A tous les enfants de par le monde

La poésie n’entraîne pas dans son sillage la tristesse, elle décrit la vie, appauvrie ou enrichie des promesses acquises dès notre naissance tandis que nous livrons notre innocence à l’inconnu ! Que d’émotions soulevées par ces morts brutales d’enfants et qui ont inspirées chez moi ce texte que je soumets à vos émois.

Dans le regard des enfants, des diamants, le soleil levant, les perles d’Orient, des sourires conquérants, des trésors étincelants, des rêves luminescents ou enflammés dans le désert de nos pensées, des sourires diaprés de tous les pays confrontés à l’absolue beauté de ces jeunes prunelles ouvertes sur un monde séduisant tant qu’ils l’auraient juré. Dans le regard des enfants des couleurs chatoyantes qui vont de l’aurore boréale verte et bleue à celles des nuits sombres d’abysses profondes irisées d’où jaillissent sapiences et beautés … des regards écorce de marronnier, tournés vers le passé, brouillés des larmes vagabondes ou bien désenchantées … des regards voilés de tristesse où se nichent délicates les rondes des petites mains serrées, fragiles destinées qu’une mer de flammes entraîne au loin vers de mourantes épopées. Dans le regard des enfants, des reflets émouvants livrés à l’inconnu, des étoiles naissantes à celles des rues où ils s’endorment pour y mourir méconnus….

Dans le regard des enfants un monde de silence et un monde de cris, un monde de violence, si grand et si petit sur des terres visitées lorsque leur ciel est gris tandis qu’ils retrouvent la nuit sous des paupières appesanties où ils se réfugient.

Dans le regard des enfants, d’intarissables sources où s’émeuvent les volcans, où s’approvisionnent les étangs, les rivières et les océans … dans leurs regards, l’éternelle ressource de généreux sentiments puisés parfois au cœur de nos regards qui sont restés ceux d’un enfant.

Bien à vous.

Samie Louve.

Les mots toujours.

motsDu plus loin que je me souvienne, sur mon âme devenue sereine … ils furent présents à chaque instants et de tout temps … précieux, vigoureux, amoureux … pugnaces et si vivaces … languissants ou chaleureux … harmonieux, parfois blessants hélas … compagnons de tous les instants… de mes tout premiers balbutiements à ceux que j’exprimais hardiment à ceux hurlés, ceux-là que j’étouffais dans un soupir … ils ne m’ont jamais quittée … ces mots qui m’habitent ou ceux qui abritent mes sentiments … des plus fous aux plus offrants d’entre eux paradant de toiles en voiles ballotés par le vent, sur le sable, aussitôt balayés par l’océan ou sur des murs, des feuillets battant la mesure sous des doigts agiles et guillerets, les mots se sont fait pressants à mes côtés tandis que je les choyais … aussi, comment ne pas leur dédicacer ce petit texte .. histoire de les remercier …
Les mots toujours …
J’utilise avec pudeur mais aussi une belle ardeur les mots qui viennent à mon esprit, auprès d’eux je me sens jolie … après les avoir pensés, pansés parfois puis maquillés souvent de l’imparfait au plus que parfait, les avoir écrits au présent, qualifiés sous tous les temps, sensibilisés à l’infini, noués entre eux à jamais et portés au plus haut afin de les partager … peints jusqu’aux nues où je dois bien l’avouer je me retrouve nue face à eux, dépeints comme beaucoup. Ces mots que je mystifie tandis qu’ils me content une belle histoire… eux que je parodie parfois ou rend dérisoires tant la hargne me gagne … ces mots que je goûte avant même de faire une bouchée de leur fraîcheur, saveur hâlée ou venue d’ailleurs, si épicée, si riche de pensées peu importe le pays où ils m’entraînent … Les mots et leurs existences qui font pencher la balance tant de fois, les mots contenus, ceux perclus de douleurs, des pleurs des voix du monde, les mots et leurs extravagances, les mots passionnés, délurés, les mots de l’enfance pressés de grandis, les mots et la musique qu’ils transportent avec eux, fragile exil, larmes sur un cil, sourire facile, les mots cruels ou ceux qui se font la belle n’ayant plus rien à cacher de leurs analogies… les mots sensuels, ceux qui ont façonné ma vie … méli-mélo de mots, permettez-moi de vous aimer !

Bien à vous.
Samie Louve.

ACOMPTE D’AUTEURS

images

L’heure opératoire
Va se faire un grec capable
Bien meilleur que le kebab (* ANKARA OK)
Et pour boire quelques déboires
L’heure opérationnelle
Aux pâtisseries les financiers
Le menu plaisir donne la nausée
Lèse-Majesté amasse à l’appel
Le roturier niait ne pas en être
Au fond le cancre en forme olympique
Etre ou ne paraître qu’un loustic
Avoir et savoir deux mots deux quêtes
L’Europe artère fémorale
D’un corps déshumanisé
Dont les flux monétisés
Automatisés ne lui font pas de mal
L’heure opératoire
Va se faire sans un sou
V’là qui sonne dessous
Trop tard si tu veux voir
Et de voir des acteurs sans droit d’auteur
Aux devoirs citoyens sans avoir de moyens
Car là brunit le soleil sur ta peau
La forme du mélanome ne change pas le fond
Pas de trace de Samothrace aux fins fonds
Santorin, Mykonos gardiens du drapeau
Dans le fond l’intérêt revient aux mêmes
L’heure aux paisibles boursicotiers
Que formes et forme accaparaient
Il paraît que paraître égale je m’aime
Et quoi si on mate automatiquement
Machinalement mécaniquement
Un pion dans l’échiquier du fou du Roi
D’un système renonçant aux antiques lois
L’heure aux piteuses sentences
L’heure aux pitoyables compenses
L’heure aux péripatétitiennes
L’heure aux politiciens
L’heure hostile au fond du débat public
L’heure au style des convoyeurs de fric
Au fond qu’on voyait du fric
Ou pas malheur aux polis tics
L’heure aux parleurs
L’heure aux pitances
L’heure aux prix denses
L’heure aux pires heures
D’un empire qui va du Pirée
Par un cirque électrique des Pyrénées
Ils butinent piquent niquent
De mer en océan d’Afrique à l’Arctique
L’heure aux poubelles
L’heure au pain sans elle
L’heure au pétrin
L’heure au purin
L’heure opératoire
L’heure au paiement
L’heure au parlement
L’Europe paupérisée
L’heure au papa rasé
L’heure au pays endetté
L’heure au pays sans paysan
L’heure hop d’un point
L’Europe point enfin!

*EN-TETE DE TURC EN LETTRES CAPITALES

ANKARA OK mais Istanbul
Byzance Constantinople
Mots mélodieux et nobles
Ottomans tapis qui s’déroulent
Brisé comme un avion
Sans un bout d’elle
Débris des compositions
De composite de voyelles
Qu’on sonne qu’on sème
Consommé velouté de crème
Qu’on aime économe sans sel
ANKARA OK bises en ce bas monde
Constante et noble Istanbul
Moderne capitale tu t’défoules
En cyclope édition limitée en ondes
ANKARA OK je répète ANKARA OK
Capitales tes lettres donnent le hoquet.

 

Par Christian Bello

L’hiver aux Canaries a un goût d’été à Cabourg.

poésie 3À Santa Cruz de Tenerife, les alizés agitent le ciel et la ville se brise sous le poids de gros nuages argentés porteurs de pluies intermittentes. Santa Cruz fut sans doute – jusque dans les années 50 – une ville somptueuse, véritable capitale des conquistadors. Aujourd’hui, hélas, elle est devenue un guet-apens pour touristes et succombe sous le flot ininterrompu des engins à moteur. Le port est laid et les quelques hautaines ramblas sont dénaturées par de nombreux magasins – fashion and vintage – qui dégorgent leurs milliers d’articles inutiles et brillants made in china. Santa Cruz a vendu son âme à l’apparence : sa fortune passée est la façade de sa vacuité présente.

Il faut prendre le tramway qui gravit la colline pour atteindre un sanctuaire magnifique. La Laguna sommeille sous le regard paisible des dieux. Ses vieilles bâtisses coloniales nous invitent à un retour inédit au siècle d’or. Ses ruelles multicolores serpentent étroitement entre de hauts murs hostiles qui protègent des secrets lumineux et obscurs. Nous sommes dans un tableau du Greco ou du Caravage, là où les bougres autrefois égorgeaient les saintes avec la bénédiction papale.

Las Palmas de Gran Canaria est le refuge des idoles déchues. Sur la Playa de las Cantéras, comme sur une étale de poissonnier à ciel ouvert, des corps gras et cuivrés s’offrent à la morsure du soleil. Sous les palmiers indolents, des pigeons taquinent les touristes en leur mendiant quelques miettes de leur copieux casse-croûte. Une odeur âcre de bougainvillées mélangée de cuisine asiatique, sinon inqualifiable, vous irrite les narines.

La mer – toujours recommencée – semble sortie d’une chanson de Brassens. Le doux ronflement des vagues vous berce de ses mélodies qui, semblant répétitives, annexent l’éternité. Au loin, des volcans endormis vous observent avec dédain. C’est la ville des dieux qui y sommeillent paisiblement, digérant leur immortalité, et le bruit de la mer accompagne leur respiration.

Dans le barrio Vegueta, là où la cathédrale contemple l’agitation humaine avec une sérénité passive du haut de sa majesté séculaire, de grandes bâtisses à la silhouette rugueuse et massive (que Mireille appelle forteresses) défient le temps qui n’existe pas. Des loggias rutilantes semblent sur le point de s’écrouler ; des gargouilles menaçantes dégorgent sur les pavés leurs quelques gouttes de pluie disputées pendant la nuit.

Ici, les couleurs sont des princesses alanguies : ocre jaune, terre de sienne, bleu turquoise, rouge cramoisi, vert émeraude ou prairie, jaune canari… Une vraie symphonie pour l’œil !

Des portes inquiétantes des églises (vous en trouverez une à chaque coin de rue), sourdent des musiques baroques, théorbes, harpes celtiques, violes de gambe : c’est le requiem pour une infante perdue qui se lamente et s’alanguit.

Après la messe, une armada de bigotes, toutes vêtues de noir (elles portent le deuil de leur nostalgie) fuient comme des anguilles blessées vers l’obscurité des ruelles endormies. C’est l’heure du déjeuner et les odeurs de persillade se mêlent avec celles des égouts. Aigreurs garanties !

La chair rocailleuse des édifices historiques – on dit ici casa emblamatica (car il faudra toujours se rattacher à des emblèmes fantomatiques) – interroge le passé telle une veuve ses souvenirs d’amour perdu. La page est tournée. Le passé magnifique succombe sous le joug brutal de l’économie de marché. Le dollar gouverne le monde et les dieux sont retournés dans leurs paisibles mausolées volcaniques afin que cuver leurs orgies en attendant la civilisation nouvelle où le rêve et l’ivresse seront de nouveau permis.

Près des hibiscus flamboyants, le béton a immolé la pierre de taille, les raves partys ont assassiné les bacchanales d’antan, les kebabs et les sushis ont détrôné les paellas succulentes d’autrefois, l’odeur violente du gasoil a destitué les parfums d’Arabie… Le vin qui jaillit de nos fontaines malades a le goût amer de l’abandon.

Heureusement, il nous reste quelques fragments de la folie improbable d’un capitaine audacieux qui, dans le berceau doré de ses rêves insulaires, faisant escale ici avec ses trois caravelles vers un monde nouveau dont il ignorait que cinq siècles plus tard il allait engloutir toutes nos espérances, défiait Dieu, les hommes et les éléments sous le regard indomptable d’Isabelle la catholique, reine castillane et ténébreuse.

A suivre…

– par Christian Lemarcis

 

Des ombres passent…

3410-crepuscule-WallFizzAutant passent les palombes que les ombres de nos défunts à Toussaint.

Quand les ombres du soir s’allongent
Pour nourrir les fantômes des défunts amis hâbleurs,
L’âge est au bout d’une longe,
Nous guidant vers un long hiver sans chaleur.

Ainsi au crépuscule d’une vie solaire,
Nous guettons les derniers rayons irisant les bas nuages,
Pour fondre les demi- teintes, du défilé de tant de visage,
Nous laissant l’amour pourpre de l’éphémère.

Alors claironnent les cris de la Nature,
Nous avertissant du grand passage,
De la vie à qui nous rendons hommage,
Pour la prier, debout, d’une autre future.

Philippe Guilhemsans

La rentrée…

plume-de-cygneAlignée sur les pages où s’étirent les âges, étreinte par eux, l’encre noire ou bleue se pose sur les mémoires dans un langage noueux.

Déclinée sur la pierre où les signes résonnent à l’oreille de nos pairs à l’aube de nos ères, les sons doucement prospèrent, du sceau de l’artiste et par-delà son caractère, il décrit peu à peu l’histoire de ses congénères. S’exprimant sous la forme de symboles dont les tablettes de nos jours sont l’auréole, il va de nos origines graver puis dessiner pour les communiquer chaque étape de nos destinées. Des graphies précieusement déposées de l’encre de chine où les agrégats se profilent formant nos racines, au papyrus où s’épand l’écriture d’antan, chaque alphabet contient une mémoire, il nous raconte une histoire … sur ces chapelets d’écritures où s’égrènent les souvenirs scellant entre les peuples la connaissance et leurs respectables existences, des êtres humains.

L’encre de la vie est là pour nous rappeler combien est inestimable l’écriture, d’hier à aujourd’hui sous les mains de ces divins scribes.

– par Samie Louve

Elégie pour un massacre

????????????????????????Gaza – Lundi  4 août 2014
«  Une trêve humanitaire de 7 heures a été décrétée unilatéralement  par l’État d’Israël »
Communiqué de l’AFP

Elégie pour un massacre

Je pense à toi, Schindler, juste du chœur des justes.
L’agonie se propage où claironne le cor.
Qu’ont-ils fait ces enfants dont les parents sont morts
Dans ces camps où la haine a mutilé leurs corps ?
Je pense à toi, Schindler, juste du chœur des justes.

L’agonie se propage où claironne le cor.
Ceux qu’hier tu sauvas des mains de Barbarie
Contemplent-ils en paix ces charniers que charrient
Leurs fils, gorgés de sang, au cœur de Béthanie ?
L’agonie se propage où claironne le cor.

Ceux qu’hier tu sauvas des mains de Barbarie
Reposent-ils heureux dans les limbes du feu,
Voyant le feu qu’anime au plus clair de leurs yeux,
La rage de détruire un peuple miséreux ?
Ceux qu’hier tu sauvas des mains de Barbarie

Reposent-ils heureux dans les limbes du feu,
Ou, vaincus par la peur, renoncent-ils à l’aube,
Ceux qui virent la Nuit les vêtir de sa robe,
Nus, fiers et grelottants, tel un manteau d’opprobre ?
Reposent-ils heureux dans les limbes du feu,

Ou, vaincus par la peur, renoncent-ils à l’aube,
Acceptant l’effroyable en guise de clarté,
Dressant leur main débile avec sérénité
Vers ce dieu effronté crachant l’humanité ?
Ou, vaincus par la peur, renoncent-ils à l’aube…

Christian Lemarcis
Pau, Chapelle de la Persévérance,
lundi 4 août 2014

– par Christian Lemarcis

 

 

 

Francis Jammes  ou l’inconscient du Béarn.

jAMMESFrancis Jammes  ou l’inconscient du Béarn (1) :

Francis Jammes n’est pas un habitant du Béarn mais un habitant des Basses-Pyrénées.

Un gascon (avec toute l’ambiguïté attachée à ce terme) sans doute, aussi, qui vécut  dans son adolescence à Bordeaux. Un habitant des Pyrénées occidentales, des pays de l’Adour dira-t-on plus tard puisqu’il est né à Tournay dans le département des hautes-Pyrénées, sans que sa composante proprement béarnaise ne soit, par lui, mise en avant. 

 Pour cela, monsieur PYC, n’écoutant que son courage et en violentant sa timidité se déplace depuis Oloron jusqu’à Orthez ; d’une sous-préfecture béarnaise à une autre. Ceci par le chemin de fer qui trace sa route au milieu des seringas  et des acacias qui blanchissent de leurs lourdes hampes florales  les talus  comme une seconde couche neigeuse.  Cette grosse machine fumante et salissante l’effraie quelque peu. En premiers jours du printemps béarnais de 1924 avec un carnet de notes spécialement préparé il s’en est allé voir le grand poète reconnu désormais dans la France entière et bien au delà. Un poète illustre  qui fréquente Claudel, Gide, Alexis Léger dit Saint-John-Perse, Jules Supervielle… entre autres. Comme un aimable oncle rustique et délicat, mais un peu gauche, retiré dans ses marches pyrénéennes.

PYC : Bonjour,  monsieur Jammes qui êtes-vous ?

FJ :  Feu monsieur mon père, mon si sérieux et cher papa, était conservateur des hypothèques dans ce joli département bordé de roses de montagnes et de rêves que je n’ai jamais quitté. Sauf, quelque temps, pour séjourner à Bordeaux où mon pauvre père, qui avait parfois la nuque un peu raide, avait été nommé  après une disponibilité un peu forcée.

PYC : Une nuque raidie  par ses attaches protestantes ?

FJ : On peut le penser…

Je suis né à Tournay dans les hautes-Pyrénées voisines d’où, enfant, je visitais ma  grand-mère  à PAU via les chemin de fer de la compagnie du midi depuis la ligne sublime qui court depuis Toulouse entre gaves sauvages et hautes montagnes si longtemps enneigées.

J’ai fréquenté les petites écoles et les pensions de village notamment à Saint-Palais. Je suis allé au prestigieux  lycée de Pau et à celui de Bordeaux où, piètre élève, sauf en littérature et en botanique j’ai beaucoup souffert de l’enfermement qui ne convenait pas à ma fantaisie naturelle.

Même le bachot n’a pas voulu de moi.

Encore que mon pauvre père m’aurait bien vu polytechnicien. A la rigueur sous-préfet ou apothicaire (dernière fonction qui ne m’aurait pas déplu).

PYC ; Jammes ? Un rat des villes un rat des champs ?

FJ : Fondamentalement je suis un garçon de la campagne principalement des eaux et des bois, un peu à  la mode de Jean de la Fontaine qui fut maître des eaux et forêts dans ce grand nord français qui commence une fois passée l’Adour. Ma sensibilité s’est forgée dans les petites cités et les villages alentours où mon père a été nommé et où réside ma famille.

PYC : Quelles villes, quels bourgs ?

FJ : Assat, Saint-Palais, Orthez et Hasparren.

PYC : Et vos autres occupations en dehors de la poésie ?

FJ : La chasse presque comme une obsession ; singulièrement celle, si subtile, de la bécasse.

La botanique aux travers des herbiers dans lesquels, depuis les collines de Magret et de Sainte-Suzanne, j’épaissis de lourds herbiers comme Jean-Jaques Rousseau en son temps. Par dessus tout les fleurs les plus humbles comme les véroniques (veronica  officialis), les iris des marais ou les papavéracées :  rouges dans la plaine jaunes dans nos Pyrénées si élevées.

Et, bien sûr, toujours les rosacées depuis l’aubépine jusqu’à celles cultivées dans les vastes propriétés tenues par les aristocrates irlandais ou  anglais qui hivernent sur les coteaux de Pau.

Par dessus tout, les pivoines tellement féminines et odorantes sublimes et douces comme  les gorges de nos jeunes filles  qui émergent obstinément  de mes souvenirs.

PYC : les jeunes filles ou les  pivoines ?

FJ : je vous laisse juge.

 PYC : Je choisirai en vous citant :

Tu me mèneras sur ce petit chemin.
Tu ne seras pas nue, mais, ô ma rose,
Ton col chaste fleurira dans ton corsage mauve.
Nous ne nous baiserons même pas au front.
Mais, la main dans la main, le long des fraîches ronces
Où la grise araignée file des arcs-en-ciel,
Nous ferons un silence aussi doux que du miel ;

FJ : Si vous voulez.

 PYC : A ce propos peut-on qualifier votre poésie de géorgique ou de dionysiaque comme on l’entend dans les cercles cultivés à Bordeaux et à Paris ?

 FJ : Pourquoi pas. Encore que la foi catholique, celle des femmes de ma famille,  illumine ma vie et mes écrits. Mais une religion que l’on pourrait qualifier de franciscaine : ouverte  aux pauvres et aux animaux comme ultimes valeurs. Aux chapelles des campagnes plus qu’aux immensités écrasantes des cathédrales.

PYC : Et la place des animaux dans votre sensibilité et dans votre poésie ?

FJ : Dans le prolongement de mon amour pour la botanique, un grand intérêt pour les insectes qui vivent en symbiose avec les plantes surtout les coléoptères bleus de feu ou couverts d’azur .

Tous les insectes pollinisateurs qui, pour moi sont l’image même de la création et des puissances divines : la semence des dieux, celle  des mythes chrétiens ou helléniques… franciscains et orphiques

Un grand intérêt pour la faune fourmillante des eaux comme les si aimables reinettes à la verdeur absolue et les anguilles que, enfant,  je pêchais à la nasse dans les eaux de Saint-Palais. Ces anguilles, revenues des Amériques, que cachoucha (caxuxa?) notre servante basquaise, qui ne parlait pas un mot de chrétien, cuisinait de piments d’Espelette. Voire de quelques piments rouges dont certains vous explosent les papilles et peuvent vous laisser  au bord de la pâmoison.

 PYC : Une attention particulière à nos animaux paysans comme les ânes et les abeilles ?

 J’aime l’âne si doux
Marchant le long des houx.
Il prend garde aux abeilles
Et bouge ses oreilles ;

FJ : Exactement monsieur PYC, je vois que vous avez révisé avant de me visiter. Ou que vous appartenez encore à cette génération en train de disparaître  à la mémoire  constellée de vers.

PYC : Si je comprends bien monsieur Jammes vous êtes un vrai Béarnais ?

PJ : Non, je suis un habitant de ce singulier département des Basses-Pyrénées aussi Basques que Béarnaises aussi parpaillotes que catholiques dont beaucoup de familles, dont la mienne, émargent aux deux ethnies, aux deux religions. Même si ma véritable patrie est celle des poètes et se glisse au fond des eaux et dans l’odeur, à jamais insurpassable, des foins coupés.

PYC : Un Pays, aussi, d’esprits forts, de bouffeurs de curés, et de francs-maçons

FJ : Oui  je dois en convenir ; d’ailleurs dans les milieux de l’administration où travaillait mon père on trouvait, beaucoup ce mouvement de pensée… Mais je dirais que la modération est la vraie substance de l’inconscient béarnais que pour ma part j’attribuerais au substrat protestant et à la douceur de vivre. Sauf peut-être dans les vallées sauvages au dessus de votre pays Oloronais. Orthez, à cet égard, est très représentatif de cet état de choses.

PYC : Vous êtes, monsieur Jammes,  au moins, un vrai Gascon ?

FJ : Sans doute mais une sorte de Gascon dionysiaque et parfois un peu  mélancolique, mais un Gascon plein de retenue infiniment éloigné des provençaux, voire même des Languedociens,  auxquels nous amalgament sottement  nos compatriotes venus du nord.

PYC : Comme beaucoup de Pyrénéens vous avez de très  fortes attaches ultramarines.

FJ : Tout à fait : je suis un Gascon de sang créole. Mon père venait des Antilles qui, comme les Amériques plus spécialement latines, font partie de l’horizon  de la population des Basses-Pyrénées.

PYC : Comme vos collègues poètes Jules Supervielle, le grand poète né à Montevideo, enterré à Oloron et monsieur Saint- John-Perse.

FJ : Vous voulez dire comme mes amis très proches qui me visitent souvent même si leur inspiration est plus voyageuse et plus éthérée, moins bucolique certainement.

PYC : A ce propos monsieur Jammes, je résiste difficilement à citer à nos lecteurs  ce texte datant de 1894 où transparaît cette sensualité ultramarine qui coule dans vos veines :

8 juillet 1894,

Dimanche, Sainte Virginie

LE CALENDRIER.
C’est aujourd’hui la fête de Virginie…
Tu étais nue sous ta robe de mousseline.
Tu mangeais de gros fruits au goût de Mozambique,
Et la mer salée couvrait les crabes creux et gris.
Ta chair était pareille à celle des cocos.
Les marchands te portaient des pagnes couleur d’air
Et des mouchoirs de tête à carreaux jaune-clair.
Labourdonnais signait des papiers d’amiraux.

FJ : Évidemment monsieur PYC vous qui me semblez avoir quelques lettres vous avez reconnu une allusion transparente  à Bernardin de Saint-Pierre.

Par ailleurs,  cher monsieur, qui avez travaillé à la commune d’Orthez dans les années 80 du dernier siècle et qui venez d’un autre Béarn que le mien celui du piémont et de la haute montagne ne pourriez-vous pas citer quelques vers de votre cru ? Je me suis laissé dire que vous taquinez non seulement le goujon mais aussi la muse..

PYC : Oui mais alors doucement…

 Alors passer le pont , passer les ponts , se noyer dans le gave….se gaver de noyades juste pour trouver des jupons auxquels se raccrocher .
Il doit rester des lavandières et des pêcheurs d’azur.

 FJ : Lautréamont, Supervielle ; Léon-Paul Fargues un autre style que le mien… Une veine pyrénéenne venue de Montevideo plus aqueuse et moins solaire… mais pas du tout exempte de sensualité…

 PYC : Si vous le dîtes !

 Propos recueillis en cette veille pascale le 19 avril 1924 à Orthez pour la Gazette Alternative des Basses Pyrénées.

 par Pierre-Yves Couderc

 (1) Une nouvelle enquête inédite  du  professeur PYC président à vie  de l’académie des belles lettres du Haut-Béarn et de la Soule méridionale.

Le Chant (du coq) de Noël.

DownloadIl était une fois un coq jovial et reconnaissant à Mère Nature de lui donner si belle allure tandis que cocoriquant dès le soleil levant, il offre à multitude d’êtres humains pour le moins reconnaissants de quoi sourire à une douce journée afin d’entamer son avènement dans la joie et la couleur du temps … Ce coq, au demeurant bienveillant avec ses conquêtes auprès de qui il fait la fête, cocorique donc à tue-tête dès le début de la journée, ne cessant de faire le beau face à ses poulettes heureuses d’avoir auprès d’elles ce mâle dont les cordes vocales n’ont rien de désuet.

Un jour, avant que le nouvel an approche et tandis que les Hommes souhaitent voir sourire nombre de leurs proches bien avant que Noël ne vide leurs poches, certains d’entre eux décidèrent d’entraîner la basse-cour et le gallinacé à sa tête sur une Place Royale de la Ville où le Village de Noël est installé … ceci afin de réjouir les badauds et les enfants de passage venus admirer celui qui, la crête hérissée, la plume garnie et bien relevée, ses pattes rehaussées et tenant de ses ergots sa fierté chante dés le matin et pour la postérité.

Seulement voilà, le pauvre coq qui n’a rien d’un fanfaron « se trouve fort dépourvu » et pris d’effroi tandis que son œil appauvri sous les lampions de la ville demeurant allumés, lui donnant la nausée, a le tournis après seulement quelques jours passés dans ce Village de Noël où hélas, il n’est pas né, ni roi.

A ce jeu-là, le pauvre coq déboussolé ne cesse de cocoriquer, il cocorique tant sous les lumières du monde trépidant, et qu’il ne connait pas qu’il donne de la voix du soir au matin au risque de déplaire à quelques citadins fâchés avec le regain et ce qui hume bon le foin … la ferme et ses bons samaritains !

Moralité, j’espère qu’un hurluberlu des plus tordus parmi les humains peu enclins au chant du coq n’aura pas l’idée bête et saugrenue de confondre le bel animal avec un chapon, du reste, des plus originaux, mais qui nous le savons, finira ses jours dans le chaudron servant à l’appétit de gais lurons sur une tablée sacrificielle dont les humains sont friands à Noël.

– par Samie Louve.

Un quai de gare à Toulouse

Capture d’écran 2013-05-21 à 14.25.44Sur le quai fauve et noir empli de moiteurs sales,
Les âges se défont au rythme aigu des trains…
Voici longtemps. Peut-être en mai. Comme en rafales,
Des houles de joie ivre incendiaient mes reins.

J’avais les yeux ravis et comblés de l’enfance.
La magie à ma lèvre où fusait le bonheur,
Inondait le ciel chaud d’un rêve sans défense
Plus naïvement clair que l’envol d’une fleur.

La gare en fièvre s’agitait à perdre haleine ;
Le vent soûl balayait le matin finissant,
Et tout à coup je vis, dans un souffle de laine,
Sourire jusqu’à moi ton pas resplendissant.

Mes bras tendus au point de soulever le monde,
Capturèrent le baume ailé de tes cheveux
Alors que, titubante au bout d’un soir immonde,
Une vieille passait, les doigts fous et nerveux.

Nous étions le miroir béni de toute chose ;
Les chatoiements de l’heure embellissaient nos mains.
Irréelle et chantant, la fière ville rose
Alignait ses toits purs et ses féconds chemins.

Ô couple aveugle au temps dont saigne l’ombre infâme !
Ta jeunesse coulait en lumineux accords,
Et nul regard ne vint arracher cette femme
Au néant qui bientôt lui mangerait le corps…

Le même quai… plus tard, sans que tu me revoies.
Déjà rien que l’infime écume d’un grand jour,
A peine un blanc fantôme errant le long des voies
Tandis que, chargé d’ans, je titube à mon tour.

Ton image noyée au fond de l’amertume,
Est une eau pâle et trouble égarée en mes yeux,
Un murmure de soie enfoui sous la brume,
Une âme frissonnante au bord de vagues cieux.

Et le limon obscur des mois et des années
A glacé mon visage et fendillé mon cou ;
Si parfois j’ai bu tant d’espérances bien nées,
J’ai vingt fois du destin essuyé le vil coup.

Or là comme jadis, la foule bourdonnante
Gronde avec l’appétit d’un long fleuve qui croît ;
Comme jadis, au loin, charmeuse et fascinante,
Toulouse rit toujours dans le beau soleil roi.

Affaibli par cent maux où l’enfer se dessine,
Je longe le vieux quai plein de moites relents
Quand devant moi soudain, ô brûlure assassine !
Pareil au nôtre, un couple unit ses voeux tremblants.

Il ne me connaît pas. Les trains vont, à la file.
Une brise d’amour me flagelle et me mord.
Et vaincu, las de tout, pauvre chose débile,
Je m’abats sur le sol en épousant la mort.

– par Thierry Cabot

http://www.p-o-s-i-e.over-blog.net

http://www.youtube.com/watch?feature=player_embedded&v=OGfqc-XqoRg