Maire rural et modernité

Un maire se doit d’être « bon pour tous » entendait-on dans les petites communes rurales au milieu du précèdent siècle.
Actuellement et comme avant, ils gèrent leur commune du mieux qu’ils peuvent. Mais est-ce suffisant lorsque tout évolue ?

Les maires ruraux s’appliquent notamment à écouter la volonté des habitants, à œuvrer pour le développement de leur village et à réaliser les projets qui font consensus. Ainsi entendons-nous souvent des slogans comme : « C’est ce que veulent les gens », «Si on ne se développe pas, on crève » ou encore « On en parle depuis vingt ans ».
La situation de mon village donne quelques éléments de réflexion sur cette gouvernance dans un contexte de transformation de la société.

La population de mon village a crû de 50% depuis 1998. Elle a dépassé les 300 habitants. Des pavillons sont toujours en cours de construction ou en projets et des terrains sont encore en vente.
Cet accroissement de la population n’est pas principalement lié à l’activité locale (rurale) mais à la proximité d’un axe de mobilité ainsi qu’à la valeur relativement faible du m² constructible par rapport aux centralités principales. La présence d’une école fonctionnant dans le cadre d’un regroupement pédagogique serait également facteur d’attractivité. Curieusement la qualité des paysages semblerait secondaire.

« C’est ce que veulent les gens ».
Lors de l’élaboration de la Carte Communale, tout propriétaire foncier et sa famille (encore 2/3 de la population) souhaitaient avoir au moins un terrain classé constructible ; en prix, ~2.000 m² constructibles équivalent à ~4 ha. de terre agricole.
~20% de propriétaires et de leurs familles ont bénéficié d’un tel classement (*). Les autres, résignés, « rêvent encore » que leur tour viendra lors d’une prochaine révision. D’ailleurs l’urbain s’étale toujours et la demande de terrains constructibles reste localement soutenue.
L’espace rural est-il un bien commun ou un bien marchand ? Les élus prennent-ils vraiment en compte l’intérêt général (**) ?

« Si on ne se développe pas, on crève ».
L’arrivée de quelques jeunes ménages a permis de conforter et récemment d’y maintenir le fonctionnement d’une classe. Toutefois, la scolarisation d’un enfant en primaire est courte. Chaque année les parents d’élèves font la « chasse » aux nouveaux élèves pour conserver les effectifs en primaire ou maternelle et garder les classes ouvertes. Mais les nouveaux arrivants font aussi d’autres arbitrages. Le village devra donc continuer à attirer de jeunes ménages encore longtemps.
Dans un pays où la croissance démographique est faible, ce jeu ne finira-t-il pas par avoir plus de perdants  que de gagnants ?

« On en parle depuis vingt ans ».
Avec l’accroissement des ressources budgétaires dû à l’installation de nouveaux habitants, la construction d’une mairie a pu être lancée (coût : ~200.000 Euros). Le temps d’ouverture hebdomadaire au public de 9,5 heures, réparties sur trois demi-journées, sera vraisemblablement reconduit. L’inauguration est prévue en juin. Elle rassemblera certainement tous les notables et élus des environs.
Les problématiques (mobilité, emploi, énergie, garderies et autres activités socioculturelles par exemple) propres aux nouveaux résidents, n’auraient-elles pas été tout aussi prioritaires ?

Ces exemples témoignent que nos arbitrages peuvent aller à l’encontre de l’intérêt général.
Ils suggèrent aussi que l’organisation territoriale hiérarchisée, avec à la base les communes et leurs élus, (soi-disant) proches des citoyens, ne sait pas mieux répondre aux mutations actuelles (prédominance des réseaux et des flux) que les (soi-disant) élites qui nous gouvernent.
« Faire de son mieux », ne garantit plus de « faire bien ». D’autres modes d’organisation locale (réseaux) et/ou de pratiques démocratiques (participation, partage) sont certainement à envisager, y compris en milieu rural et notamment dans la perspective de fusions de communes. Ce n’est pas forcément simple.

Larouture

Crédit photo : https://fr.wikipedia.org/wiki/Fichier:D%C3%A9mocratie_Ouverte.png

 

(*) : La valeur foncière agricole et naturelle totale de la commune dont la superficie est d’~1.000 ha, est de l’ordre de 8 millions d’euros. La plus-value foncière apportée par les terrains classés constructibles et commercialisés au cours des 20 dernières années est
d’~2 millions d’Euros (hors évolution du prix du foncier).
A noter que les propriétaires n’y sont pour rien…
A noter également que la rétention foncière est faible. En fait elle est généralement surestimée lors de l’élaboration des Cartes Communales ou PLU. Tous les élus locaux et leurs représentants se sont bien entendus sur ce point. Celui-ci a concouru à accroître l’étalement urbain et me semble être un biais important dans l’objectif des lois SRU de limiter cet étalement.
La Carte Communale de mon village qui devait être révisée en 2013 avec une réduction de moitié des zones constructibles, court toujours. Elle est encore dans l’attente de l’élaboration d’un PLU Intercommunal. Pour l’instant l’urbanisation du village (et des environs) semble régie par « Stéphane Plazza »…
De manière générale, l’étalement urbain étant maintenant un fait, je pressens qu’il est urgent pour tous les élus locaux d’accroître leur maîtrise sur le foncier, qu’il soit constructible, agricole ou naturel. A cet égard, je note une certaine réserve dans l’utilisation de la procédure de préemption. Préemption est peut-être assimilée à expropriation.

(**) : Un rappel actualisé d’un commentaire sur A@P concernant les assises du foncier agricole du 18/11/2011 à Aicirits, organisées par la Chambre d’Agriculture sur la problématique « étalement urbain et consommation de terres agricoles ».
Le Maire de Pardies-Piétât qui représentait le Président de l’Association des Maires du Département M. Habib, indiquait que les politiques locales d’aménagement correspondaient à l’attente des électeurs.
M. le Sous-Préfet de Bayonne rappela dans son intervention qu’il n’était pas non plus interdit qu’un élu local s’intéresse à l’intérêt général.
Il n’est pas sûr que le maire de Pardies-Piétât ait entendu cette remarque car il conversait en aparté avec un autre élu. Le maire de Mouguère, je crois.
Cette remarque, voire cette remontrance vis-à-vis d’un élu, m’avait semblé bien impertinente de la part d’un commis de l’Etat mais aussi bien judicieuse. Peut-être était- elle également le signe d’un fonctionnaire à fort potentiel.
Ce sous-préfet a été nommé en 2017 à la tête de la DGSI (Direction Générale de la Sécurité Intérieure) et occupe actuellement le poste de secrétaire d’Etat auprès du ministre de l’intérieur.
Si chemin faisant il a certainement dû recadrer bon nombre d’élus, le voilà qui maintenant reçoit des leçons de leur part …

Pau en quelques chiffres

Dans l’un de ses récents articles, « Bayrou maquille Pau » paru dans les colonnes de Alternatives Pyrénées, le 24 juin 2018, Daniel Sango dresse une image peu reluisante de la situation actuelle de notre ville. Il existe de nombreuses statistiques pour matérialiser ses propos.

En tout premier lieu, ce n’est pas un scoop, la population de Pau est en baisse de façon que certains jugeront importante et significative. En 2007, au plus haut, la ville de Pau aurait compté 84 978 habitants selon l’INSEE. Bien que ce chiffre soit actuellement contesté par ceux qui disent qu’il y avait en réalité entre 80 500 et 81 000 habitants à cette date, il faut bien admettre que la population a baissé si l’on s’en tient au recensement de 2015 : 77 215 habitants. Alors moins 7 700 habitants ou moins 3 200 habitants, le débat reste ouvert. Cependant ce qui reste significatif est une tendance régulière à la baisse.

Autre chiffre également significatif, le taux des logements vacants de la ville. Toujours selon l’INSEE, il se situait en 2015 (nous ne disposons pas de chiffres plus récents) à 15% de l’ensemble des logements. Ce chiffre est considéré comme élevé surtout lorsqu’on le rapporte à la moyenne nationale qui est de 7,9% et à la moyenne régionale qui est de 8,5%. Comme le dit Daniel Sango : « …les logements ne correspondent plus aux souhaits des habitants […] La classe moyenne l’a (le centre ville) quitté… ».

L’opposition a récemment établi, avec l’aide d’un huissier, l’état des commerces du centre ville. Le nombre des pas-de-porte en déshérence est impressionnant. Les chiffres ainsi fournis sont évidemment contestés par la majorité. Alors au delà de la bataille des chiffres que chacun pourra utiliser à sa guise, entre les commerces qui existent et ceux qui vont bientôt s’implanter, il reste une certitude : lorsqu’on marche dans les rues de Pau le spectacle de ces vitrines vides, « à louer » ou « à vendre » saute aux yeux. Cette même opposition évoque la situation antérieure à 2014 et précise, qu’à cette époque, il n’y avait que 2 commerces fermés rue Serviez, aucun au Palais des Pyrénées, 4 rue Louis Barthou et Henri IV, 4 rue Joffre. Ne parlons pas du centre Bosquet où, après la réintégration de son implantation initiale par les Nouvelles Galeries, il ne restera pas grand chose.

On rétorquera avec raison que bon nombre de villes de la même importance que Pau connaissent une situation comparable. Mais lorsque l’on sait que le motif le plus réel de la fermeture des commerces des centre ville est l’extension des zones commerciales en périphérie, il faut bien s’interroger pour savoir qui autorise ces extensions. Ce sont évidemment les politiques qui délivrent des permis de construire. Ainsi dans l’agglomération paloise, on a vu s’agrandir les galeries marchandes, de Leclerc (Tempo), et de Carrefour. On a vu se créer des zones sur la route de Tarbes. On a vu fleurir des drives (Auchan). Ces extension ou créations sont estimées à plus de 10 000 m². Mais ce n’est pas fini, une zac à proximité de l’hippodrome est en train de voir le jour, on pourrait parler également du futur casino. Ces projets dont il serait ici fastidieux de fournir la liste sont estimés à une surface de 10 000 m². Alors messieurs les politiques, qui est responsable de la désertification du centre ville ?

Et pour clôturer cette énumération, lorsqu’on nous dit que les impôts locaux baissent, malgré une bonne volonté pour le croire, il faut se rendre à l’évidence. Pour ce qui me concerne, lorsque je fais le cumul de la taxe d’habitation et de la taxe foncière, je constate que sur les cinq dernières années ce que je dois payer a augmenté de 3,5%. Dans le même temps l’inflation n’a été que de 1,74%. Ne parlons pas de l’augmentation du prix de l’utilisation des transports en commun, cela a déjà été dit dans ces colonnes.

Alors que faire ? Faut-il se résigner et dire que cette évolution est dans la nature des chose, que tout ce qui se passe à Pau est inéluctable ? La principale préoccupation est certainement de vouloir réanimer le centre ville en facilitant son accès. Le BHNS apportera peut-être une réponse mais pas autant que déclaré. La gratuité des transports au moins pourrait être envisagée de façon périodique, en fin de semaine par exemple. Il existe une possibilité importante de stationnement du côté de la gare SNCF, (à proximité de ce qui était le SERNAM) avec un funiculaire plus adapté. Les économies seraient en partie possibles en abandonnant ce curieux projet d’une salle de spectacle au Foirail et en économisant sur les frais du Grand Prix.

Lorsque l’on écoute les commerçants du centre ville de Pau on ne peut que constater leur désarroi, leur situation est difficile et, de ce fait, l’image de notre ville en pâtit.

Pau, le 3 juillet 2018

par Joël BRAUD

crédit image : techniques-ingenieur.fr

Pau rétrograde

imagesLa mise en place de la région apporte des modifications dans le classement des villes à plus forte démographie. Si jusqu’à ce début 2016, la capitale béarnaise était la deuxième ville de l’Aquitaine en termes de population, elle vient de rétrograder en 4 ème position. Plus grave sa population décline régulièrement. Existe-il un moyen de renverser la tendance et de mettre fin à cette hémorragie ?

L’INSEE vient de publier les chiffres du dernier recensement de 2013. Selon cet organisme qui est considéré comme étant la référence dans le domaine, la ville de Pau ne compte plus que 77 573 habitants. Oui, « ne compte plus que », parce que ce chiffre est en baisse depuis 2007. En 2006 on recensait pour la ville 83 903 habitants, puis 84 978 en 2007 pour passer ensuite à 84 036 en 2008.
Depuis 2008 la baisse est constante. Ce sont donc entre 2007 et 2013, 7405 habitants qui ont déserté la capitale béarnaise, soit 8,71%.

Promenez vous dans la ville et amusez-vous à compter les pas-de-porte commerciaux qui sont fermés, vous pourrez ainsi concrétiser un certain malaise. Les rues les plus atteintes par cette déshérence sont la rue des Cordeliers et la rue Carnot auxquelles il faut ajouter le centre commercial Bosquet dont les magasins continuent à ne pas trouver de repreneurs. D’ailleurs ce centre que nous avons connu dynamique, devient triste et peu achalandé (achalandé :qui a de nombreux chalands, c’est-à-dire de nombreux clients). En raison de l’état dans lequel il se trouve maintenant, il est difficile d’imaginer son renouveau.

Ce bien pénible constat ne permet pas de connaître les causes du dépeuplement de la cité. Une autre question vient à l’esprit, celle de savoir s’il est ou non réversible. Pourquoi cette baisse de la population a-t-elle débuté en 2007 ? Que des villes d’importance comparable connaissent la même évolution ne justifie rien, ni n’apporte d’explications à la situation particulière de Pau.

La pression fiscale locale ne cesse de croître et cela plus vite que l’inflation. Les élus affirment le contraire mais plus personne ne les croit. Cet élément devient décisif dans le choix des acheteurs de biens immeubles. Ainsi tous les professionnels de l’immobilier le reconnaissent, la question sur le montant des taxes, qu’elles soient d’habitation ou foncière, est systématique et pèse sur la décision de l’éventuel acquéreur. Pau est d’ailleurs la plus fortement imposée des villes de l’agglomération ; il ne faut pas chercher ailleurs le fait que la population de ces dernières augmente à l’inverse de celle de la capitale du Béarn.

Les transports sont également un élément qui ne peut être ignoré. A trop vouloir dissuader de l’utilisation de la voiture dans le centre de la ville, on finit par décourager les éventuelles installations. Le coût du stationnement en surface a augmenté. Le prix minimum accepté par un parcmètre est passé de 0,40 à 0,50 euro. Les transports en commun ont récemment augmenté, le prix d’un trajet est passé de 0,82 euro à 0,84 euro, soit une hausse de 2,43%, au delà de l’inflation. Sont-ce là les meilleurs choix pour rendre la ville attirante et facile à vivre ? La mise à la disposition du public de véhicules de location par la municipalité s’est révélée être un fiasco.

Enfin et cet élément est sans doute un des plus déterminant, les commerces du centre ville n’attirent plus comme auparavant. L’implantation de nombreux centres commerciaux en périphérie, disposant de stationnements gratuits et de galeries marchandes dont les surfaces ne cessent de s’accroître rend de moins en moins attrayant le choix d’une domiciliation à Pau. Quel intérêt d’habiter à Pau quand l’accès aux grandes surfaces se fait très aisément depuis une autre ville de l’agglomération ?

Pau est donc devenue la quatrième ville de la nouvelle grande région aquitaine, elle est devancée par Bordeaux, Limoges et Poitiers. Cette situation semble irréversible, à moins que les élus, au lieu de clamer inutilement que notre ville est une grande ville, acceptent de mieux gérer son budget pour qu’elle perde son image de la ville la plus lourdement taxée de la région. Alors peut-être de nouveaux habitants viendront s’installer. D’ici là il y a de l’eau à passer sous le pont du XIV juillet.

Pau, le 7 janvier 2016
par joël Braud