On apprenait il y a quelques jours le dépôt de bilan du cirque Pinder. C’est une institution des arts du cirque qui disparaissait entraînant dans sa chute de nombreux « petits cirques » -c’est ainsi qu’ils se nomment eux-mêmes- victimes de l’intolérance et du sectarisme. En effet, ce n’est pas de l’absence de public dont les cirques sont victimes, il serait même à la hausse si quelques individus ne mettaient pas tant de bâtons dans les roues à leur activité, les poursuivant d’une vindicte typique d’une époque où l’on préfère interdire plutôt que convaincre et où les minorités sont impitoyablement pourchassées à partir du moment où elles ne se coulent pas dans le moule du « politiquement correct ».
Le prétexte pour entraver l’activité des cirques, ce qui les coulera bientôt définitivement, c’est le traitement des animaux. Ceux qui manifestent à l’entrée des chapiteaux peu nombreux mais suffisamment menaçant pour effrayer les familles qui veulent s’y rendre, ne connaissent rien à ce qu’est réellement le traitement de ces animaux puisque, justement, ils ne vont pas aux cirques. On leur fera remarquer que les tigres, les lions, les éléphants sont mieux là que pourchassés impitoyablement par les braconniers qui menacent leur existence même en tant qu’espèces. Il en est de même pour les chameaux ou dromadaires qui évitent ainsi de tracter les lourdes charges qu’on leur impose. Pour ce qui est des chevaux est-il plus scandaleux qu’ils dansent sur une piste plutôt que de tourner dans un manège ?
Non tout cela n’est pas sérieux et cache des sentiments moins généreux qu’ils n’en n’ont l’air. Ainsi, les circassiens n’ont jamais eu bonne presse -cela fait aussi leur charme. On n’aime pas ce peuple nomade aux noms qui ne fleurent pas le Français de monsieur Dupont. On leur reproche d’appartenir aux peuples gitans voir juifs comme toutes les grandes familles du cirque et dans une société où la xénophobie est toujours prête à effleurer c’est un délit de suspicion. Ensuite le rapport des urbains avec les animaux se limite aux chiens aux chats et à ceux que l’on montre à la télévision souvent par l’intermédiaire de Disney. Nous sommes dans l’anthropomorphisme le plus pur : les canards parlent, les souris rigolent, les coyotes pleurent et rigolent d’eux les autruches. C’est donc cela les animaux ? La réalité ? La vie ?
Toujours à la traîne de la Vox Populi et n’ayant bien sûr pas d’autres priorités à régler de nombreuses municipalités pondent des arrêtés souvent contestés par les tribunaux pour bannir les cirques des territoires municipaux. Ainsi les cirques ne peuvent plus se produire. Disons-le ici : nous regrettons le temps où le cirque avait pignon sur rue au centre de Pau, place de Verdun. C’était une volonté d’André Labarrère qui avait reçu la médaille du cirque remerciant les personnalités qui se « mouillaient » pour défendre cette tradition merveilleuse. Était-ce plus gênant les chapiteaux sur Verdun que le bruyant et polluant circuit automobile que l’on impose aux Palois ?
Ainsi nous quitte la magie des chapiteaux qui a fait rêver notre enfance. Celle qui a inspiré Toulouse-Lautrec, Cocteau ou Fellini. Les voix gouailleuses de Jean Richard et de Roger Lanzac tombent dans l’oubli, nous ne nous écroulerons plus de rire aux pitreries des clowns, les trapézistes ne nous feront plus trembler et les dresseurs ne mettront plus leurs têtes dans la gueule des lions. Les grands-pères et les grand-mères n’auront plus le bonheur de conduire leurs petits-enfants sous les immenses tentes, tenant leurs petites mains palpitantes, calmant leur enthousiasme et rassurant leurs frayeurs. Bonheurs simples et populaires qui nous sont désormais interdits…
Comme dit la chanson : « du passé faisons table rase ! ». On a vu ce que cela a donné…
Pierre Vidal