Le feuilleton du découpage régional

le-difficile-decoupage-regional_1566483Une troisième édition du schéma de réorganisation des régions a vu le jour. Comme on pouvait s’y attendre, elle réjouit les uns et mécontente les autres. Les grandes nouveautés dans cette mouture concoctée par une partie de l’Assemblée nationale sont le passage à 13 régions, avec le regroupement de la Picardie avec le Nord-Pas de Calais, ainsi que le rattachement de la Champagne-Ardenne à l’Alsace-Lorraine et le rattachement du Poitou-Charente et du Limousin à l’Aquitaine.

L’Aquitaine devient ainsi une région très étendue et peuplée. Bordeaux devrait s’en trouver renforcée. La vocation côtière de l’Aquitaine se voit ainsi réaffirmée avec l’intégration de la Charente maritime. Mais le sud aquitain pourrait se sentir quelque peu délaissé. Ce ne sont pas seulement quelques femmes et hommes politiques qui regrettent un rattachement du Béarn à Midi-Pyrénées. Les arguments économiques et culturels développés dans la presse par ces élus restent valables. Ils mériteraient d’être repris.

Il est cependant douteux que les Basques se réjouissent d’être rattachés à Midi-Pyrénées. Dès lors on peut se demander si une scission des Pyrénées atlantiques n’aurait pas un sens. Ce serait dommage pour l’amitié des Basques et des Béarnais et aussi pour les régions intermédiaires. Mais il faut reconnaître que l’Aquitaine a vocation à regrouper toute la façade atlantique sud.

On peut se réjouir que la région Centre-Poitou-Charente-Limousin des précédents découpages ait fondu. Les commentateurs avaient attribué l’étendue de cette région projetée (près de 82000 km², soit le double de la région Aquitaine) au désir de satisfaire Ségolène Royal. On peut se demander si en fait François Hollande ne cherchait pas une position de repli pour lui-même après 2017. En tous cas, faire venir le Centre jusqu’aux portes de La Rochelle était exagéré, d’autant que le nord de la région Centre touchait les confins de l’Île de France. Le dernier découpage est plus équilibré. Cependant, on peut regretter que la Bretagne ne comprenne pas Nantes : historiquement et géographiquement, la Bretagne va jusqu’à Pornic.

Mais la principale question n’est pas dans la délimitation des régions. Plus fondamentale est la question du pourquoi et du comment. Cette course à la taille est-elle justifiée alors que des économistes ont souligné que « Small is beautiful » ? Les exemples de la République Sérénissime (Venise), des Pays bataves (Les Pays-Bas) qui ont été des états florissants semblent prouver le contraire. De nos jours le Luxembourg et la Suisse font preuve d’une belle santé malgré leur petite taille, ou en raison de celle-ci. N’est-il pas frappant qu’avec leur taille, les villes deviennent de moins en moins vivables et leurs habitants de plus en plus stressés ? Par ailleurs, la concentration rend tous les équipements plus coûteux et elle renforce le coût de l’habitat. Enfin, les déplacements de plus grande ampleur feront peut-être monter le PIB ; mais de façon nuisible, et pas de manière utile à notre compétitivité ou à la planète. A l’inverse, le dépérissement d’un maillage serré risque de renforcer les déséquilibres territoriaux.

Un autre problème va rapidement surgir : à quelle ville donner la gouvernance d’une région ? Ne faudra-t-il pas donner des compensations d’une sorte ou d’une autre aux villes déchues de leur rôle de capitale régionale ? Le dédoublement des services préfectoraux entre Bayonne et Pau laisse craindre que les regroupements restent bien théoriques, à moins que soit trouvé un mode de partage des responsabilités qui soit suffisamment habile. Or, force est de reconnaître que la réflexion sur ce point n’a pas été engagée, au moins en direction du grand public. La navette entre le Sénat et l’Assemblée nationale fera-t-elle avancer les choses sur ce plan ?

Jean-Paul Penot