Pauvres pibales !

civelle-223771-jpg_114374La pibale, appelée aussi civelle, est l’alevin d’anguille. Autrefois très abondantes, elle fait maintenant partie des espèces en voie de disparition. Mais où s’arrêtera donc la « scupidité » des hommes, a commencer par nos pêcheurs professionnels de l’Adour?

L’anguille, comme le saumon, est un poisson dont le cycle de reproduction est héroïque. L’anguille meurt vers 15 ans dans la mer des Sargasses, après avoir donné naissance à ses alevins. Ces minuscules vermicelles vont entamer un long et périlleux voyage de 6000 km qui durera un an pour les amener vers la fin de l’année dans l’embouchure de nos rivières. Elles en remonteront le cours pour y grandir, avant d’entamer un nouveau voyage sans retour vers le Golfe du Mexique.

Très abondantes il y a quelques décennies, les anguilles sont les victimes de l’homme, de ses pollutions, des barrages, de la surpêche de ces alevins qui maintenant se vendent près de 1000 euro le kilo.

Les  35 pêcheurs de l’Adour ont décidé de manifester entre autres en barrant le port de Bayonne le 13 novembre. En effet, leur quota de pêche de 850 kg par an est atteint et ils veulent continuer de pouvoir prélever des alevins, car l’année est bonne.

Qui perdra ? les chères pibales, c’est sûr.

Au delà de la « scupidité » qui consiste a ne pas vouloir se conformer à un quota, fruit de négociations avec les scientifiques, c’est toute une approche de l’activité durable qui est en cause. C’est exactement le même problème que pour les saumons, eux aussi attendus par un labyrinthe de filets dès leur entrée dans l’Adour  ( » Ours, saumons, anguilles, même combat » AP du 29 mars 2010).

Comment faudra-t-il expliquer aux Basques et Béarnais qu’un saumon vivant, pêché à la ligne par un touriste rapporte beaucoup, mais vraiment beaucoup plus que le même poisson dans la filière de la pêche professionnelle ?

Comment faudra-t-il expliquer qu’une rivière poissonneuse est un investissement touristique majeur.

Les Irlandais, Ecossais, Norvégiens, Islandais, …etc, eux, l’ont bien compris.

par Daniel Sango

Ours, saumons, anguilles, même combat !

oursL’ours alimente une controverse, parfois violente. Faut-il les exterminer pour qu’un élevage extensif occupe les Pyrénées ? Le saumon est en voie de disparition alors que dans le passé il constituait une nourriture banale du Béarnais. Jusqu’à l’anguille devenue espèce en danger ! Où nous arrêterons nous dans la destruction de la nature de notre région ?

J’ai grandi dans le piémont Pyrénéen, à une époque où la canne à pêche et les promenades dans les bois remplaçaient la télévision, le portable et les jeux électroniques. La patiente observation de la nature vous forge une admiration sans borne pour ses merveilles. Dans les années 50 et 60 il y avait une cinquantaine d’ours dans nos Pyrénées. J’ai vu mon père pêcher cinq saumons dans la matinée, les saumons de début de saison de plus de 10kg n’étaient pas rares (jusqu’à 14 kg) et moi même, du haut de mes 15 ans, avec ma petite canne à truite, j’ai eu l’occasion de lutter avec des bécards, ces saumons qui vont redescendre après avoir frayé…

Cinquante ans plus tard, il reste 2 ou 3 ours autochtones, les saumons du gave d’Oloron sont en voie de disparition (moins de 100 ont été capturés en 2009), et comble des combles, l’anguille, autrefois poisson banal et très abondant est en péril ! Pourquoi le béarnais ne peut-il comprendre que cette biodiversité magnifique est son avenir ?

Dans le monde, même les populations les plus primitives ont compris que la protection de la biodiversité est une vraie ressource durable. Au Kenya, les Massaïs ont accepté des contraintes pour permettre aux lions de la savane de cohabiter avec leurs bovins (et ils sont bien moins remboursés que nos bergers tout en subissant des contraintes bien plus importantes…) Plus près de nous, dans les Carpates, en Italie ou en Espagne dans les monts Cantabrique, les populations et les ours cohabitent, leur nombre augmente à nouveau. Et ne parlons pas des grands parcs américains où les touristes observent de près les très nombreux plantigrades.

Les Ecossais ont compris depuis bien longtemps que si un saumon pris par un pêcheur professionnel lui rapportait 100 euros, un saumon pris à la canne par un touriste rapportait plus de 1000 euros.

Comment peut-on aujourd’hui continuer a accepter que l’on pêche les pibales, ces alevins d’anguilles qui viennent de traverser l’Atlantique pour venir grandir dans nos rivières ? Pour 1 kg de pibales dans la poêle, c’est 3000 alevins d’anguilles éliminés ! Et comble du surréalisme, alors que l’anguille est classée espèce en danger, le quota des pêcheurs professionnels de pibales passe de 1,4 à 4 Tonnes !!!

L’évolution de l’élevage dans nos Pyrénées occidentales doit être durable. La situation traditionnelle d’estives où le berger, présent en permanence, faisant son fromage, surveillant ses brebis, doit être préservée. Il ne doit peut être pas en être de même pour un élevage pour la viande, ou les éleveurs veulent pouvoir laisser en liberté totale leurs animaux sans quasiment aucune surveillance. De manière à favoriser l’accès des éleveurs, on a aussi multiplié les routes et pistes défigurant durablement nos paysages, perturbant les derniers habitats de l’ours. Il faut que les éleveurs et surtout les habitants des vallées (car ce ne sont pas toujours les mêmes) comprennent qu’une solution permettant la cohabitation entre bergers et ours est possible, à condition de le vouloir. L’Europe devient plus écologique et seules les activités durables seront subventionnées dans ces zones qui restent encore un peu un exemple de ce qu’était notre planète avant qu’elle ne soit dévastée par l’homme.

L’avenir des Pyrénées c’est sans doute d’être un grand Parc International dans lequel les activités autour du tourisme seront durables : randonnées, observation de la nature, pêche sportive « no kill », gîtes et logement chez l’habitant qui deviendra un hôte et un guide, mais aussi élevage traditionnel, exploitation forestière organisée, …etc

Les habitants des vallées ont un avenir, avec des métiers enviables s’ils participent activement à bâtir un tourisme écologique de qualité.

L’Ours, le saumon, l’anguille sont l’avenir du Béarn, les minorités égoïstes doivent le comprendre.

– par Daniel Sango