Le rapport d’évaluation des compétences [Programme for International Student Assessment] des élèves âgés de quinze ans produit par l’OCDE montre des résultats très décevants pour la France. Son rang parmi 65 nations a reculé de la 23ème place à la 25ème place en trois ans.
Contrairement au classement de Shanghai, la méthodologie utilisée pour ce classement ne fait pas l’objet de critiques sévères. Certains observateurs font remarquer que les questionnaires à réponses multiples sont moins pratiqués en France qu’ailleurs. Mais cela ne peut invalider les conclusions que l’on peut tirer de cette évaluation. En particulier qu’un écart de plus en plus important se creuse entre la France qui réussit et la France qui perd. Il y a urgence à se saisir du problème, car la compétitivité d’un pays est directement liée au niveau de compétence de ses habitants et à leur faculté d’initiative. Ce sont d’ailleurs les pays asiatiques qui sont en tête du classement. Mais les efforts de redressement ne peuvent être immédiats. Et il importe de faire un bon diagnostic.
Qu’un effet de lassitude, voire de découragement, existe au sein du corps enseignant n’est pas douteux. La situation matérielle et morale des enseignants s’est dégradée au cours de ces dernières années. Le quasi abandon de la formation des maîtres au cours du quinquennat précédent a constitué une erreur stratégique.
La cause principale des disparités est cependant à rechercher en priorité dans les situations sociales et les motivations familiales. Le travail scolaire ne peut s’épanouir dans un milieu où le chômage sévit et où les conditions de logement sont difficiles et précaires. Pire, les exemples de jeunes incultes mais roulant les mécaniques grâce à l’argent de la drogue ne peuvent être que dissuasifs pour les écoliers et collégiens.
Le rôle de la discipline dans l’apprentissage n’est pas négligeable. Je ne demande pas qu’on en vienne aux châtiments corporels. Mais que l’on assure le respect de l’institution scolaire et de la liberté des autres. Comment espérer qu’un jeune qui est soumis au racket ou au harcèlement ait la sérénité pour bien étudier ? Comment ne pas voir que lorsque l’administration hésite à punir un élève qui a menacé son professeur de «revenir pisser dans sa classe» pour exprimer son mécontentement on fait presque de lui un héros. Comment ne pas souhaiter qu’un(e) principal(e) de collège qui a levé une punition collective au profit d’un seul élève parce que ses parents sont influents soit mis(e) à pied ? Au passage il faut noter la sottise de ces parents qui ne réalisent pas que leur intervention déplacée à toutes les chances de faire de leur enfant la bête noire de ses camarades ? Ces faits ne viennent pas de zones d’éducation prioritaire dans une banlieue défavorisée, mais d’un des collèges les plus renommés de la région. Ils peuvent d’ailleurs conduire à penser que la dilution de cas sociaux n’est pas une panacée, mais qu’au contraire, ce peut être un moyen de gangrener toute une population.
Cependant, si le milieu familial accorde de l’importance à l’éducation et à l’intégration dans la société, la partie n’est pas perdue. Encore faut-il pour cela que le nombre d’enfants ne soit pas trop élevé. Il n’est évidemment pas question d’adopter en France des mesures de limitation des naissances comme en Chine. Mais il n’est peut-être pas sain d’inciter les familles à dépendre d’allocations qui vont en croissant avec le nombre d’enfants et qui par ailleurs contribuent à fragiliser les entreprises françaises. Des économistes ont calculé que la part des cotisations sociales se monte à 23% de la richesse nationale alors que les impôts sur le revenu et sur le capital n’en représentent respectivement que 9% et 4%. Mais c’est là un autre débat.
L’angoisse peut être aussi un facteur de blocage. Il faut rappeler que les apprentissages se font au mieux si le plaisir et le jeu sont au rendez-vous. Inciter à la coopération plutôt qu’à la compétition manque aussi dans les pratiques scolaires françaises, et cela retentit sur l’activité professionnelle plus tard. Tout pousse à l’individualisme, même les jeux télévisés. Et que dire du charabia que l’on entend dans les médias ! Le français n’est pas une langue facile. Raison de plus pour ne pas l’estropier, la caviarder d’expressions argotiques ou étrangères dans les médias parce que cela fait «mode».
Je m’abstiendrai de préconiser une simplification de l’écriture de la langue car je considère que ce n’est pas le moment d’introduire une nouvelle division dans le pays pour un sujet qui n’est pas crucial. Mais force est de reconnaître que notre usage des accents n’est pas à l’heure du numérique (une touche de notre clavier est mobilisée par une lettre accentuée qui doit n’intervenir que dans un seul mot, par exemple, et nos courriels sont pollués par des incompatibilités). Reconnaissons au passage qu’exiger une frappe double pour le point sur le clavier traditionnel français n’est pas la marque d’un esprit pratique. Or les questions posées (voir un échantillon sur le second lien ci-dessous) étaient fortement teintées d’esprit pratique et supposaient une bonne compréhension. Si nous voulons que notre industrie soit appréciée, et que le chômage baisse, il faut que notre production soit marquée par la qualité, c’est à dire la fiabilité et la commodité. Cela doit s’apprendre tôt. Délaissons le clinquant, le sensationnel et travaillons sur le fond.
– par Paul Itologue
http://www.oecd.org/pisa/keyfindings/PISA-2012-results-france.pdf