Mains propres

HGJ’aurais aimé m’abstenir de commenter deux affaires politico-financières, et je suis triste d’avoir à le faire. Triste pour nos institutions, triste pour notre pays. Comme le dit Henri Guaino, ancienne plume de M. Sarkozy, c’est très grave.

Oui, c’est grave qu’à nouveau un ancien Président de la République soit mis en examen. Oui, c’est grave qu’un ministre du budget soit suspecté de fraude fiscale. Oui, c’est grave que nos mœurs acceptent que les parlementaires disposent d’une « réserve » leur permettant d’arroser leur territoire en vue d’une réélection. Cette facilité, qui initialement pouvait avoir quelque fondement pour traiter des situations difficiles, aboutit à fausser le jeu de la démocratie. Mais que dire de l’impact de sommes très importantes versées lors de l’élection majeure du pays, l’élection présidentielle. La presse fait état de

« sept virements suspects, opérés à partir des comptes suisses du couple Bettencourt entre 2007 et 2009. Au total, une somme de 4 millions d’euros a transité par l’intermédiaire des organismes de compensation. Le magistrat dispose des reçus et des déclarations de l’intermédiaire qui allait retirer les sommes en liquide : cinq fois 400.000 euros et deux fois un million. Particulièrement visés, les retraits opérés en février et avril 2007, en pleine campagne présidentielle » (Le Monde du 23 mars 2013)

Ce ne sont plus de simples « petites enveloppes » de 100.000 euros. Comme d’autres suspicions s’ajoutent (l’affaire de Karachi lors de la campagne électorale de M. Balladur, l’aide de M. Khadafi, selon un de ses proches, sans parler d’autres affaires plus ou moins suspectes), on comprend que le citoyen ordinaire sourit lorsqu’il entend un ténor déclarer qu’il est impensable de mettre en doute l’intégrité de l’ancien Président de la République. Malheureusement, son prédécesseur a non seulement été mis en examen, mais condamné à deux ans d’emprisonnement (avec sursis) pour « abus de confiance », « détournement de fonds publics » et « prise illégale d’intérêt ». M. Chirac n’a pas fait appel et l’affaire n’a peut être pas eu l’effet dissuasif que les citoyens auraient pu désirer. La preuve : notre pays se trouve bien proche de l’état de l’Italie de M. Berlusconi. Et la classe politique dans son ensemble se trouve éclaboussée.

Si plusieurs hommes politiques ont fait montre de retenue et rappelé le principe de présomption d’innocence, d’autres se sont exposés dangereusement. Il en est ainsi de M. Guaino. Et, comme il le dit, c’est très grave. Qu’un proche du pouvoir exécutif et présentement député tombe ainsi sous le coup de l’article 435-25 de la loi en déclarant « Cette décision [la mise en examen de M. Sarkozy] est indigne et je pense qu’elle est irresponsable » et qu’il mette en cause la justice qui devrait être indépendante des pouvoirs exécutif et législatif en dit long sur l’estime que certains hommes politiques ont pour les institutions et les citoyens. Oui, cela salit la République et nous salit tous.

« Mani pulite » (mains propres) a coûté la vie à plusieurs juges de l’autre côté des Alpes et gâché la vie de beaucoup d’autres. On peut vouloir ne pas en arriver là.

– par Paul Itologue

Béarn – Bigorre : Le point de vue de Marc Cabane

Capture d’écran 2013-03-12 à 12.18.43Marc Cabane a passé toute sa carrière au service de l’État. Sous-préfet, préfet, en poste dans l’administration centrale parisienne, il aura eu de nombreuses fois l’occassion se pencher sur l’organisation territoriale. Lire la suite « Béarn – Bigorre : Le point de vue de Marc Cabane »

Argent et politique : Dédicace à Messieurs Braud & Sango

finacement-parti-politqueLes affaires récentes du sénateur UMP Serge Dassault, de la députée PS Sylvie Andrieux et celles en cours (Karachi, Woerth, Bettencourt, Guérini,…) montrent encore et toujours le rôle prépondérant de l’argent comme facteur clé de succès en politique.

A ce sujet, le  texte ‘les financiers et la démocratie’ de Francis Delaisi devrait être classé parmi les classiques tant sa critique du système reste d’actualité (réédition de 1936 disponible sur demande dans ma bibliothèque personnelle).

Pourtant, au-delà des affaires frauduleuses et médiatisées, une analyse des dépenses de campagne des élections législatives nous permettra de mettre à jour des pratiques qui bien qu’elles soient légales n’en sont pas moins révoltantes car en négation avec l’esprit démocratique.

Pour illustrer ‘le mensonge de notre démocratie’ (Cf. Etchegoyen-1993, également dispo sur demande), nous avons donc croisé les résultats des élections législatives en Aquitaine (source  interieur.gouv.fr) avec les montants des comptes de campagne (source cnccfp.fr).

Les montants des dépenses de 2012 n’étant pas encore disponibles, nous nous sommes basés sur ceux de 2007 (croisement avec les résultats de 2007).

Nombre de circonscriptions : 24

Nombre de candidats : 344

Total des dépenses : 3 931 887 €

Moyenne des dépenses par candidat : 11 430 €

Ce montant moyen de dépenses peut déjà nous interpeller car il met d’emblée sur la touche tout citoyen au SMIC. En mettant 100 € de côté chaque mois, notre smicard aquitain devra patienter 10 ans avant de pouvoir se présenter avec un budget moyen.

En réalité seul un héritage inattendu ou un endettement supplémentaire via un prêt à la consommation à un taux usurier lui permettra de participer au jeu démocratique.

En affinant les données, nous obtenons les résultats suivants :

Nombre de candidats au 2ème tour : 55

Total des dépenses des candidats du 2ème tour : 2 335 850 € 

Moyenne des dépenses par candidat du 2ème tour : 42 470 € 

Moyenne des dépenses du reste des candidats : 5 523 €

Ces chiffres mettent en évidence de manière factuelle le caractère élitiste de nos suffrages faisant virée notre démocratie en ploutocratie.

En 2007 et en Aquitaine donc, un candidat du 2ème tour a dépensé 7 fois plus d’argent qu’un candidat non admis. En économie, on appelle ça une barrière à l’entrée.

Cadeau pour les matheux, le coefficient de corrélation entre le nombre de voix obtenues et le montant des dépenses est de 0,83. Le niveau assez élevé (maximum étant à 1) de ce coefficient nous amène à croire en l’existence d’une causalité entre le montant dépensé lors d’une campagne et le nombre de voix obtenus.

Autrement dit, les voix peuvent s’acheter et ceci de manière officielle : 2,71 € la voix.

On comprend d’autant moins pourquoi certains candidats poussent le vice jusqu’à acheter des voix de façon illégale !

Pour mémoire ci-dessous le total des dépenses des élus aux législatives de 2007 pour les P.A:

Mme  Martine  LIGNIERES-CASSOU (1ère circo) : 42 032 €

M.  François  BAYROU (2ème) : 32 525 €

M.  David  HABIB (3ème) : 60 556 €

M.  Jean  LASSALLE (4ème) : 58 258 €

M.  Jean  GRENET (5ème) : 40 691 €

Mme  Michèle  ALLIOT-MARIE (6ème) : 43 779 €

Moyenne des dépenses : 46 307 €

Certes ! diront nos députés mais nous respectons la loi (entendre nous ne dépassons pas le plafond des dépenses). Je ne pourrai effectivement pas dire le contraire.

Cependant, je n’oublie pas que ce sont ces mêmes députés qui ont voté le code électoral et ont donc fixé le plafond des dépenses ; un peu à la manière de la loi d’amnistie de 1990.

Certes ! diront encore nos députés mais nous avons quand même permis à ceux qui font 5 % des suffrages d’être remboursés. Je ne pourrai effectivement pas dire le contraire.

Cependant, je me permettrai de mentionner qu’avec ce taux, 73% des candidats aquitains ont mangé leurs économies ayant réalisé un score inférieur à 5%.

Aimant donner des leçons de démocratie à l’étranger notre vieille république n’en finit plus de mensonge et d’hypocrisie. Jésus disait il y a plusieurs millénaires déjà :

« Pourquoi vois-tu la paille qui est dans l’œil de ton frère, et n’aperçois-tu pas la poutre qui est dans ton œil ? Ou comment peux-tu dire à ton frère : Laisse-moi ôter une paille de ton œil, toi qui as une poutre dans le tien ? Hypocrite, ôte premièrement la poutre de ton œil, et alors tu verras comment ôter la paille de l’œil de ton frère. »

A la reprise de cette parabole, je comprends à présent les notions de sacré et d’immuabilité à ne pas confondre avec immobilité comme l’avait bien spécifié René Guénon.

Peut-être faut-il voir dans la résurgence du fait religieux, non pas un repli identitaire comme aiment à le croire nos sociologues repris par nos politiques, mais simplement l’évidence que nos chanteurs, nos sportifs et nos politiques pipolisés et décadents ne peuvent donner l’espoir.

Au moment où le Pape tire sa révérence, le peuple italien montre peut-être la voie.

DS vous serez bientôt entendu. Ne désespérez pas !

– par Mehdi Jabrane

Questions à Jean-Pierre Bel

arton5971Jean-Pierre Bel est passé à Oloron pour soutenir son ami, François Maïtia dans sa campagne pour les élections législatives. Une occasion de poser quelques questions au Président du Sénat sur le cumul des mandats.
Une quasi-certitude ressort de cet entretien. Il y aura bien une loi limitant le cumul des mandats. Jusqu’où ira-t-elle ? Cela reste à voir.

Alternatives Paloises – Vu l’état de la Nation, les représentants des Français à l’Assemblée Nationale comme au Sénat, ne devraient-ils pas être disponibles complètement à leur mission, ce qui impliquerait la fin, pure et simple, de tout cumul ?
Jean-Pierre Bel – Vous parlez de la fin de tout cumul alors que notre projet concerne le cumul d’un mandat parlementaire avec une présidence d’exécutif local. C’est le Sénat justement conservateur qui a bloqué cette réforme.
En ce qui concerne le Parti Socialiste, nous nous sommes exprimés et sommes bien entendu favorables à la limitation des cumuls des mandats. Mais, ce n’est pas non plus à mon sens un sujet qu’il faut regarder de façon manichéenne. Je fais allusion au contexte, aux exigences des citoyens et elles sont parfois un petit peu contradictoires.
Il faut aussi prendre en considération d’autres arguments. D’abord, je tiens à rappeler que, à titre personnel, je me suis mis au mandat unique. J’ai été conseiller général, conseiller régional et maire. Je suis aujourd’hui uniquementsénateur parce que je le pouvais et que je ne voulais pas mettre en difficulté un territoire auquel je suis tellement attaché.
La limitation du cumul des mandat se fera avec notamment la limitation des exécutifs locaux, maire, président du conseil général, président du conseil régional.

Alternatives Paloises – La gestion de nos territoires est chaque jours plus complexe. Comment des élus qui cumulent, peuvent-ils bien par contre maitriser des sujets toujours plus techniques alors qu’ils ont, par leurs mandats cumulés, des missions très différentes les unes des autres ? Cette situation ne conduit-elle pas à passer le pouvoir réel à une « serviciocratie territoriale ou nationale » qui laisse seulement aux élus les honneurs et les indemnités ? Comment, M. Le Président, rendre ce pouvoir aux représentants élus de la population ?

Jean-Pierre Bel – Votre manière d’aborder le sujet est tout à fait légitime. Je pense par contre que vous vous trompez. Avant le projet de loi qui mettra fin au cumul des mandats, je ne suis pas sûr que les élus ont conçu leur mission comme cela…

Alternatives Paloises – Mais, ils la subissent alors…
Jean-Pierre Bel – Avec André Labarrère, pour l’exemple, vous aviez des élus qui étaient complètement dévoués à l’intérêt général et qui se sont consacrés à leur engagement politique de façon totalement désintéressée. Ils estimaient qu’ils devaient être à la fois maire et conseiller général. Dans certains territoires, on leur demandait même de faire cela (ndlr : cumuler).
Lorsque j’ai été élu conseiller général de Lavelanet, j’ai considéré que c’était largement suffisant. Mais, dès que l’élection municipale s’est approchée, j’ai eu tellement de concitoyens qui sont venus vers moi pour me dire : « il faut absolument que tu te présentes aux municipales, c’est le seul moyen de récupérer la ville sur la droite ». Ce que j’ai dû faire à la fois pour le canton et pour la ville.
Je me suis dis : « Ce sont les mêmes qui me parlent du cumul des mandats et qui voudraient que je sois candidat après avoir été élu aux cantonales ! « . Une fois élu maire, j’ai démissionné de mon mandat de conseiller général pour exercer mon mandat de maire.

Le sujet est complexe et je vous demande de le prendre comme cela. Il n’y a pas, d’un côté les élus qui cumulent parce qu’ils voudraient je ne sais quels honneurs ou s’enrichir, et de l’autre ceux qui sont complètement désintéressés.

Cela dit, je pense qu’il faut aujourd’hui aller vers une étape décisive car nous avons besoin, j’allais dire, de renouveler la « classe politique ». Je n’aime pas cette notion-là. Parlons plutôt de personnel politique, des responsables, des élus. Il est aussi nécessaire de féminiser et de rajeunir les élus. Le moment est venu.
Je ne porte pas non plus de jugement sur ce qui s’est passé avant. Le contexte était différent.

Alternatives Paloises – La question était plutôt que vu la masse de travail qu’un élu « cumulard » doit faire, cela donne nécessairement plus de pouvoir aux services qui du coup peuvent être moins contrôlés et cela dure depuis des dizaines d’années…
Jean-Pierre Bel – C’est vrai. C’est une conséquence du cumul des mandats. Je ne vais pas être le seul à parler…
J’ai constaté, en tant que président de groupe des sénateurs socialistes pendant 7 ans, que certains à la fois président de Conseil Général et sénateur, étaient amenés à être plus présents que d’autres qui n’avaient pas de telles responsabilités. J’ai été obligé de me réinterroger sur un certain nombre d’idées que je pouvais avoir au départ.

– propos recueillis par Hélène Lafon et Bernard Boutin

4 juin 2012

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