autres randonneurs qui grimpent à La Rhune. Pour découvrir le sujet, un lien vers France Bleu vous en dira plus : c’est ICI.

Le train à crémallière

Une approche patrimoniale se pose aussi : vu le caractère « authentique » des trains habillés de bois, fabriqués chez Soulé à Bagnères-de-Bigorre, ne faut-il pas prévoir de les classer à l’inventaire des monuments historiques lors de son centenaire en 2024 ? et surtout ne pas y toucher.

Indiscutablement, il y a beaucoup de raisons* pour questionner ce projet** et pas seulement des motifs de finances publiques.

– par Bernard BOUTIN

* pour le détail de l’investissement projeté, se reporter à l’article de Sud-Ouest du 7 juin 2017 : C’est LÁ 
** un projet qui n’est pas sans rappeler celui de M. Rousset en vallée d’Aspe pour la réouverture du « Canfranc » : Quid du « débat-public » ?

PS : Je dois de suite apporter des précisions suite à des informations trouvée sur le blog de l’ASSOCIATION ACTION CITOYENNE ENVIRONNEMENTALE (ACE) HENDAYE. Des toilettes seraient incluses dans le projet pour le sommet, de même un restaurant ou un bar au col de St Ignace. Ce bémol apporté, il n’en reste pas moins vrai que les premiers bénéficiaires seraient les Ventas. Connaissaient-vous des commerces français qui fonctionnent devant la frontière à Ibardin, au Somport ou au Pourtalet ? L’attrait de l’étranger… et les petits prix sont au sud de la frontière !

Une pétition a été mise en ligne par le collectif opposé au projet sur « change.org ». Plus de 4000 soutiens l’ont déjà signé. Si vous souhaitez y participer : c’est ICI

Depuis les pentes de La Rhune, la vue sur St Jean-de-Luz